Décisions
CA Metz, 1re ch., 24 septembre 2024, n° 23/01580
METZ
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 23/01580 - N° Portalis DBVS-V-B7H-GAGR
Minute n° 24/00216
[Y]
C/
[S]
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 06 Juillet 2023, enregistrée sous le n° 2022/02649
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2024
APPELANT :
Monsieur [R] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Marie VOGIN, avocat au barreau de METZ
INTIMÉ :
Monsieur [G] [S]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience du 13 Juin 2024 tenue en double rapporteur par Aline BIRONNEAU et Mme Laurence FOURNEL, Conseillère qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 24 Septembre 2024
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL, Conseiller
Mme BIRONNEAU, Conseiller
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre, et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [G] [S] a vendu à M. [R] [Y] un véhicule de marque Audi modèle Q7, immatriculé [Immatriculation 5], au prix de 8.000,00 euros, réglé par virement bancaire du 15 décembre 2021.
Quelques semaines après, M. [R] [Y] a indiqué être tombé en panne et a fait établir un devis d'un montant 11.263,52 euros.
Il a également précisé ne pas avoir réussi à se faire remettre la carte grise barrée du véhicule par M. [G] [S] afin de procéder aux différentes formalités.
M. [R] [Y] a en conséquence mis en demeure M. [G] [S] de procéder au remboursement, et lui a indiqué avoir remisé le véhicule à son domicile.
La mise en demeure étant restée sans effet, M. [R] [Y] a assigné M. [G] [S] devant le tribunal judiciaire de Metz.
***
Par jugement contradictoire du 6 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Metz a :
- Débouté M. [R] [Y] de sa demande en résolution de la vente passée avec M. [G] [S] portant sur un véhicule Audi Q7 immatriculé [Immatriculation 6] tant sur le fondement d'une inexécution contractuelle suffisamment grave de l'article 1224 du code civil que celui de la garantie des vices cachés ;
- Débouté en conséquence M. [R] [Y] de sa demande au titre du prix de vente et des dommages et intérêts représentant la somme de 8.272,80 euros plus celle de 3.000,00 au titre du préjudice de jouissance ;
- Débouté M. [R] [Y] des mêmes demandes sur le fondement de la répétition de l'indu;
- Condamné M. [R] [Y] à enlever par tous moyens de son choix et à ses frais exclusifs le véhicule Audi Q7 immatriculé [Immatriculation 5] stationné au domicile de M. [G] [S] au [Adresse 3] à [Localité 1], à compter du 30e jour suivant signification du jugement et, à défaut d'y procéder, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard laquelle courra pendant une durée de 3 mois ;
- Condamné M. [R] [Y] aux dépens ainsi qu'à régler à M. [G] [S] la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté M. [R] [Y] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.
***
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 20 juillet 2023, M. [R] [Y] a interjeté appel du jugement.
Par ordonnance du 14 mars 2024, le conseiller de la mise en l'état a ordonné la clôture de l'instruction du dossier.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions du 13 février 2024 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [R] [Y] demande à la cour d'appel de :
- ' Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Et statuant à nouveau
- Prononcer la résolution de la vente pour défaut d'exécution de la part du vendeur
- Subsidiairement prononcer l'annulation de la vente en raison de l'existence de vices cachés affectant le véhicule
En conséquence et en tout état de cause,
- Déclarer irrecevables les conclusions déposées par M. [S]
- Condamner M. [S] à procéder au remboursement de la somme de 8.272,80 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 août 2022
- Dire n'y avoir lieu à condamnation de M. [Y] à restituer le véhicule
- Dire n'y avoir lieu à astreinte
A titre infiniment subsidiaire, infirmer le jugement sur l'astreinte, du fait de l'action de M. [S],
- Condamner M. [S] à remettre le véhicule en son état antérieur à tout le moins en justifier,
- Condamner M. [S] au paiement de la somme de 2.500,00 euros au titre de l 'article 700 du CPC outre les entiers frais et dépens ".
Sur l'absence de remise des documents, M. [R] [Y] indique avoir toujours réclamé les documents d'immatriculation. Il précise qu'en procédant au paiement, il a pris possession du véhicule mais pas de la carte grise, ce qui n'a jamais été contesté par le vendeur, puisque dans sa réponse apportée à la mise en demeure il tente de justifier cette absence de régularisation des papiers.
Il ajoute qu'à partir de cette date, ils n'ont plus échangé que par mandataires interposés, de sorte que si une remise avait eu lieu, la carte grise aurait transité par leurs avocats et aurait été justifiée par un courrier officiel. Le fait que les parties se connaissaient ne justifie pas le non-respect du formalisme de la vente et la carte grise barrée aurait dû lui être remise.
M. [R] [Y] ajoute n'avoir cessé de réclamer ce document, jusqu'à la demande de résolution, et indique que la production d'une copie de la carte grise barrée ne justifie pas que M. [S] se soit dépossédé de l'originale.
Il déclare qu'il ne serait pas entêté à demander le document s'il avait été fourni, alors que la loi impose un délai de 15 jours au vendeur pour réaliser la déclaration de cession et 1 mois à l'acquéreur pour obtenir les nouveaux papiers.
M. [Y] constate donc s'être retrouvé en infraction le 15 janvier 2022, la mise en demeure du 12 août 2022 n'ayant pas provoqué de réaction. Il ajoute que M. [S] a reconnu avoir la carte grise en sa possession, mais n'a pas justifié de la remise de l'original depuis, de sorte que ce dernier, qui supporte la charge de la preuve d'avoir accompli son obligation, y succombe.
Sur la garantie des vices cachés, M. [R] [Y] indique, pour le surplus, que le véhicule est tombé en panne alors qu'il était au volant et qu'il a été remorqué dans une concession pour un diagnostic, étant précisé que ce dernier a été fait au nom de M. [S] vu que ce dernier était propriétaire aux yeux de la préfecture, preuve d'une absence de démarches dans les 15 jours.
Le devis étant supérieur au prix de vente, ceci l'a convaincu de demander l'annulation de la vente. M. [S], pour faire échec à cette annulation affirme que M. [R] [Y] connaissait le véhicule pour l'avoir utilisé à plusieurs reprises avant l'acquisition, alors qu'en réalité ce n'est arrivé que deux fois pour conduire le fils de M. [S] à son pensionnat. Le fait que les parties se connaissaient n'exclut pas l'application des règles légales.
M. [R] [Y] estime être dans les délais pour agir et l'ampleur des réparations démontre que les vices n'ont pu apparaitre en deux mois et demi d'utilisation, de sorte qu'il est fondé à invoquer la garantie des vices cachés, sans avoir à démontrer que son vendeur en avait connaissance. La gravité des vices démontre qu'ils existaient ou étaient en germe au moment de la vente, signifiant que M. [S] est tenu de les garantir et que M. [Y] dispose d'une option entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire, la non régularisation des papiers l'ayant amenée à choisir l'annulation ;
M. [R] [Y] ajoute que M. [S] a dupé le juge en affirmant qu'ils s'étaient entendus sur certains travaux, de sorte que l'état du véhicule était entendu et accepté, alors que ceci concernait uniquement le changement de batterie et le remplacement d'une jante fissurée.
Les travaux ont été réalisé mais avancés par M. [Y] vu que M. [S] était au chômage, tout ceci n'ayant pas de lien avec le devis du concessionnaire Audi ;
M. [R] [Y] termine en contestant l'attestation de l'ami de M. [S], qui est de complaisance, dans le but de le discréditer.
Ce dernier s'est gardé de faire réparer ou diagnostiquer le véhicule en concession, mais a en revanche cru utile de faire démonter le véhicule par cet ami qui se dit mécanicien, ceci de manière non contradictoire, sans savoir s'il a été remonté et remis dans son état antérieur
Dans cette attestation, on essaie de faire croire que M. [Y] a procédé à une vidange sauvage alors qu'en tout état de cause, le véhicule est tombé en panne sans lien avec M. [Y], de sorte que M. [S] s'est constitué des preuves à lui-même ;
Sur le trouble de jouissance, M. [R] [Y] rappelle avoir été initialement complaisant vu leur relation, alors qu'il a payé un véhicule qui ne pouvait plus être utilisé depuis février. Ayant besoin d'un véhicule fiable pour se rendre quotidiennement au Luxembourg, il a été obligé de rompre son contrat de travail et de se faire héberger par son frère en région parisienne, faute de pouvoir se loger, ceci à cause de M. [S].
Sur l'astreinte M. [R] [Y] rappelle qu'en cas d'infirmation, l'astreinte prononcée par le tribunal sera caduque.
Il ajoute que même en cas de confirmation, il est fondé à solliciter l'infirmation de l'astreinte car il a été condamné à venir chercher un véhicule non roulant. Il l'a en effet restitué début 2022 à M. [S], ce dernier ayant fait intervenir son ami car non convaincu par le devis de la concession, alors que ses compétences n'étaient pas démontrées. Le véhicule a été démonté par cet ami est l'était toujours selon les photos, rien ne justifiant que M. [S] ait remis le véhicule en l'état.
Sur les écritures de M. [S], M. [Y] les conteste et indique qu'elles sont irrecevables puisque, s'agissant d'une procédure avec représentation obligatoire, les conclusions déposées librement sans avocat admis à postuler devant la cour ne saisissent pas valablement la juridiction.
Aucunes conclusions n'ont été déposées à la cour d'appel de Metz par l'avocat de M. [G] [S], étant précisé qu'il n'est plus représenté.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la recevabilité des documents transmis par de M. [S]
Selon les dispositions de l'article 899 du code de procédure civile, dans les procédures de droit commun en matière contentieuse et devant une formation collégiale les parties sont tenues de constituer avocat qui est seul habilité à produire des conclusions qui au surplus doivent être adressées par voie électronique conformément aux dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile.
Aussi si M. [S] a adressé au greffe de la cour d'appel plusieurs courriers reçus respectivement le 13 novembre 2023, 3 janvier 2024, 5 février 2024, 19 février 2024 et 6 mars 2024, ces pièces n'étant adressées ni par ministère d'avocat ni de manière électronique la cour n'en est pas saisie.
II- Sur la demande de résolution de la vente pour défaut d'exécution de la part du vendeur
Selon les dispositions de l'article 954 du code civil, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris. Ainsi nonobstant l'absence de conclusions de M. [S] celui-ci est réputé s'approprier les motifs du jugement.
***
Selon les dispositions de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Selon l'article 1353 du code civil celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, il appartient à la partie qui invoque la résolution judiciaire de rapporter la preuve de l'inexécution invoquée et de sa gravité.
Il est sollicité la résolution de la vente en invoquant une inexécution grave de la part du vendeur en ce qu'il n'aurait pas remis le certificat d'immatriculation du véhicule à M. [Y].
Cependant contrairement à ce que soutient ce dernier, M. [S] n'a pas admis ne pas avoir remis le certificat d'immatriculation barrée. Il a d'ailleurs produit en première instance, tel que cela ressort du jugement, une copie du certificat d'immatriculation barré comportant la mention relative à la vente avec sa signature.
S'il est évoqué les termes du courrier de M. [S] du 7 aout 2022 qui semblent indiquer que M. [Y] aurait disposé d'une carte grise non barrée, manifestement au regard de la production d'une copie certificat d'immatriculation barrée à l'occasion de la procédure de première instance, le document apparait avoir été correctement établi.
M. [Y] n'explique nullement dans ses conclusions comment M. [S] a pu produire en première instance une copie d'une carte grise barrée alors qu'il soutient ne pas avoir eu un tel document.
En outre pour considérer ce manquement comme grave, à le supposer établit, il convient d'établir que cette absence de délivrance n'a pas permis d'effectuer les diligences administratives utiles. Or M. [Y] ne justifie d'aucune démarche qui auraient été ainsi empêchées.
En outre, alors que ce document est décrit comme essentiel par l'appelant et que le paiement du prix de vente a été réalisé le 15 décembre 2022, il n'est justifié d'aucune demande à M. [S] de communication d'un certificat d'immatriculation barré et la mise en demeure du 12 aout 2022 n'est réalisée que pour solliciter la restitution de la somme de 8336,40 francs suisses.
Il n'est dés lors pas justifié par M. [Y] d'une inexécution grave justifiant que soit prononcée judiciairement la résolution de la vente.
III- Sur la résolution de la vente pour vices cachées
Selon les dispositions de l'article 1641 du code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
Le seul élément mécanique produit est un " bon de matériel " du 17 février 2022 d'une concession Audi qui décrit et tarifie différentes pièces automobiles pour un montant de 11263 euros.
Il ne comporte aucune indication technique sur le véhicule vendu sur la nature des désordres, leur réalité, leur caractère caché et l'antériorité des défauts à la vente.
Il est soutenu que les vices n'ont pu apparaitre en l'espace de deux mois et demi d'utilisation surtout au regard de leur ampleur, cependant aucune expertise ni examen technique ne permet d'étayer cette affirmation.
En outre selon le jugement M. [S] a présenté en première instance une attestation de M. [D] [E]. Elle est établie dans les formes requises selon ce qui a été examiné par le premier juge et le fait qu'elle émane d'un ami de ce dernier n'entache en rien sa validité.
Cette personne a précisé qu'après la panne survenue sur le véhicule il a vu M. [Y] bricoler sur le véhicule de sorte qu'il n'a jamais redémarré ensuite. Il indique qu'avec son accord il a travaillé sur le moteur convenu avec l'acquéreur de l'achat des pièces mais que du fait de son départ du domicile de M. [S] il n'avait plus d'instruction de sa part.
Ainsi comme indiqué par le premier juge, en l'absence d'examen technique du véhicule effectué par un tiers et compte tenu des interventions mécaniques qui ont pu avoir lieu après la panne, M. [Y] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un vice caché justifiant la résolution de la vente. Le jugement sera confirmé.
En l'absence de vice caché et d'établissement d'un manquement de la part de M. [S] il convient de rejeter la demande au titre du trouble de jouissance et de confirmer le jugement entrepris.
IV- Sur l'enlèvement du véhicule sous astreinte
Il ressort des éléments du dossier non contesté sur ce point que M. [Y] a laissé le véhicule chez M. [S] après son départ du domicile de ce dernier.
En l'absence de résolution de vente, M. [Y] est resté propriétaire du véhicule Audi qui est resté sur la propriété de M. [S] au moins jusqu'au jugement de première instance. Il n'est pas justifié que M. [Y] ait procédé à ce jour à l'enlèvement du véhicule nonobstant l'exécution provisoire du jugement, ce qui constitue une atteinte au droit de propriété de M. [S].
Il convient donc de confirmer entièrement le jugement entrepris qui a condamné M. [R] [Y] à enlever par tous moyens de son choix et à ses frais exclusifs le véhicule Audi Q7 immatriculé [Immatriculation 5] stationné au domicile de M. [G] [S] au [Adresse 3] à [Localité 1] à compter du 30e jour suivant signification du jugement et, à défaut d'y procéder, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard laquelle courra pendant une durée de 3 mois.
V- Sur le dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] qui succombe est condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Constate que la cour n'est pas saisie des courriers de M. [G] [S] reçus au greffe respectivement le 13 novembre 2023, 3 janvier 2024, 5 février 2024, 19 février 2024 et 6 mars 2024 ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Et y ajoutant,
Condamne M. [R] [Y] aux dépens d'appel.
La Greffière La Présidente de Chambre
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 23/01580 - N° Portalis DBVS-V-B7H-GAGR
Minute n° 24/00216
[Y]
C/
[S]
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 06 Juillet 2023, enregistrée sous le n° 2022/02649
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2024
APPELANT :
Monsieur [R] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Marie VOGIN, avocat au barreau de METZ
INTIMÉ :
Monsieur [G] [S]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience du 13 Juin 2024 tenue en double rapporteur par Aline BIRONNEAU et Mme Laurence FOURNEL, Conseillère qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 24 Septembre 2024
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL, Conseiller
Mme BIRONNEAU, Conseiller
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre, et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [G] [S] a vendu à M. [R] [Y] un véhicule de marque Audi modèle Q7, immatriculé [Immatriculation 5], au prix de 8.000,00 euros, réglé par virement bancaire du 15 décembre 2021.
Quelques semaines après, M. [R] [Y] a indiqué être tombé en panne et a fait établir un devis d'un montant 11.263,52 euros.
Il a également précisé ne pas avoir réussi à se faire remettre la carte grise barrée du véhicule par M. [G] [S] afin de procéder aux différentes formalités.
M. [R] [Y] a en conséquence mis en demeure M. [G] [S] de procéder au remboursement, et lui a indiqué avoir remisé le véhicule à son domicile.
La mise en demeure étant restée sans effet, M. [R] [Y] a assigné M. [G] [S] devant le tribunal judiciaire de Metz.
***
Par jugement contradictoire du 6 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Metz a :
- Débouté M. [R] [Y] de sa demande en résolution de la vente passée avec M. [G] [S] portant sur un véhicule Audi Q7 immatriculé [Immatriculation 6] tant sur le fondement d'une inexécution contractuelle suffisamment grave de l'article 1224 du code civil que celui de la garantie des vices cachés ;
- Débouté en conséquence M. [R] [Y] de sa demande au titre du prix de vente et des dommages et intérêts représentant la somme de 8.272,80 euros plus celle de 3.000,00 au titre du préjudice de jouissance ;
- Débouté M. [R] [Y] des mêmes demandes sur le fondement de la répétition de l'indu;
- Condamné M. [R] [Y] à enlever par tous moyens de son choix et à ses frais exclusifs le véhicule Audi Q7 immatriculé [Immatriculation 5] stationné au domicile de M. [G] [S] au [Adresse 3] à [Localité 1], à compter du 30e jour suivant signification du jugement et, à défaut d'y procéder, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard laquelle courra pendant une durée de 3 mois ;
- Condamné M. [R] [Y] aux dépens ainsi qu'à régler à M. [G] [S] la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté M. [R] [Y] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.
***
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 20 juillet 2023, M. [R] [Y] a interjeté appel du jugement.
Par ordonnance du 14 mars 2024, le conseiller de la mise en l'état a ordonné la clôture de l'instruction du dossier.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions du 13 février 2024 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [R] [Y] demande à la cour d'appel de :
- ' Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Et statuant à nouveau
- Prononcer la résolution de la vente pour défaut d'exécution de la part du vendeur
- Subsidiairement prononcer l'annulation de la vente en raison de l'existence de vices cachés affectant le véhicule
En conséquence et en tout état de cause,
- Déclarer irrecevables les conclusions déposées par M. [S]
- Condamner M. [S] à procéder au remboursement de la somme de 8.272,80 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 août 2022
- Dire n'y avoir lieu à condamnation de M. [Y] à restituer le véhicule
- Dire n'y avoir lieu à astreinte
A titre infiniment subsidiaire, infirmer le jugement sur l'astreinte, du fait de l'action de M. [S],
- Condamner M. [S] à remettre le véhicule en son état antérieur à tout le moins en justifier,
- Condamner M. [S] au paiement de la somme de 2.500,00 euros au titre de l 'article 700 du CPC outre les entiers frais et dépens ".
Sur l'absence de remise des documents, M. [R] [Y] indique avoir toujours réclamé les documents d'immatriculation. Il précise qu'en procédant au paiement, il a pris possession du véhicule mais pas de la carte grise, ce qui n'a jamais été contesté par le vendeur, puisque dans sa réponse apportée à la mise en demeure il tente de justifier cette absence de régularisation des papiers.
Il ajoute qu'à partir de cette date, ils n'ont plus échangé que par mandataires interposés, de sorte que si une remise avait eu lieu, la carte grise aurait transité par leurs avocats et aurait été justifiée par un courrier officiel. Le fait que les parties se connaissaient ne justifie pas le non-respect du formalisme de la vente et la carte grise barrée aurait dû lui être remise.
M. [R] [Y] ajoute n'avoir cessé de réclamer ce document, jusqu'à la demande de résolution, et indique que la production d'une copie de la carte grise barrée ne justifie pas que M. [S] se soit dépossédé de l'originale.
Il déclare qu'il ne serait pas entêté à demander le document s'il avait été fourni, alors que la loi impose un délai de 15 jours au vendeur pour réaliser la déclaration de cession et 1 mois à l'acquéreur pour obtenir les nouveaux papiers.
M. [Y] constate donc s'être retrouvé en infraction le 15 janvier 2022, la mise en demeure du 12 août 2022 n'ayant pas provoqué de réaction. Il ajoute que M. [S] a reconnu avoir la carte grise en sa possession, mais n'a pas justifié de la remise de l'original depuis, de sorte que ce dernier, qui supporte la charge de la preuve d'avoir accompli son obligation, y succombe.
Sur la garantie des vices cachés, M. [R] [Y] indique, pour le surplus, que le véhicule est tombé en panne alors qu'il était au volant et qu'il a été remorqué dans une concession pour un diagnostic, étant précisé que ce dernier a été fait au nom de M. [S] vu que ce dernier était propriétaire aux yeux de la préfecture, preuve d'une absence de démarches dans les 15 jours.
Le devis étant supérieur au prix de vente, ceci l'a convaincu de demander l'annulation de la vente. M. [S], pour faire échec à cette annulation affirme que M. [R] [Y] connaissait le véhicule pour l'avoir utilisé à plusieurs reprises avant l'acquisition, alors qu'en réalité ce n'est arrivé que deux fois pour conduire le fils de M. [S] à son pensionnat. Le fait que les parties se connaissaient n'exclut pas l'application des règles légales.
M. [R] [Y] estime être dans les délais pour agir et l'ampleur des réparations démontre que les vices n'ont pu apparaitre en deux mois et demi d'utilisation, de sorte qu'il est fondé à invoquer la garantie des vices cachés, sans avoir à démontrer que son vendeur en avait connaissance. La gravité des vices démontre qu'ils existaient ou étaient en germe au moment de la vente, signifiant que M. [S] est tenu de les garantir et que M. [Y] dispose d'une option entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire, la non régularisation des papiers l'ayant amenée à choisir l'annulation ;
M. [R] [Y] ajoute que M. [S] a dupé le juge en affirmant qu'ils s'étaient entendus sur certains travaux, de sorte que l'état du véhicule était entendu et accepté, alors que ceci concernait uniquement le changement de batterie et le remplacement d'une jante fissurée.
Les travaux ont été réalisé mais avancés par M. [Y] vu que M. [S] était au chômage, tout ceci n'ayant pas de lien avec le devis du concessionnaire Audi ;
M. [R] [Y] termine en contestant l'attestation de l'ami de M. [S], qui est de complaisance, dans le but de le discréditer.
Ce dernier s'est gardé de faire réparer ou diagnostiquer le véhicule en concession, mais a en revanche cru utile de faire démonter le véhicule par cet ami qui se dit mécanicien, ceci de manière non contradictoire, sans savoir s'il a été remonté et remis dans son état antérieur
Dans cette attestation, on essaie de faire croire que M. [Y] a procédé à une vidange sauvage alors qu'en tout état de cause, le véhicule est tombé en panne sans lien avec M. [Y], de sorte que M. [S] s'est constitué des preuves à lui-même ;
Sur le trouble de jouissance, M. [R] [Y] rappelle avoir été initialement complaisant vu leur relation, alors qu'il a payé un véhicule qui ne pouvait plus être utilisé depuis février. Ayant besoin d'un véhicule fiable pour se rendre quotidiennement au Luxembourg, il a été obligé de rompre son contrat de travail et de se faire héberger par son frère en région parisienne, faute de pouvoir se loger, ceci à cause de M. [S].
Sur l'astreinte M. [R] [Y] rappelle qu'en cas d'infirmation, l'astreinte prononcée par le tribunal sera caduque.
Il ajoute que même en cas de confirmation, il est fondé à solliciter l'infirmation de l'astreinte car il a été condamné à venir chercher un véhicule non roulant. Il l'a en effet restitué début 2022 à M. [S], ce dernier ayant fait intervenir son ami car non convaincu par le devis de la concession, alors que ses compétences n'étaient pas démontrées. Le véhicule a été démonté par cet ami est l'était toujours selon les photos, rien ne justifiant que M. [S] ait remis le véhicule en l'état.
Sur les écritures de M. [S], M. [Y] les conteste et indique qu'elles sont irrecevables puisque, s'agissant d'une procédure avec représentation obligatoire, les conclusions déposées librement sans avocat admis à postuler devant la cour ne saisissent pas valablement la juridiction.
Aucunes conclusions n'ont été déposées à la cour d'appel de Metz par l'avocat de M. [G] [S], étant précisé qu'il n'est plus représenté.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la recevabilité des documents transmis par de M. [S]
Selon les dispositions de l'article 899 du code de procédure civile, dans les procédures de droit commun en matière contentieuse et devant une formation collégiale les parties sont tenues de constituer avocat qui est seul habilité à produire des conclusions qui au surplus doivent être adressées par voie électronique conformément aux dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile.
Aussi si M. [S] a adressé au greffe de la cour d'appel plusieurs courriers reçus respectivement le 13 novembre 2023, 3 janvier 2024, 5 février 2024, 19 février 2024 et 6 mars 2024, ces pièces n'étant adressées ni par ministère d'avocat ni de manière électronique la cour n'en est pas saisie.
II- Sur la demande de résolution de la vente pour défaut d'exécution de la part du vendeur
Selon les dispositions de l'article 954 du code civil, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris. Ainsi nonobstant l'absence de conclusions de M. [S] celui-ci est réputé s'approprier les motifs du jugement.
***
Selon les dispositions de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Selon l'article 1353 du code civil celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, il appartient à la partie qui invoque la résolution judiciaire de rapporter la preuve de l'inexécution invoquée et de sa gravité.
Il est sollicité la résolution de la vente en invoquant une inexécution grave de la part du vendeur en ce qu'il n'aurait pas remis le certificat d'immatriculation du véhicule à M. [Y].
Cependant contrairement à ce que soutient ce dernier, M. [S] n'a pas admis ne pas avoir remis le certificat d'immatriculation barrée. Il a d'ailleurs produit en première instance, tel que cela ressort du jugement, une copie du certificat d'immatriculation barré comportant la mention relative à la vente avec sa signature.
S'il est évoqué les termes du courrier de M. [S] du 7 aout 2022 qui semblent indiquer que M. [Y] aurait disposé d'une carte grise non barrée, manifestement au regard de la production d'une copie certificat d'immatriculation barrée à l'occasion de la procédure de première instance, le document apparait avoir été correctement établi.
M. [Y] n'explique nullement dans ses conclusions comment M. [S] a pu produire en première instance une copie d'une carte grise barrée alors qu'il soutient ne pas avoir eu un tel document.
En outre pour considérer ce manquement comme grave, à le supposer établit, il convient d'établir que cette absence de délivrance n'a pas permis d'effectuer les diligences administratives utiles. Or M. [Y] ne justifie d'aucune démarche qui auraient été ainsi empêchées.
En outre, alors que ce document est décrit comme essentiel par l'appelant et que le paiement du prix de vente a été réalisé le 15 décembre 2022, il n'est justifié d'aucune demande à M. [S] de communication d'un certificat d'immatriculation barré et la mise en demeure du 12 aout 2022 n'est réalisée que pour solliciter la restitution de la somme de 8336,40 francs suisses.
Il n'est dés lors pas justifié par M. [Y] d'une inexécution grave justifiant que soit prononcée judiciairement la résolution de la vente.
III- Sur la résolution de la vente pour vices cachées
Selon les dispositions de l'article 1641 du code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
Le seul élément mécanique produit est un " bon de matériel " du 17 février 2022 d'une concession Audi qui décrit et tarifie différentes pièces automobiles pour un montant de 11263 euros.
Il ne comporte aucune indication technique sur le véhicule vendu sur la nature des désordres, leur réalité, leur caractère caché et l'antériorité des défauts à la vente.
Il est soutenu que les vices n'ont pu apparaitre en l'espace de deux mois et demi d'utilisation surtout au regard de leur ampleur, cependant aucune expertise ni examen technique ne permet d'étayer cette affirmation.
En outre selon le jugement M. [S] a présenté en première instance une attestation de M. [D] [E]. Elle est établie dans les formes requises selon ce qui a été examiné par le premier juge et le fait qu'elle émane d'un ami de ce dernier n'entache en rien sa validité.
Cette personne a précisé qu'après la panne survenue sur le véhicule il a vu M. [Y] bricoler sur le véhicule de sorte qu'il n'a jamais redémarré ensuite. Il indique qu'avec son accord il a travaillé sur le moteur convenu avec l'acquéreur de l'achat des pièces mais que du fait de son départ du domicile de M. [S] il n'avait plus d'instruction de sa part.
Ainsi comme indiqué par le premier juge, en l'absence d'examen technique du véhicule effectué par un tiers et compte tenu des interventions mécaniques qui ont pu avoir lieu après la panne, M. [Y] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un vice caché justifiant la résolution de la vente. Le jugement sera confirmé.
En l'absence de vice caché et d'établissement d'un manquement de la part de M. [S] il convient de rejeter la demande au titre du trouble de jouissance et de confirmer le jugement entrepris.
IV- Sur l'enlèvement du véhicule sous astreinte
Il ressort des éléments du dossier non contesté sur ce point que M. [Y] a laissé le véhicule chez M. [S] après son départ du domicile de ce dernier.
En l'absence de résolution de vente, M. [Y] est resté propriétaire du véhicule Audi qui est resté sur la propriété de M. [S] au moins jusqu'au jugement de première instance. Il n'est pas justifié que M. [Y] ait procédé à ce jour à l'enlèvement du véhicule nonobstant l'exécution provisoire du jugement, ce qui constitue une atteinte au droit de propriété de M. [S].
Il convient donc de confirmer entièrement le jugement entrepris qui a condamné M. [R] [Y] à enlever par tous moyens de son choix et à ses frais exclusifs le véhicule Audi Q7 immatriculé [Immatriculation 5] stationné au domicile de M. [G] [S] au [Adresse 3] à [Localité 1] à compter du 30e jour suivant signification du jugement et, à défaut d'y procéder, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard laquelle courra pendant une durée de 3 mois.
V- Sur le dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] qui succombe est condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Constate que la cour n'est pas saisie des courriers de M. [G] [S] reçus au greffe respectivement le 13 novembre 2023, 3 janvier 2024, 5 février 2024, 19 février 2024 et 6 mars 2024 ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Et y ajoutant,
Condamne M. [R] [Y] aux dépens d'appel.
La Greffière La Présidente de Chambre