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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 13 mars 2024, n° 22/03982

ROUEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Lamy Lecomte (SAS)

Défendeur :

Bonaud (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wittrant

Conseillers :

Mme Deguette, Mme Bergère

Avocats :

Me Tarteret, Me Jolly

TJ Evreux, du 22 nov. 2022, n° 21/03064

22 novembre 2022

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Dans le cadre d'un marché public de travaux portant sur la réhabilitation de la gendarmerie Dagniaux au Havre, la Sgami Ouest, en sa qualité de maître d'ouvrage, a lancé un appel d'offres sur le lot n°3 'carrelage, faïence, peinture, revêtements de sols souples', la maîtrise d'oeuvre étant confiée au Groupe Arcane Architectes et à la société Sogepi.

En cours de construction, le marché a été réattribué à la Sas Bonaud, laquelle a conclu un contrat de sous-traitance avec la Sas Lamy Lecomte le 11 juin 2020.

Par courrier recommandé du 24 février 2021, la Sas Bonaud a notifié à la Sas Lamy Lecomte la résiliation du contrat.

Par courrier recommandé du 5 mars 2021, la Sas Lamy Lecomte a également notifié à sa cocontractante la résiliation du contrat de sous-traitance.

Suivant acte d'huissier du 18 octobre 2021, la Sas Lamy Lecomte a fait assigner la Sas Bonaud devant le tribunal judiciaire d'Evreux aux fins de résiliation du contrat de sous-traitance aux torts exclusifs de l'entreprise principale et paiement du solde du marché, outre des dommages et intérêts.

Par jugement du 22 novembre 2022, le tribunal judiciaire d'Evreux a :

- dit que la résiliation du contrat de sous-traitance notifiée par courrier recommandé du 24 février 2021 par la Sas Bonaud à la Sas Lamy Lecomte est bien fondée,

- débouté, en conséquence, la Sas Lamy Lecomte de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la Sas Lamy Lecomte à verser à la Sas Bonaud la somme de 14 062, 48 euros au titre du surcoût exposé pour pallier la carence de la société sous-traitante dans l'exécution du marché,

- débouté la Sas Bonaud de sa demande de dommages et intérêts pour action abusive,

- condamné la Sas Lamy Lecomte à verser à la Sas Bonaud la somme de

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sas Lamy Lecomte aux entiers dépens,

- rappelé l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration reçue au greffe le 12 décembre 2022, la Sas Lamy Lecomte a interjeté appel de la décision.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par dernières conclusions notifiées le 23 juin 2023, la Sas Lamy Lecomte demande à la cour, au visa des articles 1104 et suivants du code civil et de la loi du 31 décembre 1975, de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- juger non fondée et abusive la décision de résiliation du contrat de sous-traitance notifiée par la Sas Bonaud par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 février 2021,

- corrélativement, juger parfaitement fondée la résiliation du contrat de sous-traitance telle qu'opérée par la Sas Lamy Lecomte selon courrier recommandé avec accusé de réception du 5 mars 2021,

- condamner la Sas Bonaud à lui verser la somme de 25 453,36 euros HT au titre du solde de sa situation de travaux n°5 du 15 décembre 2020, acceptée tacitement par l'entreprise Bonaud, cette somme étant soumise à intérêts moratoires commençant à courir à compter du 6 janvier 2021, date limite de paiement de ladite situation de travaux,

- condamner la Sas Bonaud à lui verser la somme de 64 887,15 euros HT au titre du bouleversement de l'économie du contrat de sous-traitance conclu le 11 juin 2020, avec intérêts moratoires à compter de la décision à intervenir,

- débouter la Sas Bonaud de toutes ses demandes ou les réduire à de plus justes proportions,

- condamner la Sas Bonaud à lui verser la somme de 6 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour s'opposer à la résiliation du contrat opérée par la Sas Bonaud, l'appelante soutient qu'en application de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975, l'intimée ne peut valablement se prévaloir du contrat de sous-traitance, puisque l'intégralité des prestations sous-traitées n'a pas été déclarée et agréée par le maître de l'ouvrage. Elle critique le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le fait qu'elle ait accepté cette situation privait d'effet l'article 3 susrappelé et permettait à la Sas Bonaud de se prévaloir des stipulations contractuelles à l'encontre de son sous-traitant.

En tout état de cause, même s'il était considéré que la Sas Bonaud était bien fondée à se prévaloir des dispositions du contrat, l'appelante soutient que les motifs de résiliation du marché issu du courrier du 24 février 2021 sont contestables et non fondés.

S'agissant de la non-levée des réserves, la Sas Lamy Lecomte expose qu'en contravention des dispositions du contrat, elle n'a pas été destinataire du procès-verbal de réception, de sorte qu'elle n'avait pas connaissance des réserves qu'elle devait lever et que cette situation ne peut lui être reprochée.

S'agissant du non-respect du calendrier d'exécution des travaux, elle fait valoir que le contrat de sous-traitance ne contient aucun calendrier ; que celui qui a été établi dans le cadre du marché principal ne lui est pas opposable ; qu'en outre, aucun ordre de service de démarrage des travaux ne lui a été adressé, de sorte qu'aucun planning d'exécution n'a commencé à courir à son égard. Elle estime qu'en considérant qu'il s'agissait d'une notification du démarrage des travaux, le premier juge a donné au courriel du 25 juin 2020 une valeur qu'il n'a pas.

Sur sa demande de résiliation du contrat pour non-paiement du solde intermédiaire des travaux, la Sas Lamy Lecomte critique la motivation du premier juge en ce qu'il a considéré que la Sas Bonaud pouvait s'affranchir des stipulations contractuelles relatives à la notification du procès-verbal de réception et dans le même temps exigé à son égard qu'elle justifie scrupuleusement de la mise en demeure préalable prévue par le contrat, alors que ce fait est établi par la lettre recommandée qu'elle a adressée à l'intimée, l'incertitude sur le numéro du courrier résultant d'une simple erreur de plume. À cet égard, elle fait observer que la Sas Bonaud ne démontre pas avoir reçu un autre courrier recommandé qui porterait le numéro erroné, ce qui établit qu'il n'y a eu qu'un seul envoi.

Sur le paiement du solde de la situation de travaux n°5 du 15 décembre 2020, l'appelante fait observer qu'il ressort des pièces produites par son adversaire qu'à la date de la résiliation du contrat, elle avait effectué des travaux d'un montant de 159 797,12 euros HT et qu'il restait dû 25 453,36 euros. De plus, elle affirme que les réfactions opérées par la Sas Bonaud ne sont aucunement justifiées, puisqu'elles reposent sur un planning qui ne lui est pas opposable, et sur l'imputation d'une facture de ménage qui n'a aucun lien avec une quelconque défaillance de sa part.

Par ailleurs, la Sas Lamy Lecomte fait valoir que pour tenter de répondre aux exigences surréalistes en matière de délais d'exécution des travaux imposées par le maître de l'ouvrage qui ne voulait pas tenir compte des semaines d'interruption de chantier liées au confinement décidé au printemps 2020, elle a dû mobiliser des moyens humains très importants (10 personnes contre 4 initialement prévues) qui ont entraîné une dépense supplémentaire de 64 887,15 euros, qu'il s'agit d'un bouleversement de l'économie du contrat, qui justifie que cette dépense soit réglée par son cocontractant.

Enfin, dans l'hypothèse où la cour validerait la résiliation du contrat à ses torts, elle demande une réduction des demandes indemnitaires, soutenant qu'en l'absence d'une quelconque communication du procès-verbal de réception, la somme réclamée au titre des réserves non levées n'est pas justifiées. Elle estime également que les frais d'huissier et de résiliation ne sont pas dûs, puisqu'il n'est pas précisé à quoi ils correspondent.

Par dernières conclusions notifiées le 11 avril 2023, la Sas Bonaud demande à la cour, au visa des articles 1104 et suivants, 1217, 1231-1 et 1787 du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour action abusive,

- condamner la Sas Lamy Lecomte à lui payer la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour action abusive,

y ajoutant et en tout hypothèse,

- condamner la Sas Lamy Lecomte à lui payer la somme de 6 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Sur l'application de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 alléguée par l'appelante pour s'opposer à la résiliation du contrat à ses torts, l'intimée soutient qu'elle a parfaitement respecté son obligation dans la mesure où elle a fait accepter son sous-traitant et agréer ses conditions de paiement par un acte spécial régularisé le 1er juillet 2020 par le maître de l'ouvrage. Certes, elle reconnaît que ce document prévoit un paiement direct à hauteur de seulement 90 % du prix du contrat de sous-traitance mais elle fait observer que cette modalité de paiement a été acceptée par la Sas Lamy Lecomte, de sorte qu'elle est réputée avoir renoncé à toute exception de nullité ou d'inopposabilité des stipulations contractuelles.

En outre, la Sas Lamy Lecompte a exécuté le contrat en connaissance de cause, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir d'une quelconque inopposabilité. Par ailleurs, elle affirme que l'appelante est mal fondée à solliciter l'inopposabilité du contrat tout en réclamant, dans le même temps, son application pour en solliciter la résiliation et le paiement du solde du marché.

En tout état de cause, la Sas Bonaud rappelle que si les dispositions contractuelles ne s'appliquent pas, elle demeure bien fondée à solliciter l'application du droit commun des contrats et à rapporter la preuve de manquements. Or, en l'espèce, ainsi que l'a justement retenu le premier juge, elle estime que les fautes de la Sas Lamy Lecomte et son préjudice sont parfaitement établis, puisqu'elle a dû faire appel, en urgence, à un autre sous-traitant.

Sur la demande de résiliation présentée par la Sas Lamy Lecomte, l'intimée soutient qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'envoi d'une mise en demeure respectant le délai de 15 jours prévu par le contrat, de sorte que la cause de sa demande de résiliation n'est pas établie. En outre, elle rappelle que son adversaire ne peut obtenir le solde du prix contractuel tout en réfutant la validité du contrat. En pareil cas, elle ne peut prétendre qu'à une indemnisation du coût des travaux réellement effectués.

Sur les dépenses imprévues et le bouleversement de l'économie du contrat, à titre liminaire, la Sas Bonaud fait observer que les dépenses complémentaires alléguées sont peu logiques, puisque dès le début de ses interventions, il a été constaté des absences répétées et la non tenue du planning. En outre, elle observe qu'il n'est pas établi que la main d'oeuvre intérimaire a été affectée au chantier litigieux. En tout état de cause, cette dépense supplémentaire trouve sa cause uniquement dans le fait que la Sas Lamy Lecomte a mal apprécié les charges de travail que ses engagements impliqués, ce qui ne peut être reproché au cocontractant.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, la cour s'en réfère expressément à leurs dernières conclusions récapitulatives, conformément à l'application de article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2023.

Par soit-transmis du 8 mars 2024, les parties ont été invitées à formuler leurs observations sur l'application de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1975, d'ordre public, d'office.

Les parties n'ont pas présenté d'observations.

MOTIFS

Sur la résiliation du contrat de sous-traitance du 24 février 2021 à l'initiative de la Sas Bonaud et ses conséquences financières

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.

En l'espèce, par lettre recommandée du 24 février 2021, la Sas Bonaud a signifié à son sous-traitant la résiliation unilatérale du contrat conclu le 11 juin 2020 en ces termes :

'Suite à nos deux mises en demeures des 8 et 16 février 2021 restées sans effet, à votre absence au rendez-vous de chantier du jeudi 11 février 2021, nous avons fait constater, par huissier, le lundi 25 février 2021, l'absence de vos équipes dans les deux dernières cages d'escalier ainsi que de nombreuses réserves non levées dans les logements occupés par les gendarmes.

Nous vous confirmons la résiliation de votre contrat sur l'opération de la gendarmerie Dagniaux du Havre. [...]'

Il convient de préciser que le courrier de mise en demeure du 16 février 2021 reproche à la Sas Lamy Lecomte de ne pas être intervenue le 8 février 'comme demandé pour effectuer la déposes des papiers peints dans les logements. Hier, lundi 15 février, nous avons fait constater par huissier l'absence de votre entreprise sur l'opération et également fait constater les réserves de réception que vous n'avez toujours pas levées dans les logements occupés par les gendarmes'.

Quant à la mise en demeure adressée le 8 février 2021, elle fait état des éléments suivants :

'depuis le début de l'opération, vous êtes destinataire des comptes-rendus de chantier et parfaitement informé des plannings à tenir. Vous connaissez d'autant le dossier que vous avez répondu à l'appel d'offres.

Dans les trois cages de la phase 1, vous avez fait abstraction des dates d'intervention. Vous avez été d'un laxisme sans égal. Le maître d'ouvrage a été contraint d'appliquer des pénalités provisoires d'un montant H.T. de 15 426,38 € qui vous son entièrement imputables.

Pour les deux dernières cages, votre intervention pour la dépose des papiers peints devait avoir lieu la première semaine de janvier 2021. À ce jour, lundi 8 février 2021, toujours aucune intervention, soit 5 semaines de retard.

Nous vous mettons en demeure d'intervenir sans délai afin de réaliser vos prestations faute de quoi nous ferions constater votre défaillance et prendrons les mesures coercitives pour vous remplacer.'

Bien qu'aucune disposition contractuelle ne soit expressément citée par ces courriers, il s'en déduit que la Sas Bonaud fonde le bien fondé de sa résiliation unilatérale sur le non respect des délais d'exécution de la prestation et l'absence de levée des réserves de réception.

La Sas Lamy Lecomte conteste le bien fondé de cette résiliation en soutenant que les dispositions du contrat ne lui sont pas opposables, en raison de la violation de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 et qu'en tout état de cause, elles ne sont pas justifiées, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.

Sur l'opposabilité du contrat par l'entrepreneur principal

Aux termes de l'article 3 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.

Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant.

La pratique qui consiste pour l'entreprise principale à ne faire agréer son sous-traitant bénéficiaire d'un paiement direct que pour une partie du coût des travaux, en se réservant ainsi la possibilité de régler au sous-traitant le solde des travaux qu'elle lui confie n'est pas conforme à l'application de cette disposition, et ce, même si le sous-traitant y a expressément consenti, puisque l'article 7 de loi du 31 décembre 1975 prévoit que toute renonciation au paiement direct est réputée non écrite, ce texte étant d'ordre public.

En l'espèce, il ressort de la déclaration de sous-traitance signée par le maître de l'ouvrage, la Sgami Ouest, le 1er juillet 2020 que celui-ci a accepté que la Sas Bonaud ait recours à un contrat de sous-traitance conclu avec la Sas Lamy Lecomte pour réaliser le lot peinture du marché public de la gendarmerie du Havre pour un montant de 244 716,65 euros hors TVA, donnant son agrément pour un paiement direct à hauteur de cette somme. Ce document est également signé par l'entreprise principale et le sous-traitant.

À la lecture du contrat de sous-traitance, et plus particulièrement de son article 7, il apparaît que ce montant de 244 716,65 euros ne représente que 90 % du marché sous-traité, les 10 % restant étant payé directement par la Sas Bonaud.

Il est ainsi établi que la Sas Lamy Lecomte ne peut bénéficier d'un paiement direct sur l'intégralité du marché de sous-traitance, ce qui contrevient à la protection instituée par la loi du 3 décembre 1975.

La renonciation, expresse ou a fortiori tacite, au droit au paiement direct n'étant pas possible en vertu de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1975, c'est à tort que le premier juge et la Sas Bonaud excipent de l'accord de la Sas Lamy Lecomte et son exécution volontaire du contrat pour considérer que cette ventilation du prix du marché sous-traité avec un agrément partiel du maître de l'ouvrage est régulière.

Toutefois, il convient de rappeler que cet article, inséré dans le titre I de la loi du 31 décembre 1975, relatif aux dispositions générales, n'a pas vocation à régir les relations entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant en dehors du cadre de la mise en oeuvre des garanties instituées par ladite loi, à savoir, le droit pour le sous-traitant au paiement direct du maître de l'ouvrage (titre II), ou, à défaut, à l'action directe (titre III) contre ce dernier.

À la lumière de cette précision, il y a lieu de considérer que la sanction de l'inopposabilité du contrat telle qu'elle est visée par l'article 3 sus-visé peut être invoquée par le sous-traitant à titre de sanction contre l'entrepreneur principal uniquement dans le cadre d'une action en paiement et non dans le cadre du contentieux lié à la résiliation du contrat de sous-traitance.

En effet, l'unique conséquence de l'application de cette disposition légale est de priver l'entrepreneur principal de la possibilité d'opposer au sous-traitant privé de son action directe contre le maître de l'ouvrage, par le biais de la compensation, les pénalités de retard et autres sommes dues au titre de l'exécution du contrat, étant précisé qu'en l'espèce, l'action en paiement ne peut porter que sur 10 % du contrat de sous-traitance, puisque 90 % du prix est garanti par un paiement direct du maître de l'ouvrage.

Au demeurant, la Sas Lamy Lecomte l'admet implicitement, puisque bien que sollicitant l'inopposabilité du contrat de sous-traitance à son égard, elle en revendique néanmoins l'application pour fonder sa propre demande en résiliation.

Aussi, cet argument est vain pour s'opposer à l'examen du respect des obligations contractuelles de la Sas Lamy Lecomte dans le cadre de la résiliation unilatérale prononcée par l'entrepreneur principal.

Sur les manquements contractuels justifiant la résiliation

L'article 14-2 des conditions générales du contrat de sous-traitance relatif à la 'résiliation pour défaillance contractuelle du sous-traitant' stipule que 'la défaillance contractuelle dûment établie du sous-traitant peut entraîner de plein droit la résiliation du contrat après mise en demeure adressée par lettre faite dans l'une des formes prévues à l'article 1-7 du présent contrat.

Cette mise en demeure comporte :

- l'indication des manquements auxquels il doit être mis fin,

- la référence aux dispositions du présent article,

- éventuellement, les dispositions qui doivent être mises en oeuvre par le sous-traitant.

Lorsque la mise en demeure est restée infructueuse à l'expiration d'un délai de 8 jours, l'entrepreneur principal peut résilier le contrat dans sa totalité ou pour les seules obligations dont la carence du sous-traitant est établie.

L'entrepreneur principal notifie au sous-traitant par lettre faite dans l'une des formes prévues à l'article 1-7 du présent contrat, la date de résiliation et la date à laquelle il sera procédé à un constat contradictoire d'état des lieux et d'avancement des travaux. En l'absence d'un représentant du sous-traitant, le constat d'état des lieux et d'avancement des travaux est réputé contradictoire et opposable au sous-traitant.

Cette résiliation s'effectue sans préjudice de la mise à la charge du sous-traitant de tous les coûts, retards et conséquences dommageables dus à sa défaillance.'

L'article 7 des conditions générales sur les délais et calendriers d'exécution renvoie aux conditions particulières en apportant notamment les précisions suivantes :

- 'le calendrier prévisionnel des travaux établi par l'entrepreneur principal en accord avec le sous-traitant pendant la période de préparation, ou à défaut de celle-ci en temps utile, fixe, en conformité avec les délais prévus aux conditions particulières, les dates, tâches et durées d'intervention, qui deviendront contractuelles. Ensuite, le sous-traitant soumet, à l'approbation de l'entrepreneur principal, à la date fixée par ce dernier, un calendrier d'exécution détaillé. Ce calendrier devient contractuel après accord de l'entrepreneur principal; il est mis à jour dans les mêmes conditions. En fonction du dernier calendrier établi, l'entrepreneur principal donne par écrit l'ordre de commencer les travaux.'

- 'Si, au cours des travaux, il apparaît que le calendrier d'exécution n'est pas respecté du fait du sous-traitant, l'entrepreneur principal doit le convoquer pour examiner avec lui les mesures à prendre. Les mesures convenues sont notifiées au sous-traitant par lettre valant mise en demeure faite dans l'une des formes prévues à l'article 1-7 du présent contrat.

Si le sous-traitant ne défère pas à la convocation prévue au 7-71, ou si, 8 jours après la date de présentation de l'avis de réception également visé au 7-71, le sous-traitant n'a pas donné bonne suite aux décisions le concernant, l'entrepreneur principal peut user de la faculté de résiliation en suivant la procédure décrite à l'article 14-2.'

Il convient de relever que les conditions particulières du contrat de sous-traitance ne contiennent aucune indication sur les délais d'exécution et le calendrier d'intervention imposé au sous-traitant, puisqu'il est uniquement reproduit des clauses types de contrat non complétées. Ainsi, l'article 8 vise une période de préparation sans préciser ni sa durée ni son point de départ. De même, il est fait référence à l'obligation d'exécuter les travaux dans un délai fixé par un planning à compter de l'ordre de service de commencer les travaux par l'entrepreneur principal, mais il n'est indiqué aucune date ni durée. Aucun ordre de service de commencer les travaux n'a été notifié.

Certes, la Sas Bonaud justifie que le 25 juin 2020, le maître d'oeuvre a adressé un mail destiné notamment à la Sas Lamy Lecomte aux termes duquel il rappelle les délais d'exécution du lot n°3 (peinture). Ce mail est accompagné du planning général d'exécution recalé au 8 novembre 2019 et du planning détaillé prévisionnel d'exécution établi dans le cadre précontractuel de la consultation des entreprises.

Toutefois, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il ne peut être considéré que cet unique document vaut notification du planning d'intervention et ordre de commencer les travaux. En effet, il en ressort que l'engagement des prestations s'est fait le 25 mai 2020, soit avant même la conclusion du contrat de sous-traitance, que le calendrier communiqué en pièce jointe a été établi également antérieurement à la conclusion du contrat, soit sans tenir compte du retard pris par le premier titulaire du lot n°3 ni de la période de suspension des travaux liée à la crise sanitaire. Or, il ne ressort ni des stipulations contractuelles, ni des autres pièces produites aux débats que ces éléments ont été pris en compte lors de la conclusion du contrat et accepté par le sous-traitant.

Le fait que la Sas Lamy Lecomte produise les procès-verbaux de réunion de chantier des 20 février et 12 mars 2020 qui lui ont été diffusés en sa qualité de 'sous-traitante du lot peinture' est également indifférent, puisque ces éléments sont aussi antérieurs à la conclusion du contrat et à son agrément par le maître de l'ouvrage et qu'il ne ressort nullement des dispositions contractuelles que les parties se sont accordées sur leur prise en compte pour fixer leurs obligations respectives.

De plus, s'il est produit plusieurs lettres recommandées avec accusé de réception adressées par la Sas Bonaud à la Sas Lamy Lecomte entre septembre 2020 et février 2021, mentionnant des rendez-vous de chantier au cours desquels il a été constaté des retards d'intervention qui lui serait imputable et dont elle aurait connaissance. Il convient de constater, à la lecture des procès-verbaux de réunion de chantier produits par la Sas Lamy Lecomte que ces affirmations reposent uniquement sur le planning fixé le 25 mai 2020, pour lequel la Sas Bonaud ne démontre pas qu'il est entré dans le champ contractuel.

De même, s'il est exact que l'article 8 des conditions générales du contrat de sous-traitance met à la charge de la Sas Lamy Lecomte la réalisation des travaux nécessaires à la levée des réserves actées dans le procès-verbal de réception, ce n'est que sous la condition que ce document ait été transmis au sous-traitant.

Or, en l'espèce, non seulement la Sas Bonaud ne produit pas le procès-verbal de réception, de sorte qu'il n'est pas possible de connaître les réserves que la Sas Lamy Lecomte devait lever, mais elle ne justifie pas non plus de la notification de ce document à son sous-traitant. Certes, l'appelante communique un document (pièce n°16) établi le 13 octobre 2020 relevant diverses petites malfaçons et reprises de travaux à réaliser outre des opérations de nettoyage, mais il convient de constater que cette pièce d'une vingtaine de pages est le procès-verbal des opérations préalables de réception. Il ne s'agit aucunement du procès-verbal de réception avec réserves visé par les stipulations contractuelles.

En outre, alors que la Sas Lamy Lecomte indique avoir procédé à l'exécution des travaux mis à sa charge à ce titre, la Sas Bonaud ne produit aucune pièce établissant le contraire. Son constat d'huissier dressé le 15 février 2021 ne concerne pas la liste des malfaçons dressée le 13 octobre 2020.

Au vu de ces éléments, la Sas Bonaud étant défaillante à rapporter la preuve des manquements contractuels qu'elle impute à la Sas Lamy Lecomte pour justifier de la résiliation unilatérale du contrat auquel elle a procédé par lettre recommandée du 24 février 2021, il convient, par arrêt infirmatif, de dire que cette résiliation est infondée et ne peut donc produire effet.

Consécutivement, il convient de débouter la Sas Bonaud de sa demande en paiement au titre du surcoût exposé pour pallier la carence de la société sous-traitante dans l'exécution du marché.

Sur la résiliation du contrat de sous-traitance du 5 mars 2021 à l'initiative de la Sas Lamy Lecomte

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.

En l'espèce, par lettre recommandée du 5 mars 2021, la Sas Lamy Lecomte a signifié à sa cocontractante la résiliation unilatérale du contrat conclu le 11 juin 2020 en ces termes :

'Par courrier RAR en date du 4 février 2021, je vous ai mis en demeure de procéder au règlement de ma situation de travaux n°5 d'un montant de 35 990,92 € HT, après vous avoir adressé celle-ci par RAR selon courrier du 15 décembre 2020.

Conformément à l'article 6-13 des conditions générales régissant nos relations contractuelles, vous disposiez d'un délai expirant le 5 janvier 2021 pour formaliser un accord ou un refus motivé de paiement de la situation qui vous a été adressée.

Dans ce délai, aucune réponse ne nous a été adressée.

Vous avez seulement formalisé plus d'un mois après, par e-mail du 9 février 2021, des contestations sur notre situation n°5.

Le délai étant dépassé, vous êtes réputé avoir accepté tacitement cette situation.

À ce jour et malgré ma mise en demeure du 4 février dernier, vous n'avez pas procédé au règlement de cette situation.

Or, l'article 14-4 des conditions générales de notre contrat prévoit : 'le présent contrat peut être résilié par le sous-traitant après une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal (LRAR) restée infructueuse pendant un délai d'1mois, pour défaut de règlement des demandes de paiement acceptées et dus par l'entrepreneur principal.'

En conséquence, sur le fondement de cet article, je suis contraint de solliciter la résiliation du contrat de sous-traitance conclu avec votre entreprise le 11 juin 2020, pour défaut de paiement de votre part.

La résiliation prend effet à la date de la présentation de l'avis de réception du présent courrier, de sorte qu'à cette date, ma société sera entièrement déchargée des obligations contractuelles à votre égard concernant le chantier de réhabilitation de la caserne de gendarmerie [Localité 4].'

Pour s'opposer à cette résiliation, la Sas Bonaud, reprenant les motifs adoptés par le premier juge, soutient qu'il n'est pas justifié de l'envoi régulier d'une demande de règlement de la situation de travaux n°5. En outre, elle estime, qu'eu égard aux manquements contractuels commis par la Sas Lamy Lecomte les sommes imputées au titre des pénalités de retard et autres frais sont parfaitement justifiées, de sorte que celle-ci a été valablement payée directement par le maître de l'ouvrage.

En l'espèce, il convient de relever que l'article 14-4 des conditions générales du contrat de sous-traitance sur lequel la Sas Lamy Lecomte fonde sa résiliation unilatérale n'est pas rappelé en son entier dans la lettre sus-citée.

En effet, l'appelante omet d'indiquer que cette disposition prévoit que le contrat peut être résilié par le sous-traitant dans les conditions qu'elle précise, mais seulement 'pour les marchés visés par les dispositions de l'article 6-2'.

Cet article 6-2 des conditions générales du contrat vise les marchés qui ne sont pas 'soumis à l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relatives aux marchés publics (titre II de la loi)', autrement dit les marchés pour lesquels le sous-traitant ne bénéficie pas d'un paiement direct par le maître de l'ouvrage.

Or, certes, il résulte des motifs adoptés précédemment que la Sas Lamy Lecomte ne peut prétendre à un paiement direct qu'à concurrence de 90 % du marché sous-traité. Toutefois, il résulte des pièces produites aux débats que la situation de travaux n°5 dont elle réclamait le paiement et qui fonde sa résiliation, est incluse dans ces 90 %, puisqu'elle a été adressée au maître de l'ouvrage et réglée partiellement. Elle ne concerne donc aucunement les 10 % restants dont la Sas Bonaud s'était réservée la charge du paiement.

Dès lors, il y a lieu de considérer que cette demande en paiement ne relève pas d'un marché visé par l'article 6-2 des conditions générales et par suite, que les dispositions de l'article 14-4 des conditions générales fondant la résiliation ne sont pas applicables.

Au demeurant, la Sas Lamy Lecomte ne méconnaît pas cette situation, puisque dans son courrier du 4 février 2021 de mise en demeure préalable tel qu'exigée par l'article 14-4 litigieux, elle vise expressément les dispositions des articles 6-13 et 6-14 des conditions générales qui sont exclusivement applicable aux marchés publics ne bénéficiant pas d'un paiement directe du maître de l'ouvrage. De surcroît, elle rappelle expressément cet article 6-13 des conditions générales dans son courrier de résiliation.

Aussi, et sans qu'il y ait lieu de trancher la question de la régularité de l'envoi de la situation de travaux n°5 au mois de décembre 2020 fondant la rupture litigieuse, la Sas Lamy Lecomte ne pouvait procéder à la résiliation unilatérale du contrat de sous-traitance.

En conséquence, par adjonction de motifs, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de la Sas Lamy Lecomte visant à constater la résiliation du contrat aux torts de la Sas Bonaud.

Sur les demandes en paiement présentées par la Sas Lamy Lecomte

Sur le solde de la situation de travaux n°5

À titre liminaire, il convient de préciser que même lorsqu'il bénéficie d'un droit au paiement direct par le maître de l'ouvrage, le sous-traitant conserve son action contractuelle contre l'entrepreneur principal. L'instauration d'une procédure de paiement direct n'a pas pour effet de décharger celui-ci, sauf si elle s'accompagne d'une délégation parfaite, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, aucune disposition contractuelle ne la prévoyant. Le sous-traitant n'a pas non plus à justifier d'avoir épuisé les voies de recours contre le maître de l'ouvrage.

En l'espèce, par courrier du 15 décembre 2020, la Sas Lamy Lecomte a adressé à la Sas Bonaud une situation de travaux n°5 aux termes de laquelle elle sollicitait le paiement d'une somme de 36 378,10 euros.

Si elle justifie avoir régulièrement adressé conjointement cette situation de travaux au maître de l'ouvrage et au maître d'oeuvre, c'est à juste titre que la Sas Bonaud fait observer qu'elle ne rapporte pas la preuve suffisante que cet envoi a été réalisé par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 21 décembre 2020, puisque la référence de la lettre recommandée visée sur la situation de travaux ne correspond pas à celle du recommandé et de son accusé de réception produits.

Dans ces conditions, c'est à tort qu'elle invoque le bénéfice de l'application des dispositions de l'article 6-14 des conditions générales qui prévoient une présomption d'acceptation à défaut de réponse dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la demande.

Il ressort des pièces versées aux débats par la Sas Bonaud que cette demande en paiement a été traitée le 29 janvier 2021, cette dernière ayant alors émis à destination du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre une attestation autorisant le paiement direct du sous-traitant à concurrence de la somme de 10 924,74 euros, l'entrepreneur principal ayant procédé à une réfaction du montant réclamé en déduisant les sommes suivantes :

- le coût du nettoyage de réception facturé à 60 % estimant qu'il était bien fondé à opposer une compensation avec le coût d'un nettoyage non réalisé par le sous-traitant et qu'il avait dû faire exécuter à ses frais par une entreprise tierce,

- 15 426,38 euros de pénalités provisoires pour non production d'une caution et 'manque d'implication'.

Toutefois, il résulte des pièces produites par la Sas Lamy Lecomte que c'est un autre décompte qui lui a été transmis, avec une attestation également datée du 29 janvier 2021 mais autorisant le maître de l'ouvrage à payer le sous-traitant à concurrence de la somme de 13 619,64 euros, l'intimée ayant procédé à une réfection moindre au titre du coût du nettoyage, appliquant seulement une déduction de 50 % de la somme réclamée et non un rejet total de ce poste.

Ces documents étant les seuls qui portent le visa du maître d'oeuvre et du maître de l'ouvrage, il y a lieu considérer que c'est une somme de 13 619,64 euros qui a été versée directement à la Sas Lamy Lecomte conformément au montant reporté sur l'état d'acompte mensuel dressé par le maître de l'ouvrage.

Sur la compensation alléguée au titre du coût du nettoyage, la Sas Bonaud ne produit aucune pièce permettant d'établir un lien entre les factures de prestation de nettoyage établies le 20 octobre 2020 et des manquements imputables à la Sas Lamy Lecomte. Il convient de rappeler qu'elle ne produit pas le procès-verbal de réception avec réserves ni aucun compte-rendu de chantier concomitant permettant de matérialiser cette inexécution contractuelle.

Quant aux pénalités d'un montant de 15 426,38 euros, l'obligation de production d'une caution n'est pas explicitée et ne ressort ni des conditions particulières ni des conditions générales du contrat. De même, les éventuelles pénalités de retard qui pourraient être incluses dans ce montant ne sont ni explicitées ni, en tout état de cause, justifiées, eu égard aux motifs adoptés précédemment au titre de la résiliation du contrat.

En conséquence, par jugement infirmatif, il convient de condamner la Sas Bonaud à payer à la Sas Lamy Lecomte la somme de 22 758,46 euros au titre du paiement du solde de la situation de travaux n°5, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 18 octobre 2021 valant mise en demeure conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

Sur les dommages et intérêts pour bouleversement dans l'économie du contrat

Pour justifier sa demande à ce titre, la Sas Lamy Lecomte fait valoir que le maître de l'ouvrage n'a, de manière injustifiée, pas voulu tenir compte de la situation de crise sanitaire, qui a imposé un arrêt du chantier pendant 9 semaines, puis des conditions d'exécution dégradées avec des restrictions en terme de présence du personnel et d'interventions par corps de métier pouvant travailler en même temps.

Toutefois, dans la mesure où le contrat de sous-traitance a été conclu le 11 juin 2020, soit postérieurement à la période de confinement total et à une époque où les restrictions d'intervention étaient déjà en vigueur et connues de la Sas Lamy

Lecomte, elle ne peut légitimement soutenir que cette situation a entraîné un bouleversement dans l'économie du contrat. Il s'agissait d'une situation connue d'elle, qu'il lui revenait de prendre en considération, le cas échéant en refusant de conclure le contrat, si elle estimait qu'elle n'était pas en capacité d'assumer ses obligations contractuelles dans ce contexte.

En outre, le fait qu'elle ait engagé des intérimaires pour travailler sur le chantier de la réhabilitation de la gendarmerie Dagniaux n'est pas un élément caractérisant un bouleversement dans l'économie du contrat, puisque celui-ci ne comporte aucune indication sur les moyens à mettre en oeuvre pour la réalisation du marché sous-traité.

Au demeurant, la Sas Lamy Lecomte ne produit aucun élément sur la composition habituelle de sa masse salariale, de sorte qu'il n'est pas prouvé de lien de causalité entre le choix de recourir à cette main d'oeuvre temporaire et des contraintes supplémentaires non prises en compte dans le marché de sous-traitance qui lui auraient été imposées et qu'elle n'aurait pu faire supporter par son personnel permanent.

En conséquence, par arrêt confirmatif, il convient de débouter la Sas Lamy Lecomte de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une indemnisation que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équivalente au dol.

En l'espèce, eu égard aux motifs adoptés ci-dessus, il convient de constater que cette demande est mal fondée.

Le jugement est donc confirmé sur ce point.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement de première instance relatives aux dépens et frais irrépétibles seront infirmées.

La Sas Bonaud succombant, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Sas Lamy Lecomte à concurrence de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Sas Bonaud de sa demande de dommages et intérêts pour action abusive et en ce qu'il a débouté la Sas Lamy Lecomte de sa demande de dommages et intérêts pour bouleversement de l'économie du contrat,

L'infirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la décision de résiliation du contrat de sous-traitance notifiée par la Sas Bonaud par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 février 2021 est infondée et par suite sans effet,

Déboute la Sas Bonaud de sa demande en paiement au titre du surcoût exposé pour pallier la carence de la société soustraitante dans l'exécution du marché,

Dit que la décision de résiliation du contrat de sous-traitance notifiée par la Sas Lamy Lecomte selon courrier recommandé avec accusé de réception du 5 mars 2021 est infondée et par suite sans effet,

Condamne la Sas Bonaud à payer à la Sas Lamy Lecomte la somme de 22 758,46 euros au titre du paiement du solde de la situation de travaux n°5, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 18 octobre 2021,

Condamne la Sas Bonaud aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Condamne la Sas Bonaud à payer à la Sas Lamy Lecomte la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés tant en première instance qu'en appel.