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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 24 septembre 2024, n° 22/01031

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cofidis (SA)

Défendeur :

Ic Group (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Conseillers :

M. Pothier, Mme Barthe-Nari

Avocats :

Me Lhermitte, Me Helain, Me Le Berre Boivin, Me Habib

CA Rennes n° 22/01031

23 septembre 2024

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant bon de commande du 3 juillet 2017, la société IC groupe exerçant sous la dénomination commerciale Immoconfort a conclu avec M. [X] [F] un contrat hors établissement de fourniture et d'installation de panneaux photovoltaïques, d'un ballon thermodynamique et d'une unité de gestion pour un prix de 24 500 euros. Les travaux ont été financés par la souscription d'un crédit auprès de la société Cofidis (la banque).

Suivant acte d'huissier du 28 octobre 2020, M. [X] [F] a assigné Me [S] [U] en qualité de mandataire liquidateur de la société IC groupe et la société Cofidis devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes.

Suivant jugement du 7 février 2022, le juge des contentieux de la protection a :

Prononcé l'annulation du contrat de vente.

Prononcé l'annulation du contrat de crédit.

Condamné la société Cofidis à restituer à M. [X] [F] la somme de 11 796,96 euros, arrêtée au mois de septembre 2021, et ce jusqu'au jour du jugement, outre les mensualités postérieures acquittées.

Rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné la société Cofidis aux dépens.

Débouté les parties de leurs autres demandes.

Suivant déclaration du 17 février 2022, la société Cofidis a interjeté appel.

Suivant conclusions du 27 juillet 2022, M. [X] [F] a interjeté appel incident.

En ses dernières conclusions du 24 octobre 2022, la banque demande à la cour de :

Infirmer le jugement déféré.

Statuant à nouveau,

Déclarer M. [X] [F] mal fondé en ses demandes et l'en débouter.

A titre subsidiaire,

Si la cour venait à confirmer le jugement sur la nullité des conventions ou prononçait leur résolution,

Condamner M. [X] [F] au remboursement du capital d'un montant de 24 500 euros au taux légal à compter de la présente décision.

Le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamner aux dépens.

En ses dernières conclusions du 21 mars 2024, M. [X] [F] demande à la cour de :

Vu les articles L. 111-1, L. 311-1, L. 311-6, L. 311-8, L. 311-13, L. 311-32, L. 311-35, L. 312-2, L. 312-7, L. 312-11, L. 312-33, L. 313-1, L. 313-3 à L. 313-5 et D. 311-4-3 du code de la consommation,

Vu les articles L. 121-21, L. 121-23 à L 121-26 et R. 121-5 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à l'espèce,

Vu les articles L. 421-1 à L. 421-5 et L. 480-4 du code de l'urbanisme,

Vu les articles L. 313-5-1, L. 519-1 et L. 546-1 du code monétaire et financier,

Vu l'article L. 512-1 du code des assurances,

Vu les articles 1109, 1116, 1710, 1792, 1134, 1135 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable à l'espèce,

Vu les articles 11, 515 et 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de dommages et intérêts et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

Condamner la société Cofidis à lui payer la somme de :

4 554 euros au titre du préjudice financier,

3 000 euros au titre du préjudice économique et du trouble de jouissance,

3 000 euros au titre du préjudice moral.

La condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux dépens de la procédure d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

Si la cour venait à réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des contrats,

Prononcer la résolution des contrats de vente et de crédit.

A titre plus subsidiaire,

Si la cour venait à réformer le jugement en ce qu'il a privé la banque de sa créance de restitution,

La condamner à lui payer la somme de 13 250 euros à titre de dommages et intérêts.

A titre infiniment subsidiaire,

Si la cour ne faisait pas droit à ses demandes considérant que la banque n'a pas commis de faute,

Prononcer la déchéance du droit aux intérêts.

A titre plus infiniment subsidiaire,

Si la cour venait à le débouter de l'intégralité de ses demandes,

Dire qu'il reprendra le paiement mensuel des échéances du prêt.

Rejeter les autres demandes.

Me [S] [U] n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Au soutien de son appel, la société Cofidis fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le bon de commande respecte les dispositions du code de la consommation. Elle ajoute que le consommateur a en toute hypothèse réitéré son consentement par des actes positifs dénués de toute ambiguïté alors que le bon de commande rappelait les textes applicables au démarchage à domicile.

M. [X] [F] soutient au contraire que le bon de commande est nul dès lors qu'il ne reproduit pas les dispositions issues de la loi du 17 mars 2014, en particulier l'article L. 111-1 du code de la consommation, mais qu'il se réfère aux articles L. 121-13 et suivants du même code qui ont été abrogés. Il fait valoir également que le bon de commande ne comporte pas les mentions imposées par le code de la consommation, à savoir les caractéristiques essentielles des biens vendus, les délais d'exécution du contrat et le coût de l'emprunt.

L'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives notamment aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, au prix du bien ou du service, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

Le bon de commande du 3 juillet 2017 produit par M. [X] [F] précise la marque, le modèle et le type des panneaux photovoltaïques à savoir douze panneaux de marque Soluxtec d'une puissance de 3 000 Wc, la marque et le modèle du ballon thermodynamique à savoir un ballon de marque Thaleos ou Thermor d'une capacité de 270 l, la marque de l'onduleur à savoir un onduleur de marque Schneider ou équivalent, la marque de l'unité de gestion à savoir une unité de marque Elyos 4 You. Il est indiqué que le délai d'installation est de deux à huit semaines.

Contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, le bon de commande soumis à l'adhésion du consommateur contient les informations précontractuelles prévues par l'article L. 221-5 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce. M. [X] [F] a conclu le contrat en y apposant sa signature. Il apparaît donc que le vendeur a satisfait à son obligation d'information précontractuelle, même si les informations étaient imparfaites comme il sera dit ci-après. La nullité du contrat n'est pas encourue de ce chef.

Le bon de commande précise suffisamment les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

Concernant le poids et la dimension des panneaux photovoltaïques, il ne résulte pas des dispositions précitées qu'ils doivent être précisés à peine de nullité de la convention et il ne peut être valablement soutenu que ces informations constitueraient, sauf contrainte technique particulière et identifiée, des caractéristiques essentielles du bien vendu à l'instar de la marque de l'équipement.

Concernant les détails techniques de la pose, il se déduit des informations contenues dans le bon de commande que les panneaux photovoltaïques doivent être posés en intégration au bâti puisqu'il est prévu la mise en 'uvre d'un dispositif d'étanchéité GSE ou équivalent agréé CEIAB.

Concernant le délai d'installation, le délai mentionné, de 2 à 8 semaines, est suffisant au regard de l'article L. 111-1 précité, cet engagement couvrant nécessairement la livraison préalable à la pose, aucun élément du dossier ne révélant que l'établissement d'un planning plus précis incluant la réalisation de prestations à caractère administratif est entré dans le champ contractuel.

Concernant le coût total du crédit, il sera constaté que le bon de commande indique le taux d'intérêt, le taux effectif global, ainsi que le nombre et le montant des échéances, et, à supposer même que le coût total du crédit dût être mentionné à peine de nullité du contrat de vente, il sera observé que celui-ci figure sur l'offre de prêt acceptée le même jour à l'occasion de la même opération de démarchage, si bien que l'emprunteur en a été parfaitement informé.

M. [X] [F] fait valoir par ailleurs que le délai de rétractation mentionné dans le contrat de vente est inexact.

Les conditions générales du contrat de vente indiquent que le consommateur a la faculté de renoncer au contrat par lettre recommandée avec accusé de réception dans les quatorze jours, jours fériés compris, à compter de la commande ou de l'engagement d'achat. Le formulaire de rétraction comporte une information identique. Or le bon de commande porte non seulement sur la livraison du matériel mais comprend également une prestation de service de pose. Par application de l'article L. 221-1 II du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce, le contrat qui a pour objet à la fois la livraison de biens et la fourniture de prestation de services est assimilé à un contrat de vente. Le délai de rétractation commence à courir à compter de la livraison et non de la commande par application de l'article L. 221-18.

Il faut rappeler que la reproduction des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat en l'absence de circonstances permettant de justifier d'une telle connaissance. Il sera observé au cas particulier que les conditions générales de vente annexées au bon de commande reproduisent des dispositions du code de la consommation abrogées et inapplicables aux bons de commande régularisés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2014.

En toute hypothèse, aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, M. [X] [F] a eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation. L'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux ne suffisent pas à caractériser qu'il a, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat et qu'il a manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités du document.

Il convient donc pour la cause de nullité sus-évoquée, écartant le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier invoqué par la banque et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande tendant à voir constater la résolution du contrat de vente pour dol ou inexécution, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente.

Aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de prêt affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Il n'est pas contesté que le contrat de prêt est accessoire à une vente ou à une prestation de services. En raison de l'interdépendance des contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société IC groupe emporte annulation de plein droit du contrat accessoire de prêt conclu avec la banque. Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de prêt.

La nullité du prêt a en principe pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure. La banque soutient qu'elle n'a commis aucune faute de nature à la priver de sa créance de restitution.

M. [X] [F] soutient que la banque a commis une faute la privant de sa créance de restitution en finançant une opération irrégulière. Il lui reproche également d'avoir procédé de manière fautive au déblocage des fonds.

Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'un certificat de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal. En l'occurrence, le certificat de livraison signé le 25 juillet 2017 faisait ressortir sans ambiguïté que la livraison des biens et les prestations promises avaient été pleinement effectuées, l'emprunteur demandant expressément à la banque de procéder à la mise à disposition des fonds entre les mains du vendeur.

Il est aussi de principe que le prêteur commet une faute lorsqu'il libère la totalité des fonds alors qu'à la simple lecture du contrat de vente, il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile. Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande comportait des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire la banque, professionnel des opérations de crédit, à ne pas libérer les fonds entre les mains du vendeur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès de M. [X] [F] qu'il entendait confirmer l'acte irrégulier. La banque n'avait certes pas à assister l'emprunteur lors de la conclusion du contrat principal, mais il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu'en versant les fonds entre les mains du vendeur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle de ce bon de commande, elle a commis une faute de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.

La banque fait valoir que la dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la démonstration par l'emprunteur de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur.

L'annulation ou la résolution d'un contrat de crédit affecté, consécutive à celle du contrat principal, emporte, en principe, restitution par l'emprunteur au prêteur du capital que celui-ci a versé au vendeur à la demande de l'emprunteur. Lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat principal de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (Civ. 1 - 10 juillet 2024 - pourvoi n° 22-24.754).

M. [X] [F] est fondé à solliciter, à titre de dommages-intérêts, la condamnation de la banque à lui payer une somme correspondant au capital emprunté dès lors qu'il subit un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir auprès du vendeur placé en liquidation judiciaire la restitution du prix de vente du matériel dont il n'est plus propriétaire.

Le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a condamné la banque à payer à M. [X] [F] la somme de 11 796,96 euros correspond au capital versé au vendeur et aux intérêts payés à la banque, montant qui n'est pas discuté par les parties.

Au titre de son appel incident, M. [X] [F] sollicite la condamnation de la banque à lui payer les sommes suivantes :

4 554 euros au titre du préjudice financier lié au coût de dépose de l'installation photovoltaïque et de remise en état de la toiture.

Il doit être observé que le prêteur est un tiers au contrat principal et ne saurait par conséquent se voir imputer les conséquences dommageables des restitutions de part et d'autre consécutives à l'annulation de ce contrat.

3 000 euros au titre du préjudice économique et du trouble de jouissance lié au fait qu'il a dû renoncer à différents projets personnels en raison du coût du crédit et du manque de performance de l'installation.

Il doit être observé que les préjudices allégués sont sans lien causal avec la faute de la banque puisque l'insuffisance de rentabilité de l'opération est apparue postérieurement au déblocage des fonds.

3 000 euros au titre du préjudice moral.

M. [X] [F] n'apporte pas de preuve de l'existence du préjudice moral qu'il allègue.

Ses demandes indemnitaires ne peuvent prospérer.

Le jugement déféré sera confirmé y compris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.

En revanche, il n'est pas inéquitable de condamner la banque à payer à M. [X] [F] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

La banque, partie succombante, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel. Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Tiphaine Le Berre-Boivin.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement rendu le 7 février 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes.

Y ajoutant,

Condamne la société Cofidis à payer à M. [X] [F] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

Condamne la société Cofidis aux dépens de la procédure d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Tiphaine Le Berre-Boivin.

Rejette les autres demandes.