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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 6, 8 mars 2024, n° 21/05319

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Euro Bâtiment (SAS)

Défendeur :

Silk Road (SAS), Alves Ribeiro (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Tardy

Conseillers :

Mme Szlamovicz, M. Senel

Avocats :

Me Ingold, Me Brochu, Me Pincent, Me Lotz

T. com. Paris, du 19 févr. 2021, n° 2019…

19 février 2021

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Au cours de l'année 2014, la société [Localité 5] Asia, devenue la société Silk Road [Localité 5] 1 Développements Immobiliers (la société Silk Road) a entrepris la construction d'un pôle d'activités de 200 000 m² sur la Zone d'Aménagement Concertée (ZAC) Aérolians à [Localité 6].

La société Silk Road a confié :

la maîtrise d'oeuvre du programme à la société Archifrance.

un marché de contractant général à la société Alves Ribeiro.

La société Alves Ribeiro a adressé, le 1er octobre 2014, un courrier à la société Euro Bâtiment l'informant de son intention de lui passer commande des travaux relatifs au lot N°1.2 «gros oeuvre » pour un montant de 23 853 540 euros HT.

Le 5 février 2015, la société Alves Ribeiro a établi un ordre de service concernant les études techniques de structure, d'un montant de 453 343,85 euros HT, à l'attention de la société Euro Bâtiment. Ces études ont été entièrement sous-traitées par la société Euro Bâtiment au bureau d'étude SECC Ingénierie.

Par acte du 10 mai 2017, la société Euro bâtiment a assigné les sociétés Silk Road, Alves Ribeiro et Archifrance devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir le paiement des prestations effectuées et l'indemnisation de ses préjudices au titre de la perte de marge du marché Paris Asia et perte sur résultats d'exploitation.

Par jugement du 19 février 2021, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :

Dit la société Euro Bâtiment irrecevable dans ses demandes dirigées contre la société Silk Road et la société Archifrance ;

Déboute la société Euro Bâtiment de ses demandes au titre des prestations effectuées, au titre de la perte de la marge du marché et au titre de la perte sur résultat d'exploitation.

Condamne la société Euro Bâtiment à payer à chacune des défenderesses, la société Silk Road, la société Alves Ribeiro et la société Archifrance, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et déboute du surplus ;

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

Condamner, la société Euro Bâtiment aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 116,74 euros dont 19,24 euros de TVA.

Par déclaration en date du 19 mars 2021, la société Euro Bâtiment a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

- la société Silk Road,

- la société Alves Ribeiro,

- la société Archifrance.

Par jugement du 8 avril 2021, la société Archifrance a été mise en liquidation judiciaire et la SCP [W]-Hazane a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2022, la société Euro Bâtiment demande à la cour de :

A titre liminaire,

Déclarer recevable et bien fondée l'intervention forcée à l'instance de la société [D] [W]-Denis Hazane, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Archifrance ;

A titre principal,

Infirmer le jugement (N° RG 2019002432) rendu le 19 février 2021 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il :

Dit la société Euro Bâtiment irrecevable dans ses demandes dirigées contre la société Silk Road et la société Archifrance

Déboute la société Euro Bâtiment de ses demandes au titre des prestations effectuées, au titre de la perte de marge du marché et au titre de la perte sur résultats d'exploitation et en ce qu'il :

Condamne la société Euro Bâtiment à payer à chacune des défenderesses, la société Silk Road, la société Alves Ribeiro et la société Archifrance, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Euro Bâtiment aux dépens de l'instance

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires mais seulement en ce qu'il déboute la société Euro Bâtiment de ses autres demandes tendant notamment à voir condamner solidairement société Silk Road, la société Alves Ribeiro et la société Archifrance au paiement de la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance,

Et plus généralement en toutes autres dispositions faisant grief à l'appelante non reprises au dispositif, selon les moyens qui seront développés dans ses conclusions et au vu des pièces de première instance et de celles qui seront communiquées devant la cour ;

Statuant à nouveau,

Sur le règlement des prestations réalisées au titre du marché Silk Road

Juger que la société Euro Bâtiment a été attributaire du lot 1.2 « Gros oeuvre » du marché Silk Road,

Juger que la société Alves Ribeiro est tenue au règlement des prestations réalisées par la société Euro bâtiment au titre du marché Silk Road,

Juger que les sociétés Silk Road et Archifrance sont solidairement responsables de la société Alves Ribeiro du non règlement des prestations réalisées par la société Euro Bâtiment au titre du marché Silk Road,

En conséquence,

Condamner, à titre principal, solidairement les sociétés Alves Ribeiro et Silk Road au règlement des prestations réalisées par la société Euro Bâtiment prévues au marché, soit la somme de 184 773,90 euros, et fixer au passif de la société Archifrance ladite somme de 184 773,90 euros,

A titre subsidiaire, si la cour d'appel considère que le prix des prestations n'a pas été établi, Condamner, solidairement les sociétés Alves Ribeiro et Silk Road au règlement des prestations réalisées par la société Euro Bâtiment à la somme qu'il appartiendra à la cour d'appel de déterminer et fixer au passif de la société Archifrance ladite somme déterminée par la cour d'appel de Paris;

Sur la rupture fautive du marché Silk Road

Juger que la société Alves Ribeiro a rompu fautivement le marché confié à la société Euro Bâtiment,

Juger que les sociétés Silk Road et Archifrance sont solidairement responsables de la société Alves Ribeiro de cette rupture fautive,

En conséquence,

Condamner solidairement la société Alves Ribeiro et la société Silk Road à payer à la société Euro Bâtiment à la somme de 357 803 euros à titre de dommages et intérêts, et fixer au passif de la société Archifrance ladite somme de 357 803 euros,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour d'appel considère que le lot 1.2 « gros oeuvre » du marché Silk Road n'a pas été attribué à la société Euro Bâtiment

Juger que la société Alves Ribeiro a rompu fautivement les pourparlers avec la société Euro Batiment pour l'attribution du lot 1.2 « gros oeuvre » du marché Silk Road,

Juger que les sociétés Silk Road et Archifrance sont solidairement responsables de la société Alves Ribeiro de cette rupture fautive,

En conséquence,

Condamner solidairement la société Alves Ribeiro et la société Silk Road à payer à la société Euro Bâtiment la somme de 638 548,06 euros à titre de dommages et intérêts, et fixer au passif de la société Archifrance ladite somme de 638 548,06 euros,

En tout état de cause,

Débouter les sociétés Alves Ribeiro, Silk Road et la société [D] [W]-Denis Hazane, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Archifrance de toutes leurs demandes ;

Condamner les sociétés Alves Ribeiro, Silk Road et la société [D] [W]-Denis Hazane, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Archifrance, chacun à la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les sociétés Alves Ribeiro, Silk Road et [D] [W]-Denis Hazane, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Archifrance aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2022, les sociétés Silk Road et Alves Ribeiro demandent à la cour de :

Déclarer la société Euro Bâtiment irrecevable en sa demande nouvelle de paiement de la somme de 2 373,90 euros formée à l'encontre de Silk Road et Alves Ribeiro,

Débouter la société Euro Bâtiment de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions dépourvues de bien-fondé à l'encontre de Silk Road et Alves Ribeiro,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 19 février 2021 (RG 2019002432) entre les parties précitées,

Condamner la société Euro Bâtiment à verser à Silk Road et Alves Ribeiro, chacune la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de l'instance d'appel,

Condamner la société Euro Bâtiment aux dépens de l'instance d'appel

Par acte du 25 mai 2021, remis à personne morale, la déclaration d'appel a été signifiée à la SCP [W]-Hazane en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Archifrance, qui n'a pas constitué avocat.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 11 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 25 janvier 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur l'intervention forcée de la SCP Angel-Hazane

En application des articles 555 et 556 du code de procédure civile, peuvent être appelées devant la cour des personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

En vertu de l'article L. 622-22 du code de commerce, après interruption de l'instance en cours suite à un jugement d'ouverture de liquidation judiciaire, l'instance est reprise de plein droit le mandataire judiciaire dûment appelé.

Au cas d'espèce, la liquidation judiciaire de la société Archifrance ayant été prononcée postérieurement au jugement de première instance, la demande d'intervention forcée de la SCP [W]-Hazane, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Archifrance sera déclarée recevable.

Sur la demande de règlement de la société Euro Bâtiment au titre des études de structure

Sur la recevabilité des demandes

Moyens des parties

Les sociétés Silk Road et Alves Ribeiro soutiennent que la demande de paiement du solde de 2373,90 euros au titre des études de structure est une demande nouvelle qui n'a pas été formée en première instance et qui constitue une prétention distincte et autonome de celles soumises à l'examen des premiers juges, en ce qu'elle dérive d'un contrat distinct et ne peut être considérée comme une simple actualisation d'une prétention indemnitaire.

La société Euro Bâtiment fait valoir qu'elle avait sollicité en première instance le paiement des prestations effectuées au titre de ce marché et que la somme de 2373,90 euros ne correspond qu'au complément de cette demande en paiement.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Aux termes de l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Au cas d'espèce, il résulte du jugement du 19 février 2021 que la société Euro Bâtiment a sollicité la somme de 173 157,60 euros HT au titre des prestations effectuées sans qu'il ne soit précisé au titre de quel contrat. Selon ses dernières conclusions devant la cour, cette somme correspond au montant sollicité au titre des prestations réalisées au titre du devis lot Gros oeuvre et elle sollicite au surplus à hauteur d'appel la condamnation des intimés au paiement du solde dû au titre des travaux d'Etudes Techniques Structure.

La demande de la société Euro Bâtiment de condamnation, à hauteur de 2 373,90 euros, au titre du solde du contrat de sous-traitance conclu le 5 février 2015 et portant sur des études techniques de structure, constitue une nouvelle demande, fondée sur un contrat distinct de celui invoqué à l'appui des demandes en première instance.

Cette demande ne tend donc pas aux mêmes fins que les demandes formées en première instance et il ne s'agit ni d'un accessoire à la demande de première instance, ni d'une conséquence ou d'un de ses compléments nécessaires.

Cette demande nouvelle ne consiste pas non plus à opposer compensation, faire écarter les prétentions des exposants ou faire juger une question née de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait postérieur au jugement de première instance.

Par conséquent la demande en paiement de la somme de 2 373,90 euros formée à l'encontre des sociétés Silk Road, Alves Ribeiro et Archifrance sera déclarée irrecevable.

Sur la demande de règlement de la société Euro Bâtiment au titre des prestations réalisées au titre du lot « gros oeuvre »

Moyens des parties

La société Euro Bâtiment soutient que le contrat de louage d'ouvrage est un contrat consensuel et que la sous-traitance peut se déduire de l'exécution directe du contrat par le sous-traité.

Elle fait valoir qu'il résulte du courriel du 1er octobre 2014 que le lot GO de l'opération CN3 de [Localité 5] Asia à [Localité 6] lui a été attribué pour un montant de 24 000 000 euros HTVA et qu'en outre elle :

- a réalisé des prestations de préparation de chantiers pendant 5 mois sans aucune contestation des intimées

- a participé aux réunions de préparation de chantier en étant présentée, par les intimées, lors de ces réunions en qualité d'attributaire du lot Gros oeuvre

- a obtenu l'agrément du maitre d'ouvrage

Elle soutient que la demande de renoncer à la commande de travaux établit l'existence de cette dernière.

Elle fait valoir que la transmission de pièces administratives, qui a été réalisée, ne constituait pas une condition d'attribution du marché.

Elle expose qu'elle a produit aux débats devant le tribunal la liste des prestations réalisées pour le chantier et qu'elle complète, en appel, par la production de trois situations de commande et des justificatifs des dépenses réalisées.

A titre subsidiaire, si la cour estimait que le montant de la rémunération de la société Euro Bâtiment n'avait pas été préalablement fixée entre les parties, elle indique qu'il lui appartient d'en apprécier le juste montant compte tenu des prestations qu'elle a accomplies.

Sur la responsabilité de la société Silk Road, la société Euro bâtiment soutient qu'en application de l'article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, elle encourt la même responsabilité que le contractant général, dès lors qu'en sa qualité de maître d'ouvrage, elle a agréé le sous-traitant.

A titre subsidiaire elle expose que la société Silk Road, comme la société Archifrance, engagent leur responsabilité délictuelle, en s'associant à la violation du contrat par la société Alves Ribeiro, dans le but d'évincer la société Euro bâtiment.

Les sociétés Silk Road et Alves Ribeiro font valoir que la lettre d'intention du 1er octobre 2014 doit s'interpréter comme une volonté de poursuivre les discussions contractuelles avec un candidat privilégié et non comme un contrat de soustraitance.

Elles précisent que la conclusion d'un contrat de sous-traitance était conditionnée par la remise de documents administratifs et l'actualisation du prix.

Elles font valoir que les comptes rendus préparatoires ne font pas état de travaux de gros oeuvre exécutés par la société Euro bâtiment et que les situations de travaux produites par la société Euro bâtiment ne correspondent pas à la réalité, ce d'autant plus qu'elles portent sur une période (janvier à fin mars 2015) durant laquelle la préparation du chantier avait été suspendue.

Réponse de la cour

Selon l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Le contrat de louage d'ouvrage, tel qu'il est défini par l'article 1710 du code civil, est un contrat consensuel qui se forme par le seul échange des consentements et qui n'est soumis à aucune forme particulière pour sa validité.

Il incombe donc à la cour de rechercher l'intention commune des parties pour déterminer s'il est démontré leur volonté non équivoque et délibérée de s'obliger et si elles se sont accordées sur les modalités du contrat de louage d'ouvrage.

Au cas d'espèce, le courrier en date du 1er octobre 2014, adressé par la société Alves Ribeiro à la société Euro bâtiment, mentionne qu'il s'agit d'une lettre d'intention et que ce courrier « ne constitue pas le marché qui sera signé dans les prochains jours ».

Le courriel du 1er octobre 2014 de la société Archifrance à la société Euro bâtiment dans lequel la société Archifrance écrit que la société Euro bâtiment a été désignée par Monsieur [J] [R] comme adjudicataire du lot GO de l'opération CN3 de [Localité 5] Asia à [Localité 6] pour un montant global et forfaitaire arrondi à 24 000 000 euros HTVA, ne peut constituer la preuve de la volonté du maître d'ouvrage, la société Silk Road ou de l'entrepreneur général, la société Alves Ribeiro, de conclure un sous-traité avec la société Euro bâtiment, dès lors que ce courriel n'émane ni de la société Silk Road ni de la société Alves Ribeiro, qui sont simplement mises en copie et qu'il n'est ni établi ni même allégué que la société Archifrance aurait le pouvoir de conclure des contrats au nom de ces sociétés avec la société Euro bâtiment.

.

Ce courriel ne peut donc venir contredire les termes clairs du courrier du 1er octobre 2014 du maître d'ouvrage exprimant seulement la volonté d'engager des pourparlers privilégiés avec la société Euro bâtiment et non une offre contractuelle adressée à cette dernière.

Le courrier daté du 5 février 2015 de demande d'agrément porte sur la sous-traitance d'« études d'exécution BET Structure » pour un montant de marché sous-traité de 453 343,85 euros HT et fait donc référence à l'ordre de service, établi le même jour par la société Alves Ribeiro, au profit de la société Euro bâtiment pour la réalisation de travaux ainsi déterminés « Etudes techniques Structure » pour un prix global et forfaitaire de 453 492 euros HT.

La société Euro bâtiment ne peut donc soutenir que cette demande d'agrément porterait sur la sous-traitance du lot « gros oeuvre » pour un montant de 24 millions d'euros.

Il résulte des comptes-rendus préparatoires de gros oeuvre des 9 décembre 2014, 16 décembre 2014 et 12 février 2015 qu'il est demandé à la société Euro bâtiment la remise de documents administratifs, de l'attestation d'assurance décennale ainsi que l'actualisation de ses prix. Ces comptes-rendus ne font pas état de travaux réalisés par la société Euro bâtiment qui constitueraient un début d'exécution des travaux prévus par le lot Gros oeuvre.

Par courriel du 5 mars 2015 adressé par la société Archifrance à la société Euro bâtiment, il est relaté que, suite à la réunion du 2 mars 2015, la société Euro bâtiment avait renoncé à la commande de travaux et d'études qui lui avait été proposée par lettre d'intention de commande. En rappelant qu'il s'agissait d'une lettre d'intention, ce courriel ne saurait constituer la preuve de l'existence d'un contrat mais visait à acter la renonciation de la société Euro bâtiment à la poursuite des pourparlers aux fins de conclure le contrat sur le lot Gros oeuvre.

La société Euro bâtiment ne conteste pas avoir reçu ce courriel et l'absence de contestation des éléments contenus dans ce courriel, avant le 27 août 2015, si elle ne saurait constituer en elle-même la preuve des faits allégués par les intimées, constitue cependant un élément de fait de nature à conforter les déclarations de ces dernières.

En outre ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les termes du courriel du 27 août 2015 ne permettent pas d'établir si l'incompréhension de la société Euro bâtiment porte sur l'ordre de service « Etude techniques Structure » ou sur l'ensemble du contrat gros oeuvre. En effet, en réponse à un courriel du 31 juillet 2015 de la société Alves Ribeiro qui n'évoque que l'ordre de service du 5 février 2015 et les travaux d'études et non les travaux de gros oeuvre, la société Euro bâtiment indique « je ne comprends pas nous avons une commande nous avons travaillé dessus ».

Enfin la société Euro bâtiment ne produit aucune demande en paiement aux sociétés Alves Ribeiro, Silk Road et Archifrance avant l'engagement en mai 2017 de la procédure devant le tribunal de commerce, alors qu'elle déclare avoir eu connaissance dès janvier 2016, par un panneau d'affichage, que le lot « gros oeuvre » du chantier avait été confié à une autre société.

Le tribunal a donc, à bon droit, rejeté les demandes de la société Euro bâtiment au titre des prestations réalisées en exécution du marché du lot « gros oeuvre » ainsi que les demandes fondées sur la rupture fautive du marché, dès lors que la cour approuve le tribunal qui a dit qu'aucun contrat n'avait été conclu entre la société Euro bâtiment et la société Alves Ribeiro.

Sur la rupture fautive des pourparlers

Moyens des parties

La société Euro bâtiment fait valoir que les intimées ont 'uvré ensemble aux fins de l'évincer du marché qu'elle croyait légitimement lui avoir été attribué.

Elle allègue qu'à aucun moment les intimées lui ont laissé penser que le marché ne lui avait pas été attribué ni lui ont notifié cette éviction alors que l'appelante 'uvrait depuis cinq mois sur le marché, a engagé des frais importants et était présentée comme l'attributaire du marché lors des réunions de chantier.

Les sociétés Silk Road et Alves Ribeiro soutiennent que la société Euro bâtiment a volontairement tardé à apporter les documents administratifs et techniques nécessaires à la conclusion du contrat de sous-traitance, que les documents finalement transmis ont révélé que la société Euro bâtiment ne présentait pas de références et garanties suffisantes et que la société Euro bâtiment n'a pas contesté le courriel du 5 mars 2015 du maître d'oeuvre qui actait son renoncement au marché. Elles en déduisent qu'elles n'ont pas commis de faute en rompant les pourparlers. Elles estiment que l'échec de la candidature de la société Euro bâtiment est exclusivement imputable à cette dernière.

Réponse de la cour

Il résulte du compte-rendu préparatoire de chantier du 9 décembre 2014 que la société Euro bâtiment n'avait remis qu'une partie des documents demandés en réponse à l'appel d'offres, qu'elle ne présentait pas de qualification Qualibat et qu'elle ne justifiait pas avoir obtenu, sur les neuf années précédentes, un marché d'un montant équivalent à celui qu'il était envisagé de lui confier et il était précisé qu'un « devis recalé » était en cours de préparation.

Lors de la réunion du 16 décembre 2014, la société Euro bâtiment a promis les documents administratifs (Urssaf, Kbis') rapidement et exposé que l'assurance décennale ne serait disponible qu'après la signature du contrat. Il a été constaté que les références fournies par la société Euro bâtiment laissaient apparaître une discordance entre le chiffre d'affaires officiel et le montant des travaux réalisés. Il a été par ailleurs de nouveau demandé une mise à jour des devis.

Par courriel du 19 décembre 2014, la société Euro bâtiment a transmis à la société Alves Ribeiro les attestations d'assurances décennales des années 2014 et 2015 mentionnant une garantie sur des chantiers de construction dont le coût global de construction tous corps d'état TTC y compris honoraires, déclarés par le maitre d'ouvrage n'est pas supérieur à 15 000 000 euros, alors qu'il résulte de la lettre d'intention de commande que le montant prévisionnel global de l'opération est de 80 000 000 euros TTC.

Or la lettre d'intention de commande précise que l'attestation d'assurance doit préciser un montant de la garantie obligatoire à hauteur du coût de réparation de l'ouvrage, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Enfin la société Euro bâtiment n'apporte pas la preuve que l'initiative de la rupture des pourparlers incomberait aux intimées et qu'elle n'aurait pas, de son propre chef, renoncé à conclure de ce contrat, au regard des garanties demandées par le maître d'ouvrage et qu'elle n'était pas en mesure de fournir.

Les pièces produites aux débats ne permettent donc pas d'établir la preuve que les sociétés Silk Road, Alves Ribeiro et Archifrance ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité en mettant fin aux pourparlers avec la société Euro bâtiment ni que cette dernière a pu légitimement croire que le marché lui avait été attribué.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Euro bâtiment de ses demandes à l'encontre de la société Alves Ribeiro au titre des prestations effectuées, au titre de la perte de la marge du marché et au titre de la perte sur résultats exploitation.

Sur la responsabilité de la société Silk Road et de la société Archifrance

Moyens des parties

La société Euro bâtiment soutient que la société Silk Road, en acceptant de lui confier le chantier de gros oeuvre, encourt la même responsabilité à son égard que le contractant général en application de l'article 3 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la société Silk Road et la société Archifrance engagent leur responsabilité délictuelle dès lors qu'elles ont participé aux échanges litigieux aux fins d'évincer la société Euro bâtiment.

Concernant la société Archifrance, la société Euro bâtiment expose qu'elle engage sa responsabilité délictuelle en raison des fautes qu'elle a commises dans l'accomplissement de sa mission de mandataire.

La société Silk Road fait valoir que le courriel du 1er octobre 2014 de la société Archifrance ne vaut pas agrément par le maître d'ouvrage et qu'en tout état de cause l'acceptation du sous-traitant par le maître d'ouvrage ne créé pas en droit de lien contractuel.

Elle expose qu'il n'est pas établi qu'elle aurait eu un rôle actif dans la prétendue éviction de la société Euro bâtiment.

Réponse de la cour

L'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 est relatif aux obligations de l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants et ne traite pas de la responsabilité du maître d'ouvrage à l'égard du sous-traitant.

Au surplus les dispositions de cette loi ne sont applicables que lorsqu'un sous-traité a été conclu.

Au cas d'espèce, aucun contrat n'ayant été conclu entre la société Alves Ribeiro et la société Euro bâtiment, la société Euro bâtiment ne peut se prévaloir des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance pour voir engager la responsabilité de la société Silk Road.

Le caractère fautif de la rupture des pourparlers n'ayant pas été retenu, la responsabilité délictuelle des sociétés Silk Road et Archifrance, en raison de leur participation à cette rupture des pourparlers, ne peut être davantage retenue.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la société Euro bâtiment dans ses demandes dirigées à l'encontre des sociétés Silk Road et Archifrance, dès lors qu'aucune fin de non recevoir n'a été soulevée à l'encontre de ces demandes mais seulement des moyens de défense au fond.

Statuant à nouveau, la cour déclare recevable les demandes de la société Euro bâtiment mais rejette ses demandes qui sont mal fondées.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, la société Euro bâtiment, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer aux sociétés Silk Road et Alves Ribeiro, chacune, la somme de 2 500 euros, au titre des frais irrépétibles. Sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable la demande d'intervention forcée de la SCP [W]-Hazane, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Architecte ;

Déclare irrecevable la demande en paiement de la société Euro bâtiment de la somme de 2 373,90 euros formée à l'encontre des sociétés Silk Road [Localité 5] 1 Développements Immobiliers, Alves Ribeiro et Archifrance ;

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la société Euro bâtiment dans ses demandes dirigées à l'encontre des sociétés Silk Road [Localité 5] 1 Développements Immobiliers et Archifrance ;

L'infirme sur ce point et statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevable les demandes de la société Euro bâtiment dans ses demandes dirigées à l'encontre des sociétés Silk Road [Localité 5] 1 Développements Immobiliers et Archifrance ;

Rejette toutes les demandes de la société Euro bâtiment formées à l'encontre des sociétés Silk Road [Localité 5] 1 Développements Immobiliers et Archifrance ;

Y ajoutant,

Condamne la société Euro bâtiment aux dépens d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Euro bâtiment et la condamne à payer aux sociétés Silk Road [Localité 5] 1 Développements Immobilier et Alves Ribeiro, chacune, la somme de 2500 euros.