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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 24 septembre 2024, n° 23/02919

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 23/02919

24 septembre 2024

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°327

N° RG 23/02919 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TYSV

(Réf 1ère instance : 22/00426)

M. [N] [V]

M. [W] [I]

M. [B] [Z]

M. [K] [D]

C/

M. [O] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me TOUSSAINT

Me BUSQUET

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à :

Tribunal Judiciaire de Nantes (1ère chambre)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Juin 2024 devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [N] [V]

né le [Date naissance 5] 1975 à [Localité 18] (40)

[Adresse 13]

[Localité 11]

Monsieur [W] [I]

né le [Date naissance 6] 1985 à [Localité 21]

[Adresse 12]

[Localité 9]

Monsieur [B] [Z]

né le [Date naissance 7] 1959 à [Localité 22]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Monsieur [K] [D]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 17] (87)

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représentés par Me Dominique TOUSSAINT de la SELARL TOUSSAINT DOMINIQUE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [O] [P]

né le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 20]

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représenté par Me Benjamin BUSQUET de la SCP AVOCATS LIBERTÉ, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Renaud BERTHOU, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Les Docteurs [O] [P], [N] [V], [W] [I], [B] [Z] et [K] [D] sont associés au sein de la société en participation Médecins Nucléaires Associés (ci-après MNA) depuis le 1er juin 2015, dans laquelle ils exercent en commun selon contrat du 1er janvier 2016.

Le 18 septembre 2009, la SOCIETE POLYCLINIQUE [16], les Docteurs [O] [P], [N] [V] et [B] [Z] ont constitué un GIE dénommé [14].

Le 19 novembre 2012, L'UNION DES RÉALISATIONS, les Docteurs [O] [P], [N] [V], [B] [Z] et [X] [L] ont constitué le GIE dénommé [15].

Le 28 juillet 2014, les Docteurs [O] [P], [N] [V], [B] [Z] et [X] [L] ont constitué la SELARL MNA TEP ayant pour objet l'exercice en commun de la profession de médecin nucléaire exclusivement liée à l'utilisation de radio- traceurs émetteurs de positions.

Estimant qu'au cours d'une assemblée générale qui s'est tenue le 6 février 2019, il avait été voté des dispositions à son encontre par abus de majorité, le Docteur [O] [P] a, par actes d'huissier en date des 18 et 26 janvier 2022, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Nantes [N] [V], [B] [Z], [W] [I] et [K] [D] aux fins de voir engager leur responsabilité et obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Par conclusions d'incident les Docteurs [N] [V], [W] [I], [B] [Z] et [K] [D] ont saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir.

Par ordonnance du 11 mai 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes a:

- débouté les défendeurs des fins de non-recevoir qu'ils avaient soulevées,

- débouté les défendeurs de leur demande de frais irrépétibles,

- débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné in solidum les défendeurs à payer à M. [P] la somme de 1.200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les défendeurs aux dépens de l'incident,

- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état.

Par déclaration du 22 mai 2023, Messieurs [V], [I], [Z] et [D] ont fait appel de cette ordonnance.

Par ordonnance du 22 février 2024, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions au fond du 09 octobre 2023 de M. [P].

Par conclusions du 29 janvier 2024, Messieurs [V], [I], [Z], et [D] ont demandé à la Cour de:

- Infirmer l'ordonnance du Juge de la mise en état de la première Chambre du Tribunal Judiciaire de NANTES du 11 mai 2023.

- Déclarer irrecevable Monsieur [O] [P] en toutes ses demandes.

- Déclarer irrecevable les demandes de dommages et intérêts de Monsieur [O] [P] fondées sur un abus de majorité concernant la décision de l'Assemblée Générale prise à l'unanimité des associés de la Société en participation MNA du 6 février 2019.

- Déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts de Monsieur [O] [P] fondée sur un abus de majorité concernant la décision de l'Assemblée Générale du 23 juin 2021 du GIE [15].

- Condamner Monsieur [O] [P] à payer à chacun des concluants une indemnité de 1.200 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Le condamner aux entiers dépens.

Durant le cours de son délibéré, la Cour a demandé aux parties de lui transmettre l'assignation ayant saisi le tribunal judiciaire ainsi que les conclusions au fond de M. [P] devant ledit tribunal.

Ces pièces ont été transmises par les appelants le 19 juin 2024.

L'intimé, le 19 juin 2024, a transmis une note d'observation outre ses conclusions au fond numéro 1 prises devant la Cour et contenant appel incident.

Les appelants ont contesté la recevabilité de la note d'observation et des conclusions par note du 20 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la procédure devant la Cour:

La Cour a demandé que lui soient transmises deux pièces, qui sont des pièces de procédure rédigées par l'intimé et n'appelaient aucune observation de sa part, d'autant que ses conclusions d'intimé ont été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état.

Par conséquent, la note d'observations du 19 juin 2024 et ses conclusions d'appel sont déclarées irrecevables.

Sur le litige:

L'appréciation de la qualité et de l'intérêt à agir de M. [P] ne peuvent être examinées qu'à l'aune de ses prétentions.

Dans son assignation, M. [P] demande au tribunal de:

- JUGER que l'acte du 6 février 2019 a conféré au Docteur [P] une quote-part de droit correspondant à une augmentation de 0,25 ETP non soumise aux modalités de rémunération d'un associé en industrie prévues au CEC MNA

> CONDAMNER par conséquent solidairement (ou in solidum) les Docteurs [V], [I], [Z] et [D] à payer 241.120,01 € au titre de la répétition de l'indu, majorés du taux d'intérét légal en vigueur

A titre subsidiaire :

> JUGER que les Docteurs [V], [I], [Z] et [D] sont responsables civilement de faits d'abus de majorité d'associés au préjudice du Docteur [P]

A titre infiniment subsidiaire :

> JUGER que les Docteurs [V], [I], [Z] et [D] sont responsables civilement de faits délictuels au préjudice du Docteur [P] Dans l'hypothèse où la responsabilité des Docteurs [V], [I], [Z] et [D] serait retenue :

> CONDAMNER solidairement (ou in solidum) les Docteurs [V], [I], [Z] ct [D] à payer au Docteur [P] la somme de l.887.692,63 euros à titre de dommages et intéréts en réparation de son préjudice matériel subi majorés du taux d'intérêt légal en vigueur,

En tout état de cause

> CONDAMNER solidairement (ou in solidum) les Docteurs [V], [I], [Z] et [D] a payer au Docteur [P] la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral subi,

> les condamner des frais irrépétibles.

Dans ses conclusions au fond, M. [P] demande au tribunal judiciaire de:

JUGER que l'acte du 6 février 2019 a conféré au Docteur [P] une quote-part de droits correspondant à une augmentation de 0,25 ETP non soumise aux modalités de rémunération d'un associé en industrie prévues au CEC MNA

JUGER que le préavis et la résiliation par les Docteurs [V], [I], [Z] et [D] des dispositions inclues dans l'acte du 6 février 2019 sont nuls et sans effet

CONDAMNER par conséquent solidairement (ou in solidum) les Docteurs [V], [I], [Z] et [D] à lui payer 241.120,01 € au titre de la répétition de l'indu, majorés du taux d'intérêt légal en vigueur

A titre subsidiaire :

JUGER que les Docteurs [V], [I], [Z] et [D] sont responsables civilement de faits d'abus de majorité d'associés au préjudice du Docteur [P]

JUGER que l'assemblée générale mixte du GIE [15] le 23 juin 2021 est frappée de nullité

A titre infiniment subsidiaire :

JUGER que les Docteurs [V], [I], [Z] et [D] sont responsables civilement de faits délictuels au préjudice du Docteur [P]

Dans l'hypothèse où la responsabilité des Docteurs [V], [I], [Z] et [D] serait retenue :

CONDAMNER solidairement (ou in solidum) les Docteurs [V], [I], [Z] et [D] à payer au Docteur [P] la somme de 2.311.718,73 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel subi, majorés du taux d'intérêt légal en vigueur

En tout état de cause

CONDAMNER solidairement (ou in solidum) les Docteurs [V], [I], [Z] et [D] à payer au Docteur [P] la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral subi

CONDAMNER solidairement (ou in solidum) les Docteurs [V], [I], [Z] et [D] à payer au Docteur [P] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur les délibérations du 06 février 2019:

Les appelants ne conteste plus la qualité à agir de M. [P], reconnaissant que le fait d'avoir voté pour la délibération dont il conteste aujourd'hui le bien fondé et la régularité ne lui interdit pas d'émettre ces contestations.

Ils contestent son intérêt à agir, au motif que les délibérations contestées ont été prises à l'unanimité et qu'une décision prise à l'unanimité des associés ne pourrait être constitutive d'un abus de majorité.

Toutefois, cet argument est un argument de fond, sans incidence sur l'intérêt à agir de M. [P], qui se déduit de la seule circonstance que ses conditions d'exercice professionnelles sont affectées par les délibérations prises le 06 février 2019.

Ils invoquent ensuite le principe de l'estoppel, en invoquant le fait que M. [P] ne peut avoir donné son accord sur un mode de travail et de rémunération, puis dans un second temps, remettre en cause son engagement sous couvert d'un abus de majorité inexistant alors que la décision a été prise à l'unanimité.

Le principe de l'estoppel suppose que dans une même procédure, une partie se contredise au détriment d'autrui.

En l'espèce, l'accord donné par M. [P] sur son mode de travail et de rémunération l'a été hors la présente procédure.

Le moyen tiré de l'estoppel n'est pas fondé.

Sur l'assemblée générale mixte du GIE [15] du 23 juin 2021:

Les quatre appelants considèrent que M. [P] fait preuve d'un défaut d'intérêt à agir sur le fondement d'un abus de majorité dans la mesure où la somme de leurs parts sociales est insuffisante à leur permettre de détenir la majorité du droit de vote dans le GIE et que le dernier associé, soit l'Union Gestionnaire de la Clinique [19], n'a pas été associé.

Cette argumentation procède d'une confusion entre l'intérêt à agir et le fond du droit, l'intérêt de M. [P] se déduisant de sa seule qualité d'associé.

Le moyen est rejeté.

Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance déférée est confirmée, les prétentions de M. [P] étant recevables.

Sur les dépens et les frais irrépétibles:

Les appelants, qui succombent, supporteront la charge des dépens d'appel.

Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Déclare irrecevables la note d'observation et les conclusions transmises par note en délibéré du 19 juin 2024 de M. [P].

Confirme l'ordonnance déférée.

Condamne solidairement Messieurs [Z], [V], [I] et [D] aux dépens d'appel.

Rejette la demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT