Décisions
CA Riom, ch. soc., 17 septembre 2024, n° 21/02207
RIOM
Autre
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17 SEPTEMBRE 2024
Arrêt n°
CHR/VS/NS
Dossier N° RG 21/02207 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FWF7
[V] [E]
/
[S] [M] Es-qualité de liquidateur de la SAS ENTREPRISE [Z], S.E.L.A.R.L. [K]
Es qualité d'administrateur
de la SAS ENTREPRISE [Z], UNEDIC AGS CGEA [Localité 7] L'UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d'[Localité 7],
jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire d'aurillac, décision attaquée en date du 27 septembre 2021, enregistrée sous le n° f 20/00027
Arrêt rendu ce DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Valérie SOUILLAT greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [V] [E]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Laurent LAFON de la SELARL AURIJURIS, avocat au barreau d'AURILLAC
APPELANT
ET :
Me [S] [M] Es-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], SAS immatriculée au RCS d'Aurillac sous le numéro 326 273 547 dont le siège social est [Adresse 3], désigné à cette fin selon jugement du tribunal de Commerce du 28 Juillet 2020.
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représenté par Me Patrick PUSO suppléant Me Hugues LAPALUS de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
S.E.L.A.R.L. [K] Es qualité d'administrateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], société par actions simplifiées, immatriculée au RCS d'AURILLAC sous le numéro 326 273 547 dont le siège social est [Adresse 3]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentée par Me Patricl PUSO suppléant Me Hugues LAPALUS de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
SELARL MJ MARTIN, es qualitès de mandataire ad hoc de la SAS ENTREPRISE [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Patricl PUSO suppléant Me Hugues LAPALUS de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
UNEDIC AGS CGEA [Localité 7] L'UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d'[Localité 7],
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMES
M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 21 Mai 2024 , tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS ENTREPRISE [Z], immatriculée au RCS d'AURILLAC sous le numéro 326 273 547, dont le siège social est [Adresse 3], était une entreprise du secteur d'activité des réseaux électriques, de gaz, de téléphone et d'éclairage public.
Par jugement du 3 octobre 2019, le tribunal de commerce d'AURILLAC a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SAS ENTREPRISE [Z], désigné la SELARL [K] en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [S] [M] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 17 mars 2020, le tribunal de commerce d'AURILLAC a converti la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire à l'égard de la SAS ENTREPRISE [Z], fixé la date de cessation des paiements au 29 février 2020, désigné la SELARL [K] en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [S] [M] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 28 juillet 2020, le tribunal de commerce d'AURILLAC a arrêté un plan de cession de l'entreprise, prononcé la liquidation judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z] et désigné Maître [S] [M] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 17 janvier 2023, le tribunal de commerce d'AURILLAC a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], désigné la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc pour poursuivre les instances judiciaires en cours concernant la société ENTREPRISE [Z], ordonné les mesures de publicité prévues par la loi et l'exécution provisoire du jugement.
Monsieur [V] [E], né le 9 octobre 1973, a été embauché par la SAS ENTREPRISE [Z] à compter du 1er avril 2011, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de chauffeur (ouvrier coefficient 150 convention collective nationale des travaux publics).
En 2016, Monsieur [V] [E] a été victime d'un accident du travail alors qu'il occupait un poste de conducteur d'engins.
Le 3 juin 2016, le médecin du travail a indiqué que Monsieur [E] sera apte à reprendre son poste de travail le lundi 6 juin 2016 mais avec des restrictions ou aménagements (pas de port de charges lourdes et pas d'effort de traction intense).
En 2018, dans le cadre d'un reclassement médical par la société [Z], Monsieur [E] a été affecté à un poste de technicien poseur de compteurs LINKY, et ce après avoir suivi une formation.
Le 21 août 2018, le médecin du travail (Docteur [D]) a vu Monsieur [E] en visite à la demande, a rendu un avis d'aptitude au poste de technicien poseur de compteur Linky, mais a préconisé, sur le fondement de l'article L. 4624-3 du code du travail visant les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail, les mesures suivantes à mettre en application à compter du 21 août 2018 : contre-indication aux efforts intenses ; pas de port de charges lourdes supérieures à 10 kilos ; temps partiel thérapeutique.
Le 3 octobre 2018, le médecin du travail (Docteur [D]) a vu Monsieur [E] en visite à la demande, a rendu un avis d'aptitude au poste de technicien poseur de compteur Linky, mais a préconisé, sur le fondement de l'article L. 4624-3 du code du travail visant les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail, le maintien des aménagements suivants : contre-indication aux efforts intenses ; pas de port de charges lourdes supérieures à 10 kilos ; temps partiel thérapeutique.
Le 21 février 2019, le médecin du travail (Docteur [N]) a vu Monsieur [E] en visite à la demande, a rendu un avis d'aptitude au poste de technicien poseur de compteur Linky, mais a préconisé, sur le fondement de l'article L. 4624-3 du code du travail visant les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail, les mesures suivantes : mi-temps thérapeutique partiel selon des modalités de 2 jours de travail sur une semaine et 3 jours sur la semaine suivante avec une coupure d'une heure à mi-journée pour le repos nécessaire ; contre-indication aux efforts intenses ; pas de port de charges lourdes supérieures à 10 kilos ; la charge de travail doit rester raisonnable compte tenu des trajets, soit 4 compteurs par demi-journée.
Le 22 mai 2019, le médecin du travail (Docteur [N]) a vu Monsieur [E] en visite à la demande, a rendu un avis d'aptitude au poste de technicien poseur de compteur Linky, mais a préconisé, sur le fondement de l'article L. 4624-3 du code du travail visant les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail, les mesures suivantes : mi-temps thérapeutique ; bien respecter la pause à mi-journée puisque désormais le salarié travaille sur des journées complètes ; pas de port de charges lourdes de plus de 10 kilos ; la charge de travail doit rester limitée compte tenu des problèmes de santé et des trajets, soit 4 compteurs par demi-journée.
Le 28 janvier 2020, le médecin du travail (Docteur [D]) a vu Monsieur [E] en visite de reprise, a rendu un avis d'aptitude au poste de technicien poseur de compteur Linky, mais a préconisé, sur le fondement de l'article L. 4624-3 du code du travail visant les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail, les mesures suivantes : pas de port de charges lourdes de plus de 10 kilos ; la charge de travail doit rester raisonnable et tenir compte des trajets ; contre-indication aux efforts intenses ; privilégier le travail par demi-journées, pas de journées complètes.
Par courrier daté du 29 janvier 2020, l'employeur indiquait confirmer à Monsieur [E] qu'il pouvait rester sans affectation pendant les jours à venir, le temps de rechercher les possibilités de reclassement conformes au dernier avis du médecin du travail.
Par courrier recommandé daté du 31 janvier 2020, l'employeur indiquait à Monsieur [E] qu'il n'était pas possible de le reclasser dans l'entreprise en respectant les aménagements préconisés par le médecin du travail, en particulier l'organisation de son travail uniquement par demi-journées.
Par courrier recommandé daté du 3 février 2020, l'employeur convoquait Monsieur [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 10 février 2020.
Par courrier recommandé daté du 17 février 2020, la SAS CHAVINER notifiait à Monsieur [E] un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans les termes suivants :
'Monsieur,
Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 10 février 2020.
Pour les raisons exposées durant cet entretien, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour impossibilité de reclassement suite à votre inaptitude.
En effet, en date du 28 janvier 2020, le Médecin du travail a conclu au maintien de vos inaptitudes et à la répartition de votre travail uniquement sur des demi-journées. Vous occupez actuellement dans le cadre d'un précédent reclassement un poste de poseur LINKY pour lequel nous sommes déjà en limite de tolérance avec l'interdiction du port de charges qui est préconisé, et nous avons pu expérimenter sur quelques mois que l'organisation de votre poste en demi-journées occasionnait de multiples déplacements et donc une fatigue excessive ; ce constat ne nous a pas permis d'identifier une solution de reclassement alternative vous concernant.
Aussi, nous vous notifions votre licenciement.
Celui-ci prendra effet à la date de la présente.
Vous percevrez une indemnité de rupture à laquelle votre ancienneté vous ouvre droit.
Nous vous adresserons vos documents de fin de contrat de travail et les documents relatifs à la possibilité de la prévoyance et frais de santé.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.
Le président
[O] [Z]'
Le 2 juin 2020, Monsieur [V] [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'AURILLAC aux fins notamment de voir juger son licenciement nul et de fixer ses créances (rappel de salaire, indemnités de rupture et dommages-intérêts) au passif de la SAS ENTREPRISE CHAVINJER.
La SELARL [K], en qualité d'administrateur judiciaire de la société ENTREPRISE [Z], Maître [S] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société ENTREPRISE [Z], ainsi que l'association UNEDIC, CGEA D'[Localité 7], en tant que délégation AGS, ont été régulièrement appelés en la cause devant le premier juge.
Par jugement (RG 20/00027) rendu contradictoirement en date du 27 septembre 2021 (audience du 21 juin 2021), le conseil de prud'hommes d'AURILLAC a :
- déclaré la procédure de licenciement de Monsieur [E] irrégulière ;
- constaté que le licenciement de Monsieur [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- constaté la prescription au titre de la demande de remise du certificat de congés payés pour la période 2016/2017 et 2017/2018 ;
- fixé à 2.055,33 euros bruts le montant du salaire mensuel de Monsieur [E] ;
- fixé la créance de Monsieur [E] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ENTREPRISE CHAVINJER aux sommes suivantes :
* 2.055,33 euros pour procédure irrégulière de licenciement,
* 4.110,66 euros au titre du préavis légal, outre 411,06 euros à titre de congés payés sur préavis,
* 521,21 euros au titre des retenues pratiquées sur le bulletin de salaire de février 2020 avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 jusqu'à parfait règlement, outre 52,12 euros à titre de congés payés sur ce quantum avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 jusqu'à parfait règlement ;
- condamné Maitre [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], à payer à Monsieur [E] la somme de 300,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté Monsieur [E] du surplus de ses demandes ;
- débouté Maitre [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], de sa demande de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- rejeté toutes les autres demandes ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- déclaré le présent jugement opposable à l'AGS et au CGEA D'[Localité 7] dans les limites légales de leur garantie ;
- dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
Le 21 octobre 2021, Monsieur [V] [E] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 29 septembre 2021, et ce en intimant Maître [S] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], la SELARL [K], en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], ainsi que l'association UNEDIC, CGEA d'[Localité 7], en tant que délégation AGS.
Le 9 novembre 2021, l'association UNEDIC, CGEA d'[Localité 7], en tant que délégation AGS, a constitué avocat.
Le 25 novembre 2021, Maître [S] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], a constitué avocat.
Le 19 janvier 2022, la SELARL [K], en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], a constitué avocat.
Le 26 janvier 2024, la SELARL MJ MARTIN, en qualité de mandataire ad hoc de la SAS ENTREPRISE [Z], a constitué avocat.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 30 octobre 2023 par l'UNEDIC, délégation, AGS, CGEA d'[Localité 7],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 6 février 2024 par la SAS ENTREPRISE [Z], la SELARL [M] en qualité de liquidateur judiciaire, la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc,
Vu les conclusions notifiées à la cour le 20 février 2024 par Monsieur [V] [E],
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 22 avril 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, Monsieur [E] demande à la cour de :
- Annuler, infirmer ou de réformer le jugement rendu par la section industrie du conseil des prud'hommes d'AURILLAC du 27 septembre 2021 sous le numéro de rôle RG 20/00027, notifié le jour même, en ce qu'il a :
- constaté que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- fixé sa créance à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SAS [Z] aux sommes suivantes : *2.055,33 euros pour procédure irrégulière de licenciement ; *4.110,66 euros au titre du préavis légal ; *411,06 euros à titre de congés payés sur préavis ; *521,71 euros au titre des retenues pratiquées sur le bulletin de salaire de février 2020 avec intérêts aux taux légal à compter du 17 février 2020 jusqu'à parfait règlement ; *52,17 euros à titre de congés que ce quantum avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020 jusqu'à parfait règlement.
- l'a débouté du surplus de ses demandes visant : 7) à annuler son licenciement et à défaut le déclarer irrégulier et illégitime ; 8) à inscrire au passif de la SAS ENTREPRISE [Z], via Maître [M], en qualité de liquidateur les sommes suivantes au bénéfice de Monsieur [E] : *30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul voire 16.771,36 euros pour licenciement injustifié, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir jusqu'à parfait règlement : mémoire ; *4.192,84 euros au titre du préavis légal ; *419,28 euros à titre de congés payés sur préavis ; *2.096, 42 euros pour procédure irrégulière ; *5.000 euros au titre du préjudice moral lié au caractère abusif et vexatoire des circonstances de la rupture ; *532, 15 euros au titre des retenus pratiquées sur le bulletin de salaire de février 2020 avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020 jusqu'à parfait règlement : mémoire ; *53,21 euros à titre de congés payés sur ce quantum avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020 jusqu'à parfait règlement : mémoire ; 9) à ordonner que lui soit remis par Maître [M], en qualité de liquidateur de la SAS ENTREPRISE [Z] une attestation POLE EMPLOI expurgée de toute mention relative à un licenciement pour impossibilité de reclassement suite à sa prétendue inaptitude ainsi qu'un bulletin de paie conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 20 euros par jour de reard à compter de son prononcé ; 10) à fixer à 2.096,42 euros le montant de son salaire ; 11) à déclarer opposable à l'ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS/CGEA d'[Localité 7] pour L'UNEDIC, délégation AGS, CGEA d'[Localité 7], ainsi qu'à Maître [K] en qualité d'administrateur de la SAS ENTREPRISE [Z] la décision à intervenir ; 12) à rejeter toutes demandes, conclusions et fins en sens contraire.
Y faisant droit,
- Annuler son licenciement prononcé le 17 février 2020 et à défaut le déclarer irrégulier et illégitime ;
- Inscrire au passif de la SAS [Z], via Maître [M], ès-qualités de liquidateur de la SAS [Z] et/ou la SELARL MJ MARTIN, mandataire ad'hoc ayant pour mission de poursuivre les instances en cours impliquant de la SAS ENTREPRISE [Z], les sommes suivantes à son crédit :
* 30.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul voire 16.771,36 euros pour licenciement injustifié, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir jusqu'à parfait règlement : mémoire ;
* 4.192,84 euros au titre du préavis légal ;
* 419,28 euros à titre de congés payés sur préavis ;
* 2.096,42 euros pour procédure irrégulière ;
* 5.000,00 euros au titre du préjudice moral lié au caractére abusif et vexatoire des circonstances de la rupture ;
* 532,15 euros au titre des retenues pratiquées sur le bulletin de salaire de février 2020 avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020 jusqu'à parfait réglement : mémoire ; *53,21 euros à titre de congés payés sur ce quantum avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020 jusqu'à parfait règlement : mémoire ;
* 2.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de la somme de 300,00 euros allouée par les premiers juges ;
* les dépens ;
- Ordonner que lui soit remis par Maître [M], en qualité de liquidateur de la SAS ENTREPRISE [Z] et/ou la SELARL MJ MARTIN, mandataire ad'hoc ayant pour mission de poursuivre les instances en cours impliquant de la SAS ENTREPRISE [Z], une attestation POLE EMPLOI expurgée de toute mention relative à un licenciement pour impossibilité de reclassement suite à sa prétendue inaptitude ainsi qu'un bulletin de paie conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de son prononcé ;
- Fixer à 2.096,42 euros le montant de son salaire mensuel ;
- Déclarer opposables à L'ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS/CGEA D'[Localité 7] pour l'UNEDIC, délégation AGS, CGEA d'[Localité 7], ainsi qu'à Maître [K] en qualité d'administrateur de la SAS ENTREPRISE [Z] la décision à intervenir ;
- Rejeter toutes les demandes, conclusions et fins en sens contraire notamment en indemnisation au titre des frais irrépétibles et de prise de charge des dépens.
Monsieur [E] fait valoir qu'en février 2020 aucune heure de travail ne lui sera payé jusqu'à son licenciement. Il sollicite donc le règlement des salaires au titre du mois de février 2020.
Monsieur [E] expose que son inaptitude à son poste de poseur de compteurs LINKY n'était pas actée par le médecin du travail, que l'employeur ne pouvait le licencier pour inaptitude, qu'il a été licencié en raison de son état de santé et que la rupture du contrat de travail est donc nulle comme discriminatoire.
Monsieur [E] fait valoir que son licenciement est irrégulier alors la société [Z] n'avait pas qualité, seule, à initier la procédure de licenciement et à notifier la rupture. La SELARL [K] aurait dû apposer sa signature sur la lettre de convocation à entretien et sur la lettre de licenciement.
L'appelant soutient que son licenciement est nul et irrégulier, à défaut injustifié.
Monsieur [E] fait valoir qu'il a subi un licenciement qui a un caractère abusif et vexatoire. Le caractère abusif et vexatoire découle de la cessation immédiate des fonctions du salarié dès le 28 janvier 2020, sans raison valable et alors que rien ne le justifiait.
Dans leurs dernières conclusions, la SAS [Z], la SELARL [M] en qualité de liquidateur judiciaire et la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc demandent à la cour de :
A titre principal
- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement comme reposant sur une cause réelle et sérieuse, constaté la prescription au titre des
demandes de remise de certificat de congés payés, et n'a mis aucune condamnation à la charge de la SELARL [K] ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a':
- jugé que la procédure de licenciement était irrégulière ;
- fixé la créance de Monsieur [E] au passif de la liquidation aux sommes suivantes': *2.055,33 euros pour procédure irrégulière ; * 4.110,66 euros au titre du préavis légal ; *521,71 euros pour les rappels de salaire de février 2020 ; *52,17 euros pour les congés payés sur les rappels de salaire de février 2020 ;
- condamné Me [M] a réglé à Monsieur [E] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire, si le licenciement devait être considéré comme abusif et s'il devait faire'droit aux autres chefs de demandes :
- ramener les demandes de condamnation à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à de plus juste proportions';
- En application de l'article L.1235-3 du Code du travail, RAMENER l'indemnisation de son préjudice au titre d'un éventuel licenciement abusif entre 3 et 8 mois de salaire soit entre'6.165,99 euros et 16.442,64 euros';
- limiter à 4.110,66 euros bruts la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 411,06 euros au titre des congés payés';
- limiter à 521,71 euros bruts la demande au titre du rappel de salaire outre 52,17 euros
au titre des congés payés ;
En tout état de cause
- fixer le salaire mensuel de Monsieur [E] à 2.055,33 euros bruts ;
- condamner Monsieur [E] à payer et porter à la concluante la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- rejeter toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de Me [M] ;
- condamner Monsieur [E] aux entiers dépens.
Les intimés font valoir que les restrictions médicales étaient telles qu'elles s'analysaient en un avis d'inaptitude. L'employeur s'est trouvé dans l'impossibilité de mettre en oeuvre de manière effective le dernier avis médical au regard des contraintes organisationnelles du service des poseurs qui sont par nature des salariés itinérants. L'employeur a donc analysé cet avis en un avis médical d'inaptitude. Le licenciement est donc bien fondé. Il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir fondé son licenciement sur l'état de santé du salarié puisque la société [Z] a maintenu Monsieur [E] en son sein pendant 4 ans avec des restrictions professionnelles pourtant très importantes. Un reclassement sur un poste aménagé a même été opéré. L'employeur a tout mis en oeuvre pour tenter de maintenir le salarié dans un emploi. Aucune discrimination n'a eu lieu et ne saurait être imputée à l'employeur.
En ce qui concerne le prétendu caractère vexatoire du licenciement, Monsieur [E] ne démontre pas de comportement fautif de son employeur, caractérisé par des circonstances particulières (brusques, humiliantes ou vexatoires) dans lesquelles s'est déroulé son licenciement. Et il ne démontre pas que ce comportement lui a causé un préjudice distinct de celui occasionné par la perte de son emploi. Monsieur [E] devra être débouté de sa demande indemnitaire de ce chef.
Les intimés rappellent que le salaire moyen retenu doit être 2.055,33 euros. Ils contestent la demande de rappel de salaire pour la période de 11 jours ouvrés sur février 2020. En effet, l'avis du 31 janvier 2020 s'analyse comme un avis d'inaptitude, aucune somme ne sera donc due. De plus, le salarié n'a pas travaillé en février et ne démontre pas avoir été à la disposition de la société. Or, le salaire est la contrepartie de la fourniture du travail par le salarié. À titre subsidiaire, si la cour juge bien fondée la demande du salarié, le rappel de salaire sera limité car il n'est pas possible de réclamer un rappel de salaire sur des journées entières de travail alors que le salarié était en situation de mi-temps thérapeutique en 2019.
Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, son montant doit correspondre à sa dernière rémunération. À titre subsidiaire, si la demande du salarié devait aboutir elle serait limitée au montant décidé par le jugement du conseil de prud'hommes.
Les intimés sollicitent le rejet de la demande indemnitaire pour licenciement abusif car le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse. À titre subsidiaire, ils demandent à ce que le barème légal d'indemnisation soit respecté.
Dans ses dernières conclusions, l'UNEDIC délégation AGS, CGEA D'[Localité 7] demande à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL
- Confirmer le jugement du 27 septembre 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes d'AURILLAC, Section Industrie, sous le numéro RG N°20/00027 ;
Se faisant,
- Débouter Monsieur [E] du surplus de ses fins, demandes et conclusions.
A TITRE SUBSIDIAIRE
- Déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'UNEDIC, AGS/CGEA d'[Localité 7] en qualité de gestionnaire de l'A.G.S, dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants (Article L.3253-8), D.3253-5 du Code du travail et du Décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003 ;
- Déclarer que la garantie de l'UNEDIC, AGS/CGEA est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond 6 défini à l'article D.3253-5 du Code du Travail ;
- Déclarer que les limites légales et jurisprudentielles de la garantie de l'UNEDIC sont applicables ;
- Déclarer que l'arrêt à intervenir ne saurait prononcer une quelconque condamnation à leur encontre ;
- Déclarer que l'UNEDIC, AGS/CGEA ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) ;
- Déclarer que l'obligation de l'UNEDIC, AGS/CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafonds applicables, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire ;
- Arrêter le cours des intérêts à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective (articles L.622-28 du Code de Commerce et suivants).
À titre principal, l'UNEDIC, CGEA d'[Localité 7], fait valoir que le licenciement de Monsieur [E] n'est pas fondé sur une quelconque discrimination. Pendant plusieurs années, l'employeur a procédé à des aménagements de poste pour que le salarié puisse continuer à faire partie de l'entreprise. Cependant, au fur et à mesure les restrictions du médecin du travail ont pris une telle ampleur qu'elles sont devenues totalement incompatibles avec l'emploi de Monsieur [E] et l'activité de l'entreprise.
De plus, Monsieur [E] fait valoir que la lettre de licenciement n'aurait pas été signée par l'administrateur judiciaire et qu'il serait en conséquence affecté d'un vice de forme. Cependant, au moment du licenciement, le 17 février 2020, l'entreprise faisait l'objet d'une procédure de sauvegarde avec la SELARL [K] comme administrateur judiciaire avec une mission d'assistance. Seul un jugement de liquidation judiciaire dessaisi le dirigeant de l'administration de ses biens. En conséquence, l'administrateur n'avait aucun pouvoir pour signer seul le courrier de licenciement.
Monsieur [E] sera donc débouté de sa demande de nullité du licenciement et par conséquence, de ses demandes indemnitaires afférentes.
En tout état de cause, Monsieur [E] ne saurait cumuler les dommages et intérêts pour licenciement nul ou licenciement sans cause réelle et sérieuse avec d'autres indemnités.
Le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure et licenciement abusif. Monsieur [E] n'apporte aucun élément sur sa situation postérieurement à son licenciement, ni la réalité du préjudice.
Puis, l'UNEDIC, AGS/CGEA d'[Localité 7] demande l'arrêt du cours des intérêts à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective.
À titre subsidiaire, l'UNEDIC, AGS/CGEA d'[Localité 7] demande dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
- Sur les parties en la cause -
En l'espèce, selon jugements rendus par le tribunal de commerce d'AURILLAC, la SAS ENTREPRISE [Z] a fait l'objet successivement d'une procédure de sauvegarde (3 octobre 2019), d'une procédure de redressement judiciaire (17 mars 2020), d'une procédure de liquidation judiciaire avec plan de cession (28 juillet 2020), d'une clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire avec désignation d'un mandataire ad hoc pour poursuivre les instances judiciaires en cours (17 janvier 2023).
Dans ses dernières écritures, Monsieur [V] [E] formule des demandes à l'encontre de 'la SAS [Z], via Maître [M], ès-qualités de liquidateur de la SAS [Z] et/ou la SELARL MJ MARTIN, mandataire ad'hoc ayant pour mission de poursuivre les instances en cours impliquant de la SAS ENTREPRISE [Z]'.
Les dernières conclusions de la SELAS BARTHELEMY sont établies pour le compte de 'la SAS [Z], la SELARL [M] en qualité de liquidateur judiciaire, la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc'.
L'association UNEDIC, CGEA d'[Localité 7], en tant que délégation AGS, a conclu contre Maître [S] [M] en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], contre la SELARL [K] en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], contre la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc SAS ENTREPRISE [Z].
Il échet de rappeler quelques principes sur l'incidence de l'ouverture d'une procédure collective sur l'instance prud'homale.
Selon l'article L. 625-3 du code de commerce, les instances en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture sont poursuivies. Elles ne sont ni suspendues ni interrompues par l'ouverture de la procédure collective.
Il en résulte notamment, d'une part que la juridiction non informée de l'ouverture de la procédure collective peut valablement prononcer un jugement de condamnation contre le débiteur, d'autre part que le mandataire judiciaire, à qui il incombe d'informer la juridiction de l'ouverture de la procédure collective mais qui ne l'aura pas fait, ne peut invoquer une quelconque inopposabilité à son égard de la décision rendue. De plus, alors que dans le droit commun de l'interruption de l'instance il appartient à la juridiction saisie de vérifier la régularité de la reprise d'instance, tel n'est pas le cas en matière prud'homale, les articles 369 et 372 du code de procédure civile n'étant pas applicables.
Ces principes s'appliquent aussi bien pour la procédure de sauvegarde (article L.625-3 du code de commerce) que pour le redressement judiciaire (article L.631-18 du code de commerce) ou pour la procédure de liquidation judiciaire (article L.641-14 du code de commerce).
Par ailleurs, alors que les créanciers soumis à l'arrêt des poursuites devront déclarer leur créance, l'article L. 622-24, alinéa 1er, du code de commerce prévoit, par exception, que les salariés ne sont pas soumis à cette obligation. La Cour de cassation considère ainsi que le juge prud'homal ne peut pas subordonner la fixation des sommes allouées au salarié au passif de la procédure collective de la société employeur à une déclaration de créance régulière entre les mains du mandataire judiciaire. Une procédure simplifiée d'établissement des relevés des créances salariales est mise en place par l'article L. 625-1, alinéa 1er, du code de commerce.
Le mandataire judiciaire, ou le liquidateur judiciaire cas de liquidation, doit informer le conseil des prud'hommes ou la cour d'appel de l'ouverture d'une procédure collective.
La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que le conseil de prud'hommes ainsi informé était tenu de faire convoquer par le greffe les organes de la procédure collective et, le cas échéant, l'AGS alors mise en cause. La procédure avec représentation obligatoire étant désormais applicable en cause d'appel en matière prud'homale, cette convocation ne s'impose pas à la juridiction prud'homale du second degré. Toutefois, lorsque la cour d'appel est informée de l'ouverture d'une procédure collective, elle doit vérifier la régularité de la procédure d'appel et, si nécessaire, demander à la partie la plus diligente d'appeler en la cause les organes de la procédure collective de la société employeur ainsi que la délégation AGS compétente pour que l'affaire soit en état d'être jugée.
La mise en cause des organes de la procédure est une condition de régularité de la procédure prud'homale. La décision rendue sans mise en cause des organes de la procédure collective sera réputée non avenue, ce qui obligera le salarié à saisir le conseil des prud'hommes s'il ne figure pas sur le relevé des créances salariales, et ce dans les deux mois de la publicité dudit relevé, étant rappelé que le mandataire judiciaire qui n'a pas informé la juridiction prud'homale dans les 10 jours de l'ouverture d'une procédure collective ne peut se prévaloir de l'inopposabilité de la décision rendue au terme de l'instance prud'homale.
En cas de procédure de sauvegarde, l'instance est poursuivie de plein droit en présence du mandataire judiciaire, chargé d'assurer la défense de l'intérêt collectif des créanciers et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance, ou ceux-ci dûment appelés (articles L. 625-3 du code de commerce). Ainsi, la mise en cause de l'administrateur est exclue dans la procédure de sauvegarde lorsqu'il a une simple mission de surveillance.
Lorsqu'un plan de sauvegarde a été arrêté, il résulte de l'articles L. 626-25 du code de commerce que les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie, sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ou, si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le tribunal de commerce.
En cas de procédure de redressement judiciaire, l'instance est poursuivie de plein droit en présence du mandataire judiciaire, chargé d'assurer la défense de l'intérêt collectif des créanciers, et de l'administrateur, lorsque celui-ci a une mission d'assistance (articles L. 625-3 et L. 631-18 du code de commerce) ou, a fortiori, lorsque cet administrateur s'est vu confier la responsabilité d'assurer seul l'administration de l'entreprise.
En application des articles L. 626-25, alinéa 3, et L. 631-19 du code de commerce, les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie, sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ou, si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le tribunal de commerce. La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que les dispositions de l'article L. 626-25, alinéa 3, du code de commerce ne concernent pas les instances prud'homales qui étaient en cours à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire. Il en résulte qu'après le jugement arrêtant le plan de redressement, l'action en paiement engagée contre le débiteur avant le jugement d'ouverture de son redressement judiciaire est poursuivie contre ce dernier redevenu maître de ses biens, le commissaire à l'exécution du plan n'ayant pas qualité pour poursuivre l'instance. Dès lors, n'est pas indivisible entre la société et le commissaire à l'exécution du plan le litige introduit par un salarié contre son employeur avant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
En cas de procédure de liquidation judiciaire, seul le liquidateur, qui exerce les fonctions dévolues au mandataire judiciaire, doit être mis en cause. Lorsqu'un administrateur judiciaire est désigné pour administrer l'entreprise en liquidation judiciaire (article L. 641-10 du code de commerce), il n'a plus, depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008, à être mis en cause (article L. 641-14 du code de commerce).
Les articles L. 631-18, alinéa 5, et L. 641-14, alinéa 3, du code de commerce imposent la mise en cause de l'AGS par le mandataire, ou le liquidateur, ou en cas de carence par le salarié requérant, dans les 10 jours du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, du jugement convertissant une procédure de sauvegarde en procédure de redressement judiciaire ou du jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire, afin que la décision lui soit opposable (articles R 631-33 et R. 641-34, qui énoncent que les information relatives à l'objet et aux circonstances du litige ainsi que les éléments justificatifs sont transmis par le mandataire ou le liquidateur aux institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail).
La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire la charge de transmettre les conclusions et les pièces du salarié à l'AGS n'incombe pas au liquidateur judiciaire. En conséquence, c'est le salarié, demandeur, qui doit transmettre ses pièces et ses conclusions, conformément au principe du contradictoire, à l'AGS lorsqu'elle est mise en cause ou à son avocat en cas de constitution.
Il n'y a pas lieu à mise en cause de l'AGS dans le cadre de la procédure de sauvegarde.
Cette mise en cause de l'AGS relève des pouvoirs du mandataire judiciaire ou de l'administrateur, à leur défaut des salariés, mais non des syndicats.
En cas de carence des parties, la chambre sociale a jugé qu'il appartient au conseil de prud'hommes informé de la procédure collective de faire convoquer l'AGS par le greffe. La procédure avec représentation obligatoire étant désormais applicable en cause d'appel en matière prud'homale, cette convocation ne s'impose pas à la juridiction prud'homale du second degré. Toutefois, lorsque la cour d'appel est informée de l'ouverture d'une procédure collective, elle doit vérifier la régularité de la procédure d'appel et, si nécessaire, demander à la partie la plus diligente d'appeler en la cause les organes de la procédure collective de la société employeur ainsi que la délégation AGS compétente pour que l'affaire soit en état d'être jugée.
A défaut de mise en cause de l'AGS, la décision prud'homale passée en force de chose jugée constitue un titre exécutoire à l'égard de l'AGS, qui pourra toutefois former tierce-opposition pour faire valoir ses arguments et contester sa garantie. A l'inverse, si l'AGS est mise en cause, elle ne pourra plus contester la décision rendue par le juge prud'homal.
En cas de clôture d'une liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, le débiteur est libéré de son passif impayé. L'article L. 643-11 du code de commerce prévoit en effet que le jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. Il en résulte, après la clôture de la liquidation judiciaire, une extinction générale du passif . Par exception, les créanciers peuvent recouvrer ce droit de poursuite malgré le jugement de clôture dans les hypothèses limitativement énumérées par l'article L. 643-11 du code de commerce, notamment lorsque la créance porte sur des droits attachés à la personne du créancier. La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi jugé que la créance indemnitaire ou salariale du salarié licencié résulte de droits attachés à sa personne, de sorte qu'en cas de clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de son employeur il recouvre l'exercice individuel de son action contre le débiteur. L'article L. 643-11, V, du code de commerce prévoit que les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu'ils disposent déjà d'un tel titre, sans avoir fait constater qu'ils remplissent les conditions prévues au présent article. Le président du tribunal, saisi à cette fin, statue par ordonnance. Les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en 'uvre dans les conditions du droit commun.
Lorsque l'instance prud'homale est toujours en cours au moment de la clôture d'une liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, il est de jurisprudence constante que la personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés. Les demandes d'un salarié ne doivent ainsi pas être déclarées irrecevables en raison de la clôture de la liquidation judiciaire de la société ; la société employeur doit alors être mise en cause après désignation d'un administrateur ad hoc pour reprendre la procédure. La société employeur peut donc être assignée en justice et les actions déjà engagées contre elle poursuivies, sauf, pour le demandeur, à solliciter la nomination d'un mandataire ad hoc, chargé de représenter la société défenderesse. Dans cette hypothèse, alors que la personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, si cela n'a pas été fait, le juge prud'homal doit inviter la partie qui y a intérêt à faire désigner un mandataire ad hoc par le tribunal de commerce et à appeler celui-ci en la cause afin de reprendre la procédure. En revanche, l'action contre une personne morale dépourvue de représentant légal, serait irrecevable si, au moment de son engagement, cette absence de représentant légal est avérée, mais une régularisation par la désignation d'un mandataire ad hoc et son appel en la cause avant que le juge prud'homal ne statue est toutefois possible.
La clôture des opérations de liquidation entraîne en outre la cessation de tous ses organes, dont le liquidateur qui avait été désigné par le tribunal de commerce.
En l'espèce, les organes de la procédure collective, la délégation AGS compétente et le mandataire ad hoc chargé par le tribunal de commerce de poursuivre les instances judiciaires en cours concernant la société ENTREPRISE [Z] ont été régulièrement appelés en la cause.
Vu le jugement du 17 janvier 2023 qui a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], mis fin à la mission des organes de la procédure collective et désigné la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z] afin de poursuivre les instances judiciaires en cours concernant l'employeur, la cour constate que Maître [S] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société ENTREPRISE [Z], ainsi que la SELARL [K], en qualité d'administrateur judiciaire de la ENTREPRISE [Z], ne sont plus concernées par les demandes de Monsieur [V] [E], seuls restant concernés la SELARL MJ MARTIN en
qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z] ainsi que l'association UNEDIC, CGEA D'[Localité 7], en tant que délégation AGS.
- Sur le licenciement -
Selon l'article L. 4624-1 du code du travail, tout travailleur bénéficie, au titre de la surveillance de l'état de santé des travailleurs prévue à l'article L. 4622-2, d'un suivi individuel de son état de santé assuré notamment par le médecin du travail.
Selon l'article L. 4624-3 du code du travail, le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur.
Selon l'article L. 4624-4 du code du travail, après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l'équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l'employeur, le médecin du travail qui constate qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d'indications relatives au reclassement du travailleur.
Selon l'article L. 4624-5 du code du travail, pour l'application des articles L. 4624-3 et L. 4624-4, le médecin du travail reçoit le salarié, afin d'échanger sur l'avis et les indications ou les propositions qu'il pourrait adresser à l'employeur. Le médecin du travail peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien en emploi pour mettre en 'uvre son avis et ses indications ou ses propositions.
Selon l'article L. 4624-6 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.
Selon l'article L. 4624-7 du code du travail, le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4.La décision du conseil de prud'hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.
Selon une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation, l'employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs.
Toujours selon une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation, réitérée à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, tout avis rendu par le médecin du travail concernant l'aptitude ou l'inaptitude du salarié, ou les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou les mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur, peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié d'une contestation devant le conseil de prud'hommes, et, en l'absence d'un tel recours dans les délais légaux, l'avis du médecin du travail s'impose aux parties ainsi qu'au juge, notamment au juge saisi d'une contestation du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Si le salarié est déclaré apte par le médecin du travail, il retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. Le médecin du travail est habilité à proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions du médecin du travail.
Le médecin du travail est seul habilité à apprécier l'aptitude du salarié à un poste de travail . Entre l'aptitude pure et simple et l'inaptitude totale et définitive au poste, le médecin du travail peut émettre des avis d'aptitude avec réserves (aménagements). Son avis s'impose à l'employeur comme au salarié et il n'appartient pas au juge prud'homal de substituer son interprétation à cet avis, lequel, en cas de difficulté sur sa portée, peut faire l'objet du recours prévu par les dispositions du code du travail. Ainsi, l'avis écrit du médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper un poste de travail s'impose à toutes les parties dans le cadre d'un litige prud'homal, y compris au mandataire et à la délégation AGS. Le juge du fond ne saurait substituer son appréciation sur l'aptitude ou l'inaptitude, ou l'aptitude avec réserves, à celle du médecin du travail, et ce alors qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur la portée de l'avis délivré par le médecin du travail, le salarié comme l'employeur peuvent exercer le recours prévu par le code du travail.
En cas d'aptitude avec réserves, l'employeur, lié par cet avis, doit respecter deux obligations. D'une part, tenu de fournir un travail, il doit permettre au salarié de retrouver son emploi ou à défaut, un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente. D'autre part, il doit tenir compte des réserves émises par le médecin du travail et procéder aux aménagements, mutations et transformations du poste préconisés par ce dernier conformément aux dispositions du code du travail.
Lorsqu'il résulte des termes de l'avis du médecin du travail que le salarié a été déclaré apte à son poste de travail, même si le médecin du travail a émis d'importantes réserves ou préconisé des aménagements importants, et qu'il n'est pas justifié d'un recours en contestation exercé contre cet avis, l'employeur ne peut procéder au licenciement du salarié pour inaptitude. Dans cette hypothèse, l'employeur ne peut pas plus procéder au licenciement du salarié pour inaptitude en faisant valoir que les restrictions imposées par le médecin du travail sont telles qu'il ne peut réintégrer le salarié ou en invoquant l'obligation de sécurité. Le licenciement pour inaptitude notifié en violation de ces principes est sans cause réelle et sérieuse, voire nul s'il est en lien avec l'état de santé du salarié.
Selon l'article L. 1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Dans le cas d'une inaptitude du salarié consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, l'article L. 1226-12 du code du travail dispose que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
En l'espèce, il n'est pas contesté que suite à un accident du travail dont le salarié a été victime, la société [Z] a reclassé Monsieur [V] [E] sur un poste de poseur de compteur Linky.
Suite à ce reclassement, entre août 2018 et janvier 2020, le médecin du travail a vu le salarié à plusieurs reprises et a toujours considéré dans ses avis écrits (21 août 2018, 3 octobre 2018, 21 février 2019, 22 mai 2019 et 28 janvier 2020) que Monsieur [V] [E] était apte à occuper son emploi de technicien poseur de compteurs Linky. Toutefois, le médecin du travail a proposé dans chacun de ses avis des mesures d'aménagement du poste et du temps de travail du salarié.
Le médecin du travail a préconisé dans ses avis successifs précités les mesures suivantes : pas de port de charges lourdes de plus de 10 kilos ; une charge de travail raisonnable tenant compte des problèmes médicaux et des trajets; contre-indication aux efforts intenses. Dans son dernier avis du 28 janvier 2020, le médecin du travail a également préconisé de privilégier le travail par demi-journées, sans journées complètes de travail.
Il n'est pas contesté que le 17 février 2020 la société ENTREPRISE [Z] a procédé au licenciement de Monsieur [V] [E] en invoquant le seul motif d'une inaptitude du salarié avec impossibilité de reclassement de celui-ci. Cela résulte clairement des termes du courrier de licenciement du 17 février 2020 qui mentionne 'nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour impossibilité de reclassement suite à votre inaptitude' et qui vise le seul avis rendu par le médecin du travail en date du 28 janvier 2020.
La société ENTREPRISE [Z] a considéré une inaptitude de Monsieur [V] [E] consécutive à un accident du travail puisque l'employeur, dans le courrier daté du 31 janvier 2020, fait état des 'multiples inaptitudes à l'emploi de poseurs LINKY' visées par le médecin du travail et à l'application de l'article L. 1226-12 du code du travail.
Dans le courrier de licenciement, comme il l'avait déjà fait précédemment dans le courrier du 31 janvier 2020 notifiant l'impossibilité de reclassement et dans celui du 3 février 2020 valant convocation à l'entretien préalable, l'employeur a clairement indiqué qu'il considérait que du fait que le médecin du travail avait ajouté, dans son dernier avis du 28 janvier 2020, la préconisation de privilégier le travail par demi-journées, sans journées complètes de travail, il en résultait une inaptitude du salarié à occuper le poste de poseur de compteur Linky avec impossibilité de reclassement pour Monsieur [V] [E].
En cause d'appel, la même thèse est soutenue par les intimés qui concluent que 'les restrictions médicales étaient telles qu'elles s'analysaient en un avis d'inaptitude'.
Le médecin du travail n'a jamais rendu un avis d'inaptitude concernant Monsieur [V] [E]. L'avis rendu le 28 janvier 2020 est un avis d'aptitude avec réserves, c'est à dire avec des aménagements du poste de travail, de l'organisation du travail et du temps de travail préconisés pour tenir compte de l'état de santé dégradé de Monsieur [V] [E] suite à un accident du travail.
La société ENTREPRISE [Z] n'a jamais contesté les avis du médecin du travail, notamment celui du 28 janvier 2020, en saisissant le conseil de prud'hommes d'un recours.
Un avis d'aptitude avec réserves ne peut être assimilé à un avis d'inaptitude susceptible de justifier une proposition de reclassement. L'employeur qui entend licencier un salarié au motif que les réserves apportées à l'avis d'aptitude ne lui permettent pas de retrouver son emploi, doit justifier de l'impossibilité de proposer au salarié son poste, si nécessaire aménagé, ou un emploi similaire, en tenant compte des préconisations du médecin du travail.
L'employeur ne justifie pas avoir échangé avec le médecin du travail suite à l'avis écrit rendu par ce dernier en date du 28 janvier 2020, pas plus qu'il n'a fait connaître au médecin du travail les motifs qui s'opposeraient à ce qu'il soit donné suite à cet avis.
L'employeur ne justifie pas d'une impossibilité à mettre en oeuvre les aménagements préconisés par le médecin du travail, notamment ceux visés dans l'avis du 28 janvier 2020.
L'employeur ne justifie d'aucune recherche effective de reclassement concernant Monsieur [V] [E] après le 28 janvier 2020, encore moins d'une impossibilité de reclassement.
Dès le 31 janvier 2020, la société ENTREPRISE [Z] a considéré que Monsieur [V] [E] était inapte à son emploi, sans possibilité de reclassement, et ce du seul fait de l'avis rendu le 28 janvier 2020 par le médecin du travail.
Pour justifier des manquements de l'employeur à ses obligations, les intimés font état d'un arrêt rendu le 29 novembre 2006 (05-43669) par la chambre sociale de la Cour de cassation, décision dans laquelle la haute Cour a considéré que le juge du fond, sans substituer son appréciation à celle du médecin du travail, procédant à l'interprétation des avis médicaux successifs rendue nécessaire par leur ambiguïté, a estimé, hors toute dénaturation, que l'avis émis par le médecin du travail lors de la dernière visite rendait impossible la réintégration du salarié au poste qu'il occupait. Il s'agit d'un arrêt ancien et isolé de la chambre sociale de la Cour de cassation correspondant à une jurisprudence obsolète. En effet, si pendant un temps une partie de la doctrine et de la jurisprudence a paru assimiler un avis d'aptitude assorti de nombreuses réserves à un avis d'inaptitude entraînant alors la mise en oeuvre par l'employeur de l'obligation de reclassement, la chambre sociale, par un arrêt du 10 novembre 2009 publié et commenté au rapport annuel, a mis fin à ces hésitations et a rappelé qu'en l'absence de recours l'avis du médecin du travail s'impose aux parties et au juge.
Si la société ENTREPRISE [Z] a fait d'abord des efforts réels après l'accident du travail dont a été victime Monsieur [E] en 2016 pour reclasser le salarié et pour aménager son poste, elle a décidé fin janvier 2020, unilatéralement et brusquement, suite à l'avis d'aptitude avec réserves rendu par le médecin du travail le 28 janvier 2020, que le salarié était inapte et impossible à reclasser, et ce de façon illicite. C'est également de façon illicite que l'employeur a notifié un licenciement pour inaptitude en visant l'avis écrit rendu par le médecin du travail en date du 28 janvier 2020 concernant Monsieur [E].
En procédant à un licenciement se référant uniquement aux prétendues inaptitudes physiques de Monsieur [E], salarié pourtant apte à occuper son poste de travail malgré un état de santé dégradé par les conséquences d'un accident du travail, la société ENTREPRISE [Z] a pris une mesure discriminatoire (à raison de l'état de santé) s'agissant de la rupture du contrat de travail, ce qui conduit la cour à juger nul le licenciement de Monsieur [E].
En cas de licenciement nul, le salarié ne demandant pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail, ou dont la réintégration est impossible, a droit, quelles que soient son ancienneté et la taille de l'entreprise, à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant ne peut pas être inférieur aux salaires des six derniers mois, le barème (ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable aux licenciements prononcés depuis le 24 septembre 2017) visé par l'article L. 1235-3 du code du travail n'étant pas applicable.
Lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit, même s'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter son préavis, aux indemnités compensatrice de préavis et de congés payés.
La victime d'un licenciement nul, qui ne demande pas sa réintégration, a donc droit à plusieurs indemnités : d'une part, aux indemnités de rupture, c'est-à-dire à l'indemnité compensatrice de préavis (avec congés payés afférents) et à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, d'autre part à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale aux salaires des six derniers mois.
Si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail (ou d'une maladie professionnelle), qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.
Au moment du licenciement, Monsieur [V] [E] était âgé de 46 ans, percevait un salaire mensuel brut de référence de 2.096,42 euros et il avait une ancienneté de 8 années complètes dans une entreprise employant habituellement plus de 10 salariés.
Monsieur [E] justifie de son inscription à Pôle Emploi comme demandeur d'emploi à compter du 26 février 2020, de la perception de l'allocation d'aide au retour à l'emploi de mars à août 2020, de la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (12 heures par semaine) avec la société ADTM pour un emploi de chauffeur à compter du 1er novembre 2022 (salaire mensuel brut contractuel de 575,64 euros / net perçu de 1121 à 1394 euros par mois fin 2023).
Il sera alloué à Monsieur [V] [E] une somme de 15.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice de perte d'emploi lié à un licenciement nul.
Il sera alloué à Monsieur [V] [E] une somme de 4.192,84 euros (deux mois de salaire mensuel brut de référence) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 419,28 au titre des congés payés afférents.
Hors l'indemnisation déjà allouée ci-dessus, Monsieur [V] [E] ne justifie ni de circonstances vexatoires ou abusives afférentes à son licenciement ni d'un préjudice moral en rapport avec la façon dont l'employeur a procédé à son licenciement.
L'appelant sera débouté de sa demande de dommages-intérêts 'au titre du préjudice moral lié au caractère abusif et vexatoire des circonstances de la rupture'.
Monsieur [V] [E] demande une indemnisation correspondant à un mois de salaire mensuel brut (2.096,42 euros) 'pour procédure irrégulière'.
La preuve de l'irrégularité de la procédure de licenciement incombe au salarié.
L'absence de signature de la lettre de licenciement rend irrégulière la procédure de licenciement. Une absence de signature ne rend pas la rupture du contrat de travail abusive. La personne signataire de la lettre de licenciement doit disposer du pouvoir de licencier. En cas de signature par une personne incompétente, la procédure de licenciement est non seulement irrégulière mais le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L. 622-3 du code de commerce, en cas de procédure collective de sauvegarde, le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur. En outre, sous réserve des dispositions des articles L. 622-7 et L. 622-13, les actes de gestion courante qu'accomplit seul le débiteur sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi.
La mission de surveillance de l'administrateur, chargé d'assister le débiteur dans la gestion de l'entreprise, consiste à s'assurer que les agissements du débiteur ne sont pas contraires à l'intérêt de l'entreprise ou de ses créanciers. Il s'agit en effet de protéger les créanciers existants au moment de l'ouverture de la procédure en évitant une aggravation du passif par l'introduction de nouveaux créanciers.
La notion d'acte de gestion courante dépend de la situation de l'entreprise et renvoie aux actes qui relèvent de l'activité normale de l'entreprise et qui peuvent être accomplis sans le concours de l'administrateur parce qu'ils ne présentent aucun caractère exceptionnel et répondent aux nécessités de la gestion.
En l'espèce, la procédure de licenciement a été menée et achevée à une période où la société ENTREPRISE [Z] était sous procédure collective de sauvegarde mais pas encore en redressement judiciaire (17 mars 2020). Le tribunal de commerce avait alors désigné la SELARL [K] en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [S] [M] en qualité de mandataire judiciaire. L'intégralité du jugement de sauvegarde n'est pas versée aux débats.
Il n'est pas justifié du contenu précis de la mission de l'administrateur judiciaire et donc que le dirigeant de droit de la société ENTREPRISE [Z] aurait été dessaisi à l'époque considérée de son pouvoir de diligenter une procédure de licenciement et de notifier un licenciement.
La procédure de licenciement de Monsieur [V] [E] a été engagée et menée par Monsieur [O] [Z], président de la société ENTREPRISE [Z]. Dans ce cadre, les courriers, notamment celui notifiant le licenciement, ont été signés par le seul Monsieur [O] [Z] en qualité de président de la société ENTREPRISE [Z], sans mention de la présence ou de l'accord de l'administrateur judiciaire.
Il n'est en rien établi que l'assistance et l'accord de la SELARL [K], en qualité d'administrateur judiciaire, étaient nécessaires en l'espèce
pour engager la procédure de licenciement et notifier le licenciement de Monsieur [V] [E].
En outre, le dessaisissement dans le cadre d'une procédure collective n'étant pas une incapacité, la sanction de la nullité a été exclue et la Cour de cassation a choisi la sanction de l'inopposabilité à la procédure collective. Les actes juridiques passés en violation du dessaisissement éventuellement organisé par le tribunal de commerce restent donc valables entre les parties tout en étant dépourvus d'effet à l'égard de la procédure collective.
De plus, le salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés ne peut pas obtenir une indemnité pour irrégularité de procédure si son licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse ou nul.
Monsieur [V] [E] sera débouté de sa demande d'indemnisation 'pour procédure irrégulière'.
- Sur le règlement du salaire du mois de février 2020 -
Monsieur [E] soutient qu'il a droit à la rémunération de 11 jours de travail à 3,5 heures de temps de travail effectif par jour pour le mois de février 2020.
Le bulletin de paie de février 2020 établi par la SAS ENTREPRISE [Z] mentionne un emploi jusqu'au licenciement du 17 février 2020, un taux horaire de 13,822 euros et un salaire mensuel brut de 2.096,42 euros.
L'employeur n'a versé aucune rémunération au salarié pour le mois de février 2020 en mentionnant sur le bulletin de paie : 'heures absences non rémunérées', sans autre précision.
La cour a déjà jugé que Monsieur [E] n'était pas en situation d'inaptitude après l'avis rendu par le médecin du travail en date du 28 janvier 2020 et il n'est pas justifié que le salarié était en situation de suspension du contrat de travail, que ce soit pour maladie ou autre cause, ni que Monsieur [E] ne se serait pas tenu à la disposition de l'employeur pour la période du 1er au 17 février 2020.
D'ailleurs, par courrier daté du 29 janvier 2020, l'employeur a indiqué à Monsieur [E] qu'il avait décidé unilatéralement de laisser le salarié sans affectation pendant les jours à venir.
Monsieur [E] devait donc percevoir une rémunération de 532,15 euros en brut (3,5 x 11 x 13,822) pour le mois de février 2020.
- Sur la remise des certificats de congés payés -
Il n'a pas été interjeté appel du jugement sur ce point et, dans ses dernières écritures, Monsieur [E] indique que la situation a été régularisée par l'employeur auprès de la caisse de congés payés.
- Sur la remise de documents -
La SELARL MJ MARTIN, en qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z], devra remettre à Monsieur [V] [E], dans le délai de deux mois suivant le prononcé de la présente décision, un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation Pôle Emploi (France Travail) conformes aux dispositions du présent arrêt.
Il n'y a pas lieu de douter de la diligence du mandataire ad hoc et donc de condamner en l'état à une remise sous astreinte.
- Sur les intérêts -
Il échet de rappeler qu'en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective de sauvegarde a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit faire courir les intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 jusqu'à parfait règlement.
- Sur la garantie de l'AGS -
Le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC, CGEA d'[Localité 7], en qualité de gestionnaire de l'AGS.
Les sommes susvisées, dont la société ENTREPRISE [Z] est redevable à l'égard de Monsieur [V] [E], seront garanties par l'AGS dans les conditions et limites prévues par le code du travail.
- Sur les dépens et frais irrépétibles -
Le jugement sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
La SELARL MJ MARTIN, en qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z], sera condamnée aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance comme en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré la procédure de licenciement de Monsieur [E] irrégulière, constaté que le licenciement de Monsieur [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, fixé à 2.055,33 euros bruts le montant du salaire mensuel de Monsieur [E], fixé la créance de Monsieur [E] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ENTREPRISE CHAVINJER aux sommes de 2.055,33 euros pour procédure irrégulière de licenciement, 4.110,66 euros au titre du préavis légal, outre 411,06 euros à titre de congés payés sur préavis, 521,21 euros au titre des retenues pratiquées sur le bulletin de salaire de février 2020 avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 jusqu'à parfait règlement, outre 52,12 euros à titre de congés payés sur ce quantum avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 jusqu'à parfait règlement, condamné Maitre [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], à payer à Monsieur [E] la somme de 300,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective ;
- Statuant à nouveau de ces chefs :
- Fixe à 2.096,42 euros le salaire mensuel brut de référence de Monsieur [V] [E],
- Juge que le licenciement de Monsieur [V] [E] est nul,
- Fixe au passif de la société ENTREPRISE [Z], représentée par la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc, s'agissant de la créance dont Monsieur [V] [E] est fondé à se prévaloir vis-à-vis de son ancien employeur, les sommes suivantes :
* 15.000 euros (brut), à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice de perte d'emploi lié à un licenciement nul,
* 4.192,84 euros (brut) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 419,28 euros (brut) au titre des congés payés afférents,
* 532,15 euros (brut) à titre de rappel de salaire pour le mois de février 2020, outre 53,21 euros (brut) au titre des congés payés afférents,
- Rappelle qu'en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective de sauvegarde a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations,
- Condamne la SELARL MJ MARTIN, en qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z], aux dépens de première instance ;
- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;
Y ajoutant,
- Dit que la SELARL MJ MARTIN, en qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z], devra remettre à Monsieur [V] [E], dans le délai de deux mois suivant la date de prononcé de la présente décision, un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation Pôle Emploi (France Travail) conformes aux dispositions du présent arrêt ;
- Dit que le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC, CGEA d'[Localité 7], en qualité de gestionnaire de l'AGS, que les sommes susvisées, dont la société ENTREPRISE [Z] est redevable à l'égard de Monsieur [V] [E], seront garanties par l'AGS dans les conditions et limites prévues par le code du travail ;
- Condamne la SELARL MJ MARTIN, en qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z], aux dépens d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
V. SOUILLAT C. RUIN
Arrêt n°
CHR/VS/NS
Dossier N° RG 21/02207 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FWF7
[V] [E]
/
[S] [M] Es-qualité de liquidateur de la SAS ENTREPRISE [Z], S.E.L.A.R.L. [K]
Es qualité d'administrateur
de la SAS ENTREPRISE [Z], UNEDIC AGS CGEA [Localité 7] L'UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d'[Localité 7],
jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire d'aurillac, décision attaquée en date du 27 septembre 2021, enregistrée sous le n° f 20/00027
Arrêt rendu ce DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Valérie SOUILLAT greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [V] [E]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Laurent LAFON de la SELARL AURIJURIS, avocat au barreau d'AURILLAC
APPELANT
ET :
Me [S] [M] Es-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], SAS immatriculée au RCS d'Aurillac sous le numéro 326 273 547 dont le siège social est [Adresse 3], désigné à cette fin selon jugement du tribunal de Commerce du 28 Juillet 2020.
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représenté par Me Patrick PUSO suppléant Me Hugues LAPALUS de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
S.E.L.A.R.L. [K] Es qualité d'administrateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], société par actions simplifiées, immatriculée au RCS d'AURILLAC sous le numéro 326 273 547 dont le siège social est [Adresse 3]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentée par Me Patricl PUSO suppléant Me Hugues LAPALUS de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
SELARL MJ MARTIN, es qualitès de mandataire ad hoc de la SAS ENTREPRISE [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Patricl PUSO suppléant Me Hugues LAPALUS de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
UNEDIC AGS CGEA [Localité 7] L'UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d'[Localité 7],
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMES
M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 21 Mai 2024 , tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS ENTREPRISE [Z], immatriculée au RCS d'AURILLAC sous le numéro 326 273 547, dont le siège social est [Adresse 3], était une entreprise du secteur d'activité des réseaux électriques, de gaz, de téléphone et d'éclairage public.
Par jugement du 3 octobre 2019, le tribunal de commerce d'AURILLAC a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SAS ENTREPRISE [Z], désigné la SELARL [K] en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [S] [M] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 17 mars 2020, le tribunal de commerce d'AURILLAC a converti la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire à l'égard de la SAS ENTREPRISE [Z], fixé la date de cessation des paiements au 29 février 2020, désigné la SELARL [K] en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [S] [M] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 28 juillet 2020, le tribunal de commerce d'AURILLAC a arrêté un plan de cession de l'entreprise, prononcé la liquidation judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z] et désigné Maître [S] [M] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 17 janvier 2023, le tribunal de commerce d'AURILLAC a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], désigné la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc pour poursuivre les instances judiciaires en cours concernant la société ENTREPRISE [Z], ordonné les mesures de publicité prévues par la loi et l'exécution provisoire du jugement.
Monsieur [V] [E], né le 9 octobre 1973, a été embauché par la SAS ENTREPRISE [Z] à compter du 1er avril 2011, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de chauffeur (ouvrier coefficient 150 convention collective nationale des travaux publics).
En 2016, Monsieur [V] [E] a été victime d'un accident du travail alors qu'il occupait un poste de conducteur d'engins.
Le 3 juin 2016, le médecin du travail a indiqué que Monsieur [E] sera apte à reprendre son poste de travail le lundi 6 juin 2016 mais avec des restrictions ou aménagements (pas de port de charges lourdes et pas d'effort de traction intense).
En 2018, dans le cadre d'un reclassement médical par la société [Z], Monsieur [E] a été affecté à un poste de technicien poseur de compteurs LINKY, et ce après avoir suivi une formation.
Le 21 août 2018, le médecin du travail (Docteur [D]) a vu Monsieur [E] en visite à la demande, a rendu un avis d'aptitude au poste de technicien poseur de compteur Linky, mais a préconisé, sur le fondement de l'article L. 4624-3 du code du travail visant les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail, les mesures suivantes à mettre en application à compter du 21 août 2018 : contre-indication aux efforts intenses ; pas de port de charges lourdes supérieures à 10 kilos ; temps partiel thérapeutique.
Le 3 octobre 2018, le médecin du travail (Docteur [D]) a vu Monsieur [E] en visite à la demande, a rendu un avis d'aptitude au poste de technicien poseur de compteur Linky, mais a préconisé, sur le fondement de l'article L. 4624-3 du code du travail visant les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail, le maintien des aménagements suivants : contre-indication aux efforts intenses ; pas de port de charges lourdes supérieures à 10 kilos ; temps partiel thérapeutique.
Le 21 février 2019, le médecin du travail (Docteur [N]) a vu Monsieur [E] en visite à la demande, a rendu un avis d'aptitude au poste de technicien poseur de compteur Linky, mais a préconisé, sur le fondement de l'article L. 4624-3 du code du travail visant les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail, les mesures suivantes : mi-temps thérapeutique partiel selon des modalités de 2 jours de travail sur une semaine et 3 jours sur la semaine suivante avec une coupure d'une heure à mi-journée pour le repos nécessaire ; contre-indication aux efforts intenses ; pas de port de charges lourdes supérieures à 10 kilos ; la charge de travail doit rester raisonnable compte tenu des trajets, soit 4 compteurs par demi-journée.
Le 22 mai 2019, le médecin du travail (Docteur [N]) a vu Monsieur [E] en visite à la demande, a rendu un avis d'aptitude au poste de technicien poseur de compteur Linky, mais a préconisé, sur le fondement de l'article L. 4624-3 du code du travail visant les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail, les mesures suivantes : mi-temps thérapeutique ; bien respecter la pause à mi-journée puisque désormais le salarié travaille sur des journées complètes ; pas de port de charges lourdes de plus de 10 kilos ; la charge de travail doit rester limitée compte tenu des problèmes de santé et des trajets, soit 4 compteurs par demi-journée.
Le 28 janvier 2020, le médecin du travail (Docteur [D]) a vu Monsieur [E] en visite de reprise, a rendu un avis d'aptitude au poste de technicien poseur de compteur Linky, mais a préconisé, sur le fondement de l'article L. 4624-3 du code du travail visant les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail, les mesures suivantes : pas de port de charges lourdes de plus de 10 kilos ; la charge de travail doit rester raisonnable et tenir compte des trajets ; contre-indication aux efforts intenses ; privilégier le travail par demi-journées, pas de journées complètes.
Par courrier daté du 29 janvier 2020, l'employeur indiquait confirmer à Monsieur [E] qu'il pouvait rester sans affectation pendant les jours à venir, le temps de rechercher les possibilités de reclassement conformes au dernier avis du médecin du travail.
Par courrier recommandé daté du 31 janvier 2020, l'employeur indiquait à Monsieur [E] qu'il n'était pas possible de le reclasser dans l'entreprise en respectant les aménagements préconisés par le médecin du travail, en particulier l'organisation de son travail uniquement par demi-journées.
Par courrier recommandé daté du 3 février 2020, l'employeur convoquait Monsieur [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 10 février 2020.
Par courrier recommandé daté du 17 février 2020, la SAS CHAVINER notifiait à Monsieur [E] un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans les termes suivants :
'Monsieur,
Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 10 février 2020.
Pour les raisons exposées durant cet entretien, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour impossibilité de reclassement suite à votre inaptitude.
En effet, en date du 28 janvier 2020, le Médecin du travail a conclu au maintien de vos inaptitudes et à la répartition de votre travail uniquement sur des demi-journées. Vous occupez actuellement dans le cadre d'un précédent reclassement un poste de poseur LINKY pour lequel nous sommes déjà en limite de tolérance avec l'interdiction du port de charges qui est préconisé, et nous avons pu expérimenter sur quelques mois que l'organisation de votre poste en demi-journées occasionnait de multiples déplacements et donc une fatigue excessive ; ce constat ne nous a pas permis d'identifier une solution de reclassement alternative vous concernant.
Aussi, nous vous notifions votre licenciement.
Celui-ci prendra effet à la date de la présente.
Vous percevrez une indemnité de rupture à laquelle votre ancienneté vous ouvre droit.
Nous vous adresserons vos documents de fin de contrat de travail et les documents relatifs à la possibilité de la prévoyance et frais de santé.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.
Le président
[O] [Z]'
Le 2 juin 2020, Monsieur [V] [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'AURILLAC aux fins notamment de voir juger son licenciement nul et de fixer ses créances (rappel de salaire, indemnités de rupture et dommages-intérêts) au passif de la SAS ENTREPRISE CHAVINJER.
La SELARL [K], en qualité d'administrateur judiciaire de la société ENTREPRISE [Z], Maître [S] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société ENTREPRISE [Z], ainsi que l'association UNEDIC, CGEA D'[Localité 7], en tant que délégation AGS, ont été régulièrement appelés en la cause devant le premier juge.
Par jugement (RG 20/00027) rendu contradictoirement en date du 27 septembre 2021 (audience du 21 juin 2021), le conseil de prud'hommes d'AURILLAC a :
- déclaré la procédure de licenciement de Monsieur [E] irrégulière ;
- constaté que le licenciement de Monsieur [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- constaté la prescription au titre de la demande de remise du certificat de congés payés pour la période 2016/2017 et 2017/2018 ;
- fixé à 2.055,33 euros bruts le montant du salaire mensuel de Monsieur [E] ;
- fixé la créance de Monsieur [E] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ENTREPRISE CHAVINJER aux sommes suivantes :
* 2.055,33 euros pour procédure irrégulière de licenciement,
* 4.110,66 euros au titre du préavis légal, outre 411,06 euros à titre de congés payés sur préavis,
* 521,21 euros au titre des retenues pratiquées sur le bulletin de salaire de février 2020 avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 jusqu'à parfait règlement, outre 52,12 euros à titre de congés payés sur ce quantum avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 jusqu'à parfait règlement ;
- condamné Maitre [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], à payer à Monsieur [E] la somme de 300,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté Monsieur [E] du surplus de ses demandes ;
- débouté Maitre [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], de sa demande de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- rejeté toutes les autres demandes ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- déclaré le présent jugement opposable à l'AGS et au CGEA D'[Localité 7] dans les limites légales de leur garantie ;
- dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
Le 21 octobre 2021, Monsieur [V] [E] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 29 septembre 2021, et ce en intimant Maître [S] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], la SELARL [K], en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], ainsi que l'association UNEDIC, CGEA d'[Localité 7], en tant que délégation AGS.
Le 9 novembre 2021, l'association UNEDIC, CGEA d'[Localité 7], en tant que délégation AGS, a constitué avocat.
Le 25 novembre 2021, Maître [S] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], a constitué avocat.
Le 19 janvier 2022, la SELARL [K], en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], a constitué avocat.
Le 26 janvier 2024, la SELARL MJ MARTIN, en qualité de mandataire ad hoc de la SAS ENTREPRISE [Z], a constitué avocat.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 30 octobre 2023 par l'UNEDIC, délégation, AGS, CGEA d'[Localité 7],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 6 février 2024 par la SAS ENTREPRISE [Z], la SELARL [M] en qualité de liquidateur judiciaire, la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc,
Vu les conclusions notifiées à la cour le 20 février 2024 par Monsieur [V] [E],
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 22 avril 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, Monsieur [E] demande à la cour de :
- Annuler, infirmer ou de réformer le jugement rendu par la section industrie du conseil des prud'hommes d'AURILLAC du 27 septembre 2021 sous le numéro de rôle RG 20/00027, notifié le jour même, en ce qu'il a :
- constaté que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- fixé sa créance à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SAS [Z] aux sommes suivantes : *2.055,33 euros pour procédure irrégulière de licenciement ; *4.110,66 euros au titre du préavis légal ; *411,06 euros à titre de congés payés sur préavis ; *521,71 euros au titre des retenues pratiquées sur le bulletin de salaire de février 2020 avec intérêts aux taux légal à compter du 17 février 2020 jusqu'à parfait règlement ; *52,17 euros à titre de congés que ce quantum avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020 jusqu'à parfait règlement.
- l'a débouté du surplus de ses demandes visant : 7) à annuler son licenciement et à défaut le déclarer irrégulier et illégitime ; 8) à inscrire au passif de la SAS ENTREPRISE [Z], via Maître [M], en qualité de liquidateur les sommes suivantes au bénéfice de Monsieur [E] : *30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul voire 16.771,36 euros pour licenciement injustifié, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir jusqu'à parfait règlement : mémoire ; *4.192,84 euros au titre du préavis légal ; *419,28 euros à titre de congés payés sur préavis ; *2.096, 42 euros pour procédure irrégulière ; *5.000 euros au titre du préjudice moral lié au caractère abusif et vexatoire des circonstances de la rupture ; *532, 15 euros au titre des retenus pratiquées sur le bulletin de salaire de février 2020 avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020 jusqu'à parfait règlement : mémoire ; *53,21 euros à titre de congés payés sur ce quantum avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020 jusqu'à parfait règlement : mémoire ; 9) à ordonner que lui soit remis par Maître [M], en qualité de liquidateur de la SAS ENTREPRISE [Z] une attestation POLE EMPLOI expurgée de toute mention relative à un licenciement pour impossibilité de reclassement suite à sa prétendue inaptitude ainsi qu'un bulletin de paie conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 20 euros par jour de reard à compter de son prononcé ; 10) à fixer à 2.096,42 euros le montant de son salaire ; 11) à déclarer opposable à l'ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS/CGEA d'[Localité 7] pour L'UNEDIC, délégation AGS, CGEA d'[Localité 7], ainsi qu'à Maître [K] en qualité d'administrateur de la SAS ENTREPRISE [Z] la décision à intervenir ; 12) à rejeter toutes demandes, conclusions et fins en sens contraire.
Y faisant droit,
- Annuler son licenciement prononcé le 17 février 2020 et à défaut le déclarer irrégulier et illégitime ;
- Inscrire au passif de la SAS [Z], via Maître [M], ès-qualités de liquidateur de la SAS [Z] et/ou la SELARL MJ MARTIN, mandataire ad'hoc ayant pour mission de poursuivre les instances en cours impliquant de la SAS ENTREPRISE [Z], les sommes suivantes à son crédit :
* 30.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul voire 16.771,36 euros pour licenciement injustifié, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir jusqu'à parfait règlement : mémoire ;
* 4.192,84 euros au titre du préavis légal ;
* 419,28 euros à titre de congés payés sur préavis ;
* 2.096,42 euros pour procédure irrégulière ;
* 5.000,00 euros au titre du préjudice moral lié au caractére abusif et vexatoire des circonstances de la rupture ;
* 532,15 euros au titre des retenues pratiquées sur le bulletin de salaire de février 2020 avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020 jusqu'à parfait réglement : mémoire ; *53,21 euros à titre de congés payés sur ce quantum avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020 jusqu'à parfait règlement : mémoire ;
* 2.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de la somme de 300,00 euros allouée par les premiers juges ;
* les dépens ;
- Ordonner que lui soit remis par Maître [M], en qualité de liquidateur de la SAS ENTREPRISE [Z] et/ou la SELARL MJ MARTIN, mandataire ad'hoc ayant pour mission de poursuivre les instances en cours impliquant de la SAS ENTREPRISE [Z], une attestation POLE EMPLOI expurgée de toute mention relative à un licenciement pour impossibilité de reclassement suite à sa prétendue inaptitude ainsi qu'un bulletin de paie conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de son prononcé ;
- Fixer à 2.096,42 euros le montant de son salaire mensuel ;
- Déclarer opposables à L'ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS/CGEA D'[Localité 7] pour l'UNEDIC, délégation AGS, CGEA d'[Localité 7], ainsi qu'à Maître [K] en qualité d'administrateur de la SAS ENTREPRISE [Z] la décision à intervenir ;
- Rejeter toutes les demandes, conclusions et fins en sens contraire notamment en indemnisation au titre des frais irrépétibles et de prise de charge des dépens.
Monsieur [E] fait valoir qu'en février 2020 aucune heure de travail ne lui sera payé jusqu'à son licenciement. Il sollicite donc le règlement des salaires au titre du mois de février 2020.
Monsieur [E] expose que son inaptitude à son poste de poseur de compteurs LINKY n'était pas actée par le médecin du travail, que l'employeur ne pouvait le licencier pour inaptitude, qu'il a été licencié en raison de son état de santé et que la rupture du contrat de travail est donc nulle comme discriminatoire.
Monsieur [E] fait valoir que son licenciement est irrégulier alors la société [Z] n'avait pas qualité, seule, à initier la procédure de licenciement et à notifier la rupture. La SELARL [K] aurait dû apposer sa signature sur la lettre de convocation à entretien et sur la lettre de licenciement.
L'appelant soutient que son licenciement est nul et irrégulier, à défaut injustifié.
Monsieur [E] fait valoir qu'il a subi un licenciement qui a un caractère abusif et vexatoire. Le caractère abusif et vexatoire découle de la cessation immédiate des fonctions du salarié dès le 28 janvier 2020, sans raison valable et alors que rien ne le justifiait.
Dans leurs dernières conclusions, la SAS [Z], la SELARL [M] en qualité de liquidateur judiciaire et la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc demandent à la cour de :
A titre principal
- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement comme reposant sur une cause réelle et sérieuse, constaté la prescription au titre des
demandes de remise de certificat de congés payés, et n'a mis aucune condamnation à la charge de la SELARL [K] ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a':
- jugé que la procédure de licenciement était irrégulière ;
- fixé la créance de Monsieur [E] au passif de la liquidation aux sommes suivantes': *2.055,33 euros pour procédure irrégulière ; * 4.110,66 euros au titre du préavis légal ; *521,71 euros pour les rappels de salaire de février 2020 ; *52,17 euros pour les congés payés sur les rappels de salaire de février 2020 ;
- condamné Me [M] a réglé à Monsieur [E] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire, si le licenciement devait être considéré comme abusif et s'il devait faire'droit aux autres chefs de demandes :
- ramener les demandes de condamnation à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à de plus juste proportions';
- En application de l'article L.1235-3 du Code du travail, RAMENER l'indemnisation de son préjudice au titre d'un éventuel licenciement abusif entre 3 et 8 mois de salaire soit entre'6.165,99 euros et 16.442,64 euros';
- limiter à 4.110,66 euros bruts la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 411,06 euros au titre des congés payés';
- limiter à 521,71 euros bruts la demande au titre du rappel de salaire outre 52,17 euros
au titre des congés payés ;
En tout état de cause
- fixer le salaire mensuel de Monsieur [E] à 2.055,33 euros bruts ;
- condamner Monsieur [E] à payer et porter à la concluante la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- rejeter toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de Me [M] ;
- condamner Monsieur [E] aux entiers dépens.
Les intimés font valoir que les restrictions médicales étaient telles qu'elles s'analysaient en un avis d'inaptitude. L'employeur s'est trouvé dans l'impossibilité de mettre en oeuvre de manière effective le dernier avis médical au regard des contraintes organisationnelles du service des poseurs qui sont par nature des salariés itinérants. L'employeur a donc analysé cet avis en un avis médical d'inaptitude. Le licenciement est donc bien fondé. Il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir fondé son licenciement sur l'état de santé du salarié puisque la société [Z] a maintenu Monsieur [E] en son sein pendant 4 ans avec des restrictions professionnelles pourtant très importantes. Un reclassement sur un poste aménagé a même été opéré. L'employeur a tout mis en oeuvre pour tenter de maintenir le salarié dans un emploi. Aucune discrimination n'a eu lieu et ne saurait être imputée à l'employeur.
En ce qui concerne le prétendu caractère vexatoire du licenciement, Monsieur [E] ne démontre pas de comportement fautif de son employeur, caractérisé par des circonstances particulières (brusques, humiliantes ou vexatoires) dans lesquelles s'est déroulé son licenciement. Et il ne démontre pas que ce comportement lui a causé un préjudice distinct de celui occasionné par la perte de son emploi. Monsieur [E] devra être débouté de sa demande indemnitaire de ce chef.
Les intimés rappellent que le salaire moyen retenu doit être 2.055,33 euros. Ils contestent la demande de rappel de salaire pour la période de 11 jours ouvrés sur février 2020. En effet, l'avis du 31 janvier 2020 s'analyse comme un avis d'inaptitude, aucune somme ne sera donc due. De plus, le salarié n'a pas travaillé en février et ne démontre pas avoir été à la disposition de la société. Or, le salaire est la contrepartie de la fourniture du travail par le salarié. À titre subsidiaire, si la cour juge bien fondée la demande du salarié, le rappel de salaire sera limité car il n'est pas possible de réclamer un rappel de salaire sur des journées entières de travail alors que le salarié était en situation de mi-temps thérapeutique en 2019.
Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, son montant doit correspondre à sa dernière rémunération. À titre subsidiaire, si la demande du salarié devait aboutir elle serait limitée au montant décidé par le jugement du conseil de prud'hommes.
Les intimés sollicitent le rejet de la demande indemnitaire pour licenciement abusif car le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse. À titre subsidiaire, ils demandent à ce que le barème légal d'indemnisation soit respecté.
Dans ses dernières conclusions, l'UNEDIC délégation AGS, CGEA D'[Localité 7] demande à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL
- Confirmer le jugement du 27 septembre 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes d'AURILLAC, Section Industrie, sous le numéro RG N°20/00027 ;
Se faisant,
- Débouter Monsieur [E] du surplus de ses fins, demandes et conclusions.
A TITRE SUBSIDIAIRE
- Déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'UNEDIC, AGS/CGEA d'[Localité 7] en qualité de gestionnaire de l'A.G.S, dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants (Article L.3253-8), D.3253-5 du Code du travail et du Décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003 ;
- Déclarer que la garantie de l'UNEDIC, AGS/CGEA est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond 6 défini à l'article D.3253-5 du Code du Travail ;
- Déclarer que les limites légales et jurisprudentielles de la garantie de l'UNEDIC sont applicables ;
- Déclarer que l'arrêt à intervenir ne saurait prononcer une quelconque condamnation à leur encontre ;
- Déclarer que l'UNEDIC, AGS/CGEA ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) ;
- Déclarer que l'obligation de l'UNEDIC, AGS/CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafonds applicables, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire ;
- Arrêter le cours des intérêts à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective (articles L.622-28 du Code de Commerce et suivants).
À titre principal, l'UNEDIC, CGEA d'[Localité 7], fait valoir que le licenciement de Monsieur [E] n'est pas fondé sur une quelconque discrimination. Pendant plusieurs années, l'employeur a procédé à des aménagements de poste pour que le salarié puisse continuer à faire partie de l'entreprise. Cependant, au fur et à mesure les restrictions du médecin du travail ont pris une telle ampleur qu'elles sont devenues totalement incompatibles avec l'emploi de Monsieur [E] et l'activité de l'entreprise.
De plus, Monsieur [E] fait valoir que la lettre de licenciement n'aurait pas été signée par l'administrateur judiciaire et qu'il serait en conséquence affecté d'un vice de forme. Cependant, au moment du licenciement, le 17 février 2020, l'entreprise faisait l'objet d'une procédure de sauvegarde avec la SELARL [K] comme administrateur judiciaire avec une mission d'assistance. Seul un jugement de liquidation judiciaire dessaisi le dirigeant de l'administration de ses biens. En conséquence, l'administrateur n'avait aucun pouvoir pour signer seul le courrier de licenciement.
Monsieur [E] sera donc débouté de sa demande de nullité du licenciement et par conséquence, de ses demandes indemnitaires afférentes.
En tout état de cause, Monsieur [E] ne saurait cumuler les dommages et intérêts pour licenciement nul ou licenciement sans cause réelle et sérieuse avec d'autres indemnités.
Le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure et licenciement abusif. Monsieur [E] n'apporte aucun élément sur sa situation postérieurement à son licenciement, ni la réalité du préjudice.
Puis, l'UNEDIC, AGS/CGEA d'[Localité 7] demande l'arrêt du cours des intérêts à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective.
À titre subsidiaire, l'UNEDIC, AGS/CGEA d'[Localité 7] demande dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
- Sur les parties en la cause -
En l'espèce, selon jugements rendus par le tribunal de commerce d'AURILLAC, la SAS ENTREPRISE [Z] a fait l'objet successivement d'une procédure de sauvegarde (3 octobre 2019), d'une procédure de redressement judiciaire (17 mars 2020), d'une procédure de liquidation judiciaire avec plan de cession (28 juillet 2020), d'une clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire avec désignation d'un mandataire ad hoc pour poursuivre les instances judiciaires en cours (17 janvier 2023).
Dans ses dernières écritures, Monsieur [V] [E] formule des demandes à l'encontre de 'la SAS [Z], via Maître [M], ès-qualités de liquidateur de la SAS [Z] et/ou la SELARL MJ MARTIN, mandataire ad'hoc ayant pour mission de poursuivre les instances en cours impliquant de la SAS ENTREPRISE [Z]'.
Les dernières conclusions de la SELAS BARTHELEMY sont établies pour le compte de 'la SAS [Z], la SELARL [M] en qualité de liquidateur judiciaire, la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc'.
L'association UNEDIC, CGEA d'[Localité 7], en tant que délégation AGS, a conclu contre Maître [S] [M] en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], contre la SELARL [K] en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], contre la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc SAS ENTREPRISE [Z].
Il échet de rappeler quelques principes sur l'incidence de l'ouverture d'une procédure collective sur l'instance prud'homale.
Selon l'article L. 625-3 du code de commerce, les instances en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture sont poursuivies. Elles ne sont ni suspendues ni interrompues par l'ouverture de la procédure collective.
Il en résulte notamment, d'une part que la juridiction non informée de l'ouverture de la procédure collective peut valablement prononcer un jugement de condamnation contre le débiteur, d'autre part que le mandataire judiciaire, à qui il incombe d'informer la juridiction de l'ouverture de la procédure collective mais qui ne l'aura pas fait, ne peut invoquer une quelconque inopposabilité à son égard de la décision rendue. De plus, alors que dans le droit commun de l'interruption de l'instance il appartient à la juridiction saisie de vérifier la régularité de la reprise d'instance, tel n'est pas le cas en matière prud'homale, les articles 369 et 372 du code de procédure civile n'étant pas applicables.
Ces principes s'appliquent aussi bien pour la procédure de sauvegarde (article L.625-3 du code de commerce) que pour le redressement judiciaire (article L.631-18 du code de commerce) ou pour la procédure de liquidation judiciaire (article L.641-14 du code de commerce).
Par ailleurs, alors que les créanciers soumis à l'arrêt des poursuites devront déclarer leur créance, l'article L. 622-24, alinéa 1er, du code de commerce prévoit, par exception, que les salariés ne sont pas soumis à cette obligation. La Cour de cassation considère ainsi que le juge prud'homal ne peut pas subordonner la fixation des sommes allouées au salarié au passif de la procédure collective de la société employeur à une déclaration de créance régulière entre les mains du mandataire judiciaire. Une procédure simplifiée d'établissement des relevés des créances salariales est mise en place par l'article L. 625-1, alinéa 1er, du code de commerce.
Le mandataire judiciaire, ou le liquidateur judiciaire cas de liquidation, doit informer le conseil des prud'hommes ou la cour d'appel de l'ouverture d'une procédure collective.
La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que le conseil de prud'hommes ainsi informé était tenu de faire convoquer par le greffe les organes de la procédure collective et, le cas échéant, l'AGS alors mise en cause. La procédure avec représentation obligatoire étant désormais applicable en cause d'appel en matière prud'homale, cette convocation ne s'impose pas à la juridiction prud'homale du second degré. Toutefois, lorsque la cour d'appel est informée de l'ouverture d'une procédure collective, elle doit vérifier la régularité de la procédure d'appel et, si nécessaire, demander à la partie la plus diligente d'appeler en la cause les organes de la procédure collective de la société employeur ainsi que la délégation AGS compétente pour que l'affaire soit en état d'être jugée.
La mise en cause des organes de la procédure est une condition de régularité de la procédure prud'homale. La décision rendue sans mise en cause des organes de la procédure collective sera réputée non avenue, ce qui obligera le salarié à saisir le conseil des prud'hommes s'il ne figure pas sur le relevé des créances salariales, et ce dans les deux mois de la publicité dudit relevé, étant rappelé que le mandataire judiciaire qui n'a pas informé la juridiction prud'homale dans les 10 jours de l'ouverture d'une procédure collective ne peut se prévaloir de l'inopposabilité de la décision rendue au terme de l'instance prud'homale.
En cas de procédure de sauvegarde, l'instance est poursuivie de plein droit en présence du mandataire judiciaire, chargé d'assurer la défense de l'intérêt collectif des créanciers et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance, ou ceux-ci dûment appelés (articles L. 625-3 du code de commerce). Ainsi, la mise en cause de l'administrateur est exclue dans la procédure de sauvegarde lorsqu'il a une simple mission de surveillance.
Lorsqu'un plan de sauvegarde a été arrêté, il résulte de l'articles L. 626-25 du code de commerce que les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie, sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ou, si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le tribunal de commerce.
En cas de procédure de redressement judiciaire, l'instance est poursuivie de plein droit en présence du mandataire judiciaire, chargé d'assurer la défense de l'intérêt collectif des créanciers, et de l'administrateur, lorsque celui-ci a une mission d'assistance (articles L. 625-3 et L. 631-18 du code de commerce) ou, a fortiori, lorsque cet administrateur s'est vu confier la responsabilité d'assurer seul l'administration de l'entreprise.
En application des articles L. 626-25, alinéa 3, et L. 631-19 du code de commerce, les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie, sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ou, si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le tribunal de commerce. La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que les dispositions de l'article L. 626-25, alinéa 3, du code de commerce ne concernent pas les instances prud'homales qui étaient en cours à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire. Il en résulte qu'après le jugement arrêtant le plan de redressement, l'action en paiement engagée contre le débiteur avant le jugement d'ouverture de son redressement judiciaire est poursuivie contre ce dernier redevenu maître de ses biens, le commissaire à l'exécution du plan n'ayant pas qualité pour poursuivre l'instance. Dès lors, n'est pas indivisible entre la société et le commissaire à l'exécution du plan le litige introduit par un salarié contre son employeur avant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
En cas de procédure de liquidation judiciaire, seul le liquidateur, qui exerce les fonctions dévolues au mandataire judiciaire, doit être mis en cause. Lorsqu'un administrateur judiciaire est désigné pour administrer l'entreprise en liquidation judiciaire (article L. 641-10 du code de commerce), il n'a plus, depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008, à être mis en cause (article L. 641-14 du code de commerce).
Les articles L. 631-18, alinéa 5, et L. 641-14, alinéa 3, du code de commerce imposent la mise en cause de l'AGS par le mandataire, ou le liquidateur, ou en cas de carence par le salarié requérant, dans les 10 jours du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, du jugement convertissant une procédure de sauvegarde en procédure de redressement judiciaire ou du jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire, afin que la décision lui soit opposable (articles R 631-33 et R. 641-34, qui énoncent que les information relatives à l'objet et aux circonstances du litige ainsi que les éléments justificatifs sont transmis par le mandataire ou le liquidateur aux institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail).
La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire la charge de transmettre les conclusions et les pièces du salarié à l'AGS n'incombe pas au liquidateur judiciaire. En conséquence, c'est le salarié, demandeur, qui doit transmettre ses pièces et ses conclusions, conformément au principe du contradictoire, à l'AGS lorsqu'elle est mise en cause ou à son avocat en cas de constitution.
Il n'y a pas lieu à mise en cause de l'AGS dans le cadre de la procédure de sauvegarde.
Cette mise en cause de l'AGS relève des pouvoirs du mandataire judiciaire ou de l'administrateur, à leur défaut des salariés, mais non des syndicats.
En cas de carence des parties, la chambre sociale a jugé qu'il appartient au conseil de prud'hommes informé de la procédure collective de faire convoquer l'AGS par le greffe. La procédure avec représentation obligatoire étant désormais applicable en cause d'appel en matière prud'homale, cette convocation ne s'impose pas à la juridiction prud'homale du second degré. Toutefois, lorsque la cour d'appel est informée de l'ouverture d'une procédure collective, elle doit vérifier la régularité de la procédure d'appel et, si nécessaire, demander à la partie la plus diligente d'appeler en la cause les organes de la procédure collective de la société employeur ainsi que la délégation AGS compétente pour que l'affaire soit en état d'être jugée.
A défaut de mise en cause de l'AGS, la décision prud'homale passée en force de chose jugée constitue un titre exécutoire à l'égard de l'AGS, qui pourra toutefois former tierce-opposition pour faire valoir ses arguments et contester sa garantie. A l'inverse, si l'AGS est mise en cause, elle ne pourra plus contester la décision rendue par le juge prud'homal.
En cas de clôture d'une liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, le débiteur est libéré de son passif impayé. L'article L. 643-11 du code de commerce prévoit en effet que le jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. Il en résulte, après la clôture de la liquidation judiciaire, une extinction générale du passif . Par exception, les créanciers peuvent recouvrer ce droit de poursuite malgré le jugement de clôture dans les hypothèses limitativement énumérées par l'article L. 643-11 du code de commerce, notamment lorsque la créance porte sur des droits attachés à la personne du créancier. La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi jugé que la créance indemnitaire ou salariale du salarié licencié résulte de droits attachés à sa personne, de sorte qu'en cas de clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de son employeur il recouvre l'exercice individuel de son action contre le débiteur. L'article L. 643-11, V, du code de commerce prévoit que les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu'ils disposent déjà d'un tel titre, sans avoir fait constater qu'ils remplissent les conditions prévues au présent article. Le président du tribunal, saisi à cette fin, statue par ordonnance. Les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en 'uvre dans les conditions du droit commun.
Lorsque l'instance prud'homale est toujours en cours au moment de la clôture d'une liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, il est de jurisprudence constante que la personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés. Les demandes d'un salarié ne doivent ainsi pas être déclarées irrecevables en raison de la clôture de la liquidation judiciaire de la société ; la société employeur doit alors être mise en cause après désignation d'un administrateur ad hoc pour reprendre la procédure. La société employeur peut donc être assignée en justice et les actions déjà engagées contre elle poursuivies, sauf, pour le demandeur, à solliciter la nomination d'un mandataire ad hoc, chargé de représenter la société défenderesse. Dans cette hypothèse, alors que la personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, si cela n'a pas été fait, le juge prud'homal doit inviter la partie qui y a intérêt à faire désigner un mandataire ad hoc par le tribunal de commerce et à appeler celui-ci en la cause afin de reprendre la procédure. En revanche, l'action contre une personne morale dépourvue de représentant légal, serait irrecevable si, au moment de son engagement, cette absence de représentant légal est avérée, mais une régularisation par la désignation d'un mandataire ad hoc et son appel en la cause avant que le juge prud'homal ne statue est toutefois possible.
La clôture des opérations de liquidation entraîne en outre la cessation de tous ses organes, dont le liquidateur qui avait été désigné par le tribunal de commerce.
En l'espèce, les organes de la procédure collective, la délégation AGS compétente et le mandataire ad hoc chargé par le tribunal de commerce de poursuivre les instances judiciaires en cours concernant la société ENTREPRISE [Z] ont été régulièrement appelés en la cause.
Vu le jugement du 17 janvier 2023 qui a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], mis fin à la mission des organes de la procédure collective et désigné la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z] afin de poursuivre les instances judiciaires en cours concernant l'employeur, la cour constate que Maître [S] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société ENTREPRISE [Z], ainsi que la SELARL [K], en qualité d'administrateur judiciaire de la ENTREPRISE [Z], ne sont plus concernées par les demandes de Monsieur [V] [E], seuls restant concernés la SELARL MJ MARTIN en
qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z] ainsi que l'association UNEDIC, CGEA D'[Localité 7], en tant que délégation AGS.
- Sur le licenciement -
Selon l'article L. 4624-1 du code du travail, tout travailleur bénéficie, au titre de la surveillance de l'état de santé des travailleurs prévue à l'article L. 4622-2, d'un suivi individuel de son état de santé assuré notamment par le médecin du travail.
Selon l'article L. 4624-3 du code du travail, le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur.
Selon l'article L. 4624-4 du code du travail, après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l'équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l'employeur, le médecin du travail qui constate qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d'indications relatives au reclassement du travailleur.
Selon l'article L. 4624-5 du code du travail, pour l'application des articles L. 4624-3 et L. 4624-4, le médecin du travail reçoit le salarié, afin d'échanger sur l'avis et les indications ou les propositions qu'il pourrait adresser à l'employeur. Le médecin du travail peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien en emploi pour mettre en 'uvre son avis et ses indications ou ses propositions.
Selon l'article L. 4624-6 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.
Selon l'article L. 4624-7 du code du travail, le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4.La décision du conseil de prud'hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.
Selon une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation, l'employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs.
Toujours selon une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation, réitérée à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, tout avis rendu par le médecin du travail concernant l'aptitude ou l'inaptitude du salarié, ou les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou les mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur, peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié d'une contestation devant le conseil de prud'hommes, et, en l'absence d'un tel recours dans les délais légaux, l'avis du médecin du travail s'impose aux parties ainsi qu'au juge, notamment au juge saisi d'une contestation du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Si le salarié est déclaré apte par le médecin du travail, il retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. Le médecin du travail est habilité à proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions du médecin du travail.
Le médecin du travail est seul habilité à apprécier l'aptitude du salarié à un poste de travail . Entre l'aptitude pure et simple et l'inaptitude totale et définitive au poste, le médecin du travail peut émettre des avis d'aptitude avec réserves (aménagements). Son avis s'impose à l'employeur comme au salarié et il n'appartient pas au juge prud'homal de substituer son interprétation à cet avis, lequel, en cas de difficulté sur sa portée, peut faire l'objet du recours prévu par les dispositions du code du travail. Ainsi, l'avis écrit du médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper un poste de travail s'impose à toutes les parties dans le cadre d'un litige prud'homal, y compris au mandataire et à la délégation AGS. Le juge du fond ne saurait substituer son appréciation sur l'aptitude ou l'inaptitude, ou l'aptitude avec réserves, à celle du médecin du travail, et ce alors qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur la portée de l'avis délivré par le médecin du travail, le salarié comme l'employeur peuvent exercer le recours prévu par le code du travail.
En cas d'aptitude avec réserves, l'employeur, lié par cet avis, doit respecter deux obligations. D'une part, tenu de fournir un travail, il doit permettre au salarié de retrouver son emploi ou à défaut, un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente. D'autre part, il doit tenir compte des réserves émises par le médecin du travail et procéder aux aménagements, mutations et transformations du poste préconisés par ce dernier conformément aux dispositions du code du travail.
Lorsqu'il résulte des termes de l'avis du médecin du travail que le salarié a été déclaré apte à son poste de travail, même si le médecin du travail a émis d'importantes réserves ou préconisé des aménagements importants, et qu'il n'est pas justifié d'un recours en contestation exercé contre cet avis, l'employeur ne peut procéder au licenciement du salarié pour inaptitude. Dans cette hypothèse, l'employeur ne peut pas plus procéder au licenciement du salarié pour inaptitude en faisant valoir que les restrictions imposées par le médecin du travail sont telles qu'il ne peut réintégrer le salarié ou en invoquant l'obligation de sécurité. Le licenciement pour inaptitude notifié en violation de ces principes est sans cause réelle et sérieuse, voire nul s'il est en lien avec l'état de santé du salarié.
Selon l'article L. 1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Dans le cas d'une inaptitude du salarié consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, l'article L. 1226-12 du code du travail dispose que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
En l'espèce, il n'est pas contesté que suite à un accident du travail dont le salarié a été victime, la société [Z] a reclassé Monsieur [V] [E] sur un poste de poseur de compteur Linky.
Suite à ce reclassement, entre août 2018 et janvier 2020, le médecin du travail a vu le salarié à plusieurs reprises et a toujours considéré dans ses avis écrits (21 août 2018, 3 octobre 2018, 21 février 2019, 22 mai 2019 et 28 janvier 2020) que Monsieur [V] [E] était apte à occuper son emploi de technicien poseur de compteurs Linky. Toutefois, le médecin du travail a proposé dans chacun de ses avis des mesures d'aménagement du poste et du temps de travail du salarié.
Le médecin du travail a préconisé dans ses avis successifs précités les mesures suivantes : pas de port de charges lourdes de plus de 10 kilos ; une charge de travail raisonnable tenant compte des problèmes médicaux et des trajets; contre-indication aux efforts intenses. Dans son dernier avis du 28 janvier 2020, le médecin du travail a également préconisé de privilégier le travail par demi-journées, sans journées complètes de travail.
Il n'est pas contesté que le 17 février 2020 la société ENTREPRISE [Z] a procédé au licenciement de Monsieur [V] [E] en invoquant le seul motif d'une inaptitude du salarié avec impossibilité de reclassement de celui-ci. Cela résulte clairement des termes du courrier de licenciement du 17 février 2020 qui mentionne 'nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour impossibilité de reclassement suite à votre inaptitude' et qui vise le seul avis rendu par le médecin du travail en date du 28 janvier 2020.
La société ENTREPRISE [Z] a considéré une inaptitude de Monsieur [V] [E] consécutive à un accident du travail puisque l'employeur, dans le courrier daté du 31 janvier 2020, fait état des 'multiples inaptitudes à l'emploi de poseurs LINKY' visées par le médecin du travail et à l'application de l'article L. 1226-12 du code du travail.
Dans le courrier de licenciement, comme il l'avait déjà fait précédemment dans le courrier du 31 janvier 2020 notifiant l'impossibilité de reclassement et dans celui du 3 février 2020 valant convocation à l'entretien préalable, l'employeur a clairement indiqué qu'il considérait que du fait que le médecin du travail avait ajouté, dans son dernier avis du 28 janvier 2020, la préconisation de privilégier le travail par demi-journées, sans journées complètes de travail, il en résultait une inaptitude du salarié à occuper le poste de poseur de compteur Linky avec impossibilité de reclassement pour Monsieur [V] [E].
En cause d'appel, la même thèse est soutenue par les intimés qui concluent que 'les restrictions médicales étaient telles qu'elles s'analysaient en un avis d'inaptitude'.
Le médecin du travail n'a jamais rendu un avis d'inaptitude concernant Monsieur [V] [E]. L'avis rendu le 28 janvier 2020 est un avis d'aptitude avec réserves, c'est à dire avec des aménagements du poste de travail, de l'organisation du travail et du temps de travail préconisés pour tenir compte de l'état de santé dégradé de Monsieur [V] [E] suite à un accident du travail.
La société ENTREPRISE [Z] n'a jamais contesté les avis du médecin du travail, notamment celui du 28 janvier 2020, en saisissant le conseil de prud'hommes d'un recours.
Un avis d'aptitude avec réserves ne peut être assimilé à un avis d'inaptitude susceptible de justifier une proposition de reclassement. L'employeur qui entend licencier un salarié au motif que les réserves apportées à l'avis d'aptitude ne lui permettent pas de retrouver son emploi, doit justifier de l'impossibilité de proposer au salarié son poste, si nécessaire aménagé, ou un emploi similaire, en tenant compte des préconisations du médecin du travail.
L'employeur ne justifie pas avoir échangé avec le médecin du travail suite à l'avis écrit rendu par ce dernier en date du 28 janvier 2020, pas plus qu'il n'a fait connaître au médecin du travail les motifs qui s'opposeraient à ce qu'il soit donné suite à cet avis.
L'employeur ne justifie pas d'une impossibilité à mettre en oeuvre les aménagements préconisés par le médecin du travail, notamment ceux visés dans l'avis du 28 janvier 2020.
L'employeur ne justifie d'aucune recherche effective de reclassement concernant Monsieur [V] [E] après le 28 janvier 2020, encore moins d'une impossibilité de reclassement.
Dès le 31 janvier 2020, la société ENTREPRISE [Z] a considéré que Monsieur [V] [E] était inapte à son emploi, sans possibilité de reclassement, et ce du seul fait de l'avis rendu le 28 janvier 2020 par le médecin du travail.
Pour justifier des manquements de l'employeur à ses obligations, les intimés font état d'un arrêt rendu le 29 novembre 2006 (05-43669) par la chambre sociale de la Cour de cassation, décision dans laquelle la haute Cour a considéré que le juge du fond, sans substituer son appréciation à celle du médecin du travail, procédant à l'interprétation des avis médicaux successifs rendue nécessaire par leur ambiguïté, a estimé, hors toute dénaturation, que l'avis émis par le médecin du travail lors de la dernière visite rendait impossible la réintégration du salarié au poste qu'il occupait. Il s'agit d'un arrêt ancien et isolé de la chambre sociale de la Cour de cassation correspondant à une jurisprudence obsolète. En effet, si pendant un temps une partie de la doctrine et de la jurisprudence a paru assimiler un avis d'aptitude assorti de nombreuses réserves à un avis d'inaptitude entraînant alors la mise en oeuvre par l'employeur de l'obligation de reclassement, la chambre sociale, par un arrêt du 10 novembre 2009 publié et commenté au rapport annuel, a mis fin à ces hésitations et a rappelé qu'en l'absence de recours l'avis du médecin du travail s'impose aux parties et au juge.
Si la société ENTREPRISE [Z] a fait d'abord des efforts réels après l'accident du travail dont a été victime Monsieur [E] en 2016 pour reclasser le salarié et pour aménager son poste, elle a décidé fin janvier 2020, unilatéralement et brusquement, suite à l'avis d'aptitude avec réserves rendu par le médecin du travail le 28 janvier 2020, que le salarié était inapte et impossible à reclasser, et ce de façon illicite. C'est également de façon illicite que l'employeur a notifié un licenciement pour inaptitude en visant l'avis écrit rendu par le médecin du travail en date du 28 janvier 2020 concernant Monsieur [E].
En procédant à un licenciement se référant uniquement aux prétendues inaptitudes physiques de Monsieur [E], salarié pourtant apte à occuper son poste de travail malgré un état de santé dégradé par les conséquences d'un accident du travail, la société ENTREPRISE [Z] a pris une mesure discriminatoire (à raison de l'état de santé) s'agissant de la rupture du contrat de travail, ce qui conduit la cour à juger nul le licenciement de Monsieur [E].
En cas de licenciement nul, le salarié ne demandant pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail, ou dont la réintégration est impossible, a droit, quelles que soient son ancienneté et la taille de l'entreprise, à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant ne peut pas être inférieur aux salaires des six derniers mois, le barème (ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable aux licenciements prononcés depuis le 24 septembre 2017) visé par l'article L. 1235-3 du code du travail n'étant pas applicable.
Lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit, même s'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter son préavis, aux indemnités compensatrice de préavis et de congés payés.
La victime d'un licenciement nul, qui ne demande pas sa réintégration, a donc droit à plusieurs indemnités : d'une part, aux indemnités de rupture, c'est-à-dire à l'indemnité compensatrice de préavis (avec congés payés afférents) et à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, d'autre part à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale aux salaires des six derniers mois.
Si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail (ou d'une maladie professionnelle), qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.
Au moment du licenciement, Monsieur [V] [E] était âgé de 46 ans, percevait un salaire mensuel brut de référence de 2.096,42 euros et il avait une ancienneté de 8 années complètes dans une entreprise employant habituellement plus de 10 salariés.
Monsieur [E] justifie de son inscription à Pôle Emploi comme demandeur d'emploi à compter du 26 février 2020, de la perception de l'allocation d'aide au retour à l'emploi de mars à août 2020, de la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (12 heures par semaine) avec la société ADTM pour un emploi de chauffeur à compter du 1er novembre 2022 (salaire mensuel brut contractuel de 575,64 euros / net perçu de 1121 à 1394 euros par mois fin 2023).
Il sera alloué à Monsieur [V] [E] une somme de 15.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice de perte d'emploi lié à un licenciement nul.
Il sera alloué à Monsieur [V] [E] une somme de 4.192,84 euros (deux mois de salaire mensuel brut de référence) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 419,28 au titre des congés payés afférents.
Hors l'indemnisation déjà allouée ci-dessus, Monsieur [V] [E] ne justifie ni de circonstances vexatoires ou abusives afférentes à son licenciement ni d'un préjudice moral en rapport avec la façon dont l'employeur a procédé à son licenciement.
L'appelant sera débouté de sa demande de dommages-intérêts 'au titre du préjudice moral lié au caractère abusif et vexatoire des circonstances de la rupture'.
Monsieur [V] [E] demande une indemnisation correspondant à un mois de salaire mensuel brut (2.096,42 euros) 'pour procédure irrégulière'.
La preuve de l'irrégularité de la procédure de licenciement incombe au salarié.
L'absence de signature de la lettre de licenciement rend irrégulière la procédure de licenciement. Une absence de signature ne rend pas la rupture du contrat de travail abusive. La personne signataire de la lettre de licenciement doit disposer du pouvoir de licencier. En cas de signature par une personne incompétente, la procédure de licenciement est non seulement irrégulière mais le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L. 622-3 du code de commerce, en cas de procédure collective de sauvegarde, le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur. En outre, sous réserve des dispositions des articles L. 622-7 et L. 622-13, les actes de gestion courante qu'accomplit seul le débiteur sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi.
La mission de surveillance de l'administrateur, chargé d'assister le débiteur dans la gestion de l'entreprise, consiste à s'assurer que les agissements du débiteur ne sont pas contraires à l'intérêt de l'entreprise ou de ses créanciers. Il s'agit en effet de protéger les créanciers existants au moment de l'ouverture de la procédure en évitant une aggravation du passif par l'introduction de nouveaux créanciers.
La notion d'acte de gestion courante dépend de la situation de l'entreprise et renvoie aux actes qui relèvent de l'activité normale de l'entreprise et qui peuvent être accomplis sans le concours de l'administrateur parce qu'ils ne présentent aucun caractère exceptionnel et répondent aux nécessités de la gestion.
En l'espèce, la procédure de licenciement a été menée et achevée à une période où la société ENTREPRISE [Z] était sous procédure collective de sauvegarde mais pas encore en redressement judiciaire (17 mars 2020). Le tribunal de commerce avait alors désigné la SELARL [K] en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [S] [M] en qualité de mandataire judiciaire. L'intégralité du jugement de sauvegarde n'est pas versée aux débats.
Il n'est pas justifié du contenu précis de la mission de l'administrateur judiciaire et donc que le dirigeant de droit de la société ENTREPRISE [Z] aurait été dessaisi à l'époque considérée de son pouvoir de diligenter une procédure de licenciement et de notifier un licenciement.
La procédure de licenciement de Monsieur [V] [E] a été engagée et menée par Monsieur [O] [Z], président de la société ENTREPRISE [Z]. Dans ce cadre, les courriers, notamment celui notifiant le licenciement, ont été signés par le seul Monsieur [O] [Z] en qualité de président de la société ENTREPRISE [Z], sans mention de la présence ou de l'accord de l'administrateur judiciaire.
Il n'est en rien établi que l'assistance et l'accord de la SELARL [K], en qualité d'administrateur judiciaire, étaient nécessaires en l'espèce
pour engager la procédure de licenciement et notifier le licenciement de Monsieur [V] [E].
En outre, le dessaisissement dans le cadre d'une procédure collective n'étant pas une incapacité, la sanction de la nullité a été exclue et la Cour de cassation a choisi la sanction de l'inopposabilité à la procédure collective. Les actes juridiques passés en violation du dessaisissement éventuellement organisé par le tribunal de commerce restent donc valables entre les parties tout en étant dépourvus d'effet à l'égard de la procédure collective.
De plus, le salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés ne peut pas obtenir une indemnité pour irrégularité de procédure si son licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse ou nul.
Monsieur [V] [E] sera débouté de sa demande d'indemnisation 'pour procédure irrégulière'.
- Sur le règlement du salaire du mois de février 2020 -
Monsieur [E] soutient qu'il a droit à la rémunération de 11 jours de travail à 3,5 heures de temps de travail effectif par jour pour le mois de février 2020.
Le bulletin de paie de février 2020 établi par la SAS ENTREPRISE [Z] mentionne un emploi jusqu'au licenciement du 17 février 2020, un taux horaire de 13,822 euros et un salaire mensuel brut de 2.096,42 euros.
L'employeur n'a versé aucune rémunération au salarié pour le mois de février 2020 en mentionnant sur le bulletin de paie : 'heures absences non rémunérées', sans autre précision.
La cour a déjà jugé que Monsieur [E] n'était pas en situation d'inaptitude après l'avis rendu par le médecin du travail en date du 28 janvier 2020 et il n'est pas justifié que le salarié était en situation de suspension du contrat de travail, que ce soit pour maladie ou autre cause, ni que Monsieur [E] ne se serait pas tenu à la disposition de l'employeur pour la période du 1er au 17 février 2020.
D'ailleurs, par courrier daté du 29 janvier 2020, l'employeur a indiqué à Monsieur [E] qu'il avait décidé unilatéralement de laisser le salarié sans affectation pendant les jours à venir.
Monsieur [E] devait donc percevoir une rémunération de 532,15 euros en brut (3,5 x 11 x 13,822) pour le mois de février 2020.
- Sur la remise des certificats de congés payés -
Il n'a pas été interjeté appel du jugement sur ce point et, dans ses dernières écritures, Monsieur [E] indique que la situation a été régularisée par l'employeur auprès de la caisse de congés payés.
- Sur la remise de documents -
La SELARL MJ MARTIN, en qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z], devra remettre à Monsieur [V] [E], dans le délai de deux mois suivant le prononcé de la présente décision, un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation Pôle Emploi (France Travail) conformes aux dispositions du présent arrêt.
Il n'y a pas lieu de douter de la diligence du mandataire ad hoc et donc de condamner en l'état à une remise sous astreinte.
- Sur les intérêts -
Il échet de rappeler qu'en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective de sauvegarde a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit faire courir les intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 jusqu'à parfait règlement.
- Sur la garantie de l'AGS -
Le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC, CGEA d'[Localité 7], en qualité de gestionnaire de l'AGS.
Les sommes susvisées, dont la société ENTREPRISE [Z] est redevable à l'égard de Monsieur [V] [E], seront garanties par l'AGS dans les conditions et limites prévues par le code du travail.
- Sur les dépens et frais irrépétibles -
Le jugement sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
La SELARL MJ MARTIN, en qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z], sera condamnée aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance comme en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré la procédure de licenciement de Monsieur [E] irrégulière, constaté que le licenciement de Monsieur [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, fixé à 2.055,33 euros bruts le montant du salaire mensuel de Monsieur [E], fixé la créance de Monsieur [E] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ENTREPRISE CHAVINJER aux sommes de 2.055,33 euros pour procédure irrégulière de licenciement, 4.110,66 euros au titre du préavis légal, outre 411,06 euros à titre de congés payés sur préavis, 521,21 euros au titre des retenues pratiquées sur le bulletin de salaire de février 2020 avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 jusqu'à parfait règlement, outre 52,12 euros à titre de congés payés sur ce quantum avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 jusqu'à parfait règlement, condamné Maitre [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE [Z], à payer à Monsieur [E] la somme de 300,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective ;
- Statuant à nouveau de ces chefs :
- Fixe à 2.096,42 euros le salaire mensuel brut de référence de Monsieur [V] [E],
- Juge que le licenciement de Monsieur [V] [E] est nul,
- Fixe au passif de la société ENTREPRISE [Z], représentée par la SELARL MJ MARTIN en qualité de mandataire ad hoc, s'agissant de la créance dont Monsieur [V] [E] est fondé à se prévaloir vis-à-vis de son ancien employeur, les sommes suivantes :
* 15.000 euros (brut), à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice de perte d'emploi lié à un licenciement nul,
* 4.192,84 euros (brut) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 419,28 euros (brut) au titre des congés payés afférents,
* 532,15 euros (brut) à titre de rappel de salaire pour le mois de février 2020, outre 53,21 euros (brut) au titre des congés payés afférents,
- Rappelle qu'en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective de sauvegarde a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations,
- Condamne la SELARL MJ MARTIN, en qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z], aux dépens de première instance ;
- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;
Y ajoutant,
- Dit que la SELARL MJ MARTIN, en qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z], devra remettre à Monsieur [V] [E], dans le délai de deux mois suivant la date de prononcé de la présente décision, un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation Pôle Emploi (France Travail) conformes aux dispositions du présent arrêt ;
- Dit que le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC, CGEA d'[Localité 7], en qualité de gestionnaire de l'AGS, que les sommes susvisées, dont la société ENTREPRISE [Z] est redevable à l'égard de Monsieur [V] [E], seront garanties par l'AGS dans les conditions et limites prévues par le code du travail ;
- Condamne la SELARL MJ MARTIN, en qualité de mandataire ad hoc de la société ENTREPRISE [Z], aux dépens d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
V. SOUILLAT C. RUIN