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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 19 septembre 2024, n° 22/04190

ROUEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

APB Immobilier (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Foucher-Gros

Conseillers :

M. Urbano, Mme Menard-Gogibu

Avocats :

Me Segura, Me Huan-Pincon

TJ Evreux, du 15 nov. 2022, n° 22/01796

15 novembre 2022

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SASU APB Immobilier est un agent immobilier, exerçant sous le nom commercial [G] [O] Immobilier, dont le siège social est situé [Adresse 5] à [Localité 3] et elle a conclu un contrat d'agent commercial immobilier avec Mme [D] le 21 avril 2020.

Lors d'un entretien du 30 novembre 2021, la SASU APB Immobilier a informé Mme [D] qu'elle n'était pas satisfaite du travail effectué par cette dernière en sa qualité d'agent commercial immobilier. Mme [D] a écrit le 18 février 2022 à la SASU APB Immobilier, considérant que la SASU APB Immobilier ne la mettait plus en mesure d'exercer son mandat, pour demander une solution amiable quant à la rupture de son contrat d'agent commercial immobilier.

Après que la SASU APB Immobilier a écrit le 23 février 2022 un courrier électronique à Mme [D] constatant ne plus avoir de retour de son activité depuis le mois de décembre hormis la réception de facture d'honoraires, Mme [D] a notifié le 9 mars 2022 à la SASU APB Immobilier la fin du contrat d'agent commercial les liant, en estimant que la société APB Immobilier commettait de graves manquements à ses obligations et ne respectait pas le contrat, ce qui rendait impossible le lien contractuel et justifiait la rupture du contrat d'agent commercial immobilier à ses torts exclusifs. Elle précisait qu'en application de l'Article L 134-11 du code de commerce, la rupture interviendrait à effet immédiat à la date d'envoi du courrier, sans période de préavis.

La SASU APB Immobilier a répondu par courrier du 17 mars 2022 qu'elle acceptait la rupture contractuelle mais qu'elle contestait l'imputabilité de la rupture.

Mme [D] a fait assigner la SASU APB Immobilier devant le tribunal judiciaire d'Evreux par acte de commissaire de justice du 12 mai 2022 en paiement de diverses sommes.

Par jugement réputé contradictoire du 15 novembre 2022, le tribunal judiciaire d'Evreux a :

- condamné la SASU APB Immobilier à payer à Mme [E] [D] la somme de 43 528,41 au titre de l'indemnité compensatrice,

- rejeté la demande de Mme [E] [D] au titre de l'indemnité de préavis,

- condamné la SASU APR Immobilier aux dépens,

- condamné la SASU APB Immobilier à payer à madame [E] [D] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des prétentions des parties,

- rappelé l'exécution provisoire de la présente décision.

La SASU APB Immobilier a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 décembre 2022.

Par ordonnance du 8 mars 2023, le magistrat délégué par la première présidente de cette cour a débouté la SASU APB Immobilier de ses demandes d'arrêt de l'exécution provisoire et de consignation.

Par acte de commissaire de justice du 12 janvier 2024 signifié à personne, Mme [D] a mis en cause la SCP Mandateam ès qualités de mandataire judiciaire de la SASU APB Immobilier désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 8 juin 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 12 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société APB Immobilier et de la SCP Mandateam qui demandent à la cour de :

- réformer le jugement du 15 novembre 2022 du tribunal judiciaire d'Evreux en ce qu'il a :

- condamné la SASU APB Immobilier à payer à Mme [E] [D] la somme de 43 528,41 euros au titre de l'indemnité compensatrice,

- et en conséquence, débouter Mme [E] [D] de sa demande,

- condamné la SASU APB Immobilier aux dépens,

- condamné la SASU. APB Immobilier à payer à Mme [E] [D] la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour de céans devait juger que la SASU APB Immobilier est redevable auprès de Mme [D] d'une indemnité compensatrice, réduire de façon significative son quantum,

Dans le cadre de l'appel incident,

- débouter Mme [E] [D] de sa demande de paiement de la somme de

47 811,53 euros au titre de l'indemnité compensatrice ;

- confirmer le jugement du 15 novembre 2022 du tribunal judiciaire d'Evreux en ce qu'il a débouté Mme [E] [D] du paiement de l'indemnité de préavis,

- débouter Mme [E] [D] de sa demande de paiement de la somme de la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que l'arrêt à intervenir sera déclaré opposable à la SCP Mandateam, prise en la personne de Maître [Y] [N], es-qualités de mandataire judiciaire de la Société APB Immobilier.

Vu les conclusions du 9 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Mme [E] [D] qui demande à la cour de :

- déclarer recevable l'appel incident de Mme [E] [D],

- déclarer Mme [E] [D] recevable et fondée en son assignation en intervention forcée à l'encontre de la SCP Mandateam, prise en la personne de Maître [Y] [N], es-qualités de mandataire judiciaire de la Société APB Immobilier,

- juger que la SCP Mandateam, prise en la personne de Maître [Y] [N], es-qualités de mandataire judiciaire de la Société APB Immobilier, est tenue d'intervenir dans l'instance actuellement pendante devant la cour d'appel de Rouen enregistrée sous le numéro de rôle 22/04190,

- juger que l'arrêt à intervenir sera déclaré opposable à la SCP Mandateam, prise en la personne de Maître [Y] [N], es-qualités de mandataire judiciaire de la Société APB Immobilier,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 15 novembre 2022 en ce qu'il a :

- condamné la SASU APB Immobilier aux dépens,

- condamné la SASU APB Immobilier à payer à Mme [E] [D] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 15 novembre 2022 en ce qu'il a :

- condamné la SASU APB Immobilier à payer à Mme [E] [D] la somme de 43 528,41 euros au titre de l'indemnité compensatrice,

- rejeté la demande de Mme [E] [D] au titre de l'indemnité de préavis.

Statuant à nouveau :

- juger que la rupture du contrat d'agent commercial est imputable à la Société APB Immobilier,

- fixer la créance de Mme [E] [D] au passif de la Société APB Immobilier comme suit :

* 47 811,53 euros à titre d'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat d'agent commercial,

* 3 984,27 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Société APB Immobilier, prise en la personne de Maître [Y] [N], es-qualités de mandataire judiciaire de la Société APB Immobilier, aux entiers dépens de l'instance y compris les frais éventuels d'exécution forcée,

- débouter la Société APB Immobilier de l'ensemble de ses demandes.

MOTIFS DE LA DECISION

Au préalable, il convient de déclarer recevable l'assignation en intervention forcée de la SCP Mandateam, prise en la personne de Maître [Y] [N], ès-qualités de mandataire judiciaire de la Société APB Immobilier.

Sur l'indemnité compensatrice :

La SASU APB Immobilier et la SCP Mandateam soutiennent que :

- c'est à Mme [D] de démontrer qu'elle subit un préjudice du fait de la cessation du contrat et ce préjudice constitue la mesure de l'indemnité qu'elle peut recevoir ; elle ne démontre pas quelle est sa situation actuelle ;

- accorder une indemnité égale à deux ans de revenus n'est qu'un simple usage qui ne lie pas le juge et ce d'autant plus lorsque les relations contractuelles ont été très courtes, que la période d'activité déclarée par Mme [D] est inexacte et qu'elle n'avait aucune expérience dans l'immobilier ;

- Mme [D] n'a plus été en mesure d'exercer son activité pour des raisons personnelles, ce qu'elle a reconnu et la direction de la SASU APB Immobilier a été particulièrement bienveillante avec elle ;

- c'est Mme [D] qui a rompu son contrat sans que la SASU APB Immobilier y soit pour quelque chose et elle ne peut bénéficier d'aucune indemnité ;

- dès lors que l'agent commercial est juridiquement indépendant, il n'a pas à bénéficier de moyens matériels notamment informatiques ou des clés des locaux fournis par son mandant de sorte que leur retrait ne saurait caractériser une faute du mandant et constituer une cause de rupture du contrat les liant ; par ailleurs, Mme [D] n'a jamais été tenue à des astreintes téléphoniques ;

- Mme [D] avait accès aux logiciels métiers et avait accès aux éléments comptables lui permettant de calculer ses commissions et celles-ci ont été réglées dès que Mme [D] a adressé ses factures, ce qu'elle faisait en retard les derniers temps ;

- lorsque Mme [D] a été absente pour raisons personnelles, la SASU APB Immobilier a dû palier son absence sans faire montre de déloyauté à son égard ;

- la SASU APB Immobilier était une jeune entreprise dont sa directrice a subi un grave accident de circulation ayant entraîné son indisponibilité pendant longtemps ; par ailleurs, la SASU APB Immobilier a dû faire face à la crise sanitaire puis à l'effondrement du marché immobilier de sorte qu'elle n'a pas les moyens de régler.

Mme [D] soutient que :

- les parties sont tenues d'un devoir de loyauté et d'une obligation d'information selon laquelle l'agent commercial doit être informé par le mandant de tous les éléments nécessaires à l'efficacité de sa mission ;

- lors de l'entretien du 30 novembre 2021, la SASU APB Immobilier a indiqué à Mme [D] ne pas être satisfaite de leur collaboration et lui a demandé d'être à l'initiative de la rupture de leur contrat que Mme [D] a refusé ;

- dès ce refus, la SASU APB Immobilier a adopté un comportement visant à contraindre Mme [D] à rompre le contrat (retrait des astreintes téléphoniques et physiques à l'agence qui lui étaient initialement confiées par son mandant qui a usé d'un pouvoir hiérarchique à cette occasion, restitution des clés de l'agence et de l'ordinateur qui constituaient des conditions d'exécution du mandat, impossibilité d'accéder au serveur informatique de l'agence notamment quant aux données comptables, attribution à d'autres collaborateurs des biens pour lesquels Mme [D] avait mandat, vente de ces biens sans qu'elle soit informée, une vente, celle de M. [B], n'ayant pas été réglée, défaut de paiement des factures adressées à la SASU APB Immobilier) ; l'argumentation de la SASU APB Immobilier constitue la reconnaissance des manquements décrits ci-dessus étant observé que le mandant usait d'un pouvoir hiérarchique à l'égard de Mme [D] ;

- dès lors que Mme [D] n'était plus l'agent commercial de la SASU APB Immobilier à compter du 9 mars 2022, cette dernière devait l'informer des ventes qui ouvraient droit à commission, ce qu'elle n'a pas fait ;

- l'usage en la matière est d'allouer deux ans de commissions à l'agent commercial y compris lorsque le mandat a eu une durée inférieure ; elle réclame une somme égale à deux années de commissions ;

- elle a subi un préjudice en ce que sept mois se sont écoulés entre la rupture du contrat et la perception d'une commission réglée par son nouveau mandant, le temps qu'elle reconstitue une clientèle ; par ailleurs, elle n'a plus bénéficié de la notoriété de l'enseigne « [G] [O] » ;

- l'expérience dans le domaine de l'immobilier et l'apport ou pas de clientèle ne constituent pas des critères de l'indemnité compensatrice ;

- l'année 2021 a été faste pour l'immobilier et le réseau [G] [O] a été élu agence immobilière de l'année 2022-2023 ; par ailleurs, il n'existe aucune preuve d'un quelconque impact à la suite de l'accident subi par la dirigeante de la SASU APB Immobilier ; enfin, les comptes de la SASU APB Immobilier sont incohérents puisqu'ils combinent un chiffre d'affaires en baisse de 8 014 euros avec une augmentation des salaires de 53 451 euros et qu'il apparaît en outre que la SASU APB Immobilier a ouvert une nouvelle agence à [Localité 8].

Réponse de la cour :

L'article L134-1 du code de commerce dispose que : « L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale et s'immatricule, sur sa déclaration, au registre spécial des agents commerciaux.

Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières. »

L'article L134-12 du même code dispose que : « En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

Les ayants droit de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent. »

L'article L134-13 du même code dispose que : « La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence. »

Par acte du 21 avril 2020, la SASU APB Immobilier et Mme [D] ont conclu un contrat d'agent commercial immobilier non salarié.

L'article 2 du contrat relatif aux conditions d'exercice du mandat prévoit que Mme [D] aura accès payant « au pack digital et au logiciel métier » [G] [O] Immobilier, moyennant une quote-part des frais inhérents à cette utilisation.

L'article 4 relatif au lieu d'activité stipule que Mme [D] n'a ni secteur spécialement attribué ni catégorie de clientèle particulière et l'article 7 relatif à l'information, aux rapports et aux documents prévoit que Mme [D] tiendra la SASU APB Immobilier au courant du résultat de ses opérations selon des modalités laissées entièrement à son initiative mais qui « devra être suffisamment abondante pour que le mandant puisse l'utiliser dans sa gestion ».

Par courrier électronique du 14 décembre 2021, Mme [F], dirigeante de la SASU APB Immobilier a écrit à Mme [D] dans les termes suivants : « Suite à notre échange de ce jour, il apparaît que tu ne vois pas d'issue favorable à continuer notre relation professionnelle mais tu persistes à refuser de rompre ton contrat dans le cadre normal prévu afin d'obtenir la rupture de ma part et des indemnités en sus des commissions à venir sur les dernières ventes effectives.

Au vu du manque de confiance qui en résulte aujourd'hui, je te remercie de me restituer dans les brefs délais la clé de l'agence et le PC que je t'ai prêté.

Evidemment, je laisse à ta disposition des accès aux outils métiers comme le contrat d'agent commercial qui nous lie le prévoit ainsi que la possibilité d'utiliser la marque dans tes démarches de prospection futures ».

Par courrier du 23 décembre 2021, Mme [D] précise avoir remis la clé de l'agence et l'ordinateur à Mme [F] et écrit : « Je conserve mes accès AC3 et ma boîte mail Outlook, en revanche, comme je te l'ai précisé, je n'ai plus accès au commun, et je ne peux plus consulter les dossiers clients, ni les documents administratifs éventuellement nécessaires à remettre aux clients. Peux-tu, s'il te plaît, me préciser comme cela se passera si j'au besoin de certaines informations présentes dans le commun ' »

En réponse, Mme [F], après avoir noté que Mme [D] persistait « à vouloir formaliser [leurs] échanges par email » a écrit : « Concernant les données clients, elles doivent toutes être consignées dans la base CRM IMMO FACILE.

Si toutefois, dans le cadre de ton activité d'agent commercial tu aurais oublié d'enregistrer des éléments dans cette base, je me tiens à ta disposition par téléphone pour te les fournir ».

Par lettre recommandée avec avis de réception du 18 février 2022 adressée à la SASU APB Immobilier, Mme [D] a indiqué prendre l'initiative de mettre fin au contrat d'agent commercial la liant à son mandant mais considéré que cette rupture était imputable à la SASU APB Immobilier en faisant état des manquements suivants :

la répartition des mandats à d'autres négociateurs immobiliers,

le retrait des astreintes téléphoniques et des permanences physiques à l'agence,

la restitution des clés de l'agence,

la restitution de l'ordinateur portable,

le retrait de l'accès au serveur informatique de l'agence,

l'absence de fourniture des documents comptables nécessaires à la détermination des commissions,

l'absence de justification du chiffre d'affaires,

- le report du paiement des honoraires dus.

Dès lors que Mme [D] a pris l'initiative de la rupture, il lui appartient de démontrer que celle-ci est imputable à la SASU APB Immobilier qui aurait manqué à ses obligations contractuelles ou qui ne lui aurait plus permis la poursuite normale de ses objectifs contractuels.

Mme [D] imputant divers manquements à son mandant, il convient de les examiner successivement.

1°) sur la restitution des clés de l'agence et la restitution de l'ordinateur portable :

Le contrat d'agent commercial ne comporte aucune stipulation sur la remise à Mme [D] des clés de l'agence ou d'un ordinateur portable de sorte qu'il n'a existé aucune obligation à la charge de la SASU APB Immobilier portant sur la remise à Mme [D] de ces clés et de cet ordinateur.

La SASU APB Immobilier reconnaît que, dans les faits, elle a accepté de remettre les clés et un ordinateur à Mme [D]. Cependant, la demande de restitution qui a été faite par le mandant à la suite du litige qui est né avec Mme [D] n'a pu avoir pour effet d'interdire à Mme [D] de poursuivre son activité dès lors qu'elle déclare dans ses écritures que lors de la restitution des clés, la SASU APB Immobilier lui a indiqué qu'elle pouvait venir à l'agence durant les heures d'ouverture.

Par ailleurs, il résulte des courriers électroniques cités ci-dessus que la SASU APB Immobilier n'a jamais interdit à Mme [D] d'accéder au pack digital et au logiciel métier mentionnés dans le contrat d'agent commercial et que la dirigeante du mandant a offert de lui fournir les données clients nécessaires. Ce manquement imputé à la SASU APB Immobilier n'est pas démontré.

2°) sur le retrait de l'accès au serveur informatique de l'agence :

Il vient d'être constaté que la SASU APB Immobilier n'a jamais mis obstacle à l'accès de Mme [D] au pack digital et au logiciel métier mentionné dans le contrat d'agent commercial.

Au demeurant, Mme [D] fait état de deux courriers électroniques des 14 février 2022 qui, selon elle, démontreraient qu'elle n'avait plus accès à ce logiciel, qui sont rédigés comme suit :

Mme [D] : « D'autre part, j'ai un autre acquéreur qui pourrait être intéressé par la maison de [X] à 398 000€. Comme je n'ai plus d'accès au commun, il me manque certaines informations pour que je puisse lui présenter la maison. Puis-je recevoir le dossier des diag, le titre de propriété ainsi que le rapport assainissement puisque je vois que la fosse septique est non conforme ' Pour ce qui concerne l'accès aux autres photos de la maison comment puis-je faire ' »

La SASU APB Immobilier : « Je demande à [X] de t'envoyer les documents de la maison en question ».

Outre que ce courrier ne précise pas la raison pour laquelle Mme [D] n'avait plus accès « au commun » et notamment si elle n'y avait plus d'accès parce qu'elle avait restitué l'ordinateur à la SASU APB Immobilier ou si, disposant d'un ordinateur personnel, elle ne pouvait pas s'y connecter, la cour constate que la SASU APB Immobilier a expressément indiqué à son agent commercial qu'elle lui communiquait les informations nécessaires de sorte que la situation qu'elle décrit n'a pu avoir pour effet de lui interdire de poursuivre son activité. Ce manquement imputé à la SASU APB Immobilier n'est pas démontré.

3°) sur le retrait des astreintes téléphoniques et des permanences physiques à l'agence,

A l'appui de son argumentation, Mme [D] fait état des pièces n° 4 et 19 à 23.

Ainsi que l'a constaté le premier juge, la pièce n° 4 intitulée « planning de Mme [D] de juin 2021 à janvier 2022 » n'est pas exploitable eu égard à son caractère illisible.

La pièce n° 19 est un courrier électronique adressé à divers membres de l'agence immobilière ainsi qu'à Mme [D] le 30 octobre 2020 attribuant à cette dernière des « prospects estimations » et donnant instruction à Mme [D] de contacter un client « pour faire le point ».

La pièce n° 20 est une suite de SMS avec la dirigeante de la SASU APB Immobilier où il est question de « perm » sans autre précision.

La pièce n° 21 est un courrier électronique adressé à divers membres de l'agence immobilière ainsi qu'à Mme [D] le 2 octobre 2020 intitulé « point prospection » et leur intimant l'ordre de prospecter au moins un immeuble par semaine.

La pièce n° 22 est un courrier électronique adressé à divers membres de l'agence immobilière ainsi qu'à Mme [D] le 29 juillet 2021 intitulé « important règle panneau vendu » et leur intimant l'ordre de faire poser un panneau vendu dans chaque immeuble vendu.

La pièce n° 23 est un courrier électronique adressé à Mme [D] le 29 juillet 2021 intitulé « objectif commercial personnel » et lui notifiant ses objectifs commerciaux portant sur 5 nouveaux mandats dont 50% en exclusivité et 3 nouvelles ventes.

Ces éléments ne permettent pas de démontrer que Mme [D] a été soumise à des permanences téléphoniques ou physiques devant se dérouler à l'agence et que ces permanences lui ont été retirées. Ce manquement imputé à la SASU APB Immobilier n'est pas démontré.

S'il est démontré que la SASU APB Immobilier a donné des ordres à Mme [D] malgré son statut d'agent commercial supposant une indépendance dans l'exercice de ses fonctions et une absence de subordination, la cour constate que Mme [D] ne tire spécialement aucune conséquence de cette anomalie et se borne à considérer que c'est le retrait des astreintes physiques et des permanences téléphoniques qui aurait constitué une méconnaissance de ses obligations par le mandant.

4°) sur la répartition des mandats à d'autres négociateurs immobiliers et sur la vente de M. [B] :

La SASU APB Immobilier indique qu'elle a dû faire face à l'absence de Mme [D] et qu'elle a dû répondre à une demande d'activité.

Mme [D] indique que son absence n'a duré que quelques jours, que toutefois, la SASU APB Immobilier a fini par lui régler les commissions sur ces mandats hormis celle relative à la vente de M. [B].

La seule pièce produite par Mme [D] est un mandat de vente au nom de M. [B] non signé, divers mandats et diverses annonces publicitaires dont la cour ne peut tirer aucune conséquence faute de pouvoir déterminer l'issue de ces mandats et, s'agissant du mandat de M. [B] si la vente a abouti.

Par ailleurs, le fait pour la SASU APB Immobilier d'avoir confié des mandats à des tiers à la suite de l'absence de son agent commercial n'est pas fautif dès lors que l'agent commercial reçoit le paiement des commissions correspondantes, ce que Mme [D] reconnaît dans ses écritures. Ce manquement imputé à la SASU APB Immobilier n'est pas démontré.

5°) l'absence de fourniture des documents comptables nécessaires à la détermination des commissions et l'absence de justification du chiffre d'affaires :

Mme [D] affirme qu'elle n'avait pas accès aux logiciels métiers comportant les données comptables nécessaires au calcul de ses commissions.

La cour a déjà dit qu'elle ne s'était pas heurtée à une quelconque interdiction d'accès. Ce manquement imputé à la SASU APB Immobilier n'est pas démontré.

6°) sur le report du paiement des honoraires dus :

Mme [D] affirme qu'il était habituel que ses factures soient réglées dans un délai de 2 à 3 semaines et qu'à compter de décembre 2021, la SASU APB Immobilier a appliqué le délai contractuel de 3 mois ; que par ailleurs, alors que le contrat a pris fin le 9 mars 2022, la SASU APB Immobilier a été déloyale en ne lui communiquant pas les éléments sur les ventes conclues depuis lors.

Le contrat liant les parties prévoit en son article 10 que le paiement des honoraires s'effectuera au plus tard le dernier jour du mois qui suivra le trimestre au cours duquel se sera produit le fait générateur du commissionnement et sur présentation de la facture.

Dès lors que les paiements sont intervenus dans le délai contractuel, aucune méconnaissance du contrat ne peut être imputée à la SASU APB Immobilier. Ce manquement imputé à la SASU APB Immobilier n'est pas démontré.

S'agissant des ventes effectuées postérieurement à la fin du contrat, la SASU APB Immobilier verse aux débats :

- un courrier électronique d'envoi de Mme [D] du 31 mars 2022 et la facture jointe, ainsi que le virement effectué par le mandant au titre d'une vente Le Tulzo ;

- un courrier électronique d'envoi du 3 mai 2022 de Mme [D] et la facture jointe, ainsi que le virement effectué par le mandant au titre d'une vente Leroy/ Guillard ;

- un courrier électronique d'envoi du 28 juin 2022 de Mme [D] et la facture jointe, ainsi que le virement effectué par le mandant dans deux ventes Lopes et Robe étant observé que Mme [D] a indiqué dans son courrier qu'elle n'avait pas été informée des ventes considérées et qu'elle avait dès lors rectifié les factures en fonction des montants mentionnés.

Outre que Mme [D] n'indique pas quels seraient ceux de ses mandats antérieurs qui auraient pu donner lieu à des ventes, il résulte des éléments ci-dessus que Mme [D] a finalement été informée des ventes réalisées postérieurement à la rupture du contrat. Ce manquement imputé à la SASU APB Immobilier n'est pas démontré.

Mme [D] ne démontre pas que la SASU APB Immobilier a méconnu le contrat d'agent commercial du 21 avril 2020 ou qu'elle n'a plus été mesure, du fait de son mandant, de poursuivre normalement ses objectifs contractuels. Elle n'a pas vocation à percevoir une indemnité compensatrice dès lors qu'elle est à l'origine de la rupture du contrat.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la SASU APB Immobilier à payer à Mme [E] [D] la somme de 43 528,41 au titre de l'indemnité compensatrice, et Mme [D] sera déboutée de cette demande.

Il sera également infirmé en ce qu'il a condamné la SASU A.P.R. Immobilier aux dépens et condamné la SASU APB Immobilier à payer à Mme [E] [D] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'indemnité de préavis :

La SASU APB Immobilier et la SCP Mandateam soutiennent que c'est Mme [D] qui a rompu le contrat et qui s'est dispensée de tout préavis.

Mme [D] soutient qu'elle avait droit à un préavis de deux mois qui n'a pu être exécuté du fait du mandant.

Réponse de la cour :

Il vient d'être dit que la rupture du contrat est imputable à Mme [D]. S'étant dispensée du préavis, Mme [D] n'a pas vocation à percevoir une indemnité à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [E] [D] au titre de l'indemnité de préavis.

Il sera confirmé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Déclare recevable l'assignation en intervention forcée de la SCP Mandateam, prise en la personne de Maître [Y] [N], es-qualités de mandataire judiciaire de la Société APB Immobilier ;

Infirme le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 15 novembre 2022 en ce qu'il a :

- condamné la SASU APB Immobilier à payer à Mme [E] [D] la somme de 43 528,41 au titre de l'indemnité compensatrice,

- condamné la SASU A.P.R. Immobilier aux dépens,

- condamné la SASU APB Immobilier à payer à madame [E] [D] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

Déboute Mme [D] de sa demande relative au paiement d'une indemnité compensatrice ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Y ajoutant :

Condamne Mme [D] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.