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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 24 septembre 2024, n° 23/01993

LYON

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Grim & Co (SARL)

Défendeur :

Lise Charmel Lingerie (SAS), Selarl BCM (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dumurgier

Avocats :

Me Sourbe, Me Pilliet, Me Colin, Me Attal

T. com. Lyon, du 17 janv. 2023, n° 2021j…

17 janvier 2023

Par jugement du 17 janvier 2023, le tribunal de commerce de Lyon a :

- jugé irrecevable la demande de la société GRIM&CO,

- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions des parties,

- condamné la société Grim&co à verser à la société Lise Charmel lingerie la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Grim&co aux dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe le 9 mars 2023, la SARL Grim&co a interjeté appel de cette décision, portant sur l'ensemble des chefs de jugement, expressément critiqués.

Par ordonnance du 13 février 2024, le conseiller de la mise en état a enjoint aux parties de conclure sur la compétence de la cour d'appel de Lyon pour connaître de la rupture brutale des relations commerciales établies (article 442-1 du code de commerce), au plus tard le 14 mai 2024.

Par conclusions d'incident notifiées par voie dématérialisée le 13 mai 2024, la société Lise Charmel lingerie, la Selarl BCM, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de continuation, la société AJ [I] & associés, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et la Selarl [X] [T], ès qualités de mandataire judiciaire, demandent au conseiller de la mise en état, au visa des articles L. 442-1, L. 442-4 III du code de commerce et D. 442-2 du code de commerce, de :

- juger irrecevable l'appel formé par la société Grim&co compte tenu de la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris pour statuer sur le présent litige,

- condamner la société Grim&co à verser à la société Lise Charmel lingerie la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions d'incident en réponse notifiées le 6 septembre 2024, la société Grim&co demande au conseiller de la mise en état de :

Vu les articles 81 et 82 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 442-1, L. 622-17, D. 442-2, L. 442-4, III du code de commerce,

A titre principal,

- renvoyer l'affaire RG 23/01993 devant la cour d'appel de Paris,

A titre subsidiaire,

- prononcer une irrecevabilité partielle relative aux demandes fondées sur la rupture brutale des relations commerciales établies,

- confirmer la recevabilité des demandes formulées sur d'autres fondements et notamment sur l'article L. 622-17 du code de commerce,

En tout état de cause,

- laisser leurs frais irrépétibles respectifs à la charge des parties,

- réserver les dépens.

L'affaire a été appelée à l'audience d'incidents du 10 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour conclure à l'irrecevabilité de l'appel formé par la société Grim&co, les sociétés intimées prétendent, qu'en application des articles D. 442-2, L. 442-4 III et L. 442-1 du code de commerce, la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juridictions spécialement désignées pour juger des litiges portant sur une rupture brutale de relations commerciales établies.

L'appelante reconnaît que les dispositions des articles D. 442-2, L. 442-4 III et L. 442-1 du code de commerce s'appliquent au litige mais soutient que la juridiction saisie qui n'est pas compétente pour statuer doit renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Paris, en application des articles 81 et 82 du code de procédure civile.

L'article L.442-4 III du code de commerce prévoit que les litiges relatifs à l'application des articles L.442-1, L442-2, L442-3, L442-7 et L442-8 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret, l'article D. 442-2 de ce même code établissant la liste de ces juridictions et prévoyant que la cour d'appel de Paris est seule compétente pour connaître des jugements ayant statué en application de l'article L. 442-4 III.

Par arrêt du 18 octobre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence, a jugé que la règle découlant de l'application combinée des articles L 442-6 III et D 442-3 du code de commerce, devenus L 442-4 III et D 442-2, désignant les juridictions pour connaître de l'application des dispositions de L.442-1, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non recevoir et la Cour de cassation a fait une application immédiate de cette nouvelle jurisprudence.

Il résulte des termes du jugement querellé que le tribunal de commerce de Lyon a été saisi d'une demande en paiement de dommages-intérêts par la société Grim&co au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Lise Charmel lingerie, demande déclarée irrecevable, faute pour le créancier d'avoir assigné les mandataires judiciaires de la société défenderesse dans le délai d'un mois de l'article R 624-5 du code de commerce.

Il ressort des conclusions d'appel de la société Grim&co que cette dernière a maintenu en appel sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement devant la présente cour.

Il convient en conséquence de se déclarer incompétent au profit de la cour d'appel de Paris et de renvoyer l'affaire devant cette juridiction.

Les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance principale et il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés intimées.

PAR CES MOTIFS

Rejetons la fin de non recevoir soulevée par la société Lise Charmel lingerie, la Selarl BCM, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de continuation, la société AJ [I] & associés, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et la Selarl [X] [T], ès qualités de mandataire judiciaire,

Nous déclarons incompétent pour statuer sur l'appel formé par la société Grim&co contre le jugement rendu le 17 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Lyon et renvoyons l'affaire devant la cour d'appel de Paris,

Disons que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance principale,

Rejetons la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.