Livv
Décisions

CA Orléans, ch. com., 19 septembre 2024, n° 23/02407

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 23/02407

19 septembre 2024

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

RENVOI DE CASSATION

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 19/09/2024

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES

Me Gaëlle DUPLANTIER

ARRÊT du : 19 SEPTEMBRE 2024

N° : 210 - 24

N° RG 23/02407

N° Portalis DBVN-V-B7H-G33Z

DÉCISIONS ENTREPRISES :

- Jugement du Tribunal de Commerce de BOURGES en date du 26 Septembre 2017

- Arrêt de la Cour d'Appel de BOURGES en date du 05 Août 2021

- Arrêt de la Cour de Cassation en date du 21 Juin 2023

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-

Monsieur [F] [X]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Vincent JAMOTEAU, membre de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS

Maître [K] [P]

Agissant ès qualité de commissaire du plan de redressement judiciaire de la SARLU JLG INVEST

[Adresse 2]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Vincent JAMOTEAU, membre de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS

Société JLG INVEST SARLU

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 7]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Vincent JAMOTEAU, membre de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS

D'UNE PART

INTIMÉ : - Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-

Monsieur [O] [J]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 6]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5] (Portugal)

Ayant pour avocat postulant Me Gaëlle DUPLANTIER, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Arnaud SARLAT, membre de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION DE SAISINE en date du : 16 Octobre 2023

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 30 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 30 MAI 2024, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 19 SEPTEMBRE 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous signature privée du 21 novembre 2014, M. [O] [J] a cédé à la société JLG Invest, représentée par M. [F] [X], les 194 actions qu'il détenait sur les 200 constituant le capital social de la société [J] forage horizontal, au prix de 1 978'850 euros payable à hauteur de 300'000 euros dans les trois jours ouvrés à compter de la cession puis, à compter du 1er avril 2015, en 24 mensualités de 50'000 euros suivies d'une dernière échéance pour solde.

Par acte séparé du même jour, M. [X], associé unique de la société cessionnaire, s'est rendu caution solidaire du paiement du prix de cession par ailleurs garanti par un nantissement de comptes de titres de la société JLG Invest.

Se prévalant de l'existence d'un dol, la société JLG Invest et M. [X] ont fait assigner M. [J] devant le tribunal de commerce de Bourges par acte du 21 octobre 2015 pour l'entendre condamner en principal à leur payer à titre de dommages et intérêts la somme de 3'000'000 euros à parfaire en fonction de l'avancée d'un dossier dit de Polynésie et, subsidiairement, la même somme sur le fondement de la garantie de passif contenue à l'acte de cession, puis pour entendre annuler les garanties de la société JLG Invest et de M. [X] présentées comme ayant été elles aussi données à raison d'un dol.

En cours d'instance, selon jugement du 23 mars 2016, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert à l'égard de la société JLG Invest une procédure de sauvegarde et désigné Maître [K] [P] en qualité de mandataire judiciaire.

M. [J] a sollicité reconventionnellement la condamnation de M. [X] à lui payer, en sa qualité de caution, le solde du prix de cession de ses actions, et la fixation de sa créance au passif de la procédure de sauvegarde de la société JLG Invest à 1'679'850 euros.

Par jugement du 26 septembre 2017, le tribunal de commerce de Bourges a':

- débouté la SARLU JLG Invest et M. [F] [X] de leur demande de sursis à statuer [dans l'attente de l'issue d'une enquête pénale],

- débouté la SARLU JLG Invest et M. [F] [X] de leur demande de condamnation de M. [O] [J] en paiement de la somme de 3'000 '000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'existence de man'uvres dolosives,

- débouté la SARLU JLG Invest et M. [F] [X] de leur demande d'annulation de l'engagement de caution solidaire consenti par l'associé unique de l'acquéreur et de l'acte de nantissement des titres du 21 novembre 2014,

- débouté la SARLU JLG Invest et M. [F] [X] de leurs demandes, fins et prétentions formulées sur le fondement de la garantie de passif,

- débouté la SARLU JLG Invest et M. [F] [X] de leur demande au titre de la clause de non-concurrence présente aux termes du contrat de cession du 21 novembre 2014,

- dit que la créance de M. [O] [J] sur la SARLU JLG Invest est admise et fixée à la somme de 1 679 850 euros en principal échu et à échoir, et sera inscrite au passif de la procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de la société JLG Invest et figurera sur l'état des créances,

- condamné M. [F] [X] en sa qualité de caution solidaire de la SARLU JLG Invest à payer à M. [O] [J] la somme de 1'679'850'euros correspondant au solde du prix de vente des titres de la SAS [J] forage horizontal, majoré de l'intérêt légal à compter du 17 août 2015, date de la mise en demeure,

- dit que les effets du titre exécutoire liés à la condamnation prononcée sont suspendus jusqu'à la fin de la période d'observation et, le cas échéant, pendant l'exécution du plan de sauvegarde

- dit que la caution est tenue de son engagement et ne sera libérée de son obligation au titre de son cautionnement qu'une fois que l'obligation à paiement du débiteur garanti aura été pleinement exécutée dans la limite des dispositions de l'article L. 626-11 du code de commerce prévoyant la possibilité pour la caution de se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde

- condamné la SARLU JLG Invest et M. [F] [X] à verser chacun à M. [J] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la SARLU JLG Invest et M. [F] [X] à verser chacun la somme de 7 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens sont à la charge de la SARLU JLG Invest et de M. [F] [X], taxés et liquidés concernant les frais de greffe à la somme de 111,17 euros TTC.

Pour statuer comme ils l'ont fait sur la demande d'annulation du cautionnement de M. [X], les premiers juges ont estimé que cette garantie, comme le nantissement de la société JLG Invest, avait été consentie de manière libre et éclairée, que ces garanties participaient de l'équilibre contractuel et devaient en conséquence recevoir application.

Par jugement du 27 juin 2017, le tribunal de commerce d'Angers a arrêté le plan de sauvegarde de la société JLG Invest.

La société JLG Invest, M. [X] et Maître [P], ès qualités de mandataire judiciaire désigné dans la procédure de sauvegarde de la société JLG Invest ont relevé appel par acte du 4 décembre 2017 en critiquant toutes les dispositions du jugement en cause.

Par arrêt du 20 juin 2019, la cour d'appel de Bourges a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer et, avant-dire droit, ordonné une mesure d'expertise.

L'expert a déposé son rapport le 11 septembre 2020 et par arrêt du 5 août 2021, la cour d'appel de Bourges a':

- déclaré irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande formée par la société JLG Invest aux fins de voir annuler pour dol l'acte de cession du 21 novembre 2014,

- confirmé le jugement du tribunal de commerce de Bourges du 26 septembre 2017 sauf en ce qu'iI a :

* condamné [F] [X], en qualité de caution solidaire de la société JLG Invest, à verser à [O] [J] la somme de 1'679'850 € correspondant au solde du prix de vente des titres de la SAS [J] Forage horizontal, majorée de l'intérêt légal à compter du 17 août 2015, date de la mise en demeure,

* dit que les effets du titre exécutoire lié à la condamnation prononcée sont suspendus jusqu'à la fin de la période d'observation et, le cas échéant, pendant l'exécution du plan de sauvegarde,

* dit que la caution est tenue de son engagement et ne sera libérée de son obligation au titre de son cautionnement qu'une fois que l'obligation à paiement du débiteur garanti aura pleinement été exécutée dans la limite des dispositions de l'article L626-11 du code de commerce prévoyant la possibilité pour la caution de se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde,

* condamné la SARLU JLG Invest et [F] [X] à verser chacun à [O] [J] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

* condamné M. [F] [X] à payer à [O] [J] la somme de 7'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- débouté M. [O] [J] de sa demande en paiement dirigée contre M. [F] [X] au titre de son engagement de caution,

- débouté M. [O] [J] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive dirigée à l'encontre de la société JLG Invest et de M. [F] [X],

- condamné la société JLG lnvest à payer à M. [O] [J] la somme de 4'000'euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [O] [J] à payer à M. [F] [X] la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société JLG Invest aux dépens de première instance et d'appel.

M. [J] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par jugement du 20 juillet 2022, le tribunal de commerce d'Angers a prononcé la résolution du plan de sauvegarde de la société JLG Invest et son redressement judiciaire, en désignant en qualité de mandataire judiciaire Maître [P].

Par arrêt du 21 juin 2023, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a':

- cassé et annulé, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il déboute M. [J] de sa demande en paiement dirigée contre M. [X] au titre de son engagement de caution et le condamne à payer la somme de 4'000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 août 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges';

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Orléans';

- condamné M. [X], la société JLG Invest et M. [P], en sa qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société JLG Invest, aux dépens';

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par M. [X], la société JLG Invest et M. [P], ès qualités, en les condamnant à payer à M. [J] la somme de 3'000 euros.

La cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Bourges a été prononcée pour violation de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, aux motifs que la créance de M. [J] n'était pas née dans l'exercice de sa profession ni ne se trouvait en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même accessoire, de sorte que les règles du code de la consommation relatives à la disproportion ne lui étaient pas applicables.

Le 16 octobre 2023, M. [X], la société JLG Invest et Maître [P], ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de redressement de la société JLG Invest, ont saisi la cour de renvoi.

Par jugement du 10 janvier 2024, le tribunal de commerce d'Angers a arrêté le plan de redressement de la société JLG Invest d'une durée de dix ans et désigné la société Lex MJ, en la personne de Maître [P], commissaire à l'exécution de ce plan.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 16 mai 2024, M. [X], la société JLG Invest et Maître [P], ès qualités de mandataire judiciaire et désormais commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société JLG Invest, demandent à la cour de':

- recevoir la SARLU JLG Invest, M. [X] et Me [P], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARLU JLG Invest en leur appel, ainsi qu'en leurs demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [X] à payer à M. [J] la somme de 1a somme de 1'679'850 euros au titre d'un engagement de caution et 20'000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive «'outre 7'000'euros article 700 du code de procédure civile et aux dépens'»,

- déclarer M. [J] irrecevable en l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions compte tenu de son défaut d'intérêt à agir contre M. [X] en sa qualité de caution,

En conséquence':

- débouter M. [O] [J] de ses demandes en paiement dirigées à l'encontre de M. [X] en sa qualité de caution,

Subsidiairement ;

- constater le caractère disproportionné du cautionnement consenti le 21 novembre 2014 par M.[X],

- décharger M. [X] de son engagement de caution,

- débouter M. [O] [J] de ses demandes en paiement dirigées à l'encontre de M. [X] en sa qualité de caution,

Très subsidiairement,

- constater le non-respect des conditions de mise en 'uvre de l'engagement de caution consenti par M. [X] le 21 novembre 2014,

En conséquence':

- débouter M. [O] [J] de ses demandes en paiement dirigées à l'encontre de M. [X] en sa qualité de caution,

En toute hypothèse':

- débouter M. [J] de ses demandes en paiement dirigées à l'encontre de M. [X] en sa qualité de caution,

- condamner M. [O] [J] à verser à M. [F] [X] et la SARLU JLG Invest la somme de 3'000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [O] [J] aux entiers dépens, outre les frais d'expertise, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 mai 2024, M. [J] demande à la cour de':

Vu l'arrêt de la cour de cassation du 21 juin 2023,

Vu les articles 63, 64 et 122 du code de procédure civile,

Vu l'acte de cession du 21 novembre 2014 et ses annexes,

Vu l'acte de cautionnement de M. [F] [X] du 21 novembre 2014, et son annexe,

Vu la jurisprudence,

- rejeter les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et d'intérêt à agir de M. [J] au regard de la mise en 'uvre de l'engagement de caution de M. [X], et déclarer recevables les demandes, fins et conclusions de M. [O] [J],

- débouter M. [F] [X] de sa demande de nullité du cautionnement pour défaut de mise en 'uvre dans les formes prévues au contrat de cautionnement et disproportion de son engagement en vertu de l'article 341-4 ancien du code de la consommation, ce faisant, `

- déclarer valide l'engagement de caution solidaire de M. [X] du 21 novembre 2014, et déclarer que M. [X] est tenu à son obligation à paiement à l'égard de M. [O] [J] en vertu et dans les conditions de cet acte,

- confirmer sur ce point la décision entreprise du tribunal de commerce de Bourges du 26 septembre 2017,

- constater le montant de la créance de M. [J] à l'encontre de la caution et l'obligation à paiement de M. [X] à l'égard de M. [O] [J], et déclarer que les effets de cette obligation seront suspendus tant que la créance n'est pas exigible à son égard, c'est-à-dire tant que le débiteur principal n'a pas manqué à ses obligations dans le cadre du plan du redressement qui a été arrêté par le tribunal de commerce d'Angers,

- débouter M. [F] [X], la société JLG Invest et Me [P] de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner la société JLG Invest et M. [F] [X] chacun à verser à M. [O] [J] la somme de 15'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre leur condamnation aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 mai 2024 à 9h30, pour l'affaire être plaidée à la même date à 14 heures et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

Sur l'étendue de sa saisine, la cour observe à titre liminaire que les chefs de l'arrêt de la cour d'appel de Bourges ayant, par infirmation du jugement entrepris, débouté M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que de sa demande tendant à la condamnation de M. [X] au paiement d'une indemnité de procédure, ne sont pas atteints par la cassation.

Dès lors, nonobstant les demandes des appelants, il n'y a pas lieu de statuer sur les chefs du jugement déféré qui ont condamné M. [X] à payer à M. [J] la somme de 20'000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre une indemnité de 7'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile -ces chefs du jugement du tribunal de commerce étant irrévocablement infirmés par l'arrêt de la cour d'appel de Bourges.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. [J] en raison du plan de redressement de la débitrice principale :

En rappelant que par jugement du 10 janvier 2024, le tribunal de commerce d'Angers a arrêté un plan de redressement en faveur de la société JLG Invest, puis en faisant valoir qu'en sa qualité de caution personne physique, M. [X] peut se prévaloir de ce plan par application des articles L. 626-11 et L. 631-19 du code du commerce, les appelants soutiennent que M. [J] est irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de M. [X], faute d'intérêt à agir.

En réplique aux écritures de l'intimé, les appelants soulignent que M. [J] ne précise pas à quelle date il avait formulé sa demande reconventionnelle en paiement, et notamment si celle-ci l'avait été avant le 23 mars 2016 [date d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la débitrice principale], alors que l'audience des plaidoiries devant le tribunal de commerce de Bourges ne s'est déroulée que le 27 juin 2017 et que, devant les juridictions commerciales du premier degré, la procédure est orale.

Ils ajoutent enfin que M. [J], qui n'a mis en 'uvre aucune mesure conservatoire qui lui donnerait intérêt à agir préventivement alors que la société JLG Invest n'est pas défaillante dans l'exécution du plan, ne peut se prévaloir des arrêts dont il excipe, dont la solution qu'ils posent est inapplicable en l'espèce.

M. [J] ne conteste pas que la caution personne physique peut, en application de l'article L. 626-11 du code du commerce, se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde comme, depuis la réforme opérée par l'ordonnance du 15 septembre 2021, du plan de redressement judiciaire.

En faisant valoir que les poursuites qu'il a engagées contre M. [X] «'ressortent d'une demande reconventionnelle présentée devant le tribunal de commerce de Bourges dans le cadre d'une assignation en date du 21 octobre 2015'», l'intimé soutient cependant que l'opposabilité par la caution des plans successivement arrêtés au profit de la débitrice principale ne le prive pas de toute action contre M. [X] et assure, en se prévalant notamment de décisions rendues le 14 juin et le 13 décembre 2023 par la Cour de cassation (pourvois n° 21-24018 et 21-24021 puis 22-18460), qu'il a intérêt à exercer une action préventive afin d'obtenir contre la caution un titre dont il ne pourra poursuivre l'exécution que lors de l'exigibilité de sa créance, c'est-à-dire en cas de défaillance de la débitrice principale dans l'exécution du plan de redressement.

Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'intérêt au succès ou au rejet d'une prétention s'apprécie au jour de la demande en justice.

Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 622-28 du code du commerce relatif à la procédure de sauvegarde, applicable au redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-19, le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle.

L'article R. 622-26 précise que les instances suspendues en application du deuxième alinéa de l'article L. 622-28 sont poursuivies à l'initiative des créanciers bénéficiaires de garanties mentionnées au dernier alinéa de cet article sur justification du jugement arrêtant le plan, selon les dispositions applicables à l'opposabilité de ce plan à l'égard des garants.

Il résulte de l'article L. 626-11 que le jugement qui arrête le plan de sauvegarde ou, depuis l'abrogation de l'ancien article L. 631-20 par l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, le plan de redressement d'un débiteur, en rend les dispositions opposables à tous, et qu'à l'exception des personnes morales, les cautions de ce débiteur peuvent s'en prévaloir.

En l'espèce, M. [J] n'a pas agi reconventionnellement en paiement le 21 octobre 2015 comme il le fait accroire. Cette date du 21 octobre 2015 est en effet celle à laquelle il a lui-même été assigné en responsabilité ou garantie devant le tribunal de commerce de Bourges par M. [X] et la société JLG Invest.

Il ne résulte ni du jugement déféré, ni des productions, ni du dossier de la cour, que M. [J] aurait agi reconventionnellement en paiement contre M. [X] avant l'audience des plaidoiries devant le tribunal de commerce de Bourges, laquelle s'est tenue le 27 juin 2017, soit postérieurement à l'ouverture, le 23 mars 2016, d'une procédure de sauvegarde de la société JLG Invest.

Il n'est pas contesté que la société JLG Invest respecte le plan de redressement qui a été arrêté en sa faveur par le tribunal de commerce d'Angers.

Dès lors que M. [J] ne justifie ni même n'allègue avoir fait pratiquer une mesure conservatoire et qu'il ne se prévaut devant la cour d'aucun motif particulier qui l'autoriserait à agir de manière préventive contre M. [X], ses demandes, qui apparaissent à tout le moins prématurées, ne peuvent qu'être déclarées irrecevables (v. par ex. Civ. 2, 22 juin 2017, n° 16-20,027'; adde, in fine, Com. 14 juin 2023, n° 21-24,108).

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé, étant si besoin observé que l'irrecevabilité prononcée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit d'agir de l'intimé tel qu'il est garanti par l'article 6'§ 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisque M. [J] peut prendre des mesures conservatoires contre la caution personne physique, bénéficie d'une interruption de la prescription jusqu'à la clôture de la procédure collective de la société JLG Invest et que l'acte de cautionnement, enfin, ne comporte aucune forclusion conventionnelle ni aucune stipulation expresse limitant dans le temps le droit de poursuite de M. [J].

Contrairement à ce que demandent les appelants, il n'y a en revanche pas lieu de «'débouter en conséquence'» M. [J], ce qui reviendrait à rejeter au fond les demandes reconventionnelles de l'intimé alors que, précisément, il ne peut être actuellement statué au fond.

Sur les demandes accessoires :

M. [J], qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance, en ce exclusivement compris les dépens exposés sur renvoi devant cette cour.

En application de l'article 639 du même code, les dépens exposés devant la juridiction de première instance, comme devant la cour d'appel de Bourges, seront quant à eux à la charge de M. [X] et de la société JLG Invest, en ce compris les frais d'expertise.

Pour le reste, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

M. [J], M. [X] et la société JLG Invest seront dès lors respectivement déboutés de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Bourges du 5 août 2021,

Vu l'arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 21 juin 2023,

Statuant sur renvoi, après cassation partielle,

Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné M. [F] [X] à payer à M. [O] [J] la somme de 1'679'850'euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 août 2015, dit que les effets du titre exécutoire lié à la condamnation prononcée sont suspendus jusqu'à la fin de la période d'observation et, le cas échéant, pendant l'exécution du plan de sauvegarde, dit que la caution est tenue de son engagement et ne sera libérée de son obligation au titre de son cautionnement qu'une fois que l'obligation à paiement du débiteur garanti aura pleinement été exécutée dans la limite des dispositions de l'article L626-11 du code de commerce prévoyant la possibilité pour la caution de se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde,

Statuant à nouveau ':

Déclare M. [O] [J] irrecevable en ses demandes contre M. [F] [X] en raison du plan de redressement judiciaire dont bénéficie actuellement la société JLG Invest,

Dit n'y avoir lieu en conséquence de statuer sur le fond des demandes reconventionnelles de M. [O] [J],

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [F] [X] et la société JLG Invest aux dépens de première instance,

Y ajoutant':

Rejette la demande de M. [O] [J] formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de M. [F] [X] et de la société JLG Invest formée sur le même fondement,

Condamne M. [J] aux seuls dépens de l'instance d'appel exposés sur renvoi de cassation devant cette cour,

Condamne M. [F] [X] et la société JLG Invest aux dépens exposés devant la cour d'appel de Bourges.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT