CA Bordeaux, 1re ch. civ., 24 septembre 2024, n° 23/05839
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sci Ellipses (SCI)
Défendeur :
Société Générale (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Poirel
Conseillers :
Mme Vallée, M. Breard
Avocats :
Me Fonrouge, Me Fabry, Me Dufranc, Me Rey-Saletes
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Le 1er février 2006, M. [K] [Z] a souscrit auprès de la société d'assurance Antarius un contrat individuel d'assurance-vie dénommé 'Antarius Avenir', sur lequel il a versé la somme de 1 000 euros sur un support en unité de compte. Le 7 février 2007, il a versé une somme de 150 000 euros (148 950 euros net de frais) réparti pour 15 % sur un support en euros (Capi sécurité) et pour 85 % sur des supports en unités de compte (parts d'OPCVM).
Dans les deux cas, l'assureur s'engageait sur le nombre et non sur la valeur des unités de compte sujettes à fluctuations.
Le 19 janvier 2006, M. [K] [Z] a donné à la SA Banque Courtois un mandat de gestion de ce contrat. Il a opté pour une gestion dynamique, 'les supports les plus risqués pouvant représenter jusqu'à 100 % des investissements'.
Le 19 avril 2007, la banque a consenti à la société civile immobilière Ellipses, dont [K] [Z] est le gérant un prêt de 150 000 euros sur 10 ans remboursable in fine et pris en garantie un nantissement sur le contrat à concurrence de 120 000 euros en principal, frais et accessoires.
Le 14 décembre 2007, [K] [Z] a racheté le contrat pour 30 000 euros.
Dès l'année 2008, le contrat a perdu une valeur de 30 000 euros et au 31 décembre 2011, il affichait, tenant compte du rachat partiel, une valeur de rachat de 94 315 euros. Se sont ensuivies plusieurs correspondances entre [K] [Z], le médiateur et la banque.
Le 4 avril 2012, [K] [Z] a modifié, par avenant au contrat d'arbitrage, le mandat de gestion de son placement en mode de gestion classique.
En juin 2013, la SCI Ellipses a renégocié le prêt.
Le 19 janvier 2015, le conseil de [K] [Z] s'adressait à la banque en mettant en cause la chute des valeurs fin 2007 (118 512 euros) et fin 2008 (88 006 euros).
Puis, par acte d'huissier de justice du 3 avril 2017, M. [K] [Z] et la SCI Ellipses ont fait assigner la SA Banque Courtois pour obtenir l'indemnisation des préjudices causés par des fautes de la banque dans la gestion d'un contrat d'assurance-vie dont la gestion avait été déléguée à la banque.
Par jugement du 15 avril 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :
- déclaré irrecevables car prescrites les demandes de [K] [Z] et de la SCI Ellipses.
- condamné solidairement [K] [Z] et la SCI Ellipses aux dépens dont distraction au profit de la SCP Camille et à lui payer de même la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [K] [Z] et la SCI Ellipses ont relevé appel de ce jugement le 10 mai 2019.
Par arrêt du 1er décembre 2021, la cour d'appel de Toulouse a :
- confirmé le jugement,
- condamné [K] [Z] et la SCI Ellipses aux dépens d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné [K] [Z] et la SCI Ellipses à payer à la SA Banque Courtois la somme de 1.000 euros.
M. [K] [Z] et la SCI Ellipses se sont pourvus en cassation contre cet arrêt.
Par arrêt du 29 novembre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a :
- cassé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2021 par la cour d'appel de Toulouse et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Bordeaux,
- condamné la Société Générale, venant aux droits de la Banque Courtois, au dépens,
- rejeté la demande de la Société Générale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné celle-ci à payer à M. [Z] et à la SCI Ellipses la somme globale de 3 000 euros sur ce fondement.
La cassation est intervenue au motif que :
- lorsque le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie, nanti en garantie de remboursement d'un prêt in fine, reproche à la banque une mauvaise gestion du mandat qui lui avait été confié dont il est résulté l'impossibilité de rembourser le capital prêté au moyen du rachat du contrat d'assurance-vie, ce préjudice n'est effectivement réalisé qu'au terme du prêt.
- que, pour déclarer prescrites les demandes de M. [Z] et de la SCI, l'arrêt retient que M. [Z] savait nécessairement, fin 2011, qu'il ne pourrait récupérer le montant de son investissement dans le contrat d'assurance-vie au cours des années restant à courir avant le remboursement du prêt in fine et qu'alerté sur la baisse de cet investissement par l'information annuelle sur la situation du contrat reçue le 5 mars 2012, il lui appartenait d'agir en responsabilité avant fin mars 2017, dès lors que depuis fin 2008, et a fortiori à réception de cette information, il connaissait le dommage subi.
- qu'en statuant ainsi, alors que le dommage invoqué par M. [Z], souscripteur du contrat d'assurance-vie nanti, comme celui par ricochet, invoqué par la SCI Ellipses, ne s'étaient réalisés qu'au terme du prêt, le 5 avril 2017, après que le contrat d'assurance-vie avait été racheté le 30 mars précédent, de sorte que l'action exercée par M. [Z] et la SCI Ellipses n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce.
M. [Z] et la SCI Ellipses ont saisi la cour d'appel de Bordeaux par déclaration du 22 décembre 2023.
M. [K] [Z] et la SCI Ellipses, par dernières conclusions déposées le 9 février 2024, demandent à la cour de :
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [K] [Z] et la SCI Ellipses comme étant prescrites ;
Et statuant à nouveau,
- déclarer recevables les demandes présentées par M. [K] [Z] et la SCI Ellipses comme n'étant pas prescrites ;
- juger que la Banque Courtois a manqué à ses obligations de conseil, de diligence et de prudence dans l'exécution du mandat d'arbitrage du placement d'assurance-vie Antarius Avenir n° 2079891 qui lui avait été confié par M. [K] [Z] ;
- juger que ces manquements ont entraîné la perte de la chance, pour M. [Z], de voir son placement produire les intérêts qu'il était raisonnablement en droit d'attendre d'un tel placement au vu du contexte économique sur les dix années passées ;
- juger que ces manquements, en ce qu'ils ont entraîné l'absence de valorisation du placement d'assurance-vie souscrit par M. [Z], ont fait perdre tout intérêt au montage financier proposé par la Banque Courtois à M. [Z] ;
En conséquence,
- condamner la Société Générale venant aux droits de la Banque Courtois à payer à M. [K] [Z], à titre de dommages et intérêts, une somme égale à la différence entre le montant de l'échéance finale du crédit in fine le 5 avril 2017 (150.473,75 €) et la valeur de rachat de son placement Antarius Avenir (125.278,39 €) soit la somme de 25.135,36 € ;
- condamner la Société Générale venant aux droits de la Banque Courtois à payer à M. [K] [Z], à titre de dommages et intérêts, la somme de 2.985,29 € correspondant au montant des frais de gestion payés à la Banque Courtois au titre du mandat qui lui avait été consenti ;
- condamner la Société Générale venant aux droits de la Banque Courtois à payer à la SCI Ellipses sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, et à titre de dommages et intérêts, la somme de 69.150 € correspondant au montant des intérêts du crédit in fine outre les frais d'assurance groupe ;
- condamner la Banque Courtois à payer à la SCI Ellipses et à M. [K] [Z] la somme de 6.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Philippe Leconte sur son affirmation de droit.
La Société Générale venant aux droits de la SA Banque Courtois, par dernières conclusions déposées le 5 avril 2024, demande à la cour de :
Confirmer le jugement du tribunal de grande instance du 15 avril 2019 en ce qu'il a :
* condamné solidairement [K] [Z] et la société civile immobilière Ellipses aux dépens dont distraction au profit de la SCP Camille et à lui payer de même la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant a nouveau :
- constater, juger qu'aucune faute ne peut utilement être invoquée à l'encontre de la Société Générale venant aux droits de la Banque Courtois,
En conséquence,
- débouter M. [K] [Z] et la SCI Ellipses de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Société Générale venant aux droits de la Banque Courtois,
En toute hypothèse,
- condamner solidairement M. [K] [Z] et la SCI Ellipses à payer à la Banque Courtois la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [K] [Z] et la SCI Ellipses aux entiers dépens.
L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 18 juin 2024.
L'instruction a été clôturée le 4 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la portée de la cassation :
Il ressort des dispositions de l'article 623 du code de procédure civile que la cassation peut être totale ou partielle et de l'article 624 que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. Il résulte encore des dispositions de l'article 625 que sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.
Avant l'arrêt de cassation, les parties se trouvaient en l'état d'un appel total interjeté par M. [Z] et la SCI Ellipses à l'encontre d'un jugement du tribunal de grande instance Bordeaux qui avait déclaré irrecevables car prescrites les demandes par eux formulées à l'encontre de la SA Banque Courtois, les avait condamnés au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles et aux dépens.
Par l'effet de la cassation en toutes ses dispositions de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Toulouse du 1er décembre 2021, la cour d'appel de Bordeaux statuant en tant que cour de renvoi se trouve saisie de l'appel initial éventuellement limité par le dispositif de l'arrêt de cassation, soit en l'espèce de l'entier litige soumis au tribunal de grande instance de Toulouse.
Sur la prescription :
Le jugement dont appel a déclaré prescrites les demandes de M. [Z] et de la SCI Ellipses à l'encontre de la SA Banque Courtois faisant application des dispositions de l'article L 110-4 du code de commerce après avoir retenu que le dommage s'était révélé au plus tard le 25 janvier 2012 dès lors que la faute d'arbitrage précisément circonscrite dans le temps avait d'ores et déjà produit son effet immédiat à cette date, à savoir une perte de valeur, de sorte qu'il ne pouvait être soutenu que le dommage ne s'était révélé qu'au terme du mandat de gestion.
L'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Bordeaux a été cassé pour avoir retenu, à l'instar du tribunal, une connaissance du dommage par M. [Z], dès la fin de l'année 2011, date à laquelle il avait été informé de la baisse de son investissement par l'information annuelle qu'il en recevait, alors que le dommage invoqué en sa qualité de souscripteur d'un contrat d'assurance vie nanti, comme celui par voie de ricochet de la SCI Ellipses, ne s'était révélé qu'au terme du prêt, le 5 avril 2017, après que le contrat d'assurance vie a été racheté le 30 mars précédent.
Forts de l'arrêt de cassation, M. [Z] et la SCI Ellipses concluent à la réformation du jugement entrepris aux motifs qu'ils n'ont connu les faits leur permettant d'agir qu'au jour du rachat du placement le 30 mars 2017, lorsqu'il s'est avéré qu'ils ne pouvaient avec cette somme rembourser le crédit in fine arrivé à échéance le 5 avril 2017.
La Société Générale, en l'état de la cassation indique 'prendre acte que l'action des concluants n'est pas prescrite et ne maintient donc pas cette demande devant la cour de céans' mais solliciter sur le fond le débouté des demandes des appelants.
Elle ne conclut cependant pas dans son dispositif à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action prescrite de sorte qu'en l'état de la cassation, les parties se retrouvent dans la situation qui était la leur avant l'arrêt cassé, c'est-à-dire en l'état du jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 15 avril 2019 qui avait déclaré l'action prescrite, de sorte qu'il sera nécessairement statué sur la demande de réformation formulée par les appelants de ce chef.
Aux termes des dispositions de l'article L 110-4 du code de commerce, comme aux termes des dispositions de l'article 2224 du code civil, l'action en responsabilité contractuelle se prescrit par cinq à compter de la date où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir.
L'action engagée contre la Société Générale est une action en responsabilité contractuelle en raison des manquements commis dans l'exercice de son mandat de gestion et plus spécifiquement pour avoir négligé son devoir de renseignement et de conseil, n'avoir jamais exposé à M. [Z] la pertinence de ses différents arbitrages, n'avoir pas répondu à ses interrogations sur ce point, et ne l'avoir pas tenu informé de l'évolution catastrophique de la situation entre avril 2007 et mars 2012 au point que seule l'initiative de M. [Z] l'a conduit à solliciter en urgence une modification du mode gestion de ses avoirs vers une formule plus classique mais également de ne lui avoir toujours fourni aucune explication de sa gestion entre 2012 et 2017, de sorte qu'in fine les intérêts ne se sont élevés qu'à la somme de 2 360,80 euros sur toute la période et que le solde du placement de 125.278,39 euros ne lui a pas permis de faire face au remboursement de l'échéance finale du prêt de 150 473,75 euros.
Indépendamment, du bien fondé de la demande et notamment de la question de l'indivisibilité des contrats qui est soulevée au fond par la Société Générale, l'action entreprise le 3 avril 2017 qui vise à remettre en cause l'exécution par un assureur des obligations résultant pour lui du mandat de gestion qui lui incombe tout au long du contrat, alors qu'est notamment déploré par M. [Z] un manquement de l'assureur à ses obligations entre 2012 et 2017, ne saurait être prescrite.
En outre, indépendamment de la question de fond portant sur l'indivisibilité des contrats, c'est bien au terme du crédit in fine pour lequel il n'est pas contesté que le contrat d'assurance vie a été nanti en garantie, que le souscripteur, en l'occurrence M. [Z], a découvert que le produit de celui-ci ne lui permettait pas de garantir le crédit souscrit par la société Ellipses à son terme et en conséquence connu les faits lui permettant d'agir, soit à la date du 30 mars 2017, lors du rachat du contrat en vue de l'échéance du 5 avril 2017, en sorte que l'action en responsabilité exercée contre la société Générale venant aux droits de la Banque Courtois introduite par exploit du 3 avril 2017 n'est pas prescrite.
Le jugement qui en a autrement décidé est en conséquence infirmé.
Sur le bien fondé des demandes contre la Société Générale :
M. [Z] reproche au premier chef à la Banque Courtois et partant à la Société Générale un manquement de la banque dans l'exécution de son contrat résultant de son 'mandat d'arbitrage de contrats d'assurance vie' et de n'avoir pas mis en oeuvre 'un suivi des compétences propres à maintenir un capital et limiter les pertes dans les limites raisonnables permises par l'aléa boursier'.
La Société Générale fait au contraire valoir que M. [Z] a été parfaitement informé que l'assureur ne s'engageait dès l'origine du placement en janvier 2016 que sur le nombre d'unités de compte et non sur leur valeur ainsi que du risque y afférent, que cette information a été rappelée au moment du second versement de 148 950 euros consacré par un avenant du 7 février 2007, sans garantie en capital sur les supports en OPCVM, ni a fortiori en rendement ; qu'il a ensuite souhaité donner ce contrat à hauteur de 120 000 euros en garantie d'un prêt de 10 ans souscrit par la SCI Ellipses le 19 avril 2007 dont il était le gérant pour un montant de 150 000 euros remboursable in fine, un avenant de mise en gage du crédit ayant été signé le 19 avril 2017. Elle souligne qu'il n'est ainsi pas établi que la possibilité de rembourser le crédit à son terme par le contrat d'assurance vie ait été un objectif rentré dans le champ contractuel, ce qui ne saurait résulter de la seule garantie concédée alors que les deux contrats n'ont pas été souscrits en même temps, ni par les mêmes parties et ne forment pas un tout indivisible.
Quant à sa gestion, elle rappelle qu'elle n'était tenue à aucune obligation de résultat, que du fait de la chute des marchés boursiers dès le mois de mai 2007, M. [Z] a connu une perte en capital de 31 000 euros qui a fait passer la valeur de rachat du contrat à la somme de 88 006,60 euros à la fin de l'année 2008, ce dont elle ne saurait être responsable, pour afficher en mars 2017 une valeur de rachat de 125 278,39 euros, de sorte que cette dernière période de 2008 à 2017, alors qu'en 2012 M. [Z] a opté pour une gestion plus classique, ne saurait davantage prêter à critique.
Selon les dispositions de l'article 1984 du code civil, il pèse sur le gestionnaire d'un contrat, uni avec le souscripteur par un contrat de mandat, une obligation de prudence et de diligence mais également de renseignement, d'information et de conseil, sans obligation de résultat.
Le gestionnaire doit ainsi mettre en oeuvre toutes ses compétences, sa prudence et sa diligence, quand bien même il n'a pas pris d'engagement sur le capital, pour parvenir aux meilleurs objectifs de rendement mais également, dans un contexte boursier perturbé, pour maintenir autant que faire se peut le capital et limiter les pertes. Il doit alors mettre en oeuvre les meilleurs arbitrages et le cas échéant réfléchir avec son client à une gestion plus prudente.
Il lui appartient alors de justifier qu'il a satisfait à cette obligation et qu'il a tenu informé son client de l'évolution défavorable d'un placement, des arbitrages opérés pour y remédier et des stratégies s'offrant à lui.
Il ne saurait être reproché ici à la banque Courtois et partant à la Société Générale un manquement à son devoir d'information et de conseil dans le montage initial, la Société Générale observant justement qu'il n'est pas établi que le contrat d'assurance vie et notamment son abondement par avenant de février 2007 ait été effectué en vue de la souscription du contrat de prêt in fine par un tiers, la SCI Ellipses, le 29 avril 2017, l'acte du même jour par lequel M. [Z] a seulement apporté en garantie du crédit souscrit par la SCI le nantissement de son contrat Antarius Avenir ne permettant pas de retenir que l'assureur s'était engagé à ce qu'in fine le prêt puisse être remboursé intégralement par la valeur de rachat de ce contrat, à défaut de tout élément en faveur de l'indivisibilité de ces deux actes qui n'ont pas été souscrits en même temps, ni par les mêmes parties et alors même que lors du versement de 150 000 euros, la Banque Courtois ne s'était clairement jamais engagée que sur le nombre et non pas la valeur des unités de compte et pour un capital minimum garanti très en deçà du placement effectué, dans le cadre d'une convention de gestion dynamique.
M. [Z] indique d'ailleurs expressément, certes de manière contradictoire avec la suite de ses développements, dans ses conclusions en caractère gras (page 14) parlant du choix de laisser la gestion de son placement Antarius à la banque Courtois de telle sorte que les intérêts de l'ordre de 30 000 euros permettent de compenser la différence entre la valeur de rachat du contrat (120 000 euros) et le montant principal de l'emprunt contracté (150 000 euros) : 'Il l'eut d'ailleurs été (un choix viable) si la banque Courtois avait rempli toutes les obligations qui étaient les siennes dans l'exécution du mandat d'arbitrage qui lui avait été confié', preuve qu'il ne remet finalement pas tant en cause le choix du mode de gestion initial que l'exécution de son mandat de gestion par la Banque Courtois.
De même, s'agissant d'envisager les différents préjudices pour lui même et la SCI Ellipses, M. [Z] rappelle qu'ils sont la conséquence 'des manquements commis par la Banque Courtois dans l'exercice de son mandat d'arbitrage et de gestion du placement d'assurance vie' (ses conclusions page 15, souligné par l'appelant), c'est à dire dans la gestion du contrat d'arbitrage liant M. [Z] et la Banque Courtois, M. [Z] lui reprochant plus précisément de ne lui avoir donné aucun renseignement, ni conseil, sur les différents arbitrages opérés ou à opérer.
M. [Z] ne prétend pas qu'il n'a pas été avisé de la part de risque de perte en capital que le placement recélait, notamment du fait du choix d'une gestion dynamique et il est en tout état de cause constant que tant le contrat initial du 8 février 2006, que l'avenant du 7 février 2007 par lequel M. [Z] a effectué un versement libre d'un montant net de frais de 148 950 euros, indiquaient expressément en gras que l'assureur ne s'engageait 'que sur le nombre d'unité de compte, mais pas sur leur valeur, celle-ci étant par nature sujette à des fluctuations à la hausse comme à la baisse', l'assureur ne s'engageant au terme de ce versement, selon une information également écrite en caractère gras, en plus gros caractère et au centre de la page sur un 'Nouveau capital minimum garanti en cas de vie au terme du contrat de 22 342,50 euros'
M. [Z] avait par ailleurs souscrit dès 2005 à une gestion dynamique pour laquelle il était précisé que 'les supports les plus risqués (actions et assimilés) pourront représenter jusqu'à 100% des investissements' et il ne soutient plus, ainsi qu'il l'avait soutenu en 2013 devant le médiateur, qu'il n'avait pas été avisé du risque représenté par un tel mode de gestion, ce qui est de toutes façons confirmé par le fait qu'il indique avoir lui même sollicité un retour à une gestion 'classique' ou plus 'sécuritaire' du fait de 'la part d'incertitude qui règne sur les marchés' ainsi qu'il l'écrivait à son conseiller le 30 mars 2012 pour solliciter de revenir à une gestion plus classique (sa pièce n°9), reprochant finalement à l'assureur de ne pas lui avoir donné lui-même ce conseil plus tôt.
M. [Z] reproche en effet essentiellement à la banque Courtois de ne lui avoir donné strictement aucun conseil sur la conduite à tenir à la suite de la perte de 18 % du capital entre 2007 et 2012.
Cependant, il résulte des informations annuelles régulièrement adressées par la Banque Courtois au titre des années 2008 à 2017 que le contrat a perdu en valeur, après un rachat de 30 000 euros effectué le 14 décembre 2007, dès l'année 2008, où la valeur de rachat du crédit est subitement passée de 119 911 euros, après le rachat partiel, à la somme de 88 006,60 euros, soit une perte en capital de près de 22 000 euros.
Il n'est pas allégué et en tout état de cause nullement démontré que cette importante perte en capital subite est le fruit d'un manque d'information de la part de la Banque Courtois ou d'une négligence plutôt que d'un contexte économique lié à la crise boursière de 2008 qui ne pouvait être anticipée par la banque. D'ailleurs, si la Banque Courtois n'a alors pas alerté son client sur la possibilité de revenir à une gestion plus classique, son choix n'apparaît pas avoir été préjudiciable dans un premier temps puisqu'au terme de l'année 2009 celui-ci affichait à nouveau une valeur de rachat de 102 381,93 euros en hausse substantielle de plus de 14 000 euros, puis de 109 948,91 euros en 2010, rendement cependant de nouveau moindre par rapport à l'année précédente qui aurait dû alerter la banque sur l'extrême versatilité des marchés et le risque encouru, pour inciter M. [Z] à la prudence en ces temps perturbés.
Cependant, alors qu'il n'apparaît pas que la Banque, sur laquelle pèse l'obligation de rapporter la preuve qu'elle a satisfait à son obligation d'information et de conseil, ait, en dehors des informations annuelles mentionnant des dates d'arbitrage sans aucune information sur leur teneur et leur opportunité, pris le soin d'expliquer à son client qui n'est pas un professionnel de la finance et dont les connaissances spécifiques en la matière ne sont pas démontrées, ni le contexte éminemment perturbé, ni les arbitrages opérés dans ce contexte économique qui demeurait fragile, ainsi que relevé entre 2008 et 2010, force est de constater que le placement dont le mode de gestion n'avait pas été modifié est de nouveau reparti à la baisse en fin d'année 2011, où il ne présentait plus qu'une valeur de rachat de 94.015,73 euros, soit une nouvelle baisse de près de 16 000 euros.
Or, il n'a été mis fin à la tendance fortement baissière de ce contrat depuis 2008 et au risque représenté par le maintien d'une gestion dynamique dans ce contexte, que dans le courant de l'année 2012, après que M. [Z] a lui-même pris l'initiative d'un contact auprès de son conseiller en mars 2012 pour modifier le contrat de gestion vers une formule 'classique' à risque moyen sur une durée de 3/5 ans conseillée (ses pièces 9 à 11), le contrat ayant de nouveau présenté une valeur de rachat à la hausse en fin d'année 2012, de 100.251,75 euros, puis continue ensuite jusqu'à son rachat en mars 2017, de 106 991,15 euros en 2013 pour atteindre 122 358,74 euros au 1er janvier 2017.
Il résulte de l'ensemble que le défaut d'information et de conseil imputable à la Banque Courtois, s'il n'est pas à l'origine de la forte baisse du placement entre 2007 et 2008 qui ne pouvait être anticipée, apparaît du moins avoir été préjudiciable dans la suite de l'alerte de 2008 et précisément entre 2011 (valeur de rachat 94 015,73 euros), alors que l'année 2010 marquait de nouveau un fort ralentissement de la hausse après l'embellie de 2009 immédiatement consécutive à la crise de 2008, et l'année 2013 (valeur de rachat en fin d'année de 106 991,15 euros) où il a de nouveau atteint et dépassé sa valeur de rachat de fin d'année 2009 (102 381,93 euros), année ayant immédiatement suivie la crise de 2008.
Par ailleurs, dans ce contexte, la banque ne s'explique pas sur les arbitrages qu'elle a été amenée à opérer ni sur leur opportunité.
Le préjudice résultant pour M. [Z] de ce défaut de conseil qui n'est pas la cause directe d'une nouvelle baisse du contrat en 2010 mais qui a fait perdre une chance certaine à M. [Z] de limiter les effets de la crise économique sur son placement et
de subir la nouvelle baisse de 2011 par une modification du contrat d'arbitrage, notamment vers une gestion 'classique' ainsi qu'il y a été recouru de manière salutaire tardivement en 2012, ne saurait être équivalent au montant de la perte entre 2009 et 2013 d'un montant de 8 366,20 euros (102 381,93 euros - 94 015,73 euros), dès lors que, mis en garde dès 2008/2010, alors que le contrat était reparti très nettement à la hausse en 2009, il n'est pas certain que M. [Z] aurait opté avant 2011 pour une modification de la gestion de son contrat qui n'a finalement été modifiée que courant 2012 à la suite des résultats de nouveau catastrophiques de 2011.
Cette chance, qui existait néanmoins si un conseil avisé avait pu lui être donné en ce sens dès lors que M. [Z] pouvait encore mobiliser son épargne pour une durée minimum de 3 à 5 ans ainsi que le changement de gestion le recommandait, doit être appréciée à hauteur de 60 % de la perte entre l'année 2009, ayant immédiatement suivi la crise de 2008, et l'année 2013, où la valeur de rachat de 2009 (102 381,93 euros) a de nouveau été atteinte.
Il sera en conséquence alloué à M. [Z] en réparation du préjudice ayant résulté pour lui d'un manquement au devoir de conseil de la banque une somme de 5.019,72 euros au paiement de laquelle la Société Générale venant aux droits de la Banque Courtois sera condamnée. Il y sera ajouté le montant des frais de gestion afférents à sa gestion lacunaire à hauteur de 2 985,29 euros.
Pour le surplus, il n'est pas établi que le défaut d'information de la banque quant aux arbitrages par elles opérés aient occasionné un quelconque préjudice à M. [Z] ou à la société Ellipses.
En effet, la société Ellipses soutient qu'elle a perdu une chance de ne pas recourir à l'emprunt car 'l'idée' du montage étant selon elle de gagner par le placement (120 000 euros après rachat de 30 000 euros) les 30 000 euros d'intérêts qui s'ajouteraient au capital du crédit in fine en avril 2017, soit après 10 ans de placement, mais ainsi qu'il a été sus retenu, il n'est nullement démontré que cette 'idée' était entrée dans le champ contractuel et que les deux contrats, investissements et crédits, étaient liés et indivisibles aux yeux de la banque, qui ne s'était au demeurant jamais engagée sur un rendement, et d'ailleurs il apparaît qu'il est surtout reproché à la Banque Courtois, non le 'montage' d'origine mais des fautes dans l'exécution de son mandat la liant à M. [Z] auquel la SCI Ellipses est totalement étrangère. Dès lors, la société Ellipses, ne saurait reprocher à la banque une faute ou un manquement à une obligation qu'il n'est pas établi qu'elle avait contractée.
Il en résulte que M. [Z] a finalement par le nantissement de son contrat d'assurance vie simplement entendu garantir un crédit in fine contracté par ailleurs par la SCI Ellipses pour lui permettre de bénéficier d'un tel crédit.
De même, M. [Z] ne peut se prévaloir d'un préjudice constitué par la 'confiscation' de son épargne pendant dix ans, car il ne peut finalement être reproché à la banque Courtois qu'un défaut d'information et de conseil dans l'exécution de son mandat de gestion après 2008, dès lors qu'encore une fois il n'est pas établi que le contrat d'assurance vie a été ouvert puis abondé en février 2017 dans l'unique souci de rembourser un crédit in fine dont il aurait été indissociable, alors que la banque ne s'était jamais engagée sur un résultat et que M. [Z] avait été à tout le moins avisé lors de la souscription de la convention d'arbitrage des risques afférents à une gestion 'dynamique' de son contrat, qui impliquait par nature un placement à long terme.
Au vu de l'issue du présent recours, le jugement est également infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et frais irrépétibles de première instance, les dépens du présent recours étant à la charge de la Société Générale, celle-ci étant déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel et condamnée à payer aux appelants, ensemble une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Statuant sur renvoi de cassation :
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant:
Déclare recevables les demandes de M. [K] [Z] et de la SCI Ellipses à l'encontre de la Société Générale SA venant aux droits de la SA Banque Courtois.
Au fond :
Rejetant toute demande plus ample ou contraire des parties.
Condamne la société Générale SA à payer à M. [K] [Z] la somme de 5.019,72 euros de dommages et intérêts outre la somme de 2 985,29 euros au titre de ses frais de gestion.
Condamne la Société Générale SA à payer à M. [K] [Z] et à la SCI Ellipses la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la Société Générale SA aux entiers dépens dont distraction au profit de SELARL KPDB INTER-BARREAUX, Avocat.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, Président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.