CA Orléans, ch. civ., 9 avril 2024, n° 21/00184
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Eccodec (SARL)
Défendeur :
BTPI (SARL), Du Jardin (SCI), Union Technique du Bâtiment (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Conseillers :
M. Sousa, Mme Grua
Avocats :
Me Gontier, Me Grassin, Me Cadinot - Mantion, Me Vilain, Me Poux Jalaguier
FAITS ET PROCÉDURE
La société BTPI chargée par la SCI du Jardin de travaux de désamiantage et de réfection de la couverture d'un immeuble lui appartenant à Saint-Cvr-en-Val, a conclu avec la société Écologie Construction Déconstruction (la société Eccodec) un contrat de sous-traitance en date du 22 juin 2016.
La société Eccodec a elle-même fait appel en sous-traitance à la société Hurisse Decombas, pour certains des travaux commandés par la SCI du Jardin, selon devis accepté le 27 juillet 2016.
La société Hurisse Decombas a sollicité en référé une provision à valoir sur sa rémunération, laquelle a été rejetée, mais le juge des référés a ordonné une expertise judiciaire à la demande de la société BTPI. L'expert judiciaire, M. [U], a déposé son rapport le 19 novembre 2018.
La société Union Technique du Bâtiment (UTB), venant aux droits de la société Hurisse Decombas a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Orléans la SCI du Jardin, la société BTPI, et la société Eccodec aux fins de condamnation en paiement des sommes dues.
Par jugement en date du 2 décembre 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- condamné in solidum la SCI du Jardin et la société Eccodec à payer à la société UTB la somme de 53 578,46 euros HT soit 70 294,16 euros TTC ;
- débouté la société UTB de ses demandes plus amples ou contraires, quant au quantum de sa demande et quant au paiement par la société BTPI ;
- débouté la société UTB de sa demande aux fins d'assortir la condamnation au paiement des sommes lui restant dues d'intérêts moratoires en application de l'article L.441-6 du code de commerce et de sa demande subséquente de capitalisation de ces intérêts ;
- condamné in solidum la SCI du Jardin et la société Eccodec à payer à la société UTB une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société UTB de sa demande plus ample et les sociétés Eccodec et BTPI de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum la SCI du Jardin et la société Eccodec au paiement des entiers dépens de l'instance ;
- débouté Maître Florence Gontier, avocate au barreau d'Orléans, de sa demande au titre de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 20 janvier 2021, la société Eccodec a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- condamné in solidum la SCI du Jardin et la société Eccodec à payer à la société UTB la somme de 53 578,46 euros HT, soit 70 294,16 euros TTC ;
- condamné in solidum la SCI du Jardin et la société Eccodec à payer à la société UTB la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société Eccodec de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum la SCI du Jardin et la société Eccodec au paiement des entiers dépens de l'instance.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 8 avril 2021, la société Eccodec demande à la cour de :
- réformant le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée in solidum avec la SCI Du Jardin à verser la somme de 53 578,46 euros HT ;
Statuant à nouveau :
- dire n'y avoir lieu à la condamnation de la société Eccodec ;
En conséquence,
- débouter la société UTB de toutes ses demandes à son encontre ;
À titre infiniment subsidiaire,
- condamner la société BTPI et la SCI du Jardin à la garantir de toutes les condamnations à intervenir ;
- condamner la société UTB à lui verser la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me Florence Gontier, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 31 octobre 2023, la société UTB demande à la cour de :
Sur l'appel de la société Eccodec :
- confirmer en premier lieu le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité solidaire de la SCI du jardin, maître d'ouvrage et de la société Eccodec, entrepreneur principal à payer à l'entreprise sous-traitante le solde des travaux exécutés pour le compte de la SCI du jardin restés impayés ;
- déclarer la société Eccodec mal fondée en son appel tendant à prétendre qu'elle ne serait pas redevable des sommes dues à son sous-traitant au motif que celui-ci aurait par ailleurs exercé une action directe auprès du maître d'ouvrage et qu'il aurait été fourni une délégation de paiement dont l'existence n'est d'ailleurs pas établie ;
Sur l'appel de la SCI du jardin :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société UTB recevable et fondée à exercer l'action directe de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance à l'encontre de la SCI ;
Subsidiairement,
- condamner la SCI du jardin pour ne s'être pas inquiétée du sort des sous-traitants dont elle est réputée avoir connaissance sur le fondement de l'article 14-1 de la loi susvisée ;
Encore plus subsidiairement,
- condamner en toutes hypothèses la SCI du jardin pour avoir, par son ignorance coupable ou sa complaisance, laissé s'accomplir les agissements de BTPI qu'elle ne pouvait ignorer s'opérer au détriment d'UTB ;
Sur son appel incident :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le solde dû à la somme de 53 573,48 euros HT en principal ;
Y ajoutant :
- condamner solidairement la société SCI du jardin et la société Eccodec à lui payer une somme de 65 589,45 euros HT, soit 78 707,35 euros TTC en principal ;
Sur les demandes formées à l'encontre de BTPI :
- condamner la société BTPI à réparer le préjudice occasionné en raison des rétentions abusives des sommes qui lui sont destinées et des manoeuvres dont elle a été victime solidairement avec son mandant la SCI du jardin ;
Sur les intérêts moratoires :
- dire que les dispositions de l'article L.441-10 du code de commerce doivent recevoir application ;
- infirmer le jugement sur ce point ;
- condamner en conséquence solidairement la SCI du jardin et la société Eccodec à lui payer les intérêts sur la somme de 78 707,35 euros TTC au taux de la BCE + 10 points à compter du 30 décembre 2016 jusqu'au 6 septembre 2021 ;
- ordonner au surplus la capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
En conséquence,
- condamner BTPI solidairement avec la SCI du jardin en deniers ou quittance les sommes suivantes : principal outre la TVA de 65 589,45 Euros HT, et les intérêts sur la somme de 65 589,45 euros HT au taux de la BCE + 10 points à compter du 30 décembre 2016 ;
- condamner par ailleurs solidairement les sociétés BTPI et SCI du jardin à lui payer une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui ont occasionné leurs manoeuvres et abstentions fautives ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
- condamner solidairement les sociétés BTPI et SCI du jardin à lui payer une somme de 17 000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'en tous les dépens, lesquels comprendront les honoraires de l'expert ;
- condamner la société Eccodec à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 7 juillet 2021, la SCI du jardin demande à la cour de :
- déclarer l'appel interjeté par la société Eccodec irrecevable et mal fondé ;
- déclarer l'appel incident interjeté par la société UTB irrecevable et mal fondé ;
- débouter la société UTB et la société Eccodec de l'intégralité de leurs demandes ;
- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en son appel incident, ainsi qu'en toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et en ce qu'il l'a condamnée :
- à payer in solidum avec la société Eccodec à la société UTB la somme de 53 578,46 € HT, soit 70 294,16 € TTC ;
- à payer à la société UTB la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable l'action directe de la société UTB à son encontre ;
- dire n'y avoir lieu à condamnation à son encontre ;
- débouter la société UTB et la société Eccodec de l'intégralité de leurs demandes ;
- condamner in solidum ou à défaut solidairement la société UTB et la société Eccodec à lui verser une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum la société UTB et la société Eccodec aux entiers dépens.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2023, la société BTPI demande à la cour de :
À titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la solidarité de la SCI du Jardin, maître d'ouvrage, et de la société Eccodec, entrepreneur principal, à payer à l'entreprise sous-traitante le solde des travaux exécutés pour le compte de la SCI du Jardin restés impayés ;
- débouter la société Eccodec de sa demande de garantie des condamnations à intervenir ;
À titre subsidiaire,
- débouter la société UTB de toutes ses demandes et statuant à nouveau, condamner les parties succombant à régler une somme de 5 165,95 euros HT, soit 6 199,14 euros TTC correspondant au solde des travaux ;
En tout état de cause,
- condamner solidairement toute partie succombant à la présente instance à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur la demande en paiement de la société UTB à l'égard de la société Eccodec
Moyens des parties
La société Eccodec soutient qu'elle ne saurait être condamnée sur le fondement des articles 1 à 3 de la loi du 31 décembre 1975 en ce que le principe de l'action directe doit être appliqué ; que le jugement a omis le principe de l'action directe que la société demanderesse reconnaît elle-même au profit de la SCI du jardin ; que si une condamnation doit intervenir, elle doit l'être à l'encontre de la SCI du jardin, au titre de l'action directe ; qu'elle n'a en outre jamais été entreprise principale ; qu'elle a fait le choix, dès le commencement du chantier, de mettre en oeuvre une délégation de paiement aux fins de règlement direct des situations de la société Hurisse Decombas ; que contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal, il est démontré l'existence d'une délégation de paiement ; qu'il sera constaté le règlement par la société BTPI, à la société Hurisse Decombas, des sommes de 15 000 € et de 8 410,54 €, reconnaissant et justifiant ainsi la délégation de paiement qui avait été acceptée ; que la société Hurisse Decombas sera déboutée de toutes ses demandes en ce qu'elles sont formulées à son encontre comme n'étant pas justifiées et la décision sera réformée de ce chef, la loi du 31 décembre 1975 déchargeant le délégant.
La société UTB réplique que l'action directe ne décharge pas le débiteur, car elle n'est qu'une garantie subsidiaire qui laisse subsister l'obligation principale incombant à l'entrepreneur débiteur de premier rang ; qu'en cours de chantier, une forme de délégation a été établie par l'utilisation d'un formulaire destiné aux marchés publics instituant un paiement direct au profit du sous-traitant à la charge du maître d'ouvrage, la SCI du jardin, mais cet acte n'a aucune portée puisqu'il n'est pas signé ni par la SCI du jardin ni par la société BTPI ; que la société Eccodec n'a jamais contesté la créance de son sous-traitant mais prétendait être déchargé du paiement par l'effet de la pseudo- délégation ; que le débat est en toute hypothèse sans objet puisque l'entrepreneur principal, en dépit de la délégation, reste obligé envers le sous-traitant et peut être toujours poursuivi par ce dernier ; que le tribunal a d'ailleurs considéré qu'il n'y avait pas lieu d'invoquer l'article 1338 du code civil dans sa rédaction actuelle mais seul l'article 1275 ancien selon lequel la délégation n'opère point une novation si le créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait délégation ; que le tribunal a retenu qu'aucune délégation de paiement au maître d'ouvrage n'est démontrée et qu'il n'est pas établi qu'elle avait entendu décharger la société Eccodec.
Réponse de la cour
L'article 2 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance dispose que le sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l'égard de ses propres sous-traitants.
L'article 12 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 dispose que le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage.
En application de ces dispositions, l'action directe du sous-traitant contre le maître de l'ouvrage n'a pas pour effet de décharger l'entrepreneur principal de son obligation contractuelle au paiement des travaux réalisés, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (3e Civ., 25 novembre 1998, pourvoi n° 97-11.285, Bull. 1998, III, n° 222)
La société Eccodec, qui a bien la qualité d'entreprise principale dans ses liens avec la société UTB, n'est donc pas fondée à soutenir que l'existence d'une action directe à l'encontre de la SCI du jardin ferait obstacle à l'action en paiement du sous-traitant à son encontre. l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, dans sa version alors applicable, dispose :
« A peine de nullité du sous-traité les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1275 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant. »
La convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître de l'ouvrage, comme le prescrit l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, mais l'entreprise principale, ne constitue pas la délégation de paiement au sens de ce texte (3e Civ., 23 novembre 2023, pourvoi n° 22-17.027).
En l'espèce, la société Eccodec n'invoque pas une délégation de paiement à la charge du maître d'ouvrage, mais à la charge de la société BTPI, l'entreprise principale. Il s'ensuit que la délégation de paiement n'est pas régie par les dispositions de l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, mais par les dispositions supplétives de l'article 1275 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
L'article 1275 du code civil dispose que la délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère point de novation, si le créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation.
La société Eccodec n'allègue ni ne justifie que la délégation de paiement de la société BTPI à son sous-traitant, la société Hurisse Decombas devenue la société UTB, comportait décharge de son obligation de paiement à l'égard de celle-ci.
En conséquence, la société Eccodec reste tenue au paiement envers la société UTB, en application du contrat de sous traitance conclu entre elles, nonobstant la délégation de paiement de la société BTPI.
Sur l'action de la société UTB à l'égard de la SCI du jardin
Moyens des parties
La SCI du jardin soutient que si le tribunal a justement constaté qu'il n'existe aucune preuve formelle de l'acceptation de sa part on ne peut que regretter son analyse lorsqu'il considère néanmoins qu'elle aurait accepté que la société Hurisse Decombas intervienne comme sous-traitant au motif que son « mandataire », la société BTPI, a effectué des paiements à ce sous-traitant ; que la société BTPI n'a jamais été son mandataire mais l'entrepreneur principal ; qu'il n'est nullement rapporté la preuve qu'elle avait connaissance de l'intervention de la société Hurisse Decombas, de sorte que l'action directe sera déclarée irrecevable ; qu'ayant réglé l'intégralité des sommes dues à la société BTPI, avant que la société Hurisse Decombas adresse son courrier de mise en demeure en date du 26 avril 2017, elle ne peut être condamnée à régler une quelconque somme au titre de l'action directe du sous-traitant ; que la société UTB ne démontre pas avoir adressé le courrier de mise en demeure à la société Eccodec, puisqu'il n'est pas justifié que ladite mise en demeure a été adressée par lettre recommandée avec accusé de réception ; que par ailleurs, cette lettre de mise en demeure fait état d'une facture éditée au nom de la société BTPI et qui ne concerne donc pas la société Eccodec ; qu'à défaut de dénonciation au maître d'ouvrage de la copie de la mise en demeure adressée à l'entrepreneur principal, l'action directe du sous-traitant est irrecevable.
La société UTB fait valoir que le tribunal a retenu la qualité de mandataire de la SCI du jardin pour BTPI en relevant les paiements effectués directement par BTPI à la société Hurisse Decombas et l'existence d'une réception de travaux en date du 28 février 2017 à laquelle le maître d'ouvrage était absent, la société BTPI étant mentionnée comme « mandataire » sur le procès-verbal ; que la qualité de « mandataire » de la société BTPI est expressément confirmée dans le marché signé entre Eccodec et la SCI du jardin, la société BTPI étant mentionne comme assistant à maîtrise d'ouvrage (AMO) ; que la SCI du jardin n'a jamais donné suite aux mises en demeure et assignations dont elle avait fait l'objet, se déchargeant du litige sur BTPI ; que tous les éléments constitutifs du mandat se trouvent surabondamment établis et dépassent d'ailleurs très largement la mission d'assistant au maître d'ouvrage ; qu'il en résulte que la SCI du jardin est réputée avoir eu parfaitement connaissance de l'existence de sous-traitants et plus spécifiquement de celle de la société Hurisse Decombas ; qu'il y aurait en toute hypothèse lieu de faire application des dispositions selon lesquelles un maître d'ouvrage qui s'est vu informé par un sous-traitant de son intention d'exercer l'action directe prévue par la loi du 31 décembre 1975 et qui n'a pas opposé à ce sous-traitant son défaut d'agrément est tenu de payer sur le fondement de l'action directe ; que si la SCI du jardin soutient qu'il ne serait pas justifié de la mise en demeure exigée par l'article 12 de la loi sur la sous-traitance, il sera rappelé que ces dispositions n'exigent pas de formalisme particulier ; que la jurisprudence n'exige aucune autre information dans la mise en demeure que la référence aux sommes correspondant aux prestations effectivement prévues, étant précisé qu'il n'est même pas nécessaire que lesdites sommes soient exigibles ; que la cour écartera les moyens d'irrecevabilité formés par la SCI du jardin ; que le silence conservé par la SCI du jardin à l'action de mise en demeure engagée doit être tenu pour constitutif d'un acquiescement à ladite action de sorte qu'elle n'est pas recevable à invoquer désormais les paiements opérés de façon hâtive, suspecte et imprudente.
Réponse de la cour
L'article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 dispose que l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous traitant.
L'article 12 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 dispose que le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage.
En application de ces dispositions, les sous-traitants n'ont une action directe contre le maître de l'ouvrage que si celui-ci a accepté chaque sous-traitant et agréé les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance, mais il n'est pas exigé que l'acceptation et l'agrément soient préalables ou concomitants à la conclusion du contrat de sous-traitance, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (Ch. mixte, 13 mars 1981, pourvoi n° 80-12.125).
La simple connaissance par le maître d'ouvrage de l'existence d'un sous-traitant ne suffit pas à caractériser son acceptation ni l'agrément des conditions de paiement du sous-traité (3e Civ., 13 septembre 2005, pourvoi n° 01-17.221, Bull. 2005, III, n° 162), mais l'acceptation du sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement, qui lui ouvrent l'action directe contre le maître de l'ouvrage, peuvent être tacites et résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté du maître de l'ouvrage de l'accepter et d'agréer ses conditions de paiement (3e Civ., 28 janvier 2021, pourvoi n° 19-26.271).
Aux termes de l'article 1984 du code civil, le mandat est l'acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. L'article 1989 du code civil dispose que le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat.
Le tribunal a retenu que la connaissance par le maître d'ouvrage de la sous-traitance des travaux à la société Hurisse Decombas résulte des termes du courrier en date du 20 mars 2017 dans lequel la société BTPI rappelle à la société Hurisse Decombas ses demandes réitérées de régularisation de la situation par la société Eccodec et indique n'avoir reçu la déclaration de sous-traitance que par envoi recommandé par la société Eccodec en date du 16 novembre 2016.
Les paiements effectués directement par la société BTPI à la société Hurisse Decombas d'un montant de 15 000 euros le 1er mars 2017, et de 8 410 euros le 21 avril 2017, n'établissent nullement l'existence d'un mandat donné par la SCI du jardin aux d'agréer le sous-traitant de la société Eccodec et les conditions de paiement. Il n'est pas plus démontré que le maître d'ouvrage avait connaissance des paiements effectués par l'entreprise principale au bénéfice du sous-traitant de second rang.
L'ordre de service adressé par la SCI du jardin à la société Eccodec le 22 juin 2016, comporte le cachet et la signature du représentant de la société BTPI agissant en qualité d'assistant à maîtrise d'ouvrage. Toutefois, cette prestation spécifique confiée par le maître d'ouvrage à la société BTPI aux fins de coordonner la construction, dont le contrat n'est pas versé aux débats, n'établit nullement que la SCI du jardin avait, dans ce cadre, confié mandat à la société BTPI d'accepter pour son compte les sous-traitants et d'accepter les conditions de paiement du sous-traité.
La signature du procès-verbal de réception par la société BTPI, en qualité de « mandataire », en l'absence de la SCI du jardin, ne fait qu'établir que l'entreprise principale disposait d'un pouvoir de représentation du maître d'ouvrage pour procéder à la réception des travaux, sans que cela implique l'agrément des sous-traitants et des conditions de paiement.
En conséquence, la société UTB ne rapporte pas la preuve d'un mandat confié à la société BTPI par la SCI du jardin d'accepter pour son compte les sous-traitants et d'accepter les conditions de paiement du sous-traité. Les pièces précitées ne caractérisent pas plus des actes manifestant sans équivoque la volonté du maître de l'ouvrage d'accepter et d'agréer les conditions de paiement de la société Hurisse Decombas.
S'agissant de la copie de la mise en demeure de l'entrepreneur principal, en application des dispositions des articles 12 et 13 de la loi du 31 décembre 1975, il incombe au sous-traitant de rapporter la preuve de la mise en demeure faite à l'entrepreneur principal, sous peine d'irrecevabilité de l'action directe (3e Civ., 4 janvier 1996, pourvoi n° 94-11.637, Bulletin 1996 III N° 2).
En l'espèce, la société UTB se prévaut d'un courrier de mise en demeure de la société Eccodec en date du 26 avril 2017, et d'un courrier du même jour à destination de la SCI du jardin aux fins de mise en oeuvre de l'action directe et mentionnant la délivrance d'une copie de la mise en demeure envoyée à l'entrepreneur principal.
Cependant, la production de la copie de la mise en demeure de l'entrepreneur principal et le fait que l'article 12 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ne prévoit pas de formalisme particulier de la mise en demeure, ne dispensent pas le sous-traitant d'établir la preuve de son envoi à la société Eccodec. En l'absence de toute pièce établissant l'envoi de la mise en demeure datée du 26 avril 2017 à l'entrepreneur principal, la société UTB n'est pas recevable en son action directe à l'encontre de la SCI du jardin.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la SCI du jardin in solidum avec la société Eccodec à payer à la société UTB la somme de 53 578,46 euros HT soit 70 294,16 euros TTC.
Sur la responsabilité de la SCI du jardin à l'égard de la société UTB
Moyens des parties
La société UTB soutient que la SCI du jardin doit voir sa responsabilité engagée à la fois sur le fondement de l'article 14.1 de la loi du 31 décembre 1975 mais également sur un terrain quasi-délictuel général ; que le seul fait que la société BTPI ait disposé d'un mandat très large excédant d'ailleurs la simple assistance au maître d'ouvrage, impliquait que le mandant était réputé avoir connaissance du sous-traitant ; qu'il ne pouvait échapper à la SCI du jardin que la société BTPI, simple bureau d'étude, n'avait ni les qualifications ni les moyens pour exécuter une quelconque part des travaux et qu'elle se devait nécessairement de les sous-traiter ; qu'en ne s'inquiétant pas de ce problème et en ne sollicitant pas le nom et les marchés des sous-traitants qui devaient intervenir, la SCI a nécessairement contrevenu aux dispositions de l'article 14.1 de la loi du 31 décembre 1975 ; que la sanction de ce manquement réside dans l'obligation pour le maître d'ouvrage de s'acquitter de la totalité du solde du marché impayé en principal et accessoires ; qu'il est significatif que la SCI se soit gardée de formuler une demande de garantie à l'égard de la société BTPI, demande qui s'imposait d'autant plus que celle-ci avait conservé par-devers elle les fonds qui avaient vocation à être réglés aux sous-traitants, cette abstention étant révélatrice du pacte suspect qui lie ces deux parties ; que le mandant est tenu envers les tiers envers lesquels le mandataire a commis des fautes à savoir ne pas s'être assuré des garanties de paiement des sous-traitants, et les détournements opérés par le mandataire au détriment de la société Hurisse Decombas des fonds versés par le mandant qui étaient destinés au paiement des entreprises.
La SCI du jardin n'a pas formulé d'observation sur cette demande.
Réponse de la cour
L'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 dispose :
« Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :
- le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ».
La responsabilité du maître d'ouvrage à l'égard du sous-traitant sur le fondement de ce texte exige d'établir la preuve de la connaissance dont la SCI du jardin disposait quant à la présence de la société Hurisse Decombas devenue la société UTB sur le chantier.
La société UTB, se prévaut, à ce titre, du mandat supposé entre la SCI du jardin et la société BTPI. Or, d'une part, le mandat d'agréer les sous-traitants n'est pas établi pour les motifs précédemment exposés, et d'autre part, la connaissance personnelle de l'intervention de la société Hurisse Decombas par le maître d'ouvrage n'est pas démontrée.
En outre, si la société BTPI, entrepreneur principal, a sous-traité une partie du contrat d'entreprise à la société Eccodec, celle-ci a également sous-traité une partie de son lot à la société Hurisse Decombas. La connaissance par la SCI du jardin du contrat de sous-traitance entre la société BTPI et la société Eccodec, ne permet pas d'établir qu'elle avait connaissance du sous-traitant de second rang, la société Hurisse Decombas.
Il convient en effet de rappeler que l'entrepreneur principal n'a pas l'obligation de présenter à l'agrément du maître de l'ouvrage le sous-traitant de son propre sous-traitant (3e Civ., 21 janvier 2015, pourvoi n° 13-18.316). Le sous-traitant de premier rang étant l'entrepreneur principal à l'égard de son propre sous-traitant, il incombait à la société Eccodec et non à la société BTPI de présenter la société Hurisse Decombas à l'agrément de la SCI du jardin.
Enfin, la société UTB n'établit pas que la SCI du jardin savait que la société BTPI, qui n'était pas l'entrepreneur principal du sous-traitant, la société Hurisse Decombas, ne versait pas les fonds qui lui revenaient, en vertu d'une délégation de paiement, dont aucune pièce n'établit qu'elle ait été portée à la connaissance du maître d'ouvrage.
La société UTB n'établissant pas que la SCI du jardin aurait commis une faute au regard des dispositions de l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, ou une faute délictuelle à son préjudice, il convient de la débouter de sa demande en paiement formée à l'encontre de la SCI du jardin.
Sur la demande en paiement de la société UTB à l'égard de la société BTPI
Moyens des parties
La société UTB soutient que les premiers juges ont considéré qu'il n'est établi aucune relation contractuelle avec la société BTPI et qu'elle n'apportait aucun fondement de droit à l'appui de sa demande en paiement qui a été rejetée ; que la société BTPI avait pu échapper à toute condamnation, notamment en s'abstenant systématiquement de communiquer, malgré les demandes qui lui en avaient été faites, son marché avec la SCI et le décompte de l'opération ; que ces pièces essentielles nouvelles viennent d'être communiquées en cause d'appel par la SCI du jardin, et la responsabilité de la société BTPI s'exercera sur un fondement quasi délictuel, sinon délictuel ; que la société BTPI a en effet usé de la naïveté de la SCI du jardin et très certainement de sa complaisance pour détourner à son seul profit des sommes qui étaient destinées au paiement du sous-traitant et correspondant à 76 % d'un marché exécuté et réceptionné ; que la société BTPI se verra donc condamnée à répondre du préjudice que ses agissements lui ont occasionné.
La société BTPI réplique que les premiers juges ont parfaitement relevé qu'elle n'était pas liée contractuellement à la société UTB de sorte qu'aucune demande de paiement ne pouvait être formée à son encontre ; qu'il n'y a aucun écrit prouvant son accord pour recourir à ce sous-traitant de second rang, et il n'y a pas d'accord sur le prix, élément essentiel du contrat ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société UTB ; que le litige qui oppose les parties tient au fait que la société Eccodec, sous-traitant de premier rang, avait en réalité, sans en aviser l'entrepreneur principal et le maître d'ouvrage, régularisé un contrat de sous-traitance de second-rang ; que l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 impose au moment de la signature du contrat et durant toute sa durée d'informer et de faire valider tous les sous-traitants de rang 1 et 2, ainsi que les conditions de paiement prévues dans chaque contrat de soustraitance : que ce n'est que postérieurement à l'engagement des travaux par la société UTB qu'il a été découvert son existence et à aucun moment, le contrat de sous-traitance n'a été connu et validé des parties au jour de la signature du contrat principal ; que dans ces conditions, la société Eccodec est à l'origine de la faute commise dont, naturellement, elle restera nécessairement responsable.
Réponse de la cour
Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, cette règle étant applicable aux instances introduites par une déclaration d'appel à partir du 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626).
En l'espèce, les déclarations d'appel sont postérieures au 17 septembre 2020. Dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives, la société UTB demande de condamner la société BTPI solidairement avec la SCI du jardin au paiement de la somme en principal de 65 589,45 euros HT outre la TVA et les intérêts, sans toutefois solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de cette demande en paiement formée à l'encontre de la société BTPI, alors que les déclarations d'appel ne critiquaient pas ce chef du jugement.
Il s'ensuit que la cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la société UTB à l'encontre de la société BTPI portant sur la somme de 65 589,45 euros HT outre la TVA et les intérêts.
En revanche, la société UTB forme une demande nouvelle en cause d'appel aux fins de paiement d'une indemnité de 20 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil. Il appartient à la société UTB d'établir la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
La société UTB allègue que la société BTPI aurait pratiqué à son seul profit des retenues sous le prétexte d'interventions et de moins-values supposées bénéficier au maître d'ouvrage, alors qu'elle a été intégralement réglée de son marché, et aurait tenté d'obtenir par ses manoeuvres un enrichissement frauduleux au détriment du sous-traitant, lui causant un préjudice.
La société BTPI était en droit de pratiquer des retenues au titre du marché confié à son sous-traitant, la société Eccodec, en cas de non-façons et malfaçons. Le litige contractuel entre la société BTPI et la société Eccodec ne saurait constituer la preuve d'une faute délictuelle de la société BTPI à l'égard du sous-traitant de second rang, la société UTB.
En conséquence, la société UTB sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 20 000 euros formée à l'encontre de la société BTPI.
Sur le montant des sommes dues à la société UTB
Moyens des parties
La société UTB soutient que la société Eccodec ne conteste ni son décompte ni le montant du marché sous-traité à cette dernière, soit 89 000 euros ; que seule BTPI, pour les besoins de sa démonstration, continue d'invoquer les retenues opérées à son seul bénéfice alors qu'elle ne justifie d'aucun préjudice et a au contraire été réglée de la totalité du marché par ailleurs intégralement sous-traité ; qu'il est donc confirmé que le montant qui lui est dû s'établit bien au solde de son marché, soit 65 589,68 euros en principal, le débat sur les retenues admises par le tribunal étant désormais sans objet ; qu'elle avait rappelé l'obligation pour la société Eccodec de s'acquitter des intérêts moratoires calculés conformément aux dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce, soit le taux de la BCE + 10 points ; que la référence aux dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce, procédait d'une erreur matérielle et il convenait de lire L. 441-10 du code de commerce ; que les intérêts devraient courir à compter de la date d'échéance de la facture du 30 novembre 2016, soit le 30 décembre 2016 ; que sa demande résultait directement de l'application de ces dispositions dans les factures dont le tribunal pouvait d'autant moins considérer qu'elles ne pouvaient servir de base à des intérêts moratoires qu'il avait par ailleurs ordonné l'exécution provisoire, notamment compte tenu de l'ancienneté de la créance ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement sur ce point et de condamner la société Eccodec au paiement des intérêts moratoires au taux de la BCE + 10 points à compter du 30 décembre 2016, ainsi que les intérêts capitalisés à compter de la demande qui en a été faite le 12 juin 2019.
La société Eccodec n'a formulé aucun moyen sur ces points.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il est établi que le montant du marché conclu entre la société Eccodec et la société Hurisse Decombas devenue la société UTB s'élève à 89 000 euros HT et le sous-traitant a émis une facture à hauteur de ce montant le 30 novembre 2016. Le solde restant dû à la société UTB s'élève à la somme de 65 589,45 euros HT, et la société Eccodec n'allègue ni ne justifie avoir réglé cette somme à son sous-traitant.
La société UTB sollicite le paiement de la TVA sur le solde dû alors que la facture émise à l'encontre de la société Eccodec ne mentionne qu'un montant hors taxe avec « autoliquidation de la TVA ».
L'article 283 2 nonies du code général des impôts, dans sa version alors applicable, prévoit le dispositif d'autoliquidation de la TVA en ces termes :
« Pour les travaux de construction, y compris ceux de réparation, de nettoyage, d'entretien, de transformation et de démolition effectués en relation avec un bien immobilier par une entreprise sous-traitante, au sens de l'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, pour le compte d'un preneur assujetti, la taxe est acquittée par le preneur. »
Il s'ensuit qu'aux termes même de la facture émise par la société Hurisse Decombas, la société Eccodec, entreprise preneuse assujettie à la TVA, devait acquitter la TVA, de sorte que le sous-traitant ne devait pas la percevoir. En conséquence, la société UTB ne peut prétendre qu'au paiement de la somme hors taxe de 65 589,45 euros à laquelle la société Eccodec sera condamnée .
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a fixé le solde dû à la société UTB à la somme de 53 573,48 euros HT.
La société UTB sollicite en outre le paiement d'intérêts moratoires en application de l'article L.441-10 du code de commerce, alors que ce texte était inexistant lors de la conclusion du contrat de sous-traitance avec la société Eccodec le 27 juillet 2016. La société UTB est donc mal-fondée à solliciter des intérêts majorés sur ce fondement. Les intérêts ne sont donc dus qu'au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 avril 2017 et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société UTB de sa demande aux fins d'assortir la condamnation au paiement des sommes lui restant dues d'intérêts moratoires en application de « l'article L.441-6 du code de commerce » et de sa demande subséquente de capitalisation de ces intérêts.
Sur la demande de garantie formée par la société UTB
Moyens des parties
La société Eccodec soutient qu'en cas de condamnation à son encontre, il y aura lieu de condamner la société BTPI et la SCI du jardin à la garantir de toutes les condamnations.
La société BTPI indique qu'elle ne garantira pas les condamnations mises à la charge des sociétés Eccodec et SCI du jardin compte-tenu de l'absence de lien contractuel.
La SCI du jardin n'a formulé aucun moyen sur cette demande en garantie.
Réponse de la cour
La société Eccodec n'était en relation contractuelle qu'avec la société BTPI, de sorte que son recours en garantie ne peut être fondé que sur la responsabilité contractuelle de son cocontractant et sur la responsabilité délictuelle de la SCI du jardin.
La société Eccodec ne forme aucun moyen propre à établir l'existence d'une faute de la société BTPI et de la SCI du jardin à l'origine du préjudice invoqué, qui ne réside que dans son obligation au paiement sur le fondement du contrat que la société Eccodec a conclu avec la société UTB. En conséquence, la société Eccodec sera déboutée de son recours en garantie à l'encontre de la société BTPI et de la SCI du jardin.
Sur les frais de procédure
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la SCI du jardin aux dépens et au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient de le confirmer en ses autres dispositions.
La société Eccodec sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer aux sociétés intimées une somme de 1 500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- condamné la SCI du jardin in solidum avec la société Eccodec à payer à la société UTB la somme de 53 578,46 euros HT soit 70 294,16 euros TTC ;
- fixé à la somme de 53 578,46 euros HT soit 70 294,16 euros TTC la somme due par la société Eccodec à la société UTB ;
- condamné la SCI du jardin à payer à la société UTB une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SCI du jardin au paiement des entiers dépens de l'instance ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
DÉCLARE l'action directe exercée par la société UTB à l'encontre de la SCI du jardin irrecevable ;
DÉBOUTE la société UTB de son action en responsabilité à l'encontre de la SCI du jardin ;
DÉBOUTE la société UTB de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la société BTPI ;
CONDAMNE la société Eccodec à payer à la société UTB la somme de 65 589,45 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2017 ;
DÉBOUTE la société Eccodec de son recours en garantie à l'encontre de la société BTPI et de la SCI du jardin ;
CONDAMNE la société Eccodec à payer à la société UTB, la société BTPI et la SCI du jardin la somme complémentaire de 1 500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Eccodec aux entiers dépens d'appel.