CA Nîmes, 4e ch. com., 28 juin 2024, n° 22/01555
NÎMES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Avi (SAS)
Défendeur :
Orona (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Codol
Conseillers :
Mme Ougier, Mme Vareilles
Avocats :
Me Pericchi, Me Sauveur, Me Divisia, Me Lahaye-Migaud
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 2 mai 2022 par 'la SAS Avi à l'encontre du jugement rendu le 18 mars 2022 par le tribunal de 'commerce d'Avignon dans l'instance n° RG 2021002492 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 04 avril 2024 par l'appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 16 avril 2024 par la SAS Orona venant aux droits de la société Orona méditerranée, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure du 21 août 2023 à effet différé au 25 avril 2024 ;
***
Le 6 août 2018, la SAS Avi, maitre d'ouvrage, a confié le chantier de rénovation d'un théâtre d'[Localité 5] à l'entreprise principale [...], laquelle a, le 7 janvier 2019, sous-traité les travaux relatifs à l'ascenseur à la société Orona pour un montant de 25.200 euros TTC.
Un litige est survenu entre la société Avi et la société [...], et le chantier était interrompu le 3 juin 2019.
Le 11 juin 2019, la société [...], assistant au maitre d'ouvrage Avi, contactait la société Orona pour lui demander de mettre en service l'ascenseur en urgence.
Celle-ci y procédait et lui adressait une facture n°20190505000004 d'un montant de 17.640 euros correspondant au solde de son marché de travaux.
Ses mises en demeure restant vaines, la société Orona a assigné la société Avi en paiement devant le tribunal de commerce d'Avignon par exploit du 3 mars 2021.
Par jugement du 18 mars 2022, ce tribunal a
«' condamné la société Avi à payer à la société Orona Méditerranée la somme 17.640 euros avec intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, en application de l'article L441-10 du code de commerce, capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil, ainsi qu'une somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement prévue par les articles L441-10 et D441-5 du code de commerce,
condamné la société Avi à payer à la société Orona Méditerranée la somme de 2.000 euros, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société Avi à la charge des dépens'».
La société Avi a interjeté appel de ce jugement pour le voir réformer ou annuler en toutes ses dispositions.
***
Dans ses dernières conclusions, la société Avi, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1113, 1120, 1165, 1342 et 1342-2 du code civil, des articles 4, 5, 12, 16 et 700 du code de procédure civile, de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, et enfin de l'article L2422-1 du code de la commande publique, de'
« S'agissant du jugement du 15 octobre 2021 du tribunal de commerce d'Avignon,
Juger que l'ensemble des prétentions formulées par Avi sont recevables,
Constater que le tribunal de commerce d'Avignon a soulevé d'office la responsabilité délictuelle d'Avi alors que les parties avaient débattu sur la seule responsabilité contractuelle,
Par conséquent,
Juger que le tribunal de commerce d'Avignon a jugé extra petita,
Juger que le jugement attaqué a méconnu le principe du contradictoire,
Juger que le jugement attaqué a méconnu le principe du non-cumul des responsabilités délictuelles et extra-délictuelles,
Infirmer en toutes ses dispositions (à l'exception d'une seule, cf. infra) le jugement rendu le 18 mars 2022 par la troisième chambre du tribunal de commerce d'Avignon en ce qu'il a notamment :
' condamné la société Avi à payer à la société Orona la somme de 17.600 euros avec intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage, en application de l'article L. 441-10 du code de commerce, capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil, ainsi qu'une somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement prévue par les articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce,
' condamné la société Avi à payer à la société Orona la somme de 2.000 euros, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné la société Avi à la charge des dépens ('),
En outre,
Constater que le tribunal de commerce d'Avignon a commis des erreurs manifestes d'appréciation et de droit,
Constater qu'Avi n'avait pas connaissance de l'intervention d'Orona le 5 mai 2019,
Constater que lorsqu'Avi a eu connaissance de l'intervention d'Orona, l'entrepreneur général de travaux [...] avait déjà abandonné le chantier,
Constater que l'article 12 du contrat de travaux interdisait la sous-traitance sauf situation exceptionnelle, soumise à demande d'autorisation expresse et à constitution d'une garantie,
Constater qu'Avi n'a jamais autorisé Orona en qualité de sous-traitant,
Par conséquent,
Juger que dans ces circonstances, Avi ne pouvait pas mettre en demeure [...] de se conformer à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975,
Juger que la responsabilité délictuelle fondée sur l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 n'est pas applicable,
S'agissant de la créance réclamée par Orona et des moyens soulevés en première instance,
Juger que le courriel du 11 juin 2019 ne peut être analysé comme un nouveau contrat d'un montant de 17.640 euros entre Avi et Orona,
Juger qu'Avi et Orona se sont entendues sur la mise en service de l'ascenseur,
Constater l'extinction de la dette d'Avi,
Juger qu'il n'y a pas eu de novation par changement de débiteur,
En conséquence,
Infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions à l'exception de la disposition relative à la demande de dommages-et-intérêts,
Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation d'Avi à la somme de 1.500 euros de dommages-et-intérêts formulée par Orona,
Débouter Orona de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner la société Orona à rembourser à la société Avi la somme de 25.221,15 euros payées en exécution du jugement de première instance par Avi,
Condamner la société Orona à payer à la société Avi la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société Orona aux entiers dépens.'».
A titre liminaire, la société Avi soutient que les deux nouvelles prétentions développées dans ses conclusions et dont la recevabilité est contestée («'- Constater que l'article 12 du contrat de travaux interdisait la sous-traitance sauf situation exceptionnelle, soumise à demande d'autorisation expresse et à constitution d'une garantie, - Constater qu'Avi n'a jamais autorisé Orona en qualité de sous-traitant'» et «'- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation d'Avi à la somme de 1.500 euros de dommages-et-intérêts formulée par Orona'»), ne sont que la réponse aux demandes d'indemnisation formulées par la société Orona dans ses dernières conclusions et sont à ce titre recevables, rappelant en outre que les'demandes de «'constater'» ne constituent pas des prétentions mais des rappels de moyens selon la jurisprudence de la Cour de cassation.
S'agissant du jugement déféré, l'appelante expose que la société Orona a fondé l'ensemble de ses demandes en première instance sur un prétendu contrat qui aurait été conclu ou repris par la société Avi et demandé paiement au titre de la responsabilité contractuelle au visa des articles 1103,1104, 1329 et 1343-2 du code civil.
Pourtant, le tribunal a condamné la société Avi en relevant d'office une responsabilité délictuelle découlant de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 et en retenant à tort que la société Avi avait connaissance de l'intervention de la société Orona comme sous-traitant avant l'abandon de chantier, qu'elle n'avait pas mis en demeure la société [...] de déclarer ce sous-traitant, et qu'elle avait donc privé la société Orona du bénéfice de l'action directe.
En statuant ainsi, le tribunal a statué extra petita et violé le principe du contradictoire, aussi son jugement doit-il être infirmé.
Sur le fond, la société Avi conteste l'applicabilité de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975.
Elle soutient n'avoir eu véritablement connaissance de la présence d'Orona sur le chantier qu'après l'abandon du chantier par l'entrepreneur principal. Elle n'était pas présente à la réunion du 5 mai 2019 organisée par la société [...] au sujet de l'avancement des travaux. Et ce n'est que par la signification par la société [...] le 13 juin 2019 d'un jeu d'agrément des sous-traitants qu'elle a eu la confirmation officielle de la sous-traitance confiée à Orona. Or elle ne pouvait alors plus mettre en demeure la société [...] de déclarer son sous-traitant puisque celle-ci avait abandonné le chantier. Bien plus, elle n'était alors plus débitrice de cet entrepreneur principal, son dernier paiement intervenu le 26 avril 2019 soldant les travaux réalisés et l'expert commis par ordonnance du tribunal de commerce d'Annecy le 17 juillet 2019 retenant qu'un trop perçu de 31.104 euros TTC a même bénéficié à la société [...].
Enfin, l'appelante rappelle qu'elle s'est acquittée de la facture émise par l'entreprise principale relative à l'installation de l'ascenseur en novembre 2018 et qu'étant tierce au contrat conclu entre la société Orona et cette entreprise principale, elle ne peut se voir réclamer la restitution de l'ascenseur.
Le courriel envoyé par la société [...] le 11 juin 2019 portait uniquement sur la mise en service de l'ascenseur qui restait à effectuer, et non pas sur le solde restant impayé au titre du devis initial. Cette société qui n'était que l'assistant à la maitrise d'ouvrage et non pas un maitre d'ouvrage délégué, n'était pas le mandataire de la société Avi et ne pouvait donc pas l'engager. Et la société Avi n'a ainsi jamais consenti à un quelconque contrat avec la société Orona pour un montant de 17.640 euros. Ce courriel ne peut s'analyser comme un contrat en l'absence de fixation de la chose et du prix.
Elle a seulement accepté de payer une prestation de mise en service à la société Orona, ce qu'elle a fait en s'acquittant de la facture du 552 euros TTC le 4 aout 2019.
Enfin, ce courriel n'emporte pas davantage novation du contrat par changement de débiteur puisque la société Avi n'a jamais formalisé son accord pour un tel engagement, bien au contraire, et que la société [...] n'avait pas le pouvoir de l'engager en ce sens.
***
Dans ses dernières conclusions, la société Orona, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1103,1104,1329,1330 et 1343-2 du code civil, de'
«'Juger la société Orona venant aux droits et obligations de la société Orona méditerranée, recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
Débouter la société Avi de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Confirmer le jugement rendu en son principe de condamnation en ce qu'il a :
condamné la société Avi à payer à la société Orona Méditerranée la somme de 17.640 euros avec intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, en application de l'article L. 441-10 du code de commerce, capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil, ainsi qu'une somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement prévue par les articles L. 441-10 et D.441-5 du code de commerce,
condamné la société Avi à payer à la société Orona Méditerranée la somme de 2.000 euros, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société Avi la charge des dépens,
Et par substitution de motifs,
Juger que la société Avi s'est engagée à régler à la société Orona le solde de son marché, soit la somme de 17.640 euros,
Condamner la société Avi, à payer à la société Orona, la somme de 17.640 euros, au titre du solde de son marché et ce, avec intérêts égal au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L441-10 du code de commerce) et ce, à compter de la date d'échéance des factures pour leur montant.
Et le réformant sur la demande de dommages et intérêts,
Condamner la société Avi, à payer à la société Orona, la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral pour procédure abusive et mauvaise foi,
A titre subsidiaire, si la cour estimait que la société Avi ne s'était pas engagée à régler le solde du marché de la société Orona,
Débouter la société Avi de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Avignon en ce qu'il a débouté la société Orona de sa demande de dommages et intérêts,
Le confirmer en toutes ses dispositions pour le surplus,
Et le réformant
Condamner la société Avi à payer à la société Orona, la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral pour procédure abusive et mauvaise foi,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait que la société Avi ne s'était pas engagée à régler le solde du marché de la société Orona et n'avait pas commis de faute en ne mettant pas en demeure la société [...],
Juger que la propriété de l'ascenseur est toujours acquise à la société Orona,
Ordonner la restitution de l'appareil et constatant l'impossibilité d'une restitution en nature,
Condamner la société Avi, à payer à la société Orona, la somme de 17.640 euros et ce avec intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
En tout état de cause,
Condamner la société Avi, au paiement de la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la société Avi aux entiers dépens de la présente instance.'».
In limine litis, la société Orona fait valoir que les nouvelles demandes formulées par l'appelante dans ses conclusions n°2, comme celle en restitution ajoutée dans les dernières, sont irrecevables pour contrevenir à l'article 910-4 du code de procédure civile.
Par ailleurs, elle observe que dès lors qu'elle conteste tout lien de droit avec la société Orona méditerranée en qualité de sous-traitante de la société [...], la société Avi ne peut prétendre que le paiement effectué le 21 novembre 2018 éteindrait sa dette à l'égard de cette entreprise principale.
L'intimée fait valoir que le différend opposant la société Avi et la société [...] ne lui est pas opposable et qu'à ce jour elle n'a pas été réglée de sa prestation pourtant intégralement exécutée au bénéfice de la société Avi, quand bien même celle-ci aurait été négligente en s'acquittant auprès de la société [...] de factures correspondant à des travaux encore non réalisés.
La société [...] est intervenue auprès de la société Orona en juin 2019 en qualité d'assistant à la maitrise d'ouvrage et donc de mandataire de la société Avi, et a engagé celle-ci quant au règlement de la facture de la société Orona en contrepartie de la mise en service de l'appareil, alors que la société Avi avait déjà réglé la facture de la société [...] pour le mot ascenseur. Ce règlement ne correspondait en outre qu'à une partie du devis de la société [...] sur le lot ascenseur, soit 25.200 euros sur 50.400 euros TTC, puisqu'il comportait également les travaux de maçonnerie pour créer la cage d'ascenseur.
L'objet de l'obligation des parties est clairement défini dans ce mail': finaliser la fourniture, pose et mise en place de l'ascenseur par la société Orona en contrepartie du règlement du solde du marché et de l'intégralité de ce solde. La facture de 552 euros que l'appelante se prévaut d'avoir payée ne correspondait en réalité qu'à la fourniture et installation des kits de télésurveillance et non pas aux frais de mise en service de l'ascenseur.
Par ce mail, la société Avi, par l'intermédiaire de son mandataire la société [...], a clairement exprimé sa volonté de se substituer à la société [...], et il y a eu novation de l'obligation de paiement par substitution de débiteur, son gérant étant en copie. C'est lors de la conversation téléphonique ayant suivi ce mail que l'engagement a été définitivement conclu et le courriel adressé par la société Orona le 11 juin 2021 à la société Avi qui lui adressait le décompte général de travaux le confirme encore, ce mail n'ayant soulevé aucune objection ensuite.
La société Avi qui prétend que la société [...] ne pouvait pas l'engager ne produit pas le contrat d'assistance à maitre d'ouvrage conclu par elle avec cette société et la société Orona peut se prévaloir à cet égard de la théorie du mandat apparent. En tout état de cause les échanges de mails dont son gérant est en copie suffisent à démontrer l'existence de son consentement.
A titre subsidiaire, si la cour devait ne pas retenir un tel engagement de la société Avi à payer le solde du marché restant dû à la société Orona, il conviendrait de la condamner au paiement de cette même somme à titre d'indemnisation pour la faute qu'elle a commise.
Comme l'a justement retenu le tribunal de commerce, la société Avi a méconnu son obligation de mettre en demeure la société [...] de lui faire agréer son sous-traitant conformément à l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, et cette carence a privé la société Orona de son action directe. Les premiers juges n'ont pas statué ultra petita et compte tenu de la dévolution du litige en appel, la société appelante est en mesure de présenter ses arguments devant la cour de sorte que le contradictoire est respecté.
Il n'est pas justifié d'un abandon du chantier par l'entreprise principale au 15 mai 2019 mais seulement d'une suspension de sa prestation au motif de situations restées impayées.
La société Avi avait connaissance de la qualité de sous-traitant de la société Orona bien avant la signification au 13 juin 2019 du jeu d'agréments puisqu'il en est fait état dans le courriel de [...], et que son gérant était régulièrement présent sur le chantier et a pu voir les techniciens travaillant sur l'ascenseur avec une tenue logotée au nom d'Orona, ainsi que le véhicule de cette société. Dans un mail du 30 janvier 2019, la société Avi faisait déjà état de l'intervention de sous-traitants sur le chantier. Elle ne pouvait davantage ignorer que la mise en service d'un ascenseur nécessitait une qualification que n'avait pas l'entreprise principale, et, étant le maitre d'ouvrage, il lui appartenait de se renseigner sur ce point.
Or elle n'a pour autant adressé aucune mise en demeure à la société [...] pour les faire agréer et cette obligation persistait quand bien même les travaux étaient achevés, l'intégralité du devis accepté pour le lot ascenseur n'ayant en tout état de cause pas été payé.
A titre infiniment subsidiaire, la restitution de l'ascenseur doit être ordonnée puisque la société [...] n'a pas acquis la propriété de l'appareil dès lors qu'elle n'en a pas payé le prix. Cette restitution en nature étant impossible, la société Avi doit être condamnée à payer sa valeur, après déduction des sommes déjà payées à la société Orona, soit 17.640 euros sur le fondement de l'article 555 alinéa 1 à 3 du code civil. Quand bien même il faudrait prendre en compte la vétusté de l'appareil, cette somme correspond à sa valeur actuelle avec prise en compte de l'indemnité de jouissance due par la société Avi qui l'utilise depuis quatre ans.
Enfin, c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à la demande d'indemnisation formulée par la société Orona au motif qu'elle ne justifierait pas d'un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts moratoires alors que la société Avi a abusé d'elle et lui a causé, par sa résistance abusive et sa mauvaise foi, un préjudice moral.
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Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la procédure':
L'article 954 du code de procédure civile dispose que «'la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.'»
Si la société Avi se prévaut de ce que les premiers juges ont statué extra petita en changement le fondement de la demande d'indemnisation d'office, et en violation du contradictoire, elle ne demande pas, dans le dispositif de ses dernières conclusions, l'annulation du jugement qui est la seule sanction possible d'une telle violation, mais seulement son infirmation, de sorte que la Cour n'est pas saisie utilement de ce moyen.
De même, si la société Orona excipe in limine litis de l'irrecevabilité de certaines demandes formulées par la société Avi comme contraires aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, le dispositif de ses dernières écritures ne tend qu'au débouté adverse et ne mentionne pas cette irrecevabilité. La Cour n'en est donc pas davantage saisie.
Sur le fond':
Sur l'obligation contractuelle à paiement de la société Avi à l'égard de la société Orona
La société Orona fonde ses demandes à titre principal sur la responsabilité contractuelle, en s'appuyant pour ce faire sur les courriels échangés avec la société [...] à partir du 11 juin 2019.
Le 11 juin 2019, la société [...] qui se présente comme «'l'AMO de la société Avi'», écrit par voie électronique à la société Orona, le gérant de la société Avi étant en copie du message, que':
«'vous (Orona) êtes intervenus comme sous-traitant de [...] pour réaliser le lot ascenseur'»,
«'un litige important oppose la société Avi et [...]'»,
«'[...] a décidé de quitter le chantier le 3 juin dernier (2019)'»,
«'mon client (de [...]': Avi) a donc décidé d'engager une procédure contre [...] pour obtenir réparations et dédommagements'»,
«'il nous est donc indispensable de mettre l'ascenseur en service, et pour cela nous comptons sur votre collaboration'».
Elle pose ensuite des questions à la société Orona «'en (sa) qualité de sous-traitant de [...]'» sur le montant de son lot, sur le montant déjà réglé par [...] et celui restant à devoir, et sur le pourcentage officiel d'avancement des travaux, en relevant que son technicien l'a évalué à 98% en considérant que seule restait à réaliser la mise en service définitive.
La société [...] écrit encore à la société Orona que «'la société Avi est prête à vous régler le solde de votre marché afin que vous ne subissiez aucun préjudice du fait de la posture de [...], et ce afin que vous puissiez finir votre prestation'», et que «'votre client n'est pas la société [...], mais bien la société Avi qui est le maitre d'ouvrage'».
Elle termine son courriel en lui «'demand(ant) très fermement de bien vouloir reconsidérer (sa) position à l'égard de ce chantier, et de bien vouloir terminer (ses) prestations dans les plus courts délais'» et en indiquant qu'elle est leur «'interlocuteur principal'», «'à leur écoute'». et attend une réponse sans tarder.
La seule lecture de ce message permet de rejeter la théorie du mandat apparent dont se prévaut la société Orona pour soutenir que la société [...] a contracté ainsi un engagement contractuel pour le compte de la société Avi.
En effet, la société [...] ne se dit pas mandataire de celle-ci mais se présente comme intermédiaire': elle déclare être l'AMO -assistant à maitre d'ouvrage- de la société Avi, le terme d''«'assistant'» excluant tout pouvoir de représentation même pour un profane'; et elle qualifie la société Avi de «'client'» et non de mandant.
Le fait que le dirigeant de la société Avi soit personnellement en copie de ce courriel ne suffit évidemment pas à démontrer un quelconque engagement de celle-ci.
Bien plus, il ressort de ce message que la société [...] ignore tout de la prestation sous-traitée par la société [...] à la société Orona -sinon qu'elle porte sur le lot ascenseur, et ignore en particulier son prix, comme le solde restant dû à ce titre.
Son courrier ne peut donc être analysé que comme une démarche tendant à un rapprochement amiable entre la société Avi qui voudrait obtenir la finalisation des travaux accomplis par la mise en service de l'ascenseur par la société Orona alors que le cocontractant de celle-ci a quitté le chantier, et la société Orona qui reste encore impayée de ses prestations par ce cocontractant, la société [...].
Il n'est en lui-même constitutif d'aucun engagement tant parce que son rédacteur n'est pas la société Avi ni son mandataire, que parce que le contenu même de cette perspective d'engagement est alors encore indéterminé.
La société Orona ajoute qu'un accord serait ensuite intervenu téléphoniquement et que sa matérialité serait confirmée par le courriel qu'elle adresse ensuite au dirigeant de la société Avi le 11 juin 2019 et dans lequel elle indique que «'comme convenu ce jour par téléphone, nous vous transmettons': le DGD de l'opération avec le montant restant final, le contrat de maintenance, la mise en place du kit GSM et la gestion de la ligne téléphonique par nos soins'», précise qu'elle interviendra pour finaliser la mise en service le jeudi 13 juin et qu'elle a «'bien noté que (le chèque du DGD) sera remis directement à (son) intervenant sur place ce jeudi'».
Pour autant, l'absence de réponse de la société Avi à ce courriel ne constitue pas un accord ou un engagement pour payer le solde du marché tel qu'il sera mentionné sur ce décompte définitif venant clôturer le marché.
Il n'est ainsi justifié ni de la conclusion d'un nouveau contrat entre la société Avi et la société Orona portant sur les travaux effectués par celle-ci au titre de la sous traitance du lot ascenseur et pour le prix réclamé de 17.640 euros, ni d'une quelconque novation du contrat conclu entre la société [...] et la société Orona par changement de débiteur, dès lors que le consentement exprès et non équivoque de la société Avi elle-même en ce sens n'est aucunement démontré.
La demande de l'intimée en paiement de sa facture éditée le 11 juin 2019 à l'adresse de la SAS Avi au titre d'une obligation contractuelle ne peut donc qu'être rejetée.
Sur l'obligation délictuelle à paiement de la société Avi':
Les premiers juges ont retenu que la société Avi avait tacitement accepté la société Orona comme sous-traitant et en ont conclu que sa responsabilité était engagée «'conformément aux dispositions aux dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975'». Constatant qu'elle n'avait pas mis en demeure la société [...], après la réunion de chantier du 5 mai 2019 -date à laquelle elle aurait eu connaissance de la présence de la société Orona sur le chantier, de déclarer le soustraitant, elle aurait causé un préjudice à celui-ci, la société Orona, en la privant de son action directe, et devrait l'en indemniser à hauteur du montant correspondant au solde du marché.
La société Orona reprend cette motivation en appel à titre subsidiaire, ce à quoi la société Avi s'oppose, le contradictoire étant ainsi rétabli devant la cour.
L'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2006 et donc applicable à l'espèce, dispose que, «'pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics': - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 (obligation pour l'entrepreneur de faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage) ou à l'article 6 (obligation du sous-traitant à l'égard de son sous-traitant), ainsi que celles définies à l'article 5 (obligation pour l'entrepreneur d'informer le maître de l'ouvrage sur les prestations qu'il entend sous-traiter et les sous-traitants auxquels il entend faire appel), mettre l'entrepreneur principal ou le soustraitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés.'»
Cette obligation de mise en demeure suppose donc que le maître d'ouvrage ait «'connaissance de la présence sur le chantier'» d'un tel sous-traitant, non accepté et non agréé par lui.
Le contrat de travaux immobiliers conclu le 6 août 2018 entre la société Avi et la société [...] stipule en son article 12 que «'l'entrepreneur s'engage à traiter directement les travaux sans faire appel à la sous-traitance. Dans le cas où une soustraitance exceptionnelle est nécessaire, l'entrepreneur doit obtenir l'autorisation expresse du maître d'ouvrage, il doit faire accepter le ou les sous-traitants et justifier d'une garantie au profit du sous-traitant, laquelle doit être agréée par le maître d'ouvrage. Celle-ci consiste soit en une délégation de paiement soit une caution solidaire obtenue d'un organisme bancaire agréé'».
Les parties s'accordent à dire que la société Orona, à laquelle la société [...] a sous-traité le lot ascenseur le 7 janvier 2019, n'a fait l'objet d'aucune autorisation expresse de la société Avi.
Il ne peut être utilement soutenu que le recours à un sous-traitant pour le lot ascenseur était évident pour la société Avi comme imposé par les spécificités techniques et les qualifications nécessaires à de tels travaux, alors que la société [...] avait bien au contraire assuré ce maître d'ouvrage qu'elle disposait de «'tous les corps de métier nécessaire'» (courriel du 18 juillet 2018 en pièce 3 de l'appelante), et se présente comme un «'interlocuteur unique'» avec «'une équipe pluridisciplinaire'» pouvant répondre à tous besoins et projets'(cahier des charges techniques en pièce 5), affirmations qui pouvaient légitimement conduire à retenir qu'elle disposait du personnel technique qualifié aussi pour cette tâche.
Le jugement déféré fait référence à une réunion de chantier du 5 mai 2019, qui vaudrait acceptation tacite par la société Avi de la société Orona en qualité de sous-traitant.
Pourtant, la visite «'in situ'» mentionnée à cette date dans le rapport de mission n'°4 d'assistance à maitrise d'ouvrage déposé par la société [...], s'est faite, selon les termes de ce rapport, «'en présence de [F] [U], conducteur de travaux de [...] et de Mr [E] [M] / Avi SAS'», et qu'il est alors noté que le poste «'ascenseur'» est estimé à 100% d'avancement depuis le 23 avril 2019 de sorte que la présence sur le chantier de la société Orona en charge de ces travaux n'avait plus de raison d'être (pièce 13 de l'appelante).
Aucune pièce au dossier ne permet de retenir qu'était pourtant également présente à cette réunion ou sur le chantier lors de cette réunion la société Orona, en sa qualité de sous-traitante de la société [...], et pas davantage que son intervention aurait alors été mentionnée.
La société Orona ne justifie pas davantage que la présence de ses techniciens et de son véhicule, porteurs du logo de sa société, sur le chantier informait la société Avi de sa qualité de sous-traitante et de son intervention à ce titre, du fait que son dirigeant les y avait nécessairement vus depuis janvier, alors qu'une telle présence concomitante n'est en tout état de cause pas même établie.
Enfin, contrairement à ce que soutient l'intimée, le courriel adressé le 30 janvier 2019 par le dirigeant de la société Avi à celui de la société [...] ne mentionne pas l'intervention effective de sous-traitants qui n'auraient pas été déclarés sur le chantier, mais rappelle seulement que le contrat et la loi exigent qu'ils le soient et cite le prénom d'un menuisier sans préciser s'il est ou non un employé de l'entreprise principale (pièce 25 de l'appelante).
Le dirigeant de la société [...] atteste en revanche que c'est seulement lorsque la société [...] a abandonné le chantier que «'nous avons découvert la présence de sous-traitants car jusqu'à l'abandon du chantier, Monsieur [...] faisait croire à Monsieur [M] que tous les corps d'état étaient de sa société. Après l'abandon du chantier, Monsieur [...] a adressé le 5 juin 2019 à Monsieur [M] les demandes d'agrément de sous-traitants'» (pièce 12).
Ce départ définitif de la société [...] du chantier qui lui avait été confié est annoncé par le courriel de son conseil à celui de la société Avi le 15 mai 2019.
Il est daté au 3 juin 2019 dans le message adressé par la société [...] à la société Orona le 11 juin 2019.
Dans ce courriel du 11 juin 2019, la société [...] n'interroge pas la société Orona quant à savoir si elle serait un sous traitant de la société [...] mais affirme': «'vous êtes intervenus comme sous-traitant de [...] pour réaliser le lot ascenseur'», ce qui démontre la connaissance qu'elle avait alors de l'intervention sur son chantier de cette société.
Destinataire de ce courriel, la société Avi en est donc informée.
Il peut donc être retenu que la société Avi, maitre d'ouvrage, avait connaissance de l'intervention sur son chantier de la société Orona en qualité de sous-traitant de la société [...] entre le 3 juin 2019 et au plus tard le 11 juin 2019, le texte précité n'exigeant pas qu'il lui en soit fait une notification officielle.
L'obligation de mise en demeure visée à l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 lui incombait alors à compter de cette date du 11 juin 2019 où il est certain qu'elle disposait de cette information.
Pour autant, cette mise en demeure devait avoir pour objet de sommer la société [...] de lui soumettre le contrat de sous traitance pour acceptation.
Or, dans l'attestation établie le 18 juin 2021 et produite en pièce 12 par l'appelante, le directeur de la société [...] indique que «'après l'abandon du chantier, Monsieur [...] (société [...]) a adressé le 5 juin 2019 à Mr [M] (société Avi), les demandes d'agrément de sous-traitants'», et cette mention n'est pas démentie par la société Orona dans ses écritures.
La mise en demeure prévue à l'article 14-1 de la loi sur la sous-traitance était dès lors sans objet puisqu'il avait alors manifestement déjà été procédé à cette démarche par la société [...].
Bien plus encore, quand bien même aurait il alors été procédé par la société Avi, dès qu'elle a eu connaissance de la qualité de sous-traitant de la société Orona sur son chantier le 11 juin 2019, à cette mise en demeure de la société [...], que celle-ci n'aurait alors, au mieux, procédé à cette déclaration obligatoire qu'ensuite. Mais, en tout état de cause, la société Avi n'avait aucune obligation d'accepter cette sous-traitance, et ce d'autant moins que le contrat conclu avec la société [...] en excluait le principe.
Il n'existe ainsi en tout état de cause aucun lien de causalité entre l'absence de cette mise en demeure et le préjudice invoqué par la société Orona puisque les travaux étaient déjà exécutés avant qu'elle puisse être agréée et sans qu'elle l'ait été.
Le jugement déféré doit être infirmé.
Sur l'obligation de restitution':
La société Orona demande à titre encore plus subsidiaire la restitution par équivalent de l'ascenseur en s'appuyant d'une part sur les conditions générales de son contrat qui stipule que le transfert de propriété du matériel n'intervient qu'après complet paiement du prix, et d'autre part, sur les dispositions de l'article 555 alinéas 1 à 3 du code civil.
Comme le fait justement valoir la société Avi, les stipulations du contrat conclu entre la société [...] et la société Orona ne sont pas opposables à la société Avi qui est tierce à cette relation contractuelle.
Enfin, l'article 555 du code civil impose au «'propriétaire du fonds'» sur lequel des constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce tiers, s'il entend les conserver, de rembourser à celui-ci soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent ces constructions et ouvrages.
Or il n'est pas établi qu'en l'espèce la société Avi, maitre d'ouvrage, est également le propriétaire du fonds sur lequel l'ascenseur a été réalisé alors qu'il peut être simplement détenteur des droits de l'utiliser.
Et en tout état de cause, la société Orona ne démontre ni que ledit fonds a augmenté de valeur à hauteur de la somme qu'elle réclame, ni qu'au jour du remboursement, le coût des matériaux et de la main d'oeuvre utilisés y correspondrait.
La demande en paiement ne peut donc qu'être rejetée sur ce fondement également.
Sur les autres demandes':
Aucune faute n'étant démontrée à la charge de la société Avi, bien fondée en son appel et en sa contestation, la demande d'indemnisation formulée par la société Orona au titre de la résistance abusive ne peut prospérer.
L'arrêt infirmant une décision de condamnation emporte en lui-même obligation de restitution des sommes payées en exécution de cette décision, de telle sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le paiement par l'intimée des sommes acquittées à son bénéfice en exécution du jugement déféré.
Sur les frais de l'instance':
L'intimée, qui succombe, devra supporter les dépens de la première instance et de l'instance d'appel.
L'équité ne commande pas en revanche de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une quelconque des parties.
PAR CES MOTIFS':
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions';
Et statuant à nouveau,
Déboute la SAS Orona venant aux droits de la société Orona méditerranée de toutes ses demandes';
Dit n'y avoir lieu à application au profit de l'une des parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
Rejette toutes autres demandes';
Dit que la SAS Orona supportera les dépens de première instance et d'appel.