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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 23 mai 2024, n° 22/04691

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Industisol (SAS)

Défendeur :

Stadsbader (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gilles

Conseillers :

Mme Mimiague, Mme Bubbe

Avocats :

Me Regnault, Me Kolmer-Lenny, Me Lagarde

T. com. Lille Métropole, du 21 sept. 202…

21 septembre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Dans le cadre d'une opération de construction, la SAS Stadsbader Construction (société Stadsbader) a conclu deux contrats de sous-traitance avec la SAS Industisol, les 10 juillet et 3 août 2017.

Par jugement contradictoire du 21 septembre 2022, rendu sur assignation de la société Industisol, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- dit que la société Industisol avait confirmé le contrat en procédant à son exécution,

- débouté la société Industisol de sa demande de nullité des contrats ainsi que de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Stadsbader du surplus de ses demandes,

- condamné la société Industisol à verser à la société Stadsbader la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire était de droit.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 7 octobre 2022, la société Industisol a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement prononçant sa condamnation ou son débouté, aux fins d'infirmation ou d'annulation.

Aux termes de ses conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 janvier 2023, la société Industisol demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- prononcer la nullité des deux contrats de sous-traitance des 10 juillet et 3 août 2017,

- dire qu'elle a réalisé la totalité des travaux commandés contractuellement,

En conséquence,

- condamner la société Stadsbader à lui verser la somme de 708 687,60 euros TTC, majorée des intérêts d'ordre public tels que réglementés par les dispositions de l'article L.441-6 du code de commerce et ce, à compter de la date d'exigibilité de la facture du 2 septembre 2020,

En tant que de besoin,

- ordonner toute mesure d'instruction utile, et notamment une mesure d'expertise, pour permettre qu'il soit statué sur sa demande,

- donner mission à l'expert éventuellement désigné d'entendre les parties et se faire remettre tous documents contractuels et pièces techniques et comptables afin de recueillir tous renseignements utiles de nature à déterminer le coût réel des travaux réalisés tels qu'ils lui ont été commandés par la société Stadsbader, intégrant notamment le montant réel des prestations réalisées et la marge escomptée, ainsi que tous les préjudices consécutifs,

- débouter la société Stadsbader de toute demande plus ample ou contraire,

- condamner la société Stadsbader à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Franck Regnault.

Aux termes de ses conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 avril 2023, la société Stadsbader demande à la cour de :

- confirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions,

A titre principal,

- déclarer irrecevables les demandes de la société Industisol pour défaut d'intérêt à agir,

- dire que la société Industisol a confirmé le contrat en procédant à son exécution,

- débouter la société Industisol de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

- condamner la société Industisol à lui verser la somme de 1 263 054,17 euros au titre de la restitution des sommes perçues en exécution des contrats annulés,

- débouter la société Industisol de sa demande en paiement de la somme de 708 687,60 euros avec intérêts à compter de la date d'exigibilité de la facture du 2 septembre 2020,

A titre très subsidiaire, avant dire droit,

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire et désigner un expert avec mission de déterminer le coût exact des travaux exécutés par la société Industisol dans le cadre des travaux de fourniture et mise en place de panneaux sandwiches dans les cellules A1, A2, A3 et B1, B2, B3, B4 sur l'opération de construction sis [Adresse 1] à [Localité 4],

En tout état de cause,

- condamner la société Industisol à lui verser la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 21 février 2024, l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 13 mars 2024 et mise en délibéré au 23 mai 2024.

MOTIFS

Sur la recevabilité

Au visa de l'article 122 du code de procédure civile, la société Stadsbader fait valoir que, le contrat ayant été entièrement exécuté et le prix intégralement versé, la société Industisol n'a plus d'intérêt à en obtenir la nullité ou obtenir une garantie de paiement des sommes déjà reçues. Elle rappelle que l'objet de la loi du 31 décembre 1975 est de protéger le sous-traitant en lui garantissant le paiement de son marché.

La société Industisol indique que la nullité prévue par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 est d'ordre public et relative et que le sous-traitant ne peut y renoncer. Elle fait valoir que l'exception de nullité peut être soulevée à tout moment, même après l'exécution du contrat.

L'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 prévoit que 'A peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant.'

Pour l'application de ce texte, il convient de rappeler que la nullité, d'ordre public de protection du sous-traitant, est relative et ne peut être soulevée que par lui dans le délai de prescription de droit commun, la loi du 31 décembre 1975 ne prévoyant aucun autre délai, de prescription ou de forclusion, pour invoquer la nullité.

En l'espèce, s'il est constant que le prix contractuellement prévu a été versé et que les travaux ont été exécutés, il convient de relever qu'un litige s'est élevé entre les parties portant sur les comptes entre elles, la société Stadsbader ne réglant le solde du prix, en mars 2021, qu'après de multiples échanges de courriers avec la société Industisol, alors que la réception des travaux est intervenue en mai 2018.

En outre, il apparaît que la société Industisol présente, à titre principal, une demande de nullité des sous-traités et de condamnation de la société Stadsbader au paiement de sommes dues au titre des travaux réalisés au-delà du prix convenus aux sous-traités, soit plus de 300 000 euros HT, sur le montant total demandé de 708 000 euros TTC.

Dès lors, il apparaît que la société Industisol présente un intérêt à demander de nullité des sous-traités afin d'échapper à la fixation forfaitaire du prix et la fin de non-recevoir sera écartée.

Sur la nullité des contrats

Pour écarter la nullité des contrats, le tribunal de commerce retient qu'une caution aurait pu être fournie sur demande du sous-traitant, que la société Industisol ne pouvait ignorer les dispositions de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 compte tenu de son expérience, que sa procédure n'avait que pour but l'application de la loi, que les contrats ont été entièrement exécutés et que, au visa de l'article 1182 du code civil, la société Industisol a confirmé la nullité en exécutant les travaux.

La société Industisol expose que la société Stadsbader ne conteste pas ne jamais lui avoir transmis une caution personnelle et solidaire au sens de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, d'ordre public. Elle conteste toute confirmation ou renonciation à la nullité. Elle rappelle que la société Stadsbader a retardé ses paiements à plusieurs reprises et reconnaissait n'avoir pas réglé le solde dû le 20 septembre 2020. Elle souligne que les dispositions contractuelles portant sur la caution sont contraires à la loi.

La société Stadsbader invoque la confirmation par la société Industisol des contrats de sous-traitance qu'elle savait nuls.

Aux termes de l'article 1182 du code civil, 'la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat. La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat. L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé. La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.'

Pour l'application de ce texte, il est rappelé que la violation des formalités de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, lesquelles ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, étant sanctionnée par une nullité relative, le sous-traité est susceptible de confirmation en application de l'article 1182 du code civil. La confirmation de l'acte nul, qui ne peut résulter de la seule exécution des travaux, doit être caractérisée, à défaut d'une confirmation expresse, par leur exécution volontaire en connaissance de la cause du vice l'affectant.

En l'espèce, il convient de relever que, par courrier daté du 6 août 2018, la société Industisol, répondant à une mise en demeure de la société Stadsbader, lui indique : '[...] Contrairement à ce que vous prétendez, nous sommes intervenue (sic) à plusieurs reprises depuis la réception des bâtiments par votre client en date du 23/05/18 et ce malgré que vous n'ayez pas rempli les dispositions légales qui constituent (sic) à fournir une caution de garantie de paiement au sous-traitant et ce en égard à vos retards de part comme demandé (sic) dans nos courriers du 11 avril 2018 (réf:C18.0300/CD) et du 12 juillet 2018 (réf:C18.0552/CD)[...] '

Il ressort ainsi de ce courrier que la société Industisol était informée de la nullité des contrats de sous-traitance en l'absence de justification préalable d'une caution et qu'elle a néanmoins choisi de les exécuter, cette exécution en connaissance de cause caractérisant une confirmation des contrats nuls.

Dès lors, le jugement sera confirmé.

Sur les demandes accessoires

L'équité ne commande pas de réformer les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile ni d'accorder d'autres sommes en cause d'appel.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Industisol sera condamnée aux dépens.

* * * * *

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable la demande de nullité des contrats ;

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société Industisol aux dépens.