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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 10, 23 septembre 2024, n° 22/19286

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/19286

23 septembre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19286 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGWJL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2019017423

APPELANTE

S.A. MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE S.A.

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

N° SIREN 304974249

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

INTIME

Monsieur [F] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 6] (SERBIE)

représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Monsieur Xavier BLANC, Président

Monsieur Jacques LE VAILLANT, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signée par Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente et par Sylvie MOLLÉ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Mercedes Benz Financial Service (ci-après dénommée MBFS) a pour activité la location financière de véhicules.

Par acte sous seing privé du 24 mars 2010 la SARL JDF a souscrit auprès de la société MBFS un contrat de location pour une durée de 61 mois (61 échéances de 2 542,83 euros TTC, assurance comprise) avec option d'achat (LOA) pour un véhicule d'une valeur de

113 500 € TTC.

Les prélèvements d'échéances mensuelles seraient revenus impayés à compter du 24 novembre 2013.

La société JDF a été placée en liquidation judiciaire en novembre 2013.

Monsieur [E] [F], associé-gérant de la SARL JDF, avait par ailleurs souscrit un acte de cautionnement solidaire le 21 février 2010 dans la limite de 156 247,63 €.

Face aux impayés, la société MBFS a mis en demeure Monsieur [F] en date du 7 octobre 2015, de régler les sommes réclamées à hauteur de 42 294,30 € en principal.

Invoquant un défaut de déclaration préalable de la créance au passif de la procédure collective de JDF, Monsieur [F] s'est considéré déchargé de son engagement.

Par exploit introductif d'instance du 22 août 2018, Monsieur [E] [F] a assigné la société Mercedes Benz Financial Service, devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 14 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :

- Déboute la SA Mercedes Benz Financial Services France de ses demandes ;

- Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

- Condamne la SA Mercedes Benz Financial Services France à verser à M. [E] [F] la somme de 750 euros au titre de l'article 700 CPC ;

- Condamne la SA Mercedes Benz Financial Services France aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA.

Par déclaration du 14 novembre 2022, la société Mercedes Benz Financial Service a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 9 mai 2023, la société Mercedes Benz Financial Services demande à la cour de, au visa des articles 1103, 1104, 1193, 1217, 1231-1, 1231-6 et 1344-1 du code civil, de :

- Déclarer la société Mercedes Benz Financial Services France recevable et bien fondée en son appel

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Mercedes Benz Financial services France de ses demandes en principal, intérêts et frais

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Mercedes Benz Financial Services France à payer la somme de 750 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [E] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

- Débouter M. [E] [F] de toutes demandes plus amples ou contraires.

Et statuant à nouveau,

- Condamner M. [E] [F] à payer à la société Mercedes Benz Financial Services France la somme de 42 294,30 € en principal, sauf à parfaire, assortie des intérêts de retard au taux légal majoré de 5 %, taxes en sus, conformément à l'article II.12 du contrat, à compter du 7 octobre 2015, date de la mise en demeure, avec anatocisme les conditions étant réunies

- Condamner M. [E] [F] à payer à la société Mercedes Benz Financial Services France la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance

Condamner M. [E] [F] à payer à la société Mercedes Benz Financial Services France la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel

- Condamner M. [E] [F] aux dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Me Guillaume Dauchel, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 12 avril 2023, Monsieur [E] [F] demande à la cour, au visa des dispositions de l'article L622 - 24 alinéa 1 du code de commerce, de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 14/12/2020.

- Dire et juger que Monsieur [E] [F] est déchargé totalement de son engagement de caution.

- Débouter en conséquence la Société Mercedes-Benz Financial Service France SA de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- La condamner à payer à Monsieur [E] [F] la somme de 3 000 € au titre de dommage et intérêts pour procédure abusive.

- La condamner à payer à Monsieur [E] [F] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 avril 2024.

SUR CE,

Sur la demande en paiement de la société MBFS

La société MBFS souligne que le présent litige est antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2021 portant réforme du droit des sûretés de sorte que la caution ne peut se prévaloir d'une exception inhérente à la dette ou personnelle au débiteur principal, dont l'absence de déclaration de créance.

Elle ajoute, au visa des articles L. 622-26 et L. 622-24 du code de commerce, que la défaillance du créancier a pour effet, non pas d'éteindre la créance, mais d'exclure son titulaire des répartitions et dividendes, cette sanction ne constituant pas une exception inhérente à la dette, susceptible d'être opposée par la caution pour se soustraire à son engagement. Elle estime donc ne pas lui avoir fait perdre un recours subrogatoire.

S'agissant de l'article 2314 du code civil dont se prévaut M. [F], elle estime qu'il est inapplicable en l'espèce puisqu'en tant que caution, il n'aurait pu retirer aucun avantage effectif de la déclaration de créance par la production du courriel du liquidateur sur la totale impécuniosité de la débitrice principale et sur l'absence de règlement des créances, de sorte que la caution qui aurait payé et qui aurait été subrogée dans les droits du créancier n'aurait pas eu plus de chance d'être payée.

Elle soutient que M. [F] est redevable de la somme de 42 294,30 € en principal, outre intérêts de retard au taux légal majoré de 5 %, conformément à l'article II.12 du contrat, à compter du 7 octobre 2015, date de la mise en demeure, avec anatocisme, les conditions étant réunies.

Monsieur [F] soutient que la demande en paiement est irrecevable en raison du défaut de déclaration de créance préalable de la société MBF entre les mains du mandataire judiciaire désigné pour la société JDF, mise en liquidation judiciaire en novembre 2013 ce qui entraine l'impossibilité pour la caution de bénéficier d'un recours subrogatoire à l'égard du locataire la société JDF.

Il s'estime conformément aux dispositions de l'article L622-24 alinéa 1 du code de commerce, déchargé de son engagement. Il ajoute que la jurisprudence prévoit que l'absence de déclaration de la créance au passif d'une procédure collective entraîne pour la caution une décharge totale de son engagement.

Ceci étant exposé, selon les termes du jugement la société JDF a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire en novembre 2013. Aucune pièce justificative n'est cependant produite par les parties. Le mail du liquidateur (pièce de l'appelante n° 4) atteste de la réalité de la procédure collective.

Les créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective doivent, en application de l'article L. 622-24 du code de commerce, faire l'objet d'une déclaration entre les mains du mandataire judiciaire dans les deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC.

En application de l'article L. 622-26 du code de commerce, les créances non déclarées dans les délais et en l'absence de relevé de forclusion, sont inopposables au débiteur. Elles sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus.

La défaillance du créancier a donc pour effet non pas d'éteindre la créance mais d'exclure son titulaire des répartition et dividendes, cette sanction ne constituant pas une exception inhérente à la dette susceptible d'être opposée par la caution pour se soustraire à son engagement.

L'article 2234 du code civil applicable en l'espèce, dispose que " La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite. "

Il résulte dès lors de l'application combinée de l'article 2234 du code civil et de l'article L. 622-26 du code de commerce que lorsque le créancier a omis de déclarer sa créance la caution n'est déchargée de son obligation que si cette dernière aurait pu tirer un avantage effectif du droit d'être admise dans les répartitions et dividendes, susceptible de lui être transmis par subrogation. Il appartient au créancier de prouver que la perte du droit préférentiel dont se plaint la caution n'a causé aucun préjudice à cette dernière.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société MBFS n'a pas déclaré sa créance dans les délais requis.

Il ressort du mail du liquidateur en date du 6 juillet 2020 (pièce MBFS n° 4) que " les créanciers tant privilégiés que chirographaires n'ont aucun espoir de se voir désintéressés de leur créance ", de sorte qu'il est établi que la caution n'aurait pas été désintéressée.

C'est donc à tort que le tribunal a déchargé M. [F] de son engagement de caution en raison de l'absence de déclaration par la société MBFS de sa créance et de l'impossibilité en découlant, pour la caution, de bénéficier d'un recours subrogatoire.

La société MBFS sollicite la condamnation de M. [F] à lui payer la somme de

42 294,30 € en principal, sauf à parfaire, assortie des intérêts de retard au taux légal majoré de 5 %, taxes en sus, conformément à l'article II.12 du contrat, à compter du 7 octobre 2015, date de la mise en demeure, avec anatocisme.

Elle produit au soutien de sa demande en paiement les pièces suivantes :

. le contrat de location avec option d'achat en date du 24.03.10,

. le procès-verbal de réception du même jour,

. l'engagement de caution de M. [E] [F] en date du 24 février 2010, à hauteur de 156 247,63 euros concernant le paiement des échéances, des pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 51 mois,

. la lettre datée du 7 octobre 2015 de mise en demeure de payer la somme de 42 294,30 euros au titre des loyers impayés du 24.11.13 au 24.03.15, avant le 18.10.2015, adressée à M. [F].

Les sommes réclamées par le loueur représentent les loyers dus par la société débitrice depuis la date d'ouverture de la procédure collective jusqu'au terme contractuel du contrat (16 échéances) ce qui représente la somme de 2 542,83 euros x 16 = 40 685,28 euros, montant qui ne correspond pas au montant réclamé (42 294,30 euros). Le liquidateur de la société a informé la société MBFS de l'irrécouvrabilité des créances.

En application de l'article L. 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majoration (à l'exception des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an et des contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus), de sorte que la caution ne peut pas être condamnée aux intérêts contractuels postérieurs au jugement d'ouverture mais simplement aux intérêts au taux légal sur la somme dont elle est elle-même redevable.

Ainsi, Monsieur [E] [F], sera condamné, en sa qualité de caution, à payer à la société MBFS la somme de 40 685,28 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2015, date de la mise en demeure.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [E] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Monsieur [E] [F], partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Les circonstances de la cause commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [E] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Infirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne Monsieur [E] [F] à payer à la société Mercedez Benz Finance Services la somme de 40 685,28 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2015 ;

Condamne Monsieur [E] [F] aux dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

S.MOLLÉ C.SIMON-ROSSENTHAL