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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-4 copropriete, 18 septembre 2024, n° 23/00993

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Sodimo (SAS)

Défendeur :

Syndicat des Copropriétaires de la Résidence le Métropole, Socagi (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Trarieux

Conseillers :

Mme Romi, Mme Moulin-Zys

Avocats :

Me Dervieux, Me Sitbon, Me Pedroletti, Me Blangy

Versailles, ch. civ. 1-4, du 31 mai 2018…

31 mai 2018

La société Sodimo est propriétaire de plusieurs lots de copropriété dans un ensemble immobilier appelé '[6]', sis [Adresse 2] à [Localité 7] (Yvelines) ; la SARL Socagi en est le syndic de copropriété.

La société Sodimo a assigné, devant le Tribunal de grande instance de Versailles, le syndicat secondaire des copropriétaires pris en la personne de son syndic, la SARL Socagi, et ladite société personnellement en vue d'obtenir l'annulation de la résolution n° 6-3 2°) de l'assemblée générale du 23 novembre 2015 ainsi que celle la résolution n° 16. La première de ces résolutions avait autorisé le syndic à agir en justice à son encontre aux fins de voir sanctionner l'utilisation abusive de l'espace situé devant le magasin, et la seconde avait décidé de l'installation de bacs à végétaux et autres mobiliers pour écarter les marchandises livrées et stockées devant l'entrée du hall au [Adresse 3]. Le syndicat des copropriétaires est intervenu volontairement à l'instance.

Selon jugement en date du 31 mai 2018, le Tribunal de grande instance de Versailles a :

- dit que la demande d'annulation de résolutions formée à l'encontre du syndicat des copropriétaires est recevable ;

- débouté la société Sodimo de ses demandes ;

- ordonné à la société Sodimo de ne pas encombrer, par la présence de marchandises, notamment des produits destinés à la vente, des marchandises filmées sur palettes, des palettes vides et des cartons compressés, les parties communes de la résidence et notamment l'espace situé devant le lot lui appartenant sur l'[Adresse 5], parcelle B du plan produit en pièce 7 du demandeur, et ce sous astreinte provisoire de 5 000 euros par infraction constatée par procès-verbal d'huissier ;

- condamné la société Sodimo à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- débouté le syndicat des copropriétaires et la SARL Socagi de leurs demandes de dommages et intérêts et d'amende civile ;

- condamné la société Sodimo à payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à la SARL Socagi ;

- condamné la société Sodimo à payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au syndicat des copropriétaires ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Sodimo aux dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La société Sodimo ayant relevé appel de ce jugement, la Cour d'appel de Versailles a par arrêt du 30 septembre 2020 :

- confirmé le jugement sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts (qui avait été fixé à 5 000 euros), et l'astreinte qui devait courir à chaque infraction dès lors qu'elle avait été constatée dans les deux heures de la livraison et avant huit heures du matin ;

- condamné la société Sodimo à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Sodimo à payer à la SARL Socagi la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Sodimo aux dépens.

Pour statuer ainsi, la Cour d'appel de Versailles a notamment retenu :

- que si certes l'assignation avait été délivrée à un syndicat des copropriétaires secondaire qui n'existait pas, il n'y avait pas lieu de l'annuler car il s'agissait d'une simple erreur matérielle, alors qu'il ne subsistait aucune ambiguïté quant à l'identification du syndicat des copropriétaires ;

- qu'aucun abus de majorité n'était démontré ;

- qu'il ne pouvait pas être fait grief au syndicat des copropriétaires de tenter de faire cesser l'usage illicite des parties communes, en obtenant l'accord des copropriétaires pour assigner la société Sodimo à cette fin ;

- que la société Sodimo n'était pas titulaire d'un droit de jouissance sur les parties communes situées devant ses lots en rez-de-chaussée, ni d'un droit d'accès à ses véhicules, conformément aux articles 9 c et 10 du règlement de copropriété ;

- que la société Sodimo n'avait pas démontré que les aménagements querellés nuisaient au bon déroulement de ses livraisons ;

- que le trouble dont elle s'était rendu coupable était établi par des constats, tant sur la parcelle A que sur la parcelle B ;

- que l'assemblée générale du 22 novembre 2012, qui, était définitive, avait décidé du principe de la location de la parcelle B.

Par arrêt en date du 12 janvier 2022, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions, au visa de l'article 802 du code de procédure civile, après avoir relevé qu'il avait statué au vu de conclusions déposées postérieurement à l'ordonnance de clôture. L'affaire a été renvoyée devant la Cour d'appel de Versailles autrement composée, qui a été saisie par la société Sodimo le 10 février 2023.

Dans ses conclusions notifiées le 19 janvier 2024, la société Sodimo soutient :

- que l'assignation qu'elle a délivrée à la partie adverse était entachée d'une simple erreur, en visant le syndicat secondaire des copropriétaires, mais uniquement en sa première page, les prétentions étant bien formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires ;

- qu'il s'agit là d'une irrégularité de forme ;

- qu'en page 46 du règlement de copropriété, il était prévu que les locaux commerciaux pouvaient être utilisés pour tous commerces, en plus ou à la place de la station-service, si bien qu'elle peut utiliser les parties communes situées devant l'immeuble pour les besoins de son commerce ;

- qu'en page 47 dudit règlement de copropriété, il était fait interdiction d'encombrer les entrées, et non pas les parties communes en général ;

- que l'accès à ses locaux commerciaux par des véhicules est nécessairement un accessoire desdits lots ;

- que l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que tout copropriétaire peut user et jouir librement des parties communes, sous la condition de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires et à la destination de l'immeuble ;

- qu'en faisant venir un huissier de justice à des jours et heures choisis, le syndicat des copropriétaires tente de faire croire que l'occupation des parties communes est constante ;

- qu'elle n'utilise les parties communes que pour des livraisons de marchandises destinées à être déballées pour être rentrées dans le magasin, alors que des cartons compressés s'y trouvent uniquement entre le moment du déballage et celui de l'enlèvement ;

- que les infractions dont le syndicat des copropriétaires se plaint ne concernent, en pratique, pas la parcelle B, mais la parcelle A qui a été cédée gratuitement à la commune de [Localité 7] ;

- que l'installation de bacs à végétaux lui cause une gêne ; que le syndicat des copropriétaires s'est rendu coupable d'un abus de majorité ;

- que le syndic a commis une faute en prévoyant qu'une location serait consentie sur le lot B sans vote des copropriétaires, alors même que finalement il n'a pas obtenu l'aval du conseil syndical ;

- que le syndic a également manqué à son devoir de conseil ;

- qu'il a signé la convention litigieuse, ce qui lui a causé un préjudice en la privant d'accès et en portant atteinte à l'utilisation normale de son lot, ce dont il est résulté des surcoûts d'exploitation ;

- que dans son arrêt daté du 15 novembre 2017, la Cour d'appel de Versailles avait mis en évidence un paiement de charges surabondant, et aussi le maintien de la destination du lot à usage de station-service.

La société Sodimo demande en conséquence à la Cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes et a prononcé des condamnations à son encontre ;

- annuler les résolutions n° 6-3 2°) et 16 de l'assemblée générale du 23 novembre 2015 ;

- condamner le syndicat des copropriétaires à remettre les lieux à l'identique, ou à tout le moins dans une conformation lui permettant une jouissance paisible de son lot en conformité avec le règlement de copropriété, à savoir un accès pour les véhicules sur l'espace jouxtant le local commercial, et ce sous astreinte de 100 euros par jour ;

- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et la SARL Socagi à lui régler la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- les condamner in solidum au paiement de la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le syndicat des copropriétaires aux dépens, qui seront recouvrés par Maître Dervieux conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions notifiées le 24 juin 2024, le syndicat des copropriétaires et la SARL Socagi répliquent :

- que l'action en contestation d'une décision d'une assemblée générale doit être introduite contre le syndicat des copropriétaires pris en la personne de son syndic ; que la société Sodimo a délivré, à tort, une assignation au 'syndicat secondaire des copropriétaires de la résidence Le Métropole' ainsi qu'à la SARL Socagi à titre personnel ;

- que le syndicat des copropriétaires de la résidence n'a, quant à lui, jamais été assigné ;

- qu'une violation de l'article 648 4°) du code de procédure civile est mise en évidence ;

- que l'assignation en cause n'a dès lors pas pu interrompre le délai de deux mois imparti à la société Sodimo pour contester l'assemblée générale litigieuse ;

- que les demandes adverses sont dès lors irrecevables ;

- que la société Sodimo s'est rendue coupable d'une occupation illicite des parties communes en disposant, sur la parcelle B, qui fait l'objet d'une convention de mise à disposition à titre gratuit de la commune de [Localité 7], des palettes supportant des marchandises filmées devant l'entrée du Super U ;

- que le règlement de copropriété n'autorise pas un usage exclusif des parties communes en cause, aucun obstacle aux droits des autres copropriétaires ne devant être créé ; que ces clauses n'ont jamais été annulées ;

- que l'état des lieux actuel n'empêche en rien la livraison de marchandises à la société Sodimo ;

- que ses demandes sont excessives ;

- que par ailleurs, aucune responsabilité du syndic ne peut être mise en évidence.

Le syndicat des copropriétaires et la SARL Socagi demandent en conséquence à la Cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

* déclaré recevable la demande de la société Sodimo en annulation des résolutions de l'assemblée générale du 23 novembre 2015 ;

* condamné la société Sodimo à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

* débouté le syndicat des copropriétaires et la SARL Socagi de leurs demandes de dommages et intérêts et d'amende civile ;

- déclarer irrecevables pour défaut de qualité du défendeur les demandes de la société Sodimo tendant à la nullité des résolutions de l'assemblée générale du 23 novembre 2015 ;

- condamner, au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile, la société Sodimo à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- la condamner au paiement d'une amende civile ;

- condamner la société Sodimo à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance ;

- ordonner à la société Sodimo de ne pas encombrer par un quelconque meuble, produit, marchandise, poubelle, détritus, véhicule, les parties communes de la copropriété et notamment l'espace situé devant les lots lui appartenant sur l'[Adresse 5], parcelle B, outre la parcelle A, et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;

- condamner la société Sodimo à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens, qui seront recouvrés par Maître Pedroletti dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2024.

La société Sodimo a déposé des conclusions le 1er juillet 2024 dans lesquelles elle a sollicité le prononcé de l'irrecevabilité des dernières conclusions des parties adverses qui avaient été déposées la veille de la clôture, ainsi que des nouvelles pièces. Le 2 juillet 2024, elle a également déposé de nouvelles conclusions au fond.

A l'audience la Cour a soulevé l'irrecevabilité desdites conclusions.

MOTIFS

En vertu de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

L'article 15 du même code dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

Les dernières conclusions des intimés ont été déposées le 24 juin 2024 soit la veille de la clôture, ce qui de toute évidence a empêché l'appelante d'en prendre connaissance en temps utile ; en outre le syndicat des copropriétaires et la SARL Socagi avaient déjà précédemment conclu le 19 avril 2024 sans que la société Sodimo ne conclue elle-même entre temps. Ces conclusions du 24 juin 2024, dont il sera observé qu'elles contiennent de nouveaux développements quant aux nuisances imputables à la société Sodimo ainsi qu'à la propriété de la parcelle A, et appelaient donc une réponse, seront déclarées irrecevables, ainsi que les nouvelles pièces n° 33 à 35 qui y étaient annexées, l'article 906 alinéa 3 du code de procédure civile prévoyant expressément que les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables. Et les conclusions notifiées par la société Sodimo le 2 juillet 2024, soit postérieurement à la clôture, seront déclarées irrecevables.

La Cour se référera donc aux conclusions des intimés du 19 avril 2024, dont il sera rappelé qu'elles contiennent exactement les mêmes demandes que les suivantes.

Le syndicat des copropriétaires soutient que la demande en annulation des dispositions de l'assemblée générale du 23 novembre 2015 est irrecevable, pour avoir été formée hors délais à l'encontre du syndicat des copropriétaires, car la demande telle que formée avant l'expiration du délai de deux mois de l'article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 l'avait été à l'encontre d'un 'syndicat secondaire des copropriétaires', inexistant. Les parties ne produisent pas cette assignation devant la Cour ; toutefois il est constant que la mention'secondaire' était seule superfétatoire ou inexacte, si bien qu'abstraction faite de cette erreur de plume, c'est bien le syndicat des copropriétaires de la résidence qui a été assigné, à la bonne adresse, en sa qualité, et à personne. Contrairement à ce que prétend l'appelante, la demande a donc bien été formée contre le syndicat des copropriétaires. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré la demande recevable.

La société Sodimo sollicite l'annulation des résolutions n° 6-3 2°) et 16 de l'assemblée générale du 23 novembre 2015.

La première de ces résolutions a autorisé le syndic à assigner au fond la société Sodimo pour utilisation abusive de l'espace situé devant le magasin, pour faire cesser ces nuisances. Dès lors que la demande y relative sera jugée bien fondée ci-après, l'appelante n'est pas fondée à solliciter l'annulation de la résolution autorisant le syndic à agir à son encontre.

Concernant la résolution n° 16, elle autorisait l'installation de bacs à végétaux ou autre mobilier pour écarter les marchandises livrées et stockées à l'entour de l'entrée du hall [Adresse 3] (un budget de 2 000 euros TTC étant prévu à cet effet).

La société Sodimo ne dispose d'aucun droit de jouissance privatif sur les parties communes telles que l'emplacement litigieux, devant ses lots situés au rez-de-chaussée.

L'article 8 du règlement de copropriété prévoit que les locaux situés au rez-de-chaussée et formant les lots n° 1 à 30 pourront être utilisés à usage de magasins de vente, locaux commerciaux de toute nature, garage, etc, mais n'envisage nullement la possibilité d'utiliser privativement les emplacements situés devant.

L'article 10 intitulé 'usage des parties communes' stipule que chaque copropriétaire pourra user librement des parties communes suivant leur destination mais sans faire obstacle aux droits des autres copropriétaires (ces dispositions n'étant qu'une reprise de celles de l'article 9 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965), et qu'aucun d'eux ou occupants de l'immeuble ne pourra encombrer les entrées, les vestibules, paliers et escaliers, ni laisser quoi que ce soit sur ces parties de l'ensemble. Mais cet article n'infère pas que d'autres emplacements, tels que celui objet du litige, pourraient, eux, être encombrés, et ce d'autant plus qu'un autre alinéa prévoit expressément que les livraisons dans l'immeuble de provisions, matières sales ou encombrantes, vins en fûts, etc devront être faites le matin avant dix heures. Par ailleurs, c'est en vain que l'appelante se prévaut des dispositions figurant en page 46 du règlement de copropriété, selon lesquelles le lot destiné à la station-service ne serait pas touché par les interdictions qui pourraient y être stipulées par le bruit, l'odeur, ou le stockage de matières dangereuses ou inflammables. En effet l'intéressée n'exploite pas de station-service et il n'est aucunement question, dans le présent litige, de tels produits, mais au contraire de simples marchandises et denrées disposées sur des palettes filmées.

Les parties sont contraires sur l'usage que fait la société Sodimo de l'emplacement en cause. Une convention a été conclue entre le syndicat des copropriétaires et la commune de [Localité 7] le 18 juin 2013, portant sur la parcelle B, selon laquelle cette dernière a été autorisée à y opérer des aménagements, sans pour autant devenir propriétaire du fond ; si elle gardait à sa charge l'entretien courant de la parcelle, celle-ci faisait toujours partie intégrante des parties communes de la copropriété, l'article 7-1 stipulant expressément que la propriété du sol relevait du syndicat et que la commune de [Localité 7] ne se voyait conférer aucun droit réel portant sur le sol. Le syndicat des copropriétaires a donc pleinement qualité pour invoquer des nuisances qui auraient été créées sur cette parcelle B.

Il résulte de la lecture des procès-verbaux de constat des 8, 9 et 12 décembre 2016 et 11 septembre, 5 octobre, 28 décembre 2017 que des marchandises, palettes et cartons en quantité importante sont disposés devant l'entrée du Super U, et les nombreuses photographies annexées à ces constats le confirment, l'appelante ne pouvant être suivie en son argumentation lorsqu'elle argue de ce que l'huissier de justice instrumentaire s'est rendu à des moments adéquats et choisis dans le seul but de présenter une version inexacte des faits. Les constats des 7 et 21 novembre 2019 relèvent également la présence de nombreuses palettes remplies de marchandises et denrées alimentaires, de même que ceux des 11 juin 2020 et 2 avril 2021. En outre, il sera relevé que le 12 janvier 2016, le maire adjoint de [Localité 7] avait rappelé que de nombreux rappels verbaux avaient été faits au sujet de cette situation, et qu'au vu des dérives régulièrement constatées de nombreux procès-verbaux avaient été dressés. L'ampleur, la fréquence voire le caractère systématique de ces dispositions de marchandises montrent sans contestation possible que la société Sodimo occupe irrégulièrement des parties communes à des fins privatives, et ce d'autant plus que l'emplacement litigieux ne saurait être considéré comme une prolongation nécessaire de l'activité de commerce. Et cette occupation, loin d'être purement temporaire pour les besoins des livraisons, est en réalité beaucoup plus longue, l'huissier de justice ayant constaté que les palettes et marchandises en cause restaient sur place durablement.

C'est donc à juste titre que l'assemblée générale querellée a décidé de l'implantation de bacs à végétaux devant le magasin aux fins de faire obstacle à ces nuisances. Le jugement est confirmé sur ce point et également en ce qu'il a rejeté la demande de la société Sodimo à fin de condamnation du syndicat des copropriétaires à remettre les lieux en leur état antérieur.

Le syndicat des copropriétaires et la SARL Socagi demandent à la Cour d'ordonner à la société Sodimo de ne pas encombrer par un quelconque meuble, produit, marchandise, poubelle, détritus, véhicule, les parties communes de la copropriété et notamment l'espace situé devant les lots lui appartenant sur l'[Adresse 5], parcelle B, outre la parcelle A, et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée. Il a été fait droit à la demande du chef de la parcelle B, alors que la parcelle A est également concernée par les nuisances, ainsi qu'il a été démontré supra. En outre, si l'assemblée générale susvisée a autorisé sa cession à la commune de [Localité 7] aucun acte de cession n'est produit. Le jugement sera confirmé sur ce point, sauf à préciser que l'ordre judiciaire décerné à la société Sodimo portera également sur la parcelle A.

La société Sodimo critique le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, et réclame la condamnation in solidum du syndicat des copropriétaires et de la SARL Socagi au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de la perte d'exploitation consécutive à la réalisation des travaux. Dès lors que celle-ci (à savoir l'implantation de bacs à végétaux) était fondée, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a refusé de faire droit à la demande de dommages et intérêts susvisée, alors même que le tribunal a justement relevé que le syndicat des copropriétaires n'avait pas porté atteinte aux dispositions du règlement de copropriété et que la convention passée avec la commune de Viroflay sur la parcelle B n'était pas irrégulière ou critiquable, étant observé que l'assemblée générale du 22 novembre 2012 ayant décidé de la cession de la parcelle A et de la mise en location de la parcelle B est à ce jour définitive faute d'avoir été contestée en justice.

Le syndicat des copropriétaires et la SARL Socagi poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Sodimo à leur payer la seule somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance. Il résulte de ce qui précède que c'est au moins depuis l'année 2016, soit depuis huit ans, que l'usage des parties communes est entravé de façon fréquente. La somme susvisée est insuffisante, et par infirmation du jugement la société Sodimo sera condamnée au paiement de celle de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le syndicat des copropriétaires et la SARL Socagi poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'amende civile. Cette dernière prétention est irrecevable pour défaut de qualité à agir, étant rappelé que les amendes civiles sont recouvrées par le Trésor Public. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a rejetée. Le droit d'action ou de défense en justice ne dégénère en abus qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol, de sorte que la condamnation à des dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l'intention malicieuse et de la conscience d'un acharnement procédural voué à l'échec, sans autre but que de retarder ou de décourager la mise en 'uvre par la partie adverse du projet contesté, en l'espèce la résolution d'assemblée générale litigieuse. Le principe du droit d'agir implique que la décision judiciaire de retenir le caractère non fondé des prétentions ne suffit pas à caractériser l'abus de l'exercice du droit. En l'espèce, la société Sodimo a pu dans des conditions non révélatrices d'un abus estimer que l'usage qu'elle faisait des parties communes n'était pas contraire aux stipulations du règlement de copropriété. Faute de caractère abusif de la présente action en justice, alors que la circonstance que l'appelante n'ait pas procédé à l'exécution provisoire du jugement attaqué ne saurait caractériser une telle situation, les intimées ont été à bon droit déboutées de leur demande de dommages et intérêts, si bien que le jugement sera confirmé de ce chef.

La société Sodimo, qui succombe, sera condamnée à payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au syndicat des copropriétaires, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

- DÉCLARE irrecevables :

* les conclusions notifiées par le syndicat des copropriétaires et la SARL Socagi le 24 juin 2024 ;

* leurs pièces n° 33 à 35 ;

* les conclusions notifiées par la société Sodimo le 2 juillet 2024 ;

- INFIRME le jugement en date du 31 mai 2018 en ce qu'il a condamné la société Sodimo à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance ;

et statuant à nouveau :

- CONDAMNE la société Sodimo à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [6] la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- CONFIRME le jugement pour le surplus, sauf à préciser que l'ordre judiciaire décerné à la société Sodimo portera également sur la parcelle A ;

- REJETTE le surplus des demandes ;

- CONDAMNE la société Sodimo à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [6] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société Sodimo aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par Maître Pedroletti conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.