CA Angers, ch. com. A, 24 septembre 2024, n° 22/01807
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Eos France (SAS)
Défendeur :
U (Mme)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Corbel
Conseillers :
M. Chappert, Mme Gandais
Avocats :
Me Rubinel, Me Bouscatel, Me Roumestant, Me Boutmy
FAITS ET PROCÉDURE
Aux termes d'une offre acceptée le 12 novembre 2008, la SA Médiatis a consenti à Mme [U] [K] un crédit utilisable par fractions, prévoyant un montant maximum autorisé de 10 000 euros et des remboursements au taux nominal de 18,19 %.
Par un jugement du 4 septembre 2012, le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris a condamné Mme [K] à verser à la SA Médiatis la somme de 7 770,59 euros avec les intérêts au taux de 17,62 % à compter du 4 octobre 2010, outre les dépens incluant ceux de la procédure d'injonction de payer.
A l'issue de diverses fusions-absorptions, la SA BNP Paribas Personal Finance est venue aux droits de la SA Médiatis.
Le 6 juillet 2016, un bordereau de cession de créances a été signé entre la SA'BNP Paribas Personal Finance et la SAS Eos Credirec, devenue la SAS Eos France à la faveur d'un changement de dénomination, dont cette dernière affirme qu'elle comprend la créance détenue sur Mme [K] en exécution du jugement du 4 septembre 2012.
Par un acte d'huissier du 1er décembre 2021, la SAS Eos France a fait signifier à Mme [K] la cession de créance, le jugement du 4 septembre 2012 à toutes fins utiles ainsi qu'un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour une somme de 7 770,59 euros en principal, de 6 853,39 euros en intérêts et de (85,06 + 72,68) 157,74 euros en frais, soit une somme totale de 14 781,72 euros.
Par une lettre du 12 janvier 2022, Mme [K] a indiqué à la SAS Eos France qu'elle ne contestait pas la validité ni les conditions de cet acte mais qu'au regard de ses difficultés économiques, elle proposait un remboursement échelonné à hauteur de 260 euros pour une somme totale de 7 770,59 euros. Le 6 décembre 2021, l'huissier de justice mandaté par la SAS Eos France a fait savoir son accord à l'échéancier proposé.
Par un acte d'huissier du 7 février 2022, Mme [K] a fait assigner la SAS'Eos France devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Laval pour obtenir l'annulation du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er'décembre 2021.
Le 9 mars 2022, le conseil de la SAS Eos France a proposé à Mme [K] un remboursement de sa dette à hauteur d'une somme totale de 10 800 euros, incluant les frais d'huissier, par mensualités de 280 euros.
Par un jugement du 3 octobre 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Laval a :
* déclaré recevable la contestation de Mme [K] ;
* rejeté la contestation de Mme [K] tirée du défaut de qualité à agir de la SAS Eos France ;
* ordonné la mainlevée du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021 pour pratique déloyale et abusive de la SAS Eos France';
* condamné la SAS Eos France à verser à Mme [K] la somme de 800'euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
* condamné la SAS Eos France à verser à Mme [K] une somme de 2'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
* rappelé que le jugement est immédiatement exécutoire de plein droit ;
Le juge de l'exécution a rappelé que l'article D. 214-102 du code monétaire et financier ne soumettait les modalités de désignation et d'identification des créances cédées par voie de titrisation à aucun formalisme particulier. A partir de ce principe, il a considéré que le bordereau de cession et son annexe étaient utilement complétés par l'attestation émanant de la SA BNP Paribas Personal Finance pour conclure que la créance cédée référencée 90659463344 correspondait bien à celle résultant du jugement du 4 septembre 2012 et que la SAS Eos France avait donc bien qualité à agir en recouvrement.
Pour ordonner la mainlevée du commandement de payer aux fins de saisie-vente, il a écarté l'opposabilité à Mme [K] de la cession de créances pour deux raisons. Il a, d'une part, considéré que la SAS Eos France a agi de façon déloyale et abusive au sens de l'article 1240 du code civil et de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution en reprenant le recouvrement forcé de la créance, qu'elle avait acquise dans un contexte spéculatif à un taux d'intérêts particulièrement élevé (17,62 %), près de neuf années après que le créancier initial eut obtenu un titre exécutoire et alors que Mme [K] dispose de ressources modestes. D'autre part, il a retenu l'existence de pratiques commerciales déloyales en application de la directive 2005/29/CE en considérant qu'en réclamant des intérêts manifestement prescrits, la SAS Eos France avait dissimulé une information substantielle à Mme [K] et avait, par là même, adopté un comportement contraire aux exigences de la diligence professionnelle et de nature à altérer de manière substantielle le comportement du consommateur par rapport au produit.
Par une déclaration du 28 octobre 2022, la SAS Eos France a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré recevable la contestation de Mme [K] et en ce qu'il a rejeté la contestation de cette dernière tirée du défaut de qualité à agir, intimant ainsi Mme [K].
La SAS Eos France et Mme [K] ont conclu, cette dernière formant appel incident.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2024.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 12'janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, la'SAS'Eos France demande à la cour :
- de la recevoir en son appel, le dire bien-fondé et y faisant droit,
- de déclarer Mme [K] irrecevable en son appel incident, en tout cas, l'en débouter,
- de déclarer irrecevable la demande nouvelle formulée au titre du caractère prétendument abusif de la clause de déchéance du terme,
- de déclarer irrecevable comme prescrite la demande nouvelle formulée au titre du caractère prétendument abusif de la clause de déchéance du terme,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
* ordonné la mainlevée du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021 pour pratique déloyale et abusive de la SAS Eos France ;
* condamné la SAS Eos France à verser à Mme [K] la somme de 800'euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
* condamné la SAS Eos France à verser à Mme [K] une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
statuant à nouveau,
- de la déclarer recevable à agir à l'encontre de Mme [K] en ce qu'elle justifie de sa qualité à agir,
- de prononcer la validité du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021 et en cantonner le montant des intérêts aux seuls intérêts ayant couru sur deux années,
- de débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes,
- de condamner Mme [K] à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens dont distraction,
Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 10'janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens,
Mme'[K] demande à la cour :
à titre principal,
- de confirmer le jugement du 3 octobre 2022 en ce qu'il a :
* prononcé la mainlevée du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021,
* condamné la SAS Eos France à lui verser une somme de 800 euros de dommages-intérêts, outre celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa contestation tirée du défaut de qualité à agir de la SAS Eos France,
- de déclarer abusive et réputée non écrite la clause 5.2 du contrat du 12'novembre 2008,
- d'anéantir le jugement du 4 septembre 2012 et ses effets exécutoires,
statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable la SAS Eos France dans l'intégralité de ses demandes,
- d'annuler ou, à tout le moins, de lui déclarer inopposable le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021,
à titre subsidiaire,
- de cantonner le montant de sa dette à la somme, en principal et en intérêts, de 10'516,45 euros,
- de lui accorder des délais de paiement à raison de 23 mensualités de 150'euros et une 24ème mensualité du solde de la dette, en prévoyant l'imputation des paiements en priorité sur le capital,
en tout état de cause,
- de débouter la SAS Eos France de l'intégralité de ses demandes,
- de la condamner à lui verser une somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est précisé que les développements consacrés par la SAS Eos France au caractère non prescrit de son titre exécutoire sont superfétatoires, dès lors que Mme [K] ne soulève pas de moyen en lien avec la prescription de l'exécution du jugement du 4 septembre 2012.
- sur le caractère frauduleux du commandement de payer aux fins de saisie-vente :
Mme [K] soutient, en citant des jurisprudences de juridictions de première instance et d'appel, que le fait pour la SAS Eos France de poursuivre le recouvrement d'intérêts qu'elle ne pouvait ignorer être majoritairement prescrits puisqu'ils étaient échus depuis plus de deux années s'analyse en une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 121-1 du code de la consommation, en ce qu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle, qu'elle s'inscrit dans une pratique massive et qu'elle est de nature à tromper son comportement économique. Elle estime que ce comportement est frauduleux et qu'il justifie l'annulation du commandement de payer aux fins de saisie-vente ou, à tout le moins, que celui-ci lui soit déclaré inopposable.
La SAS Eos France soutient certes l'inexistence d'une pratique commerciale déloyale en réponse à la demande d'annulation ou d'inopposabilité de la cession de créances, qui sera examiné ci-après, mais elle ne propose pas de développement particulier s'agissant de l'annulation ou de l'inopposabilité du commandement de payer aux fins de saisie-vente lui-même.
Sur ce,
Le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021 ne détaille pas la somme réclamée au titre des intérêts acquis pour un total de 6'853,39 euros mais il n'est pas discuté que cette somme inclut des intérêts échus plus de deux années avant la délivrance de l'acte.
L'acte a été délivré en exécution du jugement du tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris (la mention du tribunal d'instance de Laval résultant d'une erreur matérielle, qui n'est d'ailleurs pas relevée par les parties) du 4'septembre 2012, lequel a condamné Mme [K] au paiement des sommes dues en exécution du crédit utilisable par fractions qu'elle avait souscrit le 12'novembre 2008. Il est de principe, depuis un avis de la Cour de cassation du 4 juillet 2016 (pourvoi n° 16-70.004, Bull. 2016 avis n° 4) que, dans les relations entre un professionnel et un consommateur, les intérêts à échoir nés d'une créance en principal fixée par un titre exécutoire se prescrivent, au regard de la nature de la créance, par deux ans en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation, créé par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et devenu l'article L. 218-2 de ce même code. Le commandement de payer aux fins de saisie-vente litigieux a donc été délivré pour obtenir le recouvrement d'intérêts manifestement prescrits.
Mme [K] soutient qu'il en résulte une pratique commerciale déloyale de la part de la SAS Eos France. Le dispositif sur les pratiques commerciales déloyales est issu de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, transposée en droit interne aux articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation. Ce sont ces dispositions nationales qui sont plus directement invoquées par Mme [K]. L'arrêt 'Gelvora UAB' rendu par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 20 juillet 2017, 'Gelvora UAB', aff. C-357/16) confirme que la réglementation sur les pratiques commerciales déloyales s'applique à la relation juridique entre une société de recouvrement de créances et le débiteur défaillant d'un contrat de crédit à la consommation dont la dette a été cédée à cette société, nonobstant le fait que, comme en l'espèce, la dette ait été confirmée par une décision de justice et que la décision ait été transmise à un huissier de justice pour son exécution.
Mme [K] ne propose pas de caractériser une pratique commerciale trompeuse au sens des articles L. 121-2 et suivants du code de la consommation, ni même une pratique commerciale agressive au sens des articles L. 121-6 et suivants du même code, qu'elle se contente de reproduire. Son argumentation reprend néanmoins les critères généraux des pratiques commerciales déloyales, tels qu'ils sont définis par l'article L. 121-1, alinéa 2, du code de la consommation. Il lui appartient en conséquence de rapporter la preuve que la pratique dénoncée, d'une part, est contraire à la diligence professionnelle et, d'autre part, qu'elle est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique d'un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
Sur le premier point, il apparaît évident que la SAS Eos France qui définit elle-même son activité au Registre du commerce et des sociétés comme étant 'l'acquisition, la gestion et le recouvrement de créances (...)' dispose des services juridiques suffisants et ne pouvait pas ignorer la position de la Cour de cassation, constante et réitérée depuis son avis précité, quant à l'application de la prescription biennale aux intérêts échus des condamnations prononcées en matière de crédits à la consommation. C'est donc par un comportement constitutif d'un manquement à la diligence professionnelle que la SAS Eos France a, en toute connaissance de cause, sollicité de Mme [K] le paiement d'intérêts qu'elle savait être prescrits pour une large part. La cour ne peut d'ailleurs que constater, au regard du nombre des décisions produites et visées, que ce procédé utilisé par la SAS Eos France, laquelle rachète en masse des créances douteuses à bas coût afin d'en obtenir le paiement dans un contexte spéculatif, est manifestement institutionnalisé et relève d'une véritable pratique pour laquelle la SAS Eos France ou d'autres sociétés du même type ont déjà été sanctionnées.
Sur le second point, il apparaît tout aussi évident que cette pratique est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique d'un consommateur moyen, par définition placé dans une situation d'infériorité et dont il ne peut pas raisonnablement être attendu qu'il connaisse les subtilités de la jurisprudence quant à la prescription d'une partie de sa dette, en le déterminant à régler les sommes réclamées sous l'intimidation d'un acte préparatoire à une mesure de saisie de ses biens qui lui est signifié par un huissier de justice dont il ne peut que croire au sérieux de sa démarche. De fait, il s'avère que Mme'[K] a en l'espèce pris contact avec son créancier dans les jours qui ont suivi la délivrance de l'acte (12 janvier 2021) pour tenter de négocier une transaction incluant, à titre de concession de la part de son créancier, la remise totale des intérêts à hauteur de la somme réclamée.
Les conditions d'une pratique commerciale déloyale sont donc réunies. Se'pose toutefois la question de sa sanction. L'article L. 132-1 A du code de la consommation envisage pour seules sanctions une amende administrative, la'publication, la diffusion ou l'affichage de la décision. Pour autant, la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, en ce qu'elle impose aux Etats-membres de définir des moyens juridiques adéquats et efficaces pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales dans leur ensemble (article 11) et de mettre en oeuvre des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives (article 13), laisse ouverte la possibilité d'autres sanctions, notamment civiles.
Précisément, Mme [K] sollicite en l'espèce l'annulation ou l'inopposabilité du commandement de payer aux fins de saisie-vente en raison de son caractère prétendument frauduleux. Pour autant, elle ne rapporte pas la preuve de la réunion des conditions de la fraude. La règle fraus omnia corrumpit, qu'elle invoque expressément, est conçue pour sanctionner des comportements frauduleux en l'absence de règle spécifique, chaque fois que le sujet de droit parvient à se soustraire à l'exécution d'une règle obligatoire par l'emploi à dessein d'un moyen efficace qui rend le résultat inattaquable sur le terrain du droit positif. La délivrance au débiteur d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente peut certes être considérée comme un moyen efficace pour le déterminer à régler les sommes qui y figurent. Néanmoins, il n'est pas établi que l'application de la prescription biennale par le créancier, de sa propre initiative, constitue pour lui une règle obligatoire ni même qu'une réclamation d'intérêts prescrits par ce biais soit inattaquable sur le terrain du droit positif puisqu'au contraire, il peut y être remédié par une saisine du juge.
Il ne peut donc pas être conclu au caractère frauduleux du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021 et Mme [K] sera déboutée de ses demandes, qu'elles tendent à l'annuler ou à le lui rendre inopposable.
- sur la qualité à agir :
(a) sur la preuve de la cession de la créance :
Mme [K] soutient que la preuve de la transmission de la créance à la SAS Eos France ne résulte ni de la simple feuille volante qualifiée d'extrait d'annexe, non tamponnée par la cédante ni datée, ni de la prétendue attestation qui ne remplit pas les conditions du formalisme de l'article 202 du code de procédure civile, rendant ainsi impossible notamment la vérification de la capacité et du pouvoir de sa signataire.
La SAS Eos France répond que la cession de la créance intervenue à son profit est suffisamment démontrée par l'annexe de l'acte de cession, qui reprend le nom et le prénom de la débitrice, sa date de naissance ainsi que la référence de la créance (n° 90659463344) et qui se retrouve également dans l'attestation de cession délivrée par la SA BNP Paribas Personal Finance, cédante.
Sur ce,
Il est précisé que les différentes étapes de la transmission de la créance de la SA Médiatis, prêteur originel, jusqu'à la SA BNP Paribas Personal Finance ne sont aucunement discutées par les parties. Elles sont du reste précisément et correctement détaillées par le premier juge. Mme [K] ne conteste en réalité que la seule cession de la créance de la SA BNP Paribas Personal Finance à la SAS Eos France.
La SAS Eos France ne verse aux débats qu'un document intitulé 'bordereau de cession', signé le 6 juillet 2016 entre la SA BNP Paribas Personal Finance, cédante, et la SAS Eos Crédirec, cessionnaire, dont il est constant qu'elle a changé de dénomination au profit de la SAS Eos France. Ce document se réfère à une cession de créances intervenue le 31 mars 2016 mais qui n'est pas produite. Il n'est pas possible de conclure en l'état de ces éléments, comme l'a fait le premier juge, que la cession est intervenue dans le cadre d'une opération de titrisation au sens des articles L. 214-167 et suivants du code monétaire et financier, plutôt que d'une cession de créances de droit commun, alors organisée par les articles 1690 et suivants du code civil.
Il n'en reste pas moins que la cession de créances, à tout le moins avant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, est un contrat non solennel et que, s'il appartient au cessionnaire de démontrer que la créance considérée lui a précisément été transmise, cette preuve peut être faite par tous moyens à l'égard des tiers, en ce compris le débiteur cédé.
La SAS Eos France propose de rapporter cette preuve en produisant, d'une part, une feuille volante, non signée, non tamponnée ni datée, dont elle affirme qu'elle est un extrait de l'annexe à l'acte de cession. Ce document mentionne le nom et le prénom de la débitrice, sa date de naissance ainsi qu'une référence n°'90659463344, laquelle se retrouve précisément sur l'offre de crédit acceptée le 12 novembre 2008, qui a donné lieu à la condamnation au paiement prononcée par le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris dans son jugement du 4 septembre 2012. Cette désignation par l'état civil de Mme [K] et par le numéro du contrat suffit à identifier la créance. Pour autant, elle ne permet pas de rattacher la créance ainsi identifiée à l'acte de cession régularisé entre la SA'BNP Paribas Personal Finance et la SAS Eos Credirec (devenue la SAS Eos France).
Mais la SAS Eos France produit, d'autre part, une attestation du 23 mars 2022 signée par une personne se présentant comme travaillant aux cessions de créances à la SA BNP Paribas Personal Finance et confirmant que '(...) la créance référencée 90659463344 au nom de Madame [K] [U] et cédée par BNP Paribas Personal Finance, en date du 8 juillet 2016, au profit de la société Eos Crédirec devenue Eos France, correspond au jugement rendu le 4.09.2012 par le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris'. Cette pièce ne respecte certes pas les conditions de forme de l'article 202 du code de procédure civile. Pour autant, elle identifie clairement son auteur, signataire du document, elle porte l'en-tête de la banque ainsi que ses éléments officiels d'identification en pied de page et elle relate de façon précise les caractéristiques de la cession intervenue. Aucun élément ne permet donc de douter de la sincérité ni de l'exactitude des faits ainsi relatés.
Le premier juge sera donc approuvé en ce qu'il a retenu que l'écrit du 23 mars 2022 vient utilement compléter l'annexe et en ce qu'il a décidé, en conséquence, que la SAS Eos France démontre suffisamment être cessionnaire de la créance détenue sur Mme [K] au titre du jugement du 4 septembre 2012 et avoir, comme tel, qualité à en poursuivre l'exécution.
(b) sur la signification de la cession de créance :
Mme [K] soutient que la cession de créance du 31 mars 2016 ne lui est pas opposable puisqu'elle ne lui a pas été signifiée dans les conditions de l'article 1690 du code civil avant la délivrance du commandement de payer aux fins de saisie-vente. Elle en tire la conclusion que ce commandement doit être annulé.
La SAS Eos France répond que la cession de la créance a valablement été signifiée à Mme [K] en même temps que la délivrance du commandement de payer aux fins de saisie-vente, le 1er décembre 2021, dès lors que ce dernier n'est pas un acte d'exécution mais un simple acte préparatoire à une mesure d'exécution.
Sur ce,
L'article 1690 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°'2016-131 du 10 février 2016 alors applicable, prévoit que le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur mais que le cessionnaire peut néanmoins être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique. La cession de créances produit immédiatement ses effets entre les parties à l'acte mais elle ne produit ses effets à l'égard du débiteur cédé qu'après qu'elle lui a été signifiée ou qu'il l'a acceptée dans un acte authentique.
En l'espèce, la SAS Eos France a signifié à Mme [K] la cession de créances intervenue à son profit à l'occasion et dans le même acte que le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021. C'est'cette concomitance qui est critiquée par Mme [K].
L'argumentation de l'intimée amène à s'interroger sur les conséquences de la signification de la cession de créances au débiteur cédé. Cette signification a en effet pu être considérée comme une simple démarche informative du débiteur et des tiers, de telle sorte que le défaut d'accomplissement de cette formalité ne rend pas le cessionnaire irrecevable à réclamer au débiteur cédé l'exécution de son obligation dès lors que cette exécution n'est pas susceptible de faire grief à aucun droit advenu depuis la naissance de la créance, que ce soit au débiteur cédé ou à toute autre personne étrangère à la cession. Or, Mme [K] ne propose pas de démontrer en l'espèce que, même à supposer que la cession de créance lui ait été signifiée tardivement, le paiement qui lui a été réclamé le 1er''décembre 2021 était susceptible de lui faire grief, notamment en ce qu'elle aurait déjà réglé le cédant, ou qu'il était susceptible de faire grief à tout autre personne.
L'arrêt cité par Mme [K] (2è civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.834) amène à considérer la signification de la cession non plus simplement comme une formalité d'information mais comme la condition préalable à l'obtention par le créancier cessionnaire du paiement par le débiteur cédé. Pour'autant, il ne peut pas être tiré en l'espèce les mêmes conclusions que celles de cet arrêt, dans lequel la signification de la cession au débiteur cédé avait été faite après qu'une saisie-attribution avait été pratiquée. La SAS Eos France a en effet fait signifier la cession de créance en même temps qu'un commandement de payer aux fins de saisie-vente qui n'est pas un acte de saisie emportant quelque indisponibilité que ce soit mais un simple acte préparatoire à une éventuelle saisie, davantage assimilable à une mise en demeure. De ce fait, la SAS Eos France a valablement pu faire procéder, par un même acte, aux'formalités d'opposabilité de la cession à Mme [K] et à la délivrance à son encontre d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente.
Il n'en résulte aucune nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente, telle qu'alléguée par Mme [K], et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SAS Eos France.
- sur les pratiques commerciales déloyales :
Mme [K] approuve le juge de l'exécution d'avoir retenu l'existence d'une pratique commerciale déloyale et d'avoir caractérisé un abus, en se fondant sur le caractère spéculatif de la cession, sur la tardiveté du recouvrement et sur la modestie de ses revenus. Elle demande que le jugement soit confirmé en ce qu'il a déclaré que la cession de créances lui était inopposable et qu'il a ordonné en conséquence la mainlevée du commandement de payer aux fins de saisie-vente.
La SAS Eos France se défend, d'une part, de s'être rendue coupable d'une pratique commerciale déloyale. Elle insiste sur le fait que l'arrêt 'Gelvora UAB' de la Cour de justice de l'Union européenne n'a fait que reconnaître l'application de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales aux relations entre un consommateur défaillant et la société de recouvrement qui a acquis sa dette, mais sans aucunement consacrer un principe que les cessions spéculatives de contrats de crédits à la consommation aux fins de recouvrement forcé doivent, en elles-mêmes, être considérées comme des pratiques commerciales déloyales. Elle estime qu'en l'espèce, Mme [K] ne peut pas se plaindre que son créancier lui a laissé le temps suffisant pour tenter de régler sa dette, sachant qu'elle-même n'a acquis la créance que le 31 mars 2016. Elle ajoute que les poursuites ont été engagées dans le délai de la prescription, que Mme [K] dispose de mécanismes légaux de protection (prescription, surendettement) et'qu'elle ne subit aucun préjudice puisque le commandement de payer aux fins de saisie-vente est un acte préparatoire à la mesure d'exécution qui n'entraîne aucune indisponibilité des biens. D'autre part, la SAS Eos France soutient que les seules sanctions des pratiques commerciales déloyales des articles L. 121-1 et'suivants du code de la consommation sont celles prévues par les articles L.'132-1 A et suivants de ce même code et sont exclusivement d'ordre pécuniaire, à l'exclusion de toute inopposabilité de la cession.
Sur ce,
L'argumentation de Mme [K] se fonde sur la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, laquelle a été transposée en droit interne aux articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation.
Il est exact que, dans son arrêt 'Gelvora UAB' du 20 juillet 2017 (aff. C-357/16), la Cour de justice de l'Union européenne n'a aucunement dit que l'activité de cession spéculative de contrats de crédits à la consommation aux fins de recouvrement forcé contre des débiteurs défaillants constitue, par principe et en elle-même, une pratique commerciale déloyale. Par cet arrêt, la Cour de justice de l'Union européenne a en effet uniquement dit que la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 s'applique à la relation juridique entre une société de recouvrement de créances et le débiteur défaillant d'un contrat de crédit à la consommation dont la dette a été cédée à cette société, que la notion de « produit » définie à l'article 2, sous c), s'étend aux pratiques auxquelles ladite société se livre en vue de procéder au recouvrement de sa créance et qu'il est indifférent que la créance ait été confirmée par une décision de justice et que cette décision ait été transmise à un huissier de justice pour exécution. En'd'autres termes, si Mme [K] est fondée à invoquer l'existence d'une pratique commerciale déloyale de la part de la SAS Eos France, encore faut-il qu'elle rapporte la preuve de la réunion des conditions propres à une telle action, à savoir, d'une part, une pratique contraire à la diligence professionnelle et, d'autre part, une pratique susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique d'un consommateur moyen, trompeuse ou agressive.
La SAS Eos France soutient que cette question de l'existence de pratiques commerciales déloyales excède les attributions du juge de l'exécution, auquel l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution fait interdiction de modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ou d'en suspendre l'exécution. Certes, la SAS Eos France agit en exécution du jugement du tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris du 4 septembre 2012. Mme [K] n'entend toutefois pas remettre en cause le dispositif du titre exécutoire mais uniquement discuter les circonstances du recouvrement forcé et plus particulièrement les conditions de la cession de la créance qui est intervenue postérieurement à l'obtention du titre exécutoire. Ce'faisant, Mme [K] soumet à la cour, saisie des pouvoirs du juge de l'exécution, une question portant sur le fond du droit à l'occasion de sa contestation du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021, comme l'y autorise l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire. Le moyen opposé par la SAS Eos France, tiré du dépassement des attributions juridictionnelles du juge de l'exécution, sera par conséquent écarté.
Au soutient de son argumentation, Mme [K] cite nombre de décisions rendues par d'autres juridictions et dont elle affirme qu'elles n'ont pas fait l'objet de recours de la part de la SAS Eos France voire même que celle-ci y aurait aquiescé. Il ne peut toutefois pas en être déduit, comme l'avance Mme [K], que la SAS Eos France doive désormais se ranger aux solutions ainsi retenues dans d'autres instances et qui ne lient aucunement la cour d'appel au cas d'espèce. Précisément, Mme [K] se contente de renvoyer aux éléments qui avaient été retenus et au raisonnement qui avait été adopté par le premier juge, tirés du caractère purement spéculatif de la cession, de l'ancienneté de la dette, de la tardiveté du recouvrement et de la modicité de ses revenus.
La SAS Eos France agit en exécution du jugement rendu le 4 septembre 2012 et il n'est justifié d'aucune tentative de recouvrement ni même d'aucune démarche de rapprochement à l'initiative du créancier ou, après la cession du 31'mars 2016, de la SAS Eos France jusqu'à la délivrance du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021, soit plus de neuf années après l'obtention du titre exécutoire. De même, la SAS Eos France ne justifie pas de la réalité des difficultés économiques de la débitrice dont elle soutient qu'elles ont motivé le créancier à différer l'exécution de la décision. De son côté, Mme'[K] démontre que sa situation financière était modeste, quoique non obérée, à une époque contemporaine de la délivrance du commandement de payer aux fins de saisie-vente puisque, comme l'a relevé le premier juge, elle a déclaré au 31 décembre 2020 des revenus annuels de 21 357 euros incluant une pension d'invalidité et une pension alimentaire, des revenus agricoles négatifs
(- 66 596 euros) et un déficit brut global de - 164 402 euros.
A partir de ces éléments, il peut certes être reproché au créancier originaire puis à la SAS Eos France, dont l'objet est précisément le recouvrement de créances, d'avoir différé pendant plusieurs années et sans raison valable l'exécution de la condamnation. Pour autant, le fait pour la SA BNP Paribas Personal Finance d'avoir cédé sa créance à la SAS Eos France, même dans un contexte spéculatif, n'est pas en soi critiquable, le moindre prix payé par la cessionnaire trouvant sa contrepartie dans les incertitudes liées au recouvrement de la créance ancienne et dont la cédante n'entendait pas supporter la charge. Et en dépit de la tardiveté de la démarche entreprise, il n'en reste pas moins que la SAS Eos France a initié ses poursuites dans le délai de la prescription, en'recourant à la délivrance d'un acte qui n'a entraîné aucune indisponibilité des biens de la débitrice et qui a permis tout à la fois de préserver ses droits en interrompant le cours de la prescription et de susciter efficacement une réaction de la part de Mme [K]. Cette dernière a en effet pris contact téléphoniquement avec la société dès le lendemain de la délivrance de l'acte (2'décembre 2021) pour solliciter des délais de paiement qui ont été acceptés par la SAS Eos France puis elle a proposé un accord de remboursement amiable par une lettre du 12 janvier 2022 dans laquelle elle a d'ailleurs expressément indiqué ne pas contester la validité ni les conditions du commandement de payer reçu. Dans ce contexte, il ne peut pas être reproché à la SAS Eos France ou au créancier cédant d'avoir agi de façon contraire aux exigences de la diligence professionnelle ni même d'avoir ainsi altéré de façon substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé à l'égard d'un bien ou d'un service, dès lors que la SAS Eos France était en tout état de cause légalement fondée à obtenir le paiement qui a motivé la délivrance de l'acte litigieux.
L'existence d'une pratique commerciale déloyale n'étant pas caractérisée, la question de sa sanction devient sans objet. Le jugement du 3 octobre 2022 sera donc infirmé, en ce qu'il a ordonné la mainlevée du commandement de payer aux fins de saisie-vente pour pratique déloyale et abusive de la SAS Eos France.
- sur le caractère abusif de la clause de résiliation de plein droit :
(a) sur la recevabilité de la demande :
La SAS Eos France soulève trois moyens pour s'opposer à la recevabilité de la demande adverse. Elle relève que Mme [K] n'a demandé de déclarer non écrite comme abusive la clause de déchéance du terme du contrat de prêt personnel du 19 décembre 1997 qu'à l'occasion de ses conclusions n° 2 pour la première fois. Elle oppose en conséquence deux moyens d'irrecevabilité de cette demande qu'elle estime nouvelle, la première fondée sur l'article 564 du code de procédure civile qui interdit de saisir la cour d'appel de prétentions nouvelles et la seconde tirée du principe de concentration des prétentions dans les premières conclusions posé par l'article 910-4 du même code. En troisième lieu, elle soutient que la demande est prescrite puisqu'elle est présentée plus de cinq ans après l'acceptation de l'offre préalable.
Mme [K] répond qu'il ressort de l'arrêt 'Ibercaja Banco' de la Cour de justice de l'Union européenne du 17 mai 2022 (C-600/19) et de l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 février 2023 (pourvoi n° 21-17.763) qu'aucun moyen de procédure ne peut faire obstacle à l'examen par le juge national, même d'office, du caractère abusif d'une clause, au nom du principe d'effectivité. Ce qui a été décidé pour l'autorité de la chose est, selon elle, transposable aux principes d'interdiction des demandes nouvelles en appel et de concentration des prétentions. Elle ajoute qu'aucune prescription ne peut lui être opposée, puisque l'action tendant à faire réputer non écrite une clause abusive est imprescriptible.
Sur ce,
Mme [K] se prévaut des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de l'acceptation de l'offre de prêt litigieuse, lesquelles sont issues de la transposition de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.
En la matière, les articles 6 et 7 § 1 de cette directive, lus à la lumière du principe d'effectivité, exigent un contrôle efficace du caractère potentiellement abusif d'une clause insérée dans un contrat de consommation, à défaut de quoi le respect des droits garantis par la directive ne serait pas assuré. C'est ainsi, d'une part, qu'il appartient au juge d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, et ce, même au stade de l'exécution forcée dès lors que cet examen n'a pas déjà été effectué à l'occasion du précédent contrôle juridictionnel ayant abouti à la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée. D'autre part, les règles de procédure nationales ne doivent pas rendent en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice par le consommateur des droits qui lui sont reconnus par la directive. De ce fait, s'il est exact que Mme [K] n'a soulevé le caractère potentiellement abusif de la clause de résiliation de plein droit que devant la cour d'appel pour la première fois et encore par ses conclusions n° 2 notifiées le 11 juillet 2023, la méconnaissance de l'interdiction des demandes nouvelles en appel posée à l'article 564 du code de procédure civile et la méconnaissance de l'obligation de concentration des prétentions sur le fonds dans les premières conclusions telle qu'elle est imposée par l'article 910-4 du même code, même à les supposer avérées, ne peuvent pas constituer un obstacle à l'examen par la cour, le cas échéant d'office dès lors qu'il ne ressort pas du jugement du 4 septembre 2012 que le tribunal d'instance y a procédé auparavant, au caractère prétendument abusif de la clause.
Par ailleurs, il découle des articles 6 et 7 § 1 de la directive 93/13/CEE du 5'avril 1993, lus à la lumière du principe d'effectivité, que l'action qui tend à faire constater le caractère abusif d'une clause contractuelle en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation est imprescriptible.
Les fins de non-recevoir soulevées par la SAS Eos France à l'encontre de la demande de Mme [K] tendant à faire constater le caractère abusif de la clause de résiliation de plein droit seront pas conséquent rejetées.
(b) sur le caractère abusif de la clause :
L'article 5.2 de l'offre préalable acceptée le 12 novembre 2008 prévoit qu''en cas de défaillance de votre part dans les remboursements, le Prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés'.
Mme [K] soutient que cette clause est abusive pour deux raisons. En'premier lieu, elle laisse croire à l'emprunteur, d'une part, que le prêteur dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier la gravité du manquement justifiant le prononcé de la déchéance du terme et, d'autre part, qu'il ne peut pas recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme. En'second lieu, elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur dès lors qu'elle autorise le prêteur à prononcer la déchéance du terme sans aucun préavis d'une durée raisonnable. Mme [K] oppose par ailleurs que la SAS Eos France ne peut pas tenter de faire obstacle au caractère rétroactif de la jurisprudence de la Cour de cassation ni au principe d'effectivité en se prévalant de ce que la clause reproduirait les modèles-types réglementaires. Elle en conclut que la clause étant réputée non écrite, la SAS Eos France ne peut obtenir le paiement que des seules échéances échues impayées à la date de la déchéance du terme mais qu'en l'absence de tout historique ou décompte détaillé, elle ne justifie pas de la liquidité ni de l'exigibilité d'une créance quelconque et que le commandement de payer aux fins de saisie-vente doit être annulé.
La SAS Eos France soutient qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution d'examiner le caractère abusif d'une clause dans la situation où il est saisi de la contestation d'une mesure d'exécution mobilière et fondée sur une décision de justice ayant condamné le débiteur au paiement plutôt que sur un acte notarié et sur une ordonnance du juge-commissaire ayant fixé le montant de la créance, sauf à méconnaître l'interdiction de modifier le dispositif de la décision posée par l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution et à commettre ainsi un excès de pouvoir. Elle ajoute que l'application de la solution nouvelle aux titres exécutoires rendus antérieurement à son arrêt méconnaîtrait le droit au procès équitable de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Enfin, elle insiste sur le fait que le principe d'effectivité n'impose pas une telle obligation faite au juge puisque l'article R. 632-1 du code de la consommation lui donne déjà un pouvoir d'agir d'office suffisamment protecteur du consommateur. Enfin, sur le fond, elle conteste le caractère abusif de la clause qui reprend très exactement le libellé de l'article L. 311-30 du code de la consommation ainsi que l'article 5.1 du modèle-type n° 4 annexé à l'article R. 311-6 du même code, auquel elle le prêteur était alors contraint de se conformer. Or, elle rappelle que la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 sur les clauses abusives exclut de son champs d'application les clauses contractuelles qui reflètent les dispositions légales ou réglementaires.
Sur ce,
L'argumentation de la SAS Eos France amène à s'interroger, en premier lieu, sur la possibilité pour le juge de l'exécution d'examiner le caractère potentiellement abusif des clauses d'un contrat de consommation qui a donné lieu, comme en l'espèce, à une condamnation prononcée par un jugement.
Certes, l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution fait interdiction au juge de l'exécution de modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ou d'en suspendre l'exécution. Toutefois, cette disposition doit être confrontée à la jurisprudence communautaire voulant que l'autorité de la chose jugée ne fasse pas obstacle, en soi, à ce que le juge national soit tenu d'apprécier, sur la demande des parties ou d'office, le caractère éventuellement abusif d'une clause, même au stade d'une mesure d'exécution forcée, alors que cet examen n'a pas été déjà effectué à l'occasion du précédent contrôle juridictionnel ayant abouti à la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée (CJUE, arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C-421/14). Il en résulte que le juge de l'exécution peut constater le caractère réputé non écrit d'une clause abusive, y compris lorsque le titre exécutoire est une décision juridictionnelle, qu'il ne peut toutefois ni annuler le titre exécutoire ni le modifier mais qu'il doit alors, le titre exécutoire étant privé d'effet en tant qu'il applique la clause abusive non écrite, calculer à nouveau le montant de la créance selon les dispositions propres aux mesures d'exécution forcée litigieuses pour tirer toutes les conséquences de l'évaluation de la créance sur les contestations dont il est saisi.
Contrairement à ce qu'avance la SAS Eos France, cette solution n'a pas été dégagée pour la première fois par l'arrêt de la chambre commerciale du 8 février 2023 (pourvoi n° 21-17.763), cité par l'intimée, mais découle purement et simplement de l'application effective de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, de telle sorte qu'elle n'est pas fondée à se plaindre d'une quelconque atteinte à son droit au procès équitable en raison d'une prétendue rétroactivité de cette solution à l'offre de crédit en l'espèce acceptée le 12 novembre 2008. Elle n'est pas plus fondée à opposer les limites du principe d'effectivité dès lors que, d'une part, l'obligation faite au juge de vérifier d'office le caractère abusif d'une clause dans un contrat de consommation ne vise pas à suppléer la carence du consommateur mais à assurer l'effectivité de l'application de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et s'exerce uniquement lorsqu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. D'autre part, cette obligation s'impose au juge national, sous la même réserve, dès lors qu'il ne ressort pas de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le précédent juge a procédé à cet examen, de telle sorte qu'il est insuffisant que l'article L. 141-4 du code de la consommation ait réservé au juge la simple faculté de relever d'office toutes les dispositions du code de la consommation, en ce compris celles relatives aux clauses abusives, cet article ayant au demeurant été amendé par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 pour y faire figurer l'obligation d'écarter d'office l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.
En second lieu, l'argumentation de la SAS Eos France amène à considérer au fond le caractère abusif de la clause de résiliation de plein droit.
L'article L. 132-1 du code de la consommation définit les clauses abusives comme étant celles qui, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Mais l'article 1 § 2 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 précise toutefois que les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ne sont pas soumises aux dispositions de la directive. Cette disposition, bien que non transposée de manière formelle en droit interne, trouve néanmoins à s'appliquer dès lors que le législateur national n'a pas expressément prévu d'étendre le contrôle des clauses abusives à ces clauses exclues du champ de la directive.
L'offre de crédit, en l'espèce acceptée avant l'entrée en vigueur de la loi n°'2010-737 du 1er juillet 2010, devait impérativement reproduire l'un des modèles-types annexés à l'article R. 311-6 du code de la consommation, à défaut de quoi le prêteur encourait la déchéance de son droit aux intérêts par l'effet des articles L. 311-8 et L. 311-33 de ce même code. Or, l'article 5.2 de l'offre de crédit acceptée le 12 novembre 2008 reproduit très exactement l'article 5.2 du modèle-type n° 4 relatif à l'offre préalable d'ouverture de crédit renouvelable sur un compte spécialement ouvert à cet effet, utilisable par fractions et assortie de moyens d'utilisation du compte. De ce simple fait, la clause litigieuse qui reflète une disposition réglementaire impérative ne peut pas être considérée comme étant abusive et être réputée non-écrite. La SA Médiatis a pu faire constater la résiliation de plein droit en exécution de cette clause dans les conditions décidées par le jugement du 4 septembre 2012, lequel ne se trouve donc pas privé d'effets.
Mme [K] sera en conséquence déboutée de ses demandes tendant à réputer non écrite la clause 5.2 de l'offre de crédit du 11 novembre 2008 et, à plus forte raison, à anéantir le jugement du 4 septembre 2012 ainsi que ses effets exécutoires.
- sur le montant de la dette :
Le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021 a été délivré pour une somme de 7 770,59 euros en principal, de 6 853,39 euros en intérêts et de (85,06 + 72,68) 157,74 euros en frais.
Mme [K] demande de rectifier ce décompte en faisant application de la prescription biennale des intérêts, qui ne laisse plus subsister ces derniers que pour la seule somme de 2 745,86 euros.
La SAS Eos France convient de limiter sa réclamation aux seuls intérêts ayant couru sur deux années, en considération de la situation de Mme [K].
Sur ce,
Il est précisé que, contrairement à ce que soutient la SAS Eos France, Mme [K] ne demande pas l'annulation du commandement de payer aux fins de saisie-vente en raison du caractère erroné de son décompte, de telle sorte que les développements consacrés par l'appelante à cette question sont sans objet.
Les intérêts découlant d'une créance en principal fixée par un titre exécutoire en raison de la fourniture d'un bien ou d'un service par un professionnel à un consommateur constituent des créances périodiques qui, comme telles, sont'soumises au délai biennal de prescription de l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu l'article L. 218-2 du même code, applicable à raison de la nature de la créance. La SAS Eos France en convient désormais et fournit un décompte des intérêts non prescrits pour un montant de 2 745,86 euros correspondant à la somme également recalculée par Mme [K].
Dans ces circonstances, le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021 sera validé, sauf à rectifier le montant des intérêts à cette somme de 2 745,86 euros, les autres postes n'étant quant à eux pas critiqués.
- sur les délais de paiement :
Mme [K] propose de régler sa dette en 23 mensualités de 150 euros chacune qui s'imputeront en priorité sur le principal de la créance, outre une quatrième échéance qui soldera le principal.
La SAS Eos France s'oppose à cette demande, en faisant valoir que Mme'[K] s'est déjà, de fait, octroyée de larges délais pour le règlement de sa dette.
Sur ce,
Mme [K] ne justifie pas de sa situation actualisée et il n'est justifié d'aucun règlement intervenu depuis le jugement du 4 septembre 2012, même en exécution de l'échéancier qui a pu être proposé par l'intimée et être acceptée par la SAS Eos France le 6 décembre 2021.
Dans ces circonstances, Mme [K] ne pourra qu'être déboutée de ses demandes de délais de paiement et d'imputation des paiements en priorité sur le capital.
- sur la responsabilité de la SAS Eos France :
Mme [K] invoque la responsabilité délictuelle de la SAS Eos France qui s'est rendue coupable du délit de pratique commerciale déloyale en lui réclamant, en toute connaissance de cause et par l'intermédiaire d'un huissier de justice, des intérêts manifestement prescrits et en maintenant même son argumentation fallacieuse en faveur de la prescription quinquennale en première instance devant le juge de l'exécution. Elle demande la réparation du préjudice moral qui en découle, à raison d'une somme de 800 euros.
Sur ce,
Il a précédemment été retenu que la SAS Eos France s'était rendue coupable de pratiques commerciales déloyales au sens de l'article L. 121-1 du code de commerce en faisant délivrer à Mme [K] un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour le recouvrement d'intérêts dont elle ne pouvait pas ignorer, en sa qualité de professionnelle du recouvrement et d'une jurisprudence établie en la matière, qu'ils étaient prescrits pour une large part. En ce sens, la faute de la SAS Eos France est bien établie.
Mais pour autant, il appartient à Mme [K] de rapporter également la preuve de la réalité et de la consistance du dommage dont elle demande la réparation, ainsi que celle du lien de causalité entre la faute caractérisée et le dommage allégué, pour satisfaire aux conditions de l'article 1240 du code civil. Or, une telle preuve n'est pas rapportée. Mme [K] a certes pris attache avec la SAS Eos France dès le 2 décembre 2021 pour proposer un remboursement échelonné de sa dette, ce qui a été accepté par la société créancière, mais elle a dès une lettre du 12 janvier 2022 sollicité une remise totale des intérêts et, surtout, elle n'a jamais réglé quelque somme que ce soit, au titre des intérêts prescrits ou même de la dette dans son ensemble. Par ailleurs, s'il est exact que la SAS Eos France n'a pas rectifié de sa propre initiative le montant des intérêts réclamés et qu'elle a maintenu devant le premier juge un argumentaire en faveur de la prescription quinquennale, ce qui ne peut en réalité pas lui être reproché, Mme [K] a néanmoins obtenu dès la première instance la reconnaissance de la prescription des intérêts échus depuis plus de deux années. De ce fait, la réalité du préjudice moral allégué, qui excéderait les simples démarches rendues nécessaires pour faire constater en justice la prescription biennale des intérêts, n'est pas suffisamment établie.
En conséquence de quoi, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la SAS Eos France à verser à Mme [K] une somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, l'intimée étant déboutée de sa demande.
- sur les demandes accessoires :
Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance seront confirmées, dès lors que, comme précédemment expliqué, l'action de Mme [K] a été rendue nécessaire à tout le moins pour rectifier le montant des intérêts réclamés par la SAS Eos France dans son commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021.
En revanche, Mme [K] qui succombe en appel devra supporter les dépens d'appel, avec autorisation de les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi que les frais irrépétibles d'appel à raison d'une somme de 2 000 euros, elle-même étant déboutée de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a ordonné la mainlevée du commandement de payer aux fins de saisie vente du 1er décembre 2021 pour pratique déloyale et abusive de la SAS Eos France et en ce qu'il a condamné la SAS Eos France à verser à Mme [K] une somme de 800 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral';
y ajoutant,
Déboute Mme [K] de sa demande tendant à annuler ou à lui faire déclarer inopposable le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 1er décembre 2021 ;
Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la SAS Eos France à l'encontre de la demande de Mme [K] tendant à faire constater le caractère abusif de la clause de résiliation de plein droit ;
Déboute Mme [K] de ses demandes tendant à réputer non écrite la clause 5.2 de l'offre de crédit du 11 novembre 2008 et à anéantir le jugement du 4 septembre 2012 ainsi que ses effets exécutoires ;
Valide le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 1er décembre 2021 par la SAS Eos France à Mme [K], sauf à rectifier le montant des intérêts pour les arrêter à la somme de 2 745,86 euros ;
Déboute Mme [K] de ses demandes de délais de paiement et d'imputation des paiements en priorité sur le capital ;
Déboute Mme [K] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;
Déboute Mme [K] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [K] à verser à la SAS Eos France une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamne Mme [K] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.