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Décisions

CA Pau, 1re ch., 24 septembre 2024, n° 22/03427

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

La Madeleine (SAS), Zetor France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Faure

Conseiller :

Mme de Framond

Avocats :

Me Marguiraut, Me Soulie, Me Chevallier-Fillastre

TJ Tarbes, du 24 nov. 2022, n° 21/00488

24 novembre 2022

EXPOSE DU LITIGE

Madame [P] [U], qui exerce la profession d'agricultrice à [Localité 4], a acquis, suivant facture en date du 29 novembre 2013, un tracteur neuf de marque ZETOR modèle FORTERRA HSX EVO 110 immatriculé [Immatriculation 3], pour le prix de 59.000,00 euros HT soit 70.564,00 euros TTC, auprès de la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHANEL, spécialisé dans le matériel agricole et concessionnaire des marques SAME, DEUTZ, FAHR, VICON et ZETOR.

Au mois de juin 2017, le tracteur est tombé en panne à la suite d'un problème en lien avec la prise de force, conduisant les Etablissements CHAXEL à établir un devis de 2.778,96 euros HT en date du 13 juin 2017, pour le remplacement de l'embrayage hydraulique de la prise de force dont la détérioration a été imputée tant par le vendeur que par le constructeur à une mauvaise utilisation de l'engin par son propriétaire.

Madame [P] [U], contestant la position du vendeur et du constructeur, a fait appel à son assurance de protection juridique GROUPAMA, qui a saisi le 21 février 2018, le cabinet d'expertise SEA, agence de [Localité 6], en la personne de Monsieur [S] [T] aux fins d'effectuer une expertise amiable.

Après avoir organisé plusieurs réunions d'expertise en présence des époux [U], de Monsieur [Z], expert automobile mandaté par l'assureur de protection juridique du constructeur la S.A.R.L. ZETOR FRANCE, de Monsieur [B] [E], président de la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL et de Monsieur [L], technicien de la S.A.S. DE LA MADELEINE, Monsieur [S] [T] a établi un rapport en date du 09 octobre 2018 à la suite duquel le vendeur a procédé à la réparation de l'embrayage de la prise de force et à l'entretien du véhicule selon facture en date du 24 août 2018 d'un montant 3.315,77 euros HT soit 3.978,92 euros TTC payée par Madame [P] [U].

Cependant un désaccord étant survenu entre les parties concernant la prise en charge de la reprogrammation du calculateur de gestion de vitesse d'enclenchement de la prise de force, ce n'est que le 07 février 2019 que le tracteur a été restitué à sa propriétaire.

Dès le 08 février 2019, soit le lendemain de la restitution du tracteur, de nouveaux désordres sont apparus, à la suite desquels une nouvelle expertise amiable mais non contradictoire, a été réalisée le 18 février 2019 par Monsieur [S] [T] du cabinet d'expertise SEA qui a constaté que l'essui-glace avant ne fonctionnait pas ainsi que l'organe de commande de circulation de l'air dans la cabine, que le niveau de liquide de refroidissement était bas et qu'au moment de la mise en route, apparaissait sur le tableau de bord un voyant rouge avec un code défaut n°520 258, dont l'expert [T] a indiqué dans son rapport du 20 février 2019, qu'il était en lien avec la boîte de vitesse et donc en relation avec la prestation de la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL.

Selon facture en date du 10 mai 2019 du GAEC DERRAMOND, Madame [P] [U] a acquis un tracteur NEW HOLLAND modèle T5070 d'occasion pour le prix de 35.040,00 euros TTC.

Par ailleurs, faute de solution amiable au litige, par exploits des 13 et 14 mai 2019, Madame [P] [U] a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Tarbes, la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL et la S.A.R.L. ZETOR FRANCE, aux fins d'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 18 juin 2019 le juge des référés du tribunal de grande instance de Tarbes a :

- ordonné une mesure d'expertise,

- commis pour y procéder Monsieur [X] [W], expert près la cour d'appel de Toulouse, avec la mission de :

* examiner le tracteur de marque ZETOR modèle FORTERRA HSX EVO 110, immatriculé [Immatriculation 3], propriété de Madame [P] [U], après s'être fait remettre toutes factures et tous documents relatifs à l'entretien mécanique du véhicule tant avant la réparation litigieuse qu'après celle-ci,

* décrire l'état du véhicule, rechercher s'il présente une non-conformité, un défaut de fabrication, une anomalie ou tout dysfonctionnement dont il est fait état dans l'assignation,

* le cas échéant, décrire les désordres présentés par le véhicule et préciser si ces désordres rendent ou non le véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné,

* le cas échéant, déterminer les raisons qui ont poussé le constructeur à modifier le bouton de commande de la prise de force particulier au modèle de tracteur litigieux,

* déterminer les causes de ces désordres et rechercher notamment s'ils sont la conséquence des réparations effectuées par les établissements CHAXEL,

* préconiser, détailler et chiffrer les solutions techniques de reprise afin de remédier aux défauts de conformité, non-conformités ou aux désordres constatés,

* fournir toute indication sur la durée prévisible d'exécution des réfections ainsi que les préjudices tels que la moins-value, la privation ou la limitation de jouissance du véhicule ou tout préjudice économique,

* donner tous éléments techniques et de fait de nature à permettre de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer, s'il y a lieu, tous les préjudices subis de quelque nature que ce soit,

* d'une manière générale, fournir à la juridiction susceptible d'être saisie tous renseignements et procéder à toutes investigations permettant de l'éclairer sur le litige opposant les parties,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens de l'instance à la charge de Madame [P] [U].

L'expert judiciaire a clôturé son rapport le 20 octobre 2020.

Par exploits des 08 et 09 février 2021, Madame [P] [U] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Tarbes, la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL et la S.A.R.L. ZETOR FRANCE sur le fondement de l'article 1184 du code civil, aux fins de :

A titre principal :

- prononcer la résolution de la vente,

- ordonner la restitution du tracteur contre la restitution de son prix d'achat dans le mois suivant la signification de la décision à intervenir,

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE au remboursement de la somme de 3.978,92 euros TTC correspondant aux dépenses engagées par Madame [U] pour la réparation de la prise de force,

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE au remboursement des primes d'assurances depuis le 19 septembre 2017 soit la somme de 2.447,67 euros,

A titre subsidiaire :

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE au remboursement de la somme de 3.978,92 euros TTC avec intérêt au taux légale à compter du 19 septembre 2017 correspondant aux dépenses engagées par Madame [U] pour la réparation de la prise de force,

- ordonner la réparation du vehicule chez le concessionnaire du choix de Madame [U] et aux frais de la société CHAXEL et de la société ZETOR FRANCE solidairement,

En tout état de cause :

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE au paiement de la somme de 15.000,00 euros au titre de dommages et intérêts tenant compte des circonstances, du temps écoulé, de la mauvaise foi du constructeur et du vendeur et de la privation de jouissance de son matériel,

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE à rembourser à Madame [U] la somme de 1.748,00 euros correspondant aux honoraires de l'expert judiciaire,

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE au paiement de la somme de 5.000,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE au paiement des dépens de l'instance de référé et de l'instance au fond.

Par jugement contradictoire en date du 24 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Tarbes a :

- débouté Madame [P] [U] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la S.A.S. LA MADELEINE et de la S.A.R.L. ZETOR FRANCE,

- condamné Madame [P] [U] à payer à la S.A.S. LA MADELEINE la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement avec capitalisation des intérêts au bout d'un an et renouvelable tous les ans,

- condamné Madame [P] [U] à payer à la S.A.R.L. ZETOR FRANCE la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [P] [U] aux entiers dépens incluant les frais d'expertise, dépens de l'instance de référé et de la présente instance.

Les motifs du jugement sont les suivants

S'agissant des demandes dirigées à l'encontre de la S.A.S. LA MADELEINE, le vendeur

Après avoir rappelé qu'en vertu de l'article 1184 du code civil, le manquement du vendeur à ses obligations d'information et de conseil pouvait justifier la résolution de la vente si ce manquement était d'une gravité suffisante et qu'en l'espèce, Madame [P] [U] reprochait à la SAS LA MADELEINE de ne pas avoir porté à sa connaissance les dysfonctionnements du tracteur liés à des défauts de fabrication récurrents concernant notamment la prise de force du véhicule, le premier juge a considéré qu'il résultait du rapport d'expertise judiciaire que le véhicule était en bon état, qu'il ne présentait pas de non-conformité et qu'aucun défaut de fabrication n'avait été constaté, conclusions qui n'étaient contredites par aucun élément technique versé aux débats par Madame [P] [U], le premier juge ajoutant qu'il ne pouvait être reproché au vendeur de ne pas avoir informé cette dernière des conditions dans lesquelles le mécanisme de la prise de force devait être utilisé, alors que la note du fabricant préconisant une modification de la prise de force était largement postérieure à la vente.

Le tribunal a par conséquent débouté Madame [P] [U] de sa demande de résolution de la vente et de l'ensemble de ses autres demandes, estimant que la responsabilité du vendeur ne pouvait être retenue.

S'agissant des demandes dirigées à l'encontre de la S.A.R.L. ZETOR FRANCE, le constructeur

Le premier juge a retenu que l'expert judiciaire avait conclu qu'aucun défaut de fabrication ne pouvait être relevé et il a considéré que la modification par le constructeur ZETOR FRANCE du système de mise en route de la prise de force n'avait pour seul but que de faciliter la prise en main par les utilisateurs et leur éviter un mauvais choix de démarrage mais n'était pas destinée à corriger une anomalie récurrente.

Le tribunal, estimant que la responsabilité du constructeur ne pouvait être engagée, a débouté Madame [P] [U] de ses demandes formées à son encontre.

Par déclaration du 21 décembre 2022, Madame [P] [U] a interjeté appel de cette décision, intimant la S.A.S. LA MADELEINE et la S.A.R.L. ZETOR FRANCE et critiquant la décision en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 21 mars 2023 par le RPVA, Madame [P] [U], appelante, demande à la cour, sur le fondement de l'article 1184 du code civil, de:

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tarbes du 24 novembre 2022 de première instance en ce qu'il a :

* débouté Madame [P] [U] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la S.A.S. LA MADELEINE et de la S.A.R.L. ZETOR FRANCE,

* condamné Madame [P] [U] à payer à la S.A.S. LA MADELEINE la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement avec capitalisation des intérêts au bout d'un an et renouvelable tous les ans,

* condamné Madame [P] [U] à payer à la S.A.R.L. ZETOR FRANCE la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Madame [P] [U] aux entiers dépens incluant les frais d'expertise, dépens de l'instance de référé et de la procédure de première instance au fond,

Et, statuant à nouveau :

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE au remboursement de la somme de 3.978,92 euros TTC correspondant aux dépenses engagées par Madame [U] pour la réparation de la prise de force avec intérêt au taux légal à compter du 19 septembre 2017,

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE au remboursement des primes d'assurances depuis le 19 septembre 2017 soit la somme de 2.447,67 euros,

- ordonner la réparation du véhicule chez le concessionnaire du choix de Madame [U] et aux frais de la société CHAXEL et de la société ZETOR FRANCE solidairement, à défaut le paiement de la somme de 5000,00 euros au titre des réparations à effectuer,

- ordonner la remise d'un kit de climatisation à la société ZETOR FRANCE,

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE au paiement de la somme de 15.000,00 euros au titre de dommages et intérêt tenant compte des circonstances, du temps écoulé, de la mauvaise foi du constructeur et du vendeur et de la privation de jouissance de son matériel,

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE à rembourser à Madame [U] la somme de 1.748,00 euros,

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE au paiement de la somme de 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement l'entreprise CHAXEL et la société ZETOR FRANCE au paiement des dépens de l'instance de référé et de l'instance au fond.

Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 11 avril 2023 par le RPVA, la SAS LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne CHAXEL, intimée, demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tarbes du 24 novembre 2022,

- débouter Madame [P] [U] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- si par impossible une quelconque responsabilité de la SAS LA MADELEINE était retenue en l'espèce, condamner la SARL ZETOR FRANCE à garantir la SAS LA MADELEINE de toute condamnation prononcée à son encontre sur le fondement des articles 334 à 338 du code de procédure civile,

En tout état de cause :

- condamner Madame [P] [U] à verser à la SAS LA MADELEINE la somme de 3.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir avec capitalisation des intérêts au terme d'un délai d'un an et renouvelable tous les ans,

- condamner Madame [P] [U] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 12 juin 2023 par le RPVA, la S.A.R.L. ZETOR FRANCE demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tarbes du 24 novembre 2022, en ce qu'il a:

* débouté Madame [P] [U] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la S.A.S. LA MADELEINE et de la S.A.R.L. ZETOR FRANCE,

* condamné Madame [P] [U] à payer à la S.A.S. LA MADELEINE la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement avec capitalisation des intérêts au bout d'un an et renouvelable tous les ans,

* condamné Madame [P] [U] à payer à la S.A.R.L. ZETOR FRANCE la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Madame [P] [U] aux entiers dépens incluant les frais d'expertise, dépens de l'instance de référé et de la procédure de première instance au fond,

- juger que la SARL ZETOR FRANCE n'est à l'origine d'aucun défaut de fabrication du tracteur,

- juger qu'il y a lieu de mettre la SARL ZETOR FRANCE hors de cause,

En conséquence, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile:

- déclarer irrecevable la demande nouvelle de Madame [U] s'agissant de la fourniture d'un kit de climatisation,

- débouter Madame [P] [U] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter la SAS LA MADELEINE de ses demandes à l'encontre de la SARL ZETOR FRANCE,

- condamner Madame [P] [U] aux dépens en ce compris les frais d'expertise,

- condamner Madame [P] [U] à payer à la SARL ZETOR FRANCE une indemnité de 3.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 mars 2024.

MOTIFS

A titre liminaire la cour constate que c'est de manière impropre que Madame [P] [U] nomme son vendeur "la société CHAXEL ou l'entreprise CHAXEL" et sollicite la condamnation de la "société CHAXEL ou de l'entreprise CHAXEL"; en effet, la société CHAXEL n'existe pas pas plus que l'entreprise CHAXEL, CHAXEL étant le nom commercial sous lequel la S.A.S. LA MADELEINE exerce son activité ; il convient dès lors de considérer que lorsque Madame [P] [U] évoque la "société CHAXEL ou l'entreprise CHAXEL", il s'agit de la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL et que les demandes formulées à l'encontre de "la société CHAXEL" le sont en réalité à l'encontre de la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etabissements CHAXEL (ci-après les Etablissements CHAXEL).

Par ailleurs, si devant le premier juge Madame [P] [U] sollicitait la résolution de la vente du tracteur litigieux et si elle demande d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, elle indique ne plus formuler de demande de résolution de la vente devant la cour qui n'en n'est donc pas saisie; en revanche elle maintient ses demandes de paiement de sommes sur le fondement de la responsabilité contractuelle à l'encontre de la S.A.S. LA MADELEINE et sur le fondement de la responsabilité délictuelle à l'encontre de la S.A.R.L. ZETOR FRANCE.

1°) Sur le rapport d'expertise judiciaire

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise judiciaire qu'au moment de son examen par l'expert, le 26 septembre 2019, le tracteur se trouvait entreposé au siège de l'exploitation de Madame [P] [U] et que l'expert a constaté les points suivants :

- le voyant "témoin de panne" rouge de la boîte à vitesses s'allume au tableau de bord ;

- le code défaut "520 258" est affiché au tableau de bord ;

- le capteur du volant d'inertie est dévissé ;

- le système de mise en route de la prise de force fonctionne normalement ;

- le niveau d'huile de transmission est correct ;

- le niveau de liquide de refroidissement est bas (ajout de 3 litres de liquide pour atteindre le niveau maxi) ;

- le plafond de la cabine fait apparaître des infiltrations d'eau ;

- le bouton de ventilation est difficile à activer ;

- l'essui-glace ne fonctionne pas.

S'agissant du dysfonctionnement constaté par l'expert judiciaire du capteur de vitesses placé sur le volant moteur, l'expert indique que ce désordre ne rend pas le véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné et il explique que, suite à la réparation de l'embrayage de la prise de force, la cause de dysfonctionnement du capteur de vitesses paraît être dû à un défaut de serrage ; il estime cependant qu'aucun élément précis ne permet d'affirmer qu'il est la conséquence des travaux effectués par les Etablissements CHAXEL et qu'il en est de même pour les traces d'infiltration d'eau dans la cabine ainsi que des défauts de fonctionnement du bouton de ventilation difficile à actionner et de l'essui-glace.

L'expert estime le montant des travaux de reprise à la somme de 4.255,87 euros HT soit 5.107,04 euros TTC, selon devis établi le 10 octobre 2019 par les Etablissements CHAXEL, travaux d'une durée prévisible d'une semaine.

S'agissant de la prise de force, l'expert judiciaire rappelle les conditions dans lesquelles la panne est survenue au mois de juin 2017 selon les dires de Monsieur [U], qui a expliqué qu'il travaillait avec sa presse à balles rondes sur une de ses parcelles à la vitesse de 9 km/h et qu'il venait de réaliser une dizaine de balles lorsque la presse s'est arrêtée en fin de cycle de fabrication ; il a alors reculé, vidé et nettoyé la presse sans trouver de corps étranger ; après avoir repris le travail à 6 km/h, il a constaté que le ramasseur avait ralenti et il n'a pu arriver au terme du cyle de fabrication, le ramasseur n'étant plus entraîné par la prise de force.

L'expert judiciaire précise que le tracteur était à l'origine équipé d'un système de mise en route de prise de force qui comportait 3 positions : position souple, position intermédiaire et position dure et qu'afin de solutionner des problèmes d'embrayage de prise de force brûlés, pouvant être causés par un mauvais choix de démarrage de l'embrayage de prise de force de la part des utilisateurs, le constructeur ZETOR a modifié le système de mise en route de la prise de force.

Selon l'expert judiciaire, un mauvais choix de démarrage de la prise de force lors de l'utilisation paraît être à l'origine des incidents rencontrés sur l'embrayage de la prise de force ; il indique que Madame [P] [U] a accepté de prendre à sa charge une partie de la réparation moyennant une participation à titre commercial des Etablissements CHAXEL et de la S.A.R.L. ZETOR FRANCE.

L'expert judiciaire a conclu que le véhicule était en bon état et ne présentait pas de non-conformité et il a i ndiqué qu'au cours des travaux d'expertise aucun défaut de fabrication n'avait été constaté.

Concernant les dysfonctionnements évoqués suite à la réparation de la prise de force, l'expert a estimé qu'aucun élément technique ne permettait de constater qu'ils étaient la conséquence des travaux effectués sur l'embrayage de la prise de force.

2°) Sur les responsabilités

Madame [P] [U] met en cause la responsabilité contractuelle de la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL en sa qualité de garagiste ayant effectué les réparations du tracteur après la première panne survenue au mois de juin 2017.

Elle fait valoir que le garagiste a une obligation de résultat concernant les réparations qu'il effectue sur les véhicules qui lui sont confiés, entraînant sa responsabilité de plein droit sauf preuve d'une cause étrangère.

Elle expose que dès le 08 février 2019, soit le lendemain de sa restitution après la réparation de la première panne, le tracteur a présenté de nouvelles anomalies se traduisant par l'apparition sur le tableau de bord d'un voyant lumineux dont l'expert du cabinet SEA a indiqué qu'il était en lien avec la boîte de vitesse et donc en relation avec la prestation des Etablissements CHAXEL ; Madame [P] [U] souligne qu'au cours de l'expertise judiciaire, l'expert [W] a constaté un défaut de montage de certaines pièces par les établissements CHAXEL à qui il a demandé de démonter et de remonter les pièces mal montées, ce qui n'a cependant pas résolu le problème, les voyants rouges s'étant rallumés.

Elle indique qu'à la demande de l'expert judiciaire, les Etablissements CHAXEL ont adressé un devis pour remédier au problème, devis qui a été retenu par l'expert à hauteur de 4.255,87 euros HT.

Elle considère que dans ces conditions, après la première réparation effectuée par la S.A.S. LA MADELEINE, le tracteur litigieux n'est toujours pas en état de fonctionner et que c'est donc à tort que le premier juge n'a pas retenu la responsabilité de la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL.

Elle indique qu'ayant légitimement perdu toute confiance en les Etablissements CHAXEL, elle souhaite pouvoir confier les réparations à un professionnel de son choix et demande à la cour d'ordonner la réparation du tracteur aux frais des Etablissements CHAXEL et de la S.A.R.L. ZETOR FRANCE et à défaut, elle réclame leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 4.255,87 euros HT majorée de 15 % pour tenir compte de l'évolution des prix des pièces et des prestations, soit une somme de 4.894,25 euros HT arrondie à 5.000,00 euros HT.

Cependant, si elle sollicite la condamnation solidaire avec le vendeur du constructeur la S.A.R.L. ZETOR FRANCE, pour les prestations de réparation des Etablissements CHAXEL, elle se contente d'indiquer que cette demande est faite sur un fondement délictuel sans fournir aucune argumentation sur les fautes pouvant justifier une éventuelle condamnation du constructeur.

S'agissant du défaut de la prise de force, Madame [P] [U] fait valoir que le tracteur qui lui a été vendu est atteint d'un défaut de conception imputable au constructeur et que le vendeur a non seulement une obligation de conseil et de loyauté envers son client, mais qu'il est aussi responsable de la qualité du produit en fonction de l'utilisation normale attendue, de sorte qu'elle sollicite leur condamnation solidaire.

Elle soutient qu'il ne lui appartient pas de supporter la réparation de la prise de force alors qu'il s'agit d'un problème récurrent ayant conduit le constructeur ZETOR à modifier le système de mise en route de la pièce de force en passant d'une commande à plusieurs positions à une commande simple avec une fonction "allumer-éteindre" comme cela ressort d'une note de service rédigée par le constructeur au mois de septembre 2017.

Elle sollicite le remboursement de la somme de 3.315,77 euros HT soit 3.978,92 euros TTC correspondant à la première réparation inefficace et la condamnation solidaire de la S.A.S. LA MADELEINE et de la S.A.R.L. ZETOR FRANCE à lui payer cette somme.

Enfin, elle expose qu'il existe un défaut au niveau de la climatisation de la cabine du tracteur et que la S.A.R.L. ZETOR FRANCE s'était engagée à lui fournir gratuitement un kit de climatisation ce qu'elle n'a jamais fait ; elle fait valoir que ce grief figurait dans l'assignation en référé et que l'expert judiciaire qui avait reçu mission de notamment rechercher toute anomalie ou tout dysfonctionnement dont il est fait état dans l'assignation, n'a pas répondu à sa mission concernant cette difficulté qu'il n'a pas évoquée dans son rapport et elle demande que la cour ordonne à la S.A.R.L. ZETOR FRANCE de lui remettre ce kit de climatisation.

La S.A.S. LA MADELEINE fait valoir que le rapport d'expertise judiciaire, dont les conclusions ne sont pas utilement remises en cause par Madame [P] [U], exclut toute responsabilité du vendeur dans la survenance des désordres invoqués en l'absence d'un lien de causalité entre les travaux qui ont été réalisés et les nouveaux désordres; elle fait également valoir que les travaux de réparation invoqués par Madame [P] [U] ne sont ni déterminés ni chiffrés de manière contradictoire.

La S.A.R.L. ZETOR FRANCE soutient que le rapport d'expertise judiciaire a clairement exclu que la panne du capteur de vitesses puisse être en lien avec la prise de force et qu'il a par ailleurs conclu à l'absence de défaut de fabrication et à l'absence de non-conformité de l'engin, en indiquant que la cause des désordres provenait d'une mauvaise utilisation du tracteur par Madame [P] [U], de sorte que la responsabilité du fabriquant ne peut être recherchée.

Concernant la demande de remise d'un kit de climatisation, elle soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle devant la cour, comme telle irrecevable.

S'agissant des demandes de Madame [P] [U] relatives à la prise de force, il n'est pas contesté que, comme cela a déjà été indiqué, l'expert judiciaire a noté dans son rapport que le tracteur litigieux était équipé à l'origine, comme tout les tracteurs de modèle FORTERA acquis avant 2017, d'un système de mise en route de prise de force qui comportait trois positions, position souple, position intermédiaire et position dure et qu'afin de solutionner des problèmes d'embrayages de prise de force brûlés, pouvant être causés par un mauvais choix de démarrage de l'embrayage de prise de force de la part des utilisateurs, le constructeur ZETOR a modifié le système de mise en route de la prise de force, modification qui a fait l'objet d'une note de service rédigée par le constructeur le 12 septembre 2017.

Madame [P] [U] en conclut que la panne survenue au mois de juin 2017 sur l'embrayage de la prise de force est en lien avec la mauvaise conception d'origine du système de mise en route de la prise de force.

Il appartient cependant à Madame [P] [U], pour que soit retenue la responsabilité du constructeur et par voie de conséquence, celle du vendeur, de rapporter la preuve que la panne survenue au mois de juin 2017 est due à un défaut de conception par le constructeur du système de mise en route de la prise de force ; or il n'existe aucun élément technique versé aux débats, susceptible de confirmer cette théorie.

En effet, il résulte du premier rapport amiable établi le 09 octobre 2018 par Monsieur [S] [T] suite à la panne de la prise de force, que cet expert, qui était spécialement chargé d'examiner la prise de force du tracteur litigieux, a constaté que les disques garnis et lisses présentaient une usure importante et qu'aucun élément technique ne permettait d'établir que cette usure était consécutive à un défaut de pièce, l'expert précisant : " C'est la raison pour laquelle les propriétaires ont accepté de prendre en charge les frais nécessaires à la remise en état du tracteur" ; il n'est nullement fait état dans cette expertise d'un embrayage de prise de force brûlé qui était la manifestation des incidents de prise de force ayant conduit le constructeur à modifier son système de mise en route.

Egalement, l'expert judiciaire qui est intervenu postérieurement à la réparation de l'embrayage de la prise de force, indique que lors de l'utilisation du tracteur, un mauvais choix de démarrage de la prise de force paraît être à l'origine des incidents rencontrés sur l'embrayage de la prise de force.

Madame [P] [U] ne verse aux débats aucun élément permettant d'établir qu'il existe un lien entre la panne survenue au mois de juin 2017, soit plus de trois ans après l'acquisition du tracteur, et les raisons ayant conduit le constructeur à modifier le système de mise en route de l'embrayage de la prise de force.

Elle ne peut donc rechercher ni la responsabilité du constructeur, ni celle du vendeur pour la panne liée à la prise de force.

Le jugement qui a rejeté sa demande à ce titre sera par conséquent confirmé de ce chef.

S'agissant des demandes de Madame [P] [U] concernant les réparations effectuées par les Etablissement CHAXEL, la cour constate que la responsabilité des Etablissements CHAXEL est recherchée en sa qualité d'intervenant ayant assuré les réparations du tracteur litigieux, après la première panne du mois de juin 2017, Madame [P] [U] visant expressément dans ses écritures, les obligations du garagiste et ce, sur le fondement contractuel.

Il sera rappelé que l'article 1231-1 du code civil applicable au litige dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie par que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Sur ce fondement, la jurisprudence a mis à la charge du garagiste une obligation contractuelle d'information qui prend la forme d'un devoir de conseil. Sa méconnaissance entraîne la responsabilité contractuelle du garagiste. La charge de la preuve de l'exécution de cette obligation de conseil pèse sur lui. Le garagiste doit conseiller son client sur la nature de l'intervention à réaliser sur le véhicule. Il doit notamment attirer son attention sur l'inutilité des travaux demandés mais aussi sur l'opportunité d'en réaliser d'autres, non demandés mais nécessaires.

La jurisprudence a également mis à la charge du garagiste une obligation contractuelle de résultat quant aux réparations effectuées. Il existe à la fois une présomption de faute du garagiste et une présomption de causalité entre la faute et le dommage. Le garagiste peut s'exonérer en démontrant son absence de faute. De son côté, le client doit prouver que la panne résulte d'un élément du véhicule sur lequel le garagiste est intervenu, si c'est le cas, alors la défaillance de cet élément est présumée avoir pour origine une mauvaise réparation.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que lors de la première réunion d'expertise du 26 septembre 2019, l'expert [W], comme l'avaient fait précédemment Madame [P] [U] et l'expert [T], a effectivement constaté l'apparition sur le tableau de bord d'un voyant témoin de panne de la boîte de vitesses avec le code défaut 520 258.

Après avoir expliqué que le code panne 520 258 signalait un défaut au niveau du capteur de vitesses placé sur le volant d'inertie du moteur, l'expert judiciaire a constaté que le capteur était dévissé de sorte que le réglage ne pouvait être correct ; ayant démonté totalement le capteur et constaté qu'il était en bon état, le capteur a été reposé et réglé à 1 mm du volant moteur.

Cependant, si lors du premier essai après ce remontage la valeur mesurée du capteur était correcte, il s'avère que le code panne s'est à nouveau affiché le 28 septembre 2019, conduisant l'expert à solliciter des établissements CHAXEL un devis de diagnostic et de réparation, devis établi le 10 octobre 2019 pour un montant de 4.255,87 euros HT, soit 5.107,04 euros TTC.

Pour autant la réparation n'ayant pas été réalisée et la persistance, après le resserage du capteur, du voyant rouge signalant l'existence d'une panne sans que l'expert judiciaire ait pu en déterminer l'origine, il n'a pas répondu à sa mission qui était de déterminer la cause des désordres, ce qui ne l'a pas empêché d'affirmer de manière surprenante que "la cause de dysfonctionnement du capteur de vitesses "paraît" être dû à un défaut de serrage", alors qu'il est évident que le voyant lumineux persistant à apparaître sur le tableau de bord après qu'il ait été remédié à ce défaut de serrage, le dysfonctionnement signalé par ce voyant avait une autre cause et que l'expert ne pouvait conclure comme il l'a fait que le véhicule était en bon état et ne présentait pas de non-conformité.

Egalement, l'expert judiciaire ne pouvait conclure, après avoir constaté la persistance du voyant témoin de panne sur le tableau de bord, que le désordre lié au dysfonctionnement du capteur de vitesses placé sur le volant moteur ne rendait pas le véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné, alors qu'il a indiqué au contraire (page 6 du rapport) que le tracteur était temporairement hors d'état de fonctionner compte tenu du voyant rouge allumé, lequel voyant était toujours allumé lorsqu'il a clôturé son expertise sans qu'il ait déterminé les raisons du dysfonctionnement signalé par la persistance de l'apparition du voyant rouge sur le tableau de bord, lequel était toujours présent le 14 février 2023 comme cela ressort du constat établi à cette date par un commissaire de justice.

Enfin, il est tout aussi incompréhensible que l'expert judiciaire, tout en affirmant que la cause du dysfonctionnement du capteur de vitesses provenait d'un défaut de serrage suite à la réparation de l'embrayage de la prise de force, ait pu conclure que "cependant,aucun élément ne permet d'affirmer qu'il est la conséquence des travaux effectués par les Etablissements CHAXEL", alors que l'expert [T] a estimé au contraire que le défaut apparu sur le tableau de bord était en lien avec la boîte de vitesses et donc en relation avec la prestation des Etablissements CHAXEL, qu'il est constant que seul le garage CHAXEL est intervenu sur le tracteur litigieux et qu'en cours d'expertise, l'expert judiciaire a demandé aux Etablissements CHAXEL de refaire leur travail en faisant démonter et remonter le capteur qui avait été mal vissé par ce garage.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que :

- comme cela est indiqué dans le premier rapport d'expertise contradictoire établi par Monsieur [S] [T] (page 7), le 07 mai 2018, Monsieur [U] a déposé le tracteur litigieux au garage CHAXEL et qu'à cette date le tracteur affichait 542 heures d'horométrage ;

- la réparation de l'embrayage de la prise de force a été réalisée par la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablilssements CHAXEL selon facture en date du 24 août 2018 qui concernait également la réalisation de l'entretien du véhicule ;

- ce n'est que le 07 février 2019 que le tracteur a été restitué à Madame [P] [U], la restitution n'ayant visiblement eu lieu qu'au moment du règlement par Madame [P] [U] de la facture, règlement intervenu le 07 février 2019 par chèque comme cela est mentionné par écrit sur la facture ;

- le 08 février 2019, soit le lendemain de la restitution du tracteur à sa propriétaire, de nouveaux désordres sont apparus dont le plus important concernait l'apparition sur le tableau de bord d'un voyant lumineux rouge signalant un défaut code 520 258 correspondant à un dysfonctionnement de la boîte de vitesse ;

- il résulte du rapport d'expertise établi le 20 février 2019 par Monsieur [S] [T] que le 18 février 2019 date de la réunion d'expertise, le tracteur affichait un horométrage de 546,9 heures et que c'est ce même horomérage de 546,9 heures qui a été noté par l'expert judiciaire lors de la première réunion d'expertise tenue le 26 septembre 2019 : il s'ensuit que le tracteur affichant 542 heures le 07 mai 2018 lors de la première réunion d'expertise réalisée par Monsieur [S] [T], cet engin n'a fonctionné que pendant 04 heures entre le dépôt du tracteur le 07 mai 2018 dans les locaux de la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL et sa restitution à sa propriétaire survenue le 07 février 2019, de sorte qu'il est ainsi démontré qu'entre le 07 février 2019 et la réunion d'expertise tenue par l'expert judiciaire le 26 septembre 2019, le tracteur n'a pour ainsi dire pas été utilisé par Madame [P] [U] et qu'il se trouvait au moment de l'expertise judiciaire, dans le même état que lors de son examen le 18 février 2019 par Monsieur [S] [T] et donc de sa restitution 10 jours auparavant par le garage CHAXEL à Madame [P] [U].

Le rapport d'expertise judiciaire a confirmé les principales constatations faites par l'expert [T] dans son rapport du 20 février 2019, à savoir notamment, un niveau de liquide de refroidissement bas, ce qui est anormal pour un véhicule ayant fait l'objet d'une visite d'entretien par un garage qui plus est concessionnaire de la marque ZETOR,10 jours auparavant, alors que la facture établie par les Etablissements CHAXEL le 24 août 2018 mentionne d'ailleurs le coût du liquide de refroidissement et ce qui démontre une première défaillance dans l'intervention du garagiste.

L'expert judiciaire a également constaté que le capteur du volant d'inertie était dévissé, ce qui démontre, contrairement à ce qu'a pu estimer l'expert [W], une deuxième défaillance dans l'intervention des Etablissements CHAXEL.

Même s'il n'en a pas tiré les conséquences, l'expert [W] a également constaté la persistance de la présence du voyant rouge sur le tableau de bord signalant un dysfonctionnement suffisamment grave pour que tant l'expert [T] que l'expert judiciaire aient estimé qu'il empêchait toute utilisation du tracteur, ce qui démontre encore une autre défaillance de la part des Etablissements CHAXEL qui ont restitué à sa propriétaire un tracteur qui n'était pas en état de fonctionner après leur intervention.

Il résulte de tous ces éléments que l'intervention des Etablissements CHAXEL tant pour les réparations que pour l'entretien du tracteur, ayant donné lieu à l'établissement de la facture en date du 24 août 2018 s'est avérée défaillante et que le tracteur n'étant pas en état de fonctionner à l'issue de cette intervention, la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL a manqué à son obligation de résultat et sera déclarée responsable du préjudice subi par Madame [P] [U] suite aux dysfonctionnements présentés par le tracteur litigieux après l'intervention de ce garagiste.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

En revanche, le préjudice de Madame [P] [U] résultant exclusivement des réparations défectueuses réalisées par la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL, et aucun défaut de conformité ou de fabrication imputable au constructeur n'ayant été mis en évidence, le jugement qui a rejeté les demandes de Madame [P] [U] à l'encontre du constructeur la S.A.R.L. ZETOR FRANCE sera confirmé de ce chef.

3°) Sur le préjudice

Le préjudice résultant d'un manquement à l'obligation de résultat est constitué par le coût de la réparation défectueuse et ses suites directes.

Sur les travaux de réparation

Il n'y a pas lieu d'ordonner, comme le sollicite Madame [P] [U], la réparation du tracteur chez un concessionnaire de son choix aux frais de la S.A.S. LA MADELEINE, puisque l'expert a chiffré le coût des travaux de réparation qu'il a a estimé à la somme de 4.255,57 euros HT correspondant au contrôle, aux essais et à la réparation à effectuer, selon un devis établi le 10 octobre 2019 par les Etablissements CHAXEL, devis qui s'élève en réalité à la somme de 4.255,87 euros HT soit 5.107,04 euros TTC.

Dans le corps de ses écritures, Madame [P] [U] sollicite la somme de 4.255,87 euros HT majorée de 15 % pour tenir compte de l'évolution des prix des pièces et prestations, soit 4.894,25 euros HT arrondi à 5.000,00 euros HT ; dans le dispositif de ses conclusions, elle sollicite la somme de 5.000,00 euros sans préciser s'il s'agit d'une somme HT ou TTC.

Le coût des travaux de réparation s'élevant à la somme de 5.107,04 euros TTC, et afin de ne pas statuer ultra petita, il sera accordé à Madame [P] [U] la somme de 5.000,00 euros TTC que la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne CHAXEL sera condamnée à lui verser.

Sur la demande au titre des frais d'assurance du tracteur

Madame [P] [U] sollicite, sans autre précision, la somme de 2.447,67 euros au titre de l'assurance du tracteur qu'elle a dû régler depuis le mois de septembre 2017.

En l'espèce, la responsabilité de la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL et de la S.A.R.L. ZETOR FRANCE n'ayant pas été retenue pour la panne de l'embrayage de la prise de force, Madame [P] [U] n'est fondée à réclamer le remboursement du coût de l'assurance du tracteur qu'entre le 07 février 2019, date du règlement de la facture des Etablissements CHAXEL et de la restitution du tracteur inutilisable et le 20 octobre 2020, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire; en revanche, elle ne fournit aucune précision sur le sort réservé au véhicule litigieux après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, alors qu'à cette date, elle avait acheté un autre tracteur depuis le 10 mai 2019.

Sa demande sera donc limitée à la période comprise entre le 07 février 2019 et le 20 octobre 2020, soit, au vu des justificatifs versés aux débats concernant les appels de cotisation de la compagnie GROUPAMA pour cette période, une somme totale de 696,40 euros (335,77 euros + 360,63 euros) que la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL sera condamnée à lui payer, soit :

- du 07 février 2019 au 31 décembre 2019 sur la base d'une cotisation annuelle de 435,67 euros soit 36,30 euros par mois, soit 9 mois x 36,30 euros = 326,70 euros + 9,75 euros (36,30 euros x 7 jours/28 jours) = 335,77 euros ;

- du 1er janvier 2020 au 20 octobre 2020, sur la base d'une cotisation annuelle de 448,76 euros, soit 37,39 euros par mois, soit 9 mois x 37,39 euros = 336,51 euros + 24,12 euros (37,39 euros x 20 jours/31 jours) = 360,63 euros.

Sur la demande d'un kit de climatisation

Madame [P] [U] demande à la cour "d'ordonner la remise d'un kit de climatisation à la société ZETOR".

Cette demande qui concerne une anomalie qui avait été effectivement signalée par Madame [P] [U] dans l'assignation en référé étant l'accessoire des autres demandes formulées au titre des désordres invoqués concernant le tracteur litigieux, ne constitue pas une demande nouvelle et sera donc déclarée recevable.

Il résulte du rapport d'expertise amiable et contradictoire établi le 09 octobre 2018 par l'expert [S] [T] que le problème du kit de climatisation a fait l'objet d'un accord entre les parties comme l'indique cet expert à la page 8 de son rapport: "Monsieur [Z], en qualité de représentant du constructeur ZETOR, indique qu'il a l'accord pour proposer [...] la fourniture gracieuse du kit de modification du système de climatisation référencé 19.372.019. Monsieur [E] maintient sa proposition [...] de ne pas facturer de main d'oeuvre pour la pose du kit de modification du système de climatisation."

Il résulte également de ce rapport qu'un nouveau devis de réparation avait été établi pour un montant de 3.306,27 euros HT, (précision faite que la facture s'est finalement élevée à la somme de 3.315,77 euros HT), que ce devis avait recueilli l'accord de Madame [P] [U] laquelle avait immédiatement versé un acompte de 1.000,00 euros et que si un litige a ensuite surgi entre les parties, il ne concernait pas le kit de climatisation mais le problème de la modification électronique de la vitesse d'enclenchement de la prise de force.

De fait, la preuve de la fourniture du kit de climatisation par le constructeur et son installation par les établissements CHAXEL résulte du dire adressé à l'expert judiciaire par le conseil de Madame [P] [U] dans lequel il est indiqué que "des infiltrations importantes sont apparues par le plafond ce qui semble bien en relation avec la réparation effectuée sur le climatisation. [...] Il ressort également de la pièce 3 adressée par CHAXEL relative aux échanges de mails entre CHAXEL et ZETOR ce problème de climatisation qui a été changé. Manifestement le remontage n'est pas correct en raison des infiltrations d'eau".

La difficulté provient donc non pas de l'absence de remise par le constructeur du kit de climatisation mais d'un problème d'installation par les Etablissements CHAXEL du kit de climatisation fourni par le constructeur; aucune prétention contre la S.A.R.L. ZETOR FRANCE qui a effectivement fourni le kit concerné et à l'encontre de laquelle la demande est exclusivement dirigée, ne peut donc prospérer.

Par ailleurs, force est de constater que si l'expert judiciaire qui a constaté que le plafond de la cabine faisait apparaître des infiltrations d'eau n'a effectivement pas répondu à sa mission puisqu'il ne s'est pas prononcé sur l'origine de ce désordre, en revanche,il a entériné le devis de réparation établi par les Etablissement CHAXEL dans lequel il est prévu de "voir le problème d'infiltration d'eau dans la cabine" avec une main d'oeuvre pour cette prestation évaluée dans ce devis à la somme de 188,00 euros HT correspondant à 04 heures de travail.

La demande de Madame [P] [U] concernant la condamnation de la S.A.R.L. ZETOR FRANCE à remettre un kit de climatisation sera rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts

Comme elle l'avait fait devant le premier juge, Madame [P] [U] sollicite la condamnation de la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL à lui verser la somme de 15.000,00 euros à titre de dommages et intérêts.

Pour justifier sa demande, Madame [P] [U] se contente d'invoquer, sans autre précision, "les circonstances, le temps écoulé, la mauvaise foi du vendeur et la privation de jouissance de son matériel"sans fournir à la cour d'éléments concrets et précis susceptibles de caractériser les griefs et les préjudices invoqués.

Cette demande sera rejetée.

Sur la demande au titre des frais d'expertise judiciaire

Madame [P] [U] sollicite la somme de 1.748,00 euros au titre des frais d'expertise judiciaire qu'elle a payés.

La demande au titre du coût de l'expertise judiciaire relève des condamnations prononcées au titre des dépens tels que prévus par l'article 695 du code de procédure civile et n'a pas à faire l'objet d'une indemnisation distincte.

4°) Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris sera infirmé concernant les dispositions relatives aux condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

La S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL sera condamnée à verser à Madame [P] [U] la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile par les autres parties.

La S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etabllissements CHAXEL sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et de référé.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARE recevable la demande tendant à voir ordonner la remise d'un kit de climatisation à la S.A.R.L. ZETOR FRANCE,

INFIRME le jugement entrepris :

- en ce qu'il a débouté Madame [P] [U] de sa demande dirigée à l'encontre de la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL concernant son intervention défectueuse en sa qualité de garagiste, réalisée sur le tracteur de marque ZETOR modèle FORTERRA HSX EVO 110 immatriculé [Immatriculation 3],

- en ses dispositions prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DECLARE la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL responsable sur le fondement contractuel, du préjudice subi par Madame [P] [U] suite aux dysfonctionnements présentés après son intervention défectueuse en sa qualité de garagiste par le tracteur de marque ZETOR modèle FORTERRA HSX EVO 110 immatriculé [Immatriculation 3],

CONDAMNE la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL à payer à Madame [P] [U] la somme de 5.000,00 euros au titre du coût des travaux de réparation du tracteur de marque ZETOR modèle FORTERRA HSX EVO 110 immatriculé [Immatriculation 3],

CONDAMNE la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablisements CHAXEL à payer à Madame [P] [U] la somme de 696,40 euros au titre des frais d'assurance du tracteur de marque ZETOR modèle FORTERRA HSX EVO 110 immatriculé [Immatriculation 3] pour la période comprise entre le 07 février 2019 et le 20 octobre 2020,

DEBOUTE Madame [P] [U] de sa demande dirigée à l'encontre de la S.A.R.L. ZETOR FRANCE de remise d'un kit de climatisatin,

DEBOUTE Madame [P] [U] de sa demande de dommages et intérêts,

DIT que la demande au titre du coût de l'expertise judiciaire relève des condamnations prononcées au titre des dépens tels que prévus par l'article 695 du code de procédure civile et n'a pas à faire l'objet d'une indemnisation distincte,

CONDAMNE la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL à verser à Madame [P] [U] la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des autres parties,

CONDAMNE la S.A.S. LA MADELEINE exerçant sous l'enseigne Etablissements CHAXEL aux entiers dépens de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et de référé.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par M. CHARRASSIER-CAHOURS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.