CA Douai, 1re ch. sect. 2, 19 septembre 2024, n° 22/04351
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Apic (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Courteille
Conseillers :
M. Vitse, Mme Galliot
Avocat :
Me Deffrennes
EXPOSE DU LITIGE
M. [L] [U] et Mme [S] [M] sont propriétaires d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 3]. Suivant devis du 07 décembre 2017 d'un montant de 29 062, 47 euros TTC, ils ont confié à la SARL Apic divers rénovations de leur immeuble notamment le remplacement des menuiseries, l'installation d'une verrière, la création d'une salle de bain et la pose de volets.
Le 29 octobre 2018, M. [U] et Mme [M] ont adressé à la société APIC une mise en demeure par courriel d'avoir à reprendre les travaux, interrompus depuis le mois d'avril 2018, et d'achever les travaux.
Par courrier recommandé avec accusé réception adressé le 21 décembre 2018, le conseil de M. [U] et
Mme [M] a adressé une nouvelle mise en demeure à l'entreprise d'avoir à achever les travaux.
Cette mise en demeure n'a suscité aucune réaction de la part de la société Apic.
M. [U] et Mme [M] ont fait dresser un constat d'état des lieux par la SAS Waterlot et associés, huissiers de justice, le 13 mars 2019.
M. [U] et Mme [M] ont fait assigner la Sarl Apic devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 2 Juillet 2019, M. [W] [G] a été désigné en qualité d'expert judiciaire.
Il a déposé son rapport le 27 mai 2020.
Par acte d'huissier du 30 juin 2021, M. [U] et Mme [M] ont fait assigner la Sarl Apic devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de la voir condamnée à leur verser les sommes de :
- 8 153,90 euros TTC en réparation de leur préjudice matériel,
- 2 500 euros en réparation de leur préjudice moral,
- 9 080 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,
- 2 280 euros en remboursement de leurs frais d'avocat nécessaires à la désignation d'expert et à l'assistance à l'expertise,
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
La société Apic, assignée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire du 26 avril 2026, le tribunal judiciaire de Lille a :
- Débouté M. [U] et Mme [M] de toutes leurs demandes
- Laissé les dépens à leur charge en ce compris les frais d'expertise
Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 14 septembre 2022, M. [U] et Mme [M] ont interjeté appel de ce jugement les ayant déboutés de l'ensemble de leurs demandes.
La Sarl Apic n'a pas constitué avocat, la déclaration d'appel a été signifiée à étude le 03 novembre 2022.
Par acte d'huissier du 04 décembre 2022, les conclusions ont été signifiées à personne morale, par remise de l'acte à un salarié.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 13 décembre 2022, M. [U] et Mme [M] demandent à la cour de :
- Recevoir M. [U] et Mme [M] en leur appel, les en déclarer bien fondé.
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Lille intervenu le 26 avril 2022
Statuant à nouveau,
- Condamner la société Apic à payer à M. [U] et Mme [M] la somme de 8 153,90euros TTC en réparation de leur préjudice matériel, avec intérêt selon l'indice BT 01 à compter du 27 mai 2020, date du rapport d'expertise
- Condamner la société Apic à payer à M. [U] et Mme [M] la somme de 2 500 euros en réparation de leur préjudice moral
- Condamner la société Apic à payer à M. [U] et Mme [M] la somme de 9 080 euros en réparation de leur préjudice de jouissance
- Condamner la société Apic à payer à M. [U] et Mme [M] la somme de 2 280 euros en remboursement de leur frais d'avocat nécessaires à la désignation d'un expert et à leur assistance dans le cadre des opérations d'expertise
- Condamner la société Apic à payer à M. [U] et Mme [M] la somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au besoin des présentes
- La condamner aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 décembre 2023.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
M. [U] et Mme [M] exposent solliciter la condamnation de la société Apic sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Aux termes de l'article de l'article 565 du code de procédure civile, en procédure d'appel, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises en première instance même si elles sont fondées sur un fondement juridique différent, les demandes tendant à la condamnation de la société Apic à les indemniser de non façons et malfaçons n'est pas nouvelle en cause d'appel étant en outre observé que dans leurs écritures de première instance les appelants évoquaient la responsabilité contractuelle de croit commun.
Sur la responsabilité de l'entreprise
Les appelants affirment que la société Apic a manqué à son obligation de résultat et a commis des fautes à l'origine des désordres, malfaçons et non-façons constatés par l'expert judiciaire.
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Il résulte de l'article 1103 du code civil que les obligations légalement formées tiennent de loi à ceux qui les ont faites.
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur d'une obligation peut être condamné au paiement de dommages et intérêts en raison de l'inexécution de l'obligation ou son retard dans l'exécution
L'entrepreneur doit exécuter le travail convenu dans le délai prévu et est tenu à une obligation de résultat.
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En l'espèce, aux termes du devis du 07 décembre 2017 produit, la société Apic a été chargée de réaliser des travaux de rénovation portant sur les menuiseries et la salle de bain, le chauffage l'électricité de l'immeuble des appelants.
Il résulte tant des échanges de courriers entre l'entreprise et les maîtres d'ouvrage, du constat d'huissier du 13 mars 2019 que du rapport de l'expert judiciaire que le chantier n'a pas été achevé, que de nombreux désordres affectent les travaux réalisés.
L'expert indique que la société Apic n'a pas réceptionné contradictoirement le chantier et qu'elle n'a jamais répondu aux courriers du maître d'ouvrage, « l'entreprise Apic a sciemment et en connaissance de cause quitté le chantier sans raisons valables, elle est seule responsable de ce qui en découle »
L'expert a retenu au titre des non-façons et mal façons :
- Défaut de réglage du volet roulant rez-de chaussée sur rue,
- Désordres affectant la porte fenêtre vitrée vers jardin (défaut d'étanchéité, absence de caches d'aération, défaut de réglage)
- Défaut de fourniture et pose d'un poignée sur la porte des WC côté jardin,
- Défaut de fourniture et pose d'un tuyau pour l'écoulement du lavabo
- Défaut de réglage de l'enrouleur de la fenêtre
- Défaut de réglage de la porte PVC cuisine vers jardin
- Défaut de réglage de la fenêtre pvc 1er étage sur couloir
- Défaut d'étanchéité des joints de faïence, carrelage et porte de la douche à l'italienne
- Défaut de fourniture et pose d'un abattant WC
- Défaut de fourniture et pose d'une sortie VMC
- Défaut de réglage de la porte coulissante du 2ème étage
- Porte du tableau électrique défectueuse.
L'expert a également relevé (page 15 du rapport) que l'ensemble vitré du 1er étage a été chiffré par l'entreprise Apic, commandé par les maîtres d'ouvrage et non payé ou payé et remboursé.
L'expert conclut que l'entreprise est responsable à 100 % des malfaçons et mauvais réglages énumérés.
La société Apic, qui n'a pas livré un ouvrage achevé et conforme au devis, doit être déclarée responsable des désordres constatés.
Sur le coût des réparations
M. et Mme [U] contestent partiellement les conclusions de l'expert et sollicitent la condamnation de l'entreprise à leur verser la somme de 8 153,90 euros TTC avec actualisation, faisant valoir que depuis l'expertise il ont dû faire procéder au remplacement du tablier du volet de la véranda cassé du fait du défaut de réglage (pour un coût de 583 euros), de même qu'ils ont été contraints de faire remplacer un ensemble vitré au 1er étage pour ne pas perdre la subvention de l'ADIL et réclament à ce titre 970,90 euros TTC.
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Selon l'expert, les désordres consistent essentiellement en défauts de finition, il indique (page 17 du rapport) que pour y remédier les travaux porteront sur des réglages des volets roulants, la fourniture d'une poignées de porte, d'un abattant de WC et de la réfection de l'étanchéité du carrelage de la douche, il évalue ces travaux à 5 500 euros HT soit 6 660 euros TTC.
S'agissant du remplacement du volet roulant de la porte de la véranda, l'expert a indiqué qu'il convenait de procéder au réglage de celui-ci en raison d'un léger frottement du volet sur la poignée (page 10 du rapport d'expertise).
A l'appui de leur demande tendant au remboursement de la somme de 583 euros, M. [U] et Mme [M] produisent la facture de remplacement du volet d'un montant de 583 euros TTC.
Il ne ressort cependant ni du rapport de l'expert, ni des pièces des appelants que le volet aurait été cassé du fait du défaut de réglage, la facture produite étant insuffisante à établir que le remplacement du volet était dû au défaut de réglage et à ses conséquences, les appelants seront déboutés de cette demande.
Concernant la demande de remboursement de la somme 970,90 euros correspondant au surcoût de pose de l'ensemble vitré, l'expert indique dans son rapport que cet ensemble vitré, prévu au devis, n'a pas été fourni ni posé par la société Apic et ajoute qu'il n'a pas été payé ou a été payé mais remboursé.
Il ressort des échanges de correspondance entre les appelants et la société Apic, que les travaux, en partie subventionnés par l'Adil, devaient être réalisés dans un délai contraint.
M. [U] et Mme [M] produisent de la facture de fourniture et pose de cet ensemble d'un coût de 3 968,83 euros HT, alors que selon le devis de la société Apic cet ensemble aurait coûté 3 048, 55 euros HT, il est bien justifié que leur demande correspond au surcoût lié à l'abandon du chantier et aux travaux non réalisés.
L'absence de pose de l'ensemble vitré correspond bien à une non façon constatée par l'expert que celui-ci n'a pas chiffrée renvoyant à l'appréciation de la juridiction. Dans le cadre de la rénovation subventionnée par l'ADIL M. [U] et Mme [M], devaient réaliser les travaux prévus dans un délai déterminé, le surcoût consécutif à la défaillance de la société Apic constitue bien un préjudice matériel et cette société sera condamnée au paiement de ce surcoût.
Par conséquent, au regard du rapport d'expertise, le préjudice matériel subi par M. [U] et Mme [M] sera évalué 6 660 euros TTC pour les reprises et 970,99 euros TTC pour le surcoût consécutif à l'abandon de chantier.
Le jugement sera infirmé et la société Apic sera condamnée au paiement de ces sommes, il sera également fait droit à la demande d'actualisation de la condamnation mais uniquement sur la somme de 6 600 euros TTC correspondant aux travaux de reprise chiffrés et non réalisés, s'agissant de la somme de 970,99 euros correspondant à un remboursement de travaux déjà réalisés, cette partie des condamnations portera intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.
Sur le préjudice de jouissance
M. [U] et Mme [M] soutiennent avoir subi un préjudice de jouissance en raison des malfaçons dans leur habitation, notamment dans leur salle de bain. Ils n'ont pas pu utiliser leur maison comme ils voulaient en raison des infiltrations d'eau. De plus, les travaux ont pris du retard ce qui les a obligés à payer un loyer supplémentaire pendant 8 mois, ils affirment avoir dû reporter leur emménagement.
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Selon le rapport d'expertise, aucun trouble de jouissance ne peut être quantifié, l'expert ne fait état que de légères nuisances dues au problème de réglages des volets et menuiseries et des phénomène d'humidité, il indique que l'immeuble était habitable
Si M. [U] et Mme [M] ont subi un retard dans la réalisation des travaux du fait de la société Apic qui a fini par abandonner le chantier, ils n'ont pas pour autant été empêchés d'y habiter, seule l'accès à la douche a été limité.
Les appelants justifient des loyers payés jusqu'à leur emménagement pour un montant de 7 229,85 euros, n'ayant cependant pas été empêchés d'emménager du faits des désordres signalés, il leur sera alloué au titre du préjudice de jouissance une somme de 5 000 euros.
Sur le préjudice moral
M. [U] et Mme [M] font valoir que la société Apic a été payée alors que les travaux n'ont pas été achevés et sont affectés de malfaçon et désordres
Ils soutiennent également avoir essayé à plusieurs reprises de prendre contact avec la société Apic.
Ils font valoir également qu'ils ont été contraints de saisir à nouveau le tribunal alors que la société Apic s'était engagée à reprendre les travaux.
M. [U] et Mme [M] justifient bien avoir subi un préjudice moral en raison des travaux inachevés, alors que l'entreprise s'était engagée à reprendre les désordres signalés, ce préjudice sera évalué à la somme de 500 euros.
Sur les frais du procès
La société Apic succombe dans ses prétentions et doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire.
M. [U] et Mme [M] sollicitent la condamnation de la société Apic à leurs verser les sommes de 2 280 euros au titres des frais d'avocat exposés pour l'assistance de leur avocat au stade de l'expertise ainsi que 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande de remboursement des frais d'avocat pour l'assistance à l'expertise s'analyse en des frais irrépétibles.
La demande de condamnation de la société Apic au paiement de la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile s'interprétant comme la demande formulée au titre des frais de la procédure de première instance et d'appel
Les appelants justifient des honoraires réclamés par leur avocat au titre de l'assistance à l'expertise, il leur sera donc alloué la somme de 2 280 euros à titre d'indemnité de procédure à ce titre outre 2 000 euros pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- INFIRME le jugement du 26 avril 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Lille, en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- DÉCLARE la société Apic responsable des désordres,
- CONDAMNE la société Apic à payer à M. [L] [U] et Mme [S] [M] la somme de 6 600 euros TTC en réparation du préjudice matériel résultant des non-finitions et malfaçons,
- DIT que cette condamnation sera actualisée à compter du 27 mai 2020 et jusqu'au jour du présent arrêt, en fonction de l'indice BT 01, puis assortie des intérêts au taux légal,
- CONDAMNE la société Apic à payer à M. [L] [U] et Mme [S] [M] une somme de 970,99 TTC au titre du surcoût de pose de l'ensemble vitré, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- DÉBOUTE M. [L] [U] et Mme [S] [M] de leur demande au titre du remplacement du volet de la porte vitrée,
- CONDAMNE la société Apic à payer à M. [U] et Mme [M] la somme de 5 000 euros pour le trouble de jouissance
- CONDAMNE la société Apic à payer à M. [U] et Mme [M] la somme de 5 00 euros en réparation du préjudice moral,
- CONDAMNE la société Apic aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise,
- CONDAMNE la société Apic à payer à M. [U] et Mme [M] les sommes de 2 280 euros et 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel.