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Décisions

CA Orléans, ch. com. économique et financière, 29 février 2024, n° 21/02420

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Eddia Travaux (SARL)

Défendeur :

Isi Elec (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chegaray

Conseillers :

Mme Chenot, M. Desforges

Avocats :

Me Kutta Engome, Me Da Costa

T. com. Orléans, du 29 avr. 2021

29 avril 2021

EXPOSE DU LITIGE :

Dans le cadre d'un marché principal de travaux qu'elle avait contracté avec la SCI Smadi'& Co, portant sur la reconstruction d'un hôtel dénommé Cirta situé à Fleury-Mérogis (91), la SARL E.R.C.C. a sous-traité le 15 novembre 2016 à la société Isi Elec les travaux du lot «'électricité courants forts et faibles'», moyennant un prix forfaitaire de 266'000 euros.

Le sous-traité prévoit des règlements «'par virement à 45 jours à compter de la date de réception des factures'».

Exposant qu'après lui avoir payé ses treize premières factures de situation, la société E.R.C.C. n'a pas réglé ses factures de situation numéros 14, 15 et 16, émises les 22 juin, 23 novembre 2018 et 15 avril 2019, en dépit de deux mises en demeure restées sans effet, la société Isi Elec a fait assigner la société E.R.C.C. en paiement devant le tribunal de commerce d'Orléans par acte du 23 juillet 2019.

Par jugement du 29 avril 2021 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce d'Orléans a :

- condamné la SARL ERCC à payer à la SARL Isi Elec la somme de 18 518,93 euros au titre de sa situation n°14 (facture n° 1800539 en date du 22 juin 2018, exigible au 22 juillet 2018),

- condamné la SARL ERCC à payer à la SARL Isi Elec la somme de 8 167,40 euros au titre de sa situation n°15 (facture n° 1800977 en date du 23 novembre 2018, exigible au 23 décembre 2018),

- condamné la SARL ERCC à payer à la SARL Isi Elec la somme de 853,24 euros au titre de sa situation n°16 (facture n° 1801606 en date du 15 avril 2019, exigible au 15 mai 2019),

- dit que ces sommes seront majorées des intérêts calculés au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter de leur date d'exigibilité,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamné la SARL ERCC à payer à la SARL Isi Elec la somme de 120 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,

- condamné la SARL ERCC à payer le coût du procès-verbal de constat dressé le 14 mai 2019 sur production de la facture,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la SARL ERCC à payer à la SARL Isi Elec la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit qu'en cas de recouvrement forcé, le droit prévu à l'article 129 du tableau 3-1 annexé à l'article R. 444-3 du code de commerce relatif au tarif de huissiers de justice devra être supporté par la SARL ERCC,

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SARL ERCC en tous les dépens, y compris les frais de greffe liquidés à la somme de 64,68 euros.

Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont retenu en substance que le montant des factures litigieuses était conforme aux prévisions du sous-traité, que la preuve de l'exécution des travaux facturés s'inférait de l'avis favorable que la commission communale de sécurité avait donné le 5 août 2019 à l'ouverture de l'établissement hôtelier, puis que la société E.R.C.C ne rapportait la preuve ni d'un retard d'exécution, ni de malfaçons, ni de défauts de conformité qui puissent être imputés à son sous-traitant.

La société E.R.C.C., devenue la SAS Eddia travaux (ci-après Eddia), a relevé appel de cette décision par déclaration du 10 septembre 2021 en critiquant expressément toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2023 par voie électronique, la société Eddia demande à la cour de':

- déclarer la société Eddia Travaux anciennement dénommée ERCC recevable et bien fondée en son appel,

En conséquence,

- infirmer le jugement n° 2019003666 rendu par le tribunal de commerce d'Orléans en date du 29 avril 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- déclarer la société Isi ELEC mal fondée en ses demandes,

- en conséquence, l'en débouter,

- déclarer la société Eddia Travaux anciennement dénommée ERCC recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles,

En conséquence,

- condamner la société Isi Elec à régler à la société Eddia Travaux anciennement dénommée ERCC les sommes de :

* 131'618,40 euros TTC au titre des pénalités de retard encourues,

* 5'380,38 euros TTC au titre du remboursement des dégâts causés aux faux plafonds par la société Isi Elec,

* 76'080 euros TTC au titre des défauts de conformité,

* 72'000 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires liée aux retards de chantier,

- déclarer que ces sommes seront majorées des intérêts calculés au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter de leur date d'exigibilité,

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Isi Elec à verser à la société Eddia Travaux la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer qu'en cas de recouvrement forcé, le droit prévu à l'article 129 du tableau 3-1 annexé à l'article R. 444-3 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice devra être supporté par la société Isi Elec,

- condamner la société Isi Elec aux entiers dépens avec allocation au profit de la SELARL Acte Avocats Associés le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour ceux des dépens dont elle a fait l'avance.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2023 par voie électronique, la société Isi Elec demande à la cour de :

- déclarer la SARL Isi Elec recevable et bien fondée en ses écritures,

Et, y faisant droit,

Vu les articles 1103 et 1343-2 du code civil et les articles L. 441-10 - II [anciennement L. 441-6] et D. 441-5 du code de commerce,

Vu les articles 3 et 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975,

Vu les articles 9, 696 et 700 du code de procédure civile,

Vu les pièces produites aux débats,

- déclarer la SASU Eddia Travaux (anciennement « SARL ERCC ») mal fondée en son appel formé contre le jugement du tribunal de commerce d'Orléans en date du 29 avril 2021 (n° de rôle : 2019003666), comme en toutes ses prétentions, fins et conclusions, et l'en débouter,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner la SASU Eddia Travaux (anciennement « SARL ERCC ») à payer à la SARL Isi Elec la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SASU Eddia Travaux (anciennement « SARL ERCC ») aux entiers frais et dépens d'appel,

- rejeter toutes prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 7 décembre 2023, pour l'affaire être plaidée le 14 décembre suivant et mise en délibéré à ce jour.

A l'audience, la cour a fait observer que la société Isi Elec, qui n'est liée par aucun contrat avec le maître de l'ouvrage, n'est pas tenue de la garantie dite décennale et ne peut pas engager sa responsabilité à l'égard de la société Eddia sur le fondement des articles 1792 et suivants, seul évoqué par l'appelante.

En application de l'article 12 du code de procédure civile, la cour a en conséquence invité les parties à lui indiquer, au moyen d'une note en délibéré à transmettre contradictoirement sous quinzaine, si les demandes reconventionnelles de la société Eddia peuvent être examinées sur fondement de l'article 1231-1 du code civil qui lui apparaît devoir être appliqué.

Par une note transmise par voie électronique le 21 décembre 2023, la société Isi Elec commence par rappeler que, sauf cas particuliers étrangers au présent litige, le juge n'a pas l'obligation de changer la dénomination ou le fondement juridique des demandes des parties et ajoute, en se référant aux articles 4 et 5 du même code, que lorsqu'une demande est mal fondée en droit, elle doit nécessairement être rejetée, sans qu'il relève de l'office du juge de rectifier ou d'inviter les parties à rectifier le fondement de leurs demandes.

L'intimée observe ensuite que si la société Eddia s'est fondée sur les articles 1792 et 1792-2 du code civil jusqu'à ses écritures notifiées le 22 novembre 2023, elle semble avoir abandonné ce fondement dans ses dernières écritures en réplique, visant en page 12 les articles 1710 et 1787 en lieu et place des articles 1792 et 1792-2.

La société Isi Elec rappelle, d'une part avoir indiqué dans ses propres écritures que les articles 1792 et 1792-2 ne peuvent recevoir application en l'espèce, d'autre part qu'elle entend se prévaloir des dispositions d'ordre public de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, ce dont elle en déduit que, faute pour la société Eddia de pouvoir invoquer le sous-traité à son encontre, les demandes de cette dernière ne sauraient prospérer sur le fondement des articles 1710 et 1787, qui ne peuvent recevoir application, ni même sur le fondement de l'article 1231-1 proposé par la cour, dès lors que, selon elle, aucune obligation contractuelle ne peut être invoquée par l'appelante à son encontre.

Dans une note responsive transmise par voie électronique le même jour, la société Eddia rétorque pour commencer que l'article 12 du code de procédure civile permet à la cour de modifier la dénomination ou le fondement juridique de sa demande.

L'appelante ajoute que dans ses dernières écritures du 22 novembre 2023, elle n'a nullement modifié le fondement de ses demandes reconventionnelles, qu'elle ne s'est référée aux articles 1710 et 1787 du code civil que pour insister sur l'obligation de résultat qui incombe à son sous-traitant, et que c'est donc bien le fondement des articles 1792 et 1792-2 du code civil qu'elle a entendu invoquer en cause d'appel au soutien de ses demandes reconventionnelles.

La société Eddia demande cependant à la cour d'analyser ses demandes reconventionnelles sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, en rappelant que,en application de ce texte, le sous-traitant est tenu envers l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat qui consiste à réaliser des travaux conformes à la commande et exempts de vices.

SUR CE, LA COUR :

Sur les demandes en paiement des factures du sous-traitant :

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Pour s'opposer à la demande en paiement de son sous-traitant, l'appelante ne peut sérieusement faire valoir, sauf à inverser la charge de la preuve, qu'il appartiendrait à la société Isi Elec de démontrer qu'elle a correctement exécuté les travaux dont elle réclame paiement.

La société Isi Elec rapporte en effet la preuve des travaux qui lui ont été commandés en produisant le contrat de soustraitance conclu entre les parties le 15 novembre 2016, et démontre avoir effectivement réalisé les travaux qui lui ont été commandés en communiquant en pièce 8 le procès-verbal des opérations préalables à la réception (OPR) établi le 16 novembre 2018 entre le maître d'oeuvre et le maître de l'ouvrage ainsi que le procès-verbal de la commission de sécurité qui, après une visite de contrôle le 5 août 2019, a émis un avis favorable à la réception des travaux et à l'ouverture de l'établissement au public.

Lors des opérations préalables à la réception, le 16 novembre 2018, deux réserves avaient été émises, concernant la trop forte sensibilité de l'éclairage des passerelles situées en R + 1 et R + 2.

La réserve concernant la passerelle R + 2 avait été mentionnée comme déjà corrigée, et celle de la passerelle située en R + 1 comme restant à corriger.

Même à admettre que la commission de sécurité qui a attesté que les installations électriques et l'éclairage de sécurité de l'ouvrage destiné à recevoir du public étaient conformes à la réglementation contre les risques d'incendie et de panique n'ait pas porté son contrôle sur la sensibilité de l'éclairage de la passerelle située en R + 1, la société Eddia n'établit ni même n'allègue que cette réserve n'aurait pas été levée.

En toute hypothèse, ce menu désordre n'aurait pu autoriser la société Eddia à opposer à son sous-traitant l'exception d'inexécution pour refuser d'exécuter ses propres obligations.

C'est également sans sérieux que la société Eddia, qui avait elle-même reconnu dans un courriel du 25 octobre 2018 devoir le paiement de la facture de situation n° 14, s'oppose désormais à tout paiement de son sous-traitant en excipant de rapports de l'Apave qui ne correspondent pas aux derniers contrôles de cet organisme, lesquels ne font état d'aucune anomalie imputable à l'intimée, et c'est avec une particulière mauvaise foi que l'appelante cherche à imputer à son soustraitant les non-conformités que l'APAVE avait relevées dans son avant-dernier rapport de contrôle du 27 mars 2019, alors que l'intimée démontre que ces non-conformités, qui n'avaient pas été relevées dans les précédents rapports de l'APAVE, sont liées à des interventions réalisées sur l'installation par la société Eddia elle-même.

Si les premiers rapports établis par l'APAVE fin 2018 et mi-janvier 2019 révèlent que certaines des prestations commandées à la société Isi Elec avaient été mal exécutées, et que les courriers échangés entre les parties montrent également que la société intimée n'a pas exécuté ou pas achevé d'exécuter ses travaux dans les délais qui avaient été fixés par le maître de l'ouvrage, ces manquements évoqués contre le sous-traitant seront examinés en ce qu'ils servent de soutien aux demandes que présente reconventionnellement la société Eddia, mais ne sont en toute hypothèse pas d'une gravité telle qu'ils puissent autoriser ladite société à ne pas payer son sous-traitant.

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ses chefs portant condamnation à paiement des trois dernières factures de situation du sous-traitant, ainsi qu'en ses chefs accessoires portant sur les intérêts et autres pénalités, contre lesquels l'appelante ne développe aucune critique.

Sur les demandes reconventionnelles de l'entreprise principale :

- sur l'incidence de l'absence d'acceptation du sous-traitant par le maître de l'ouvrage et du défaut d'agrément de ses conditions de paiement

Aux termes de l'article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ['].

Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant.

La société Eddia ne conteste pas avoir failli à ces règles, réputées d'ordre public par l'article 15 de la loi précitée, en ne sollicitant ni l'acceptation de son sous-traitant par le maître, ni l'agrément de ses conditions de paiement.

Encore que la société Eddia n'ait pas cru utile de discuter des effets à tirer de ses propres manquements, la cour est tenue de faire produire à l'article 3 dont se prévaut le sous-traitant les seuls effets qui sont les siens.

Dès lors que ce texte est destiné à assurer au sous-traitant le paiement de ses prestations, il est de jurisprudence assurée que l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 ouvre au sous-traitant une faculté de résiliation pendant toute la durée du contrat, lequel doit cependant recevoir application lorsque la sanction légale n'a pas été mise en oeuvre par l'intéressé (v. par ex. Civ. 3, 24 avril 2003, n° 01-11.889'; 10 novembre 2021, n° 20-19.372). Dit autrement, le sous-traitant qui n'a pas été agréé ne peut à la fois se prévaloir du contrat de sous-traitance pour obtenir le paiement de ses travaux et le rejeter pour échapper à ses obligations contractuelles (v. par ex. Civ. 3, 13 avril 1988, n° 86-18.961'; 10 janvier 1990, n° 88-16.190).

En l'espèce, la société Isi Elec n'a pas usé de la faculté de résiliation unilatérale qui lui était offerte par la loi'; tout au contraire, ladite société a réclamé, non pas la rémunération de sa prestation à hauteur de sa valeur, mais le paiement de ses travaux conformément aux stipulations du sous-traité. Dans ces circonstances, le sous-traitant intimé ne peut soutenir que la société Eddia ne pourrait se prévaloir à son encontre du sous-traité.

- sur le fondement des demandes reconventionnelles de l'entreprise principale

S'il n'y a pas de difficulté sur le fondement de la demande en paiement des indemnités de retard, qui ne peut être fondée que sur les éventuelles stipulations du sous-traité et la force obligatoire qui lui est accordée par la loi, les observations que la société Eddia a transmises en délibéré sur interrogation de la cour ne permettent pas de comprendre si celle-ci admet ou non que ses demandes indemnitaires ne sauraient prospérer sur le fondement des articles 1792 et 1792-2 du code civil.

Aussi faut-il rappeler que le sous-traitant, qui n'est pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage par un contrat d'entreprise, n'est débiteur de la garantie dite décennale, ni à l'égard du maître de l'ouvrage, ni à l'égard de l'entrepreneur principal (v. par ex. Civ. 3, 20 juin 1989, n° 88-10.939'; Civ. 1, 7 mai 2002, n° 97-18.313).

Il en résulte que la responsabilité de la société Isi Esec ne peut être examinée que sur le fondement commun de la responsabilité contractuelle, et non sur le fondement, inapproprié, de la responsabilité spécifique prévue aux articles 1792 et 1792-2 du code civil.

Selon l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquelles elles entendent limiter le débat.

Il en résulte que lorsque les parties n'ont pas précisé le fondement juridique de leur prétention, le juge doit rechercher la règle de droit appropriée à la solution du litige et que si les parties, comme en l'espèce, ont précisé le fondement juridique de leur prétention, le juge n'a aucune obligation mais peut changer la dénomination ou le fondement juridique de la demande lorsque les parties n'ont pas, en vertu d'un accord exprès, limité le débat (v. par Civ. 1, 30 janvier 2007, n° 05-20.887'; Com. 7 décembre 2010, n° 09-67344 . Civ. 3, 20 octobre 2016, n° 15-19.091).

Dès lors que la seule obligation qui incombe au juge qui envisage de substituer un nouveau fondement juridique au fondement invoqué est d'observer le principe fondamental de contradiction en recueillant préalablement les observations des parties, la société Isi Elec soutient de manière inexacte que la cour aurait méconnu son office en l'espèce et n'avait pas d'alternative que de rejeter purement et simplement les demandes reconventionnelles de la société Eddia, mal fondées en droit.

Les demandes indemnitaires de la société Eddia seront en conséquence examinées, sur le fondement substitué de l'article 1231-1 du code civil aux termes duquel le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

- sur la demande en paiement d'une somme TTC de 5'380,38 euros au titre de dégâts causés aux faux-plafonds

Alors que la société Eddia lui reproche d'avoir occasionné des dégâts à des faux-plafonds, la société Isi Elec le conteste en affirmant avoir toujours dénié sa responsabilité.

La société Isi Elec ne conteste pas avoir reçu le courrier recommandé du 6 juillet 2018 par lequel la société Eddia lui indiquait avoir constaté lors de la réunion de chantier du 5 juillet 2018 qu'elle n'avait pas tenu son engagement de remplacer les dalles du plafond abîmées ou manquantes, ni le courrier du 16 août 2018 par lequel la société Eddia lui demandait de prendre position sur le remplacement des dalles de faux plafond endommagées, ni encore le courriel du 11 décembre 2018 par lequel l'entreprise principale lui demandait de lui indiquer, par retour de mail, quelle option elle entendait choisir pour remédier à la dégradation des dalles du faux plafond liée à son intervention.

La société Isi Elec ne justifie pas avoir apporté la moindre réponse à ces courriers réitérés de l'entrepreneur principal, et ne peut sérieusement soutenir avoir toujours contesté sa responsabilité dans la dégradation de ces dalles, alors que dans le décompte général et définitif qu'elle a soumis le 15 avril 2019, produit en pièce 1 par l'appelante, il apparaît en page 7 qu'elle a appliqué une «'remise'» de 500 euros HT «'en compensation des dalles de faux-plafond'» et que dans le courrier électronique qu'elle avait adressé le 26 octobre 2018 à la société Eddia, elle ne contestait pas non plus sa responsabilité, mais seulement la somme de 2'881,85 euros HT que la société Eddia proposait alors de déduire de ses dernières factures de situation.

Dès lors qu'il est ainsi établi que la dégradation de dalles de faux-plafond garnissant l'ouvrage est imputable à la société Isi Elec, et que cette dernière n'a pas cru utile de répondre au dernier courriel de l'entreprise principale qui lui demandait de choisir entre trois options, à savoir 1° «'sous-traitance pose et fourniture par LMG Bat'», 2° «'pose par sous-traitant LMG Bat et fournitures par vos soins'», 3° «'pose et fourniture par vos soins'», en lui précisant que sans réponse de sa part, l'option 1 serait retenue, la société Isi Elec sera reconventionnellement condamnée à payer à la société Eddia, qui demande à être indemnisée du coût de ces travaux de réparation taxe sur la valeur ajoutée incluse, sans justifier ne pas être assujettie à cette taxe et ne pas la récupérer, une somme HT de 3'983,65 euros qui correspond, déduction faite de la remise de 500 euros HT accordée sur la facture de situation n° 15, au montant des devis de fourniture et pose de la société LMG Bat qui avaient été transmis au sous-traitant et à réception desquels il lui aurait été loisible de procéder lui-même aux menus travaux de réfection en cause s'il ne voulait pas supporter le coût de l'intervention de la société LMG Bat.

- sur la demande formée à hauteur de 76'080 euros au titre de défauts de conformité

Au soutien de cette demande qui n'est soutenue par aucun moyen, la société Eddia n'a pas même cru utile d'expliciter, au moins en faits, l'objet de sa prétention.

Les seuls développements, dans les écritures de l'appelante, qui puissent se rattacher à des défauts de conformité qui n'auraient pas été corrigés par la société Isi Elec, ont trait au fait que le maître de l'ouvrage a reproché à la société Eddia, le 8 août 2018, d'avoir installé des éclairages d'une marque différente de celle qui était contractuellement prévue.

Outre que, en dépit des observations de l'intimée, la société Eddia n'a pas cru utile de produire le cahier des clauses techniques particulières ni aucun autre élément permettant de déterminer la marque et les caractéristiques des appareils d'éclairage qu'elle s'était elle-même engagée à fournir au maître de l'ouvrage, il suffit de comparer le courrier de récrimination du maître de l'ouvrage que l'appelante produit en pièce 6 avec le devis de la société Isi Elec qu'elle communique également, en pièce 1, pour constater que les éclairages que le maître de l'ouvrage reproche à l'appelante de ne pas avoir fournis ne sont pas du type, et notamment de la marque, de ceux que le sous-traitant s'était lui-même engagé à fournir dans son devis.

Dès lors, à supposer, ce qui ne saurait être établi par un seul courrier du maître de l'ouvrage, que les éclairages fournis ne correspondent pas à ceux prévus au marché principal, ce défaut de conformité ne peut être imputé au sous-traitant dont rien ne tend à établir qu'il n'a pas fourni les appareils qu'il avait prévu d'installer dans le devis sur la base duquel a été conclu le sous-traité.

- sur la demande formée à hauteur de 72'000 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires liée au retard de chantier

Au soutien de cette demande, la société Eddia se borne à expliquer que dans l'instance qui l'a opposée au maître de l'ouvrage devant le juge des référés d'Evry, instance à laquelle elle n'a pas cru utile d'attraire la société Isi Elec ni aucun autre de ses sous-traitants, le maître de l'ouvrage a évalué la perte de chiffre d'affaires qu'il lui impute à 72'000 euros.

Sans même expliquer les raisons pour lesquelles, à suivre son raisonnement, la société Isi Elec devrait l'indemniser d'une perte de chiffre d'affaires qui n'est pas la sienne mais qui est celle alléguée par le maître de l'ouvrage, la société Eddia affirme péremptoirement que l'imputabilité des manquements que le maître lui reproche «'se déduit des pièces versées aux débats'», ce qui n'est pas sérieux.

Une perte de chiffre d'affaires ne constituant en toute hypothèse pas un préjudice réparable, ce chef de demande indemnitaire, infondé, ne peut qu'être rejeté.

- sur la demande formée à hauteur de 131'618,40'euros TTC au titre des pénalités de retard encourues

Il résulte des productions, notamment des échanges entre les parties et des courriers adressés à la société Eddia par le maître de l'ouvrage aussi bien que par le maître d'oeuvre, que la société Isi Elec n'a pas réalisé les travaux qui lui avaient été sous-traités dans les délais convenus au marché principal.

Il s'infère cependant également des productions que d'autres sous-traitants de la société Eddia avaient pris du retard dans la réalisation des travaux qui leur avaient été confiés, que la société Isi Elec a justifié s'être heurtée à des difficultés d'approvisionnement et a réclamé à plusieurs reprises à l'entrepreneur principal le planning général du chantier, dont il n'est pas établi qu'il lui aurait finalement été transmis, ce alors que le sous-traitant n'assistait pas aux réunions de chantier et qu'il ne résulte d'aucune pièce que les compte-rendus de ces réunions lui étaient transmis ou que la société Eddia transmettait à ses sous-traitants les informations leur permettant de coordonner leurs interventions.

Au regard des éléments produits, il est impossible d'établir si le retard pris dans la livraison de l'ouvrage peut être imputé à la société Isi Elec, ni dans quelle mesure.

L'appelante ne peut dès lors qu'être déboutée de la demande qu'elle formule à l'encontre de son sous-traitant à hauteur de 131'618,40 euros au seul motif que le maître de l'ouvrage avait sollicité sa propre condamnation à lui régler une provision de ce montant au titre des pénalités de retard, en omettant au demeurant, ce qui résulte pourtant de ses propres pièces 23 et 38, de première part que ces pénalités lui avaient été réclamées pour le retard pris dans la livraison, non pas seulement du lot des travaux d'électricité, mais également du lot des travaux de plomberie'; de deuxième part qu'elle s'était opposée à cette demande provisionnelle du maître en faisant valoir qu'il n'existait «'aucune référence contractuelle aux pénalités de retard ni aucun planning contractuel'»'; de dernière part que la demande provisionnelle du maître a été rejetée par le juge des référés.

- sur la demande d'application du taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points et sur la demande de capitalisation annuelle des intérêts

L'article 1231-7 du code civil énonce qu'en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement et que, sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

La société Eddia n'indique pas sur quel fondement elle sollicite que les intérêts soient fixés au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage - taux auquel il est fait référence à l'article L. 441-10 du code du commerce.

Etant si besoin précisé que les dispositions de l'article L. 441-10 ne sont pas applicables à une condamnation de nature indemnitaire, la seule somme de 3'983,65 euros au paiement de laquelle la société Isi Elec a été condamnée sera majorée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 précité, et le cas échéant capitalisés par années entières à compter de la même date, selon les modalités prévues à l'article 1343-2 du code civil qui prévoit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

Sur les demandes accessoires :

La société Eddia, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, elle sera condamnée à régler à la société Isi Elec, à laquelle il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure de 3'000'euros.

Rien ne justifie en revanche de mettre en sus à la charge de la société Eddia le coût du procès-verbal de constat que la société Isi Elec a fait dresser le 14 mai 2019. Le jugement déféré sera en conséquence infirmé sur ce chef, comme en ce qu'il a dit que le droit prévu à l'article 129 du tableau 3-1 annexé à l'article R. 444-3 du code du commerce relatif au tarif des commissaires de justice devrait être supporté par la société E.R.C.C. devenue Eddia, alors que l'émolument dont s'agit est à la charge du créancier en application de l'article R. 444-55 du même code.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise, mais seulement en ce qu'elle a débouté la société E.R.C.C. de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles, condamné ladite société à payer à la société Isi Elec le coût du procès-verbal de constat dressé le 14 mai 2019 et dit qu'en cas de recouvrement forcé, le droit prévu à l'article 129 du tableau 3-1 annexé à l'article R. 444-3 du code du commerce relatif au tarif des commissaires de justice devra être supporté par la société E.R.C.C.,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés':

Condamne la société Isi Elec à payer à la société Eddia travaux, anciennement E.R.C.C., la somme HT de 3'983,65 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, le cas échéant capitalisés par années entières conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Déboute la société Eddia travaux du surplus de ses demandes reconventionnelles,

Dit n'y avoir lieu de mettre à la charge de la société Eddia travaux le coût du procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 14 mai 2019,

Rejette la demande tendant à entendre juger qu'en cas de recouvrement forcé, le droit prévu à l'article 129 du tableau 3-1 annexé à l'article R. 444-3 du code du commerce relatif au tarif des commissaires de justice devra être supporté par la société Eddia travaux,

Confirme la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Y ajoutant,

Condamne la société Eddia travaux à payer à la société Isi Elec la somme de 3'000'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société Eddia travaux formée sur le même fondement,

Condamne la société Eddia travaux aux dépens,

Dit n'y avoir lieu d'accorder à la SELARL Acte avocats associés le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.