Décisions
CA Versailles, ch. civ. 1-7, 24 septembre 2024, n° 24/06118
VERSAILLES
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL
DE VERSAILLES
Chambre civile 1-7
Code nac : 14H
N°
N° RG 24/06118 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WYH3
Du 24 SEPTEMBRE 2024
ORDONNANCE
LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
A notre audience publique,
Nous, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre à la cour d'appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l'article L 743-21 et suivants du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de [T] [M], Greffière stagiaire en préaffectation, avons rendu l'ordonnance suivante :
ENTRE :
Monsieur [R] [E]
né le 12 Décembre 2001 à [Localité 1] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au CRA de [Localité 2]
comparant en visioconférence
assisté de Me Fatiha EDDICHARI DEBBAH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 20
et de Monsieur [B] [V], interprète assermenté en langue arabe
DEMANDEUR
ET :
PRÉFECTURE DE LA SEINE SAINT DENIS
représentée par Me Judith ADAM CAUMEILde la SELEURL cabinet ADAM - CAUMEL, avocat au barreau de Paris, vestiaire : D0830, substituée par Me Caroline LABBE-FABRE, avocate au barreau de Paris
DEFENDEURS
Et comme partie jointe le ministère public absent
Vu l'extrait individualisé du registre prévu par l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 6 mars 2024 portant obligation de quitter le territoire français, notifié par le préfet à M. [R] [E] le 7 mars 2024 ;
Vu l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 22 juillet 2024 portant placement de M. [R] [E] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 4 jours, notifié le même jour à 19h05 ;
Vu la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles du 26 juillet 2024 qui a prolongé la rétention de M. [R] [E] pour une durée de vingt-six jours ;
Vu l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 28 juillet 2024 qui a confirmé cette décision ;
Vu la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles du 6 août 2024 qui a rejeté la requête en mainlevée de la rétention administrative déposée par M. [R] [E] ;
Vu l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 7 août 2024 qui a confirmé cette décision ;
Vu la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles du 21 août 2024 qui a prolongé la rétention de M. [R] [E] pour une durée supplémentaire de 30 jours ;
Vu l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 24 août 2024 qui a confirmé cette décision ;
Vu la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis pour une troisième prolongation de la rétention administrative de M. [R] [E] en date du 20 septembre 2024 ;
Vu la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles en date du 21 septembre 2024 qui a déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable, déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [R] [E] régulière, et prolongé la rétention de M. [R] [E] pour une durée supplémentaire de 15 jours à compter du 20 septembre 2024 ;
Le 23 septembre 2024 à 10h36, M. [R] [E] a relevé appel de cette ordonnance prononcée en sa présence à distance à l'aide d'un moyen de télécommunication audiovisuelle par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles le 21 septembre 2024 à 10h40.
Il sollicite, dans sa déclaration d'appel, l'annulation de l'ordonnance, à titre subsidiaire la réformation de l'ordonnance et la fin de la rétention. A cette fin, il soulève la violation de l'article L. 742-5 du CESEDA et soutient que les conditions autorisant la troisième prolongation de la mesure de rétention administrative ne sont pas remplies en ce qu'il n'a pas fait obstruction à son départ au cours des quinze derniers jours et que la Préfecture ne rapporte pas la preuve qu'un laissez-passer sera délivré à bref délai ou que son éloignement aura lieu dans les jours qui suivent.
Les parties ont été convoquées en vue de l'audience.
A l'audience, le conseil de M. [R] [E] demande l'infirmation de l'ordonnance et sa mise en liberté et soutient qu'il n'a été entendu que le 14 août 2024 par les autorités consulaires. Ainsi, le conseil du retenu fait valoir que la préfecture n'a pas effectué les diligences nécessaires. En sus, il n'a pas fait obstruction.
Le conseil de la préfecture s'est opposé aux moyens soulevés et a demandé la confirmation de la décision entreprise, en faisant valoir que les diligences ont été effectuées en ce qu'il a été auditionné par les autorités algériennes et que les relances ont été réalisées. Les empreintes au format NIST ont été envoyées au consulat d'Algérie et en Algérie. Il soutient que M. [R] [E] représente une menace pour l'ordre public car il fait l'objet de 17 signalisations, qu'il a été interpellé dans le cadre d'une rixe et qu'il a été condamné à trois mois d'emprisonnement pour des faits de vol. Il indique que M. [R] [E] s'est soustrait à plusieurs précédentes mesures d'obligation de quitter le territoire français. Il soutient également que le retenu a dit en audition ne pas vouloir quitter la France. Interrogé par la Présidente, le conseil de la préfecture a indiqué qu'il n'y avait pas de suite à la procédure pénale ouverte pour la tentative de meurtre.
M. [R] [E] indique se reconnaître de nationalité algérienne. Il dit qu'il a voulu porter secours aux personnes blessées dans la rixe mais qu'il n'est pas responsable de leurs blessures et qu'il a été relâché suite à la mesure de garde à vue. Il dit vouloir quitter la France et rentrer en Algérie.
SUR CE
Sur la recevabilité de l'appel
En vertu de l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l'étranger lorsque celui-ci n'assiste pas à l'audience. L'article R 743-11 du même code prévoit que le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.
En l'espèce, l'appel, dont le délai a été prorogé au jour ouvrable suivant dès lors qu'il a expiré un dimanche, a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.
Sur la troisième prolongation
Il résulte des dispositions de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.
En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que l'impossibilité d'exécuter la mesure résulte sans conteste de la remise tardive par les autorités consulaires d'un document de voyage.
Le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles relève dans son ordonnance que M. [R] [E] a été auditionné par les autorités algériennes le 14 août 2024 et que l'autorité administrative a relancé les autorités algériennes pour l'obtention d'un laisser-passer à trois reprises. Il retient que « la délivrance du laissez-passer doit intervenir à bref délai, dès lors que l'audition par l'autorité Algérienne a eu lieu ».
Néanmoins, force est de constater que les autorités algériennes n'ont pas répondu aux relances envoyées par les services de la préfecture les 19 et 26 août et les 2, 9 et 16 septembre 2024, alors que M. [R] [E] avait été auditionné par les autorités algériennes dès le 14 août 2024. Cette audition, réalisée il y a presque six semaines, ne peut suffire à démontrer que la délivrance du laissez-passer consulaire interviendra à bref délai. Le préfet ne fait valoir aucune circonstance particulière qui permettrait à la cour d'être informée sur les délais et conditions de délivrance d'un laissez-passer. Le préfet indique qu'« il n'est pas établi que l'éloignement de l'intéressé ne pourrait pas intervenir dans le délai de 15 jours », alors qu'il lui appartient au contraire de démontrer en quoi cet éloignement devrait avoir lieu à bref délai.
Ainsi, malgré les diligences et la bonne foi non contestées des services de la préfecture qui ont saisi les autorités consulaires et procédé aux relances utiles, il y a lieu de constater qu'à défaut d'établir que la délivrance de documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé doit intervenir à bref délai, l'administration ne peut se fonder sur le 3° de l'article L. 742-5 du code précité pour solliciter une troisième prolongation de rétention au-delà du délai de 60 jours.
S'agissant de la condition de menace à l'ordre public, l'ajout du septième alinéa de l'article L. 742-5 du CESEDA par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 s'explique par la volonté du législateur de prévenir un risque de comportement dangereux pour l'ordre public. Dès lors, il appartient au juge, pour autoriser la prolongation exceptionnelle de la mesure de rétention administrative, de rechercher si la personne retenue représente une menace réelle et actuelle à l'ordre public.
L'existence d'une condamnation pénale ne peut suffire à établir que le comportement de la personne retenue constitue une menace pour l'ordre public. Il convient de rechercher si la nature et la gravité des troubles à l'ordre public pour lesquels l'intéressé a été condamné permettent d'établir que celui-ci représente une menace persistante à l'ordre public.
En l'espèce, M. [R] [E] a été condamné par le tribunal judiciaire de Paris le 14 mai 2023 à une peine d'emprisonnement de trois mois pour des faits de vol en récidive. D'après la consultation du fichier automatisé des empreintes digitales, M. [R] [E] a été signalisé, sous huit identités différentes, pour des faits de vols aggravés sans violence, vols, détention et transport de stupéfiants, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, violences habituelles suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours par le conjoint ou l'ex-conjoint, vol en réunion avec violences, escroquerie, extorsion. Par ailleurs, il a fait l'objet d'un placement en garde à vue le 21 juillet 2024 pour des faits de tentative de meurtre, suite à quoi il se voyait notifier l'arrêté portant obligation de quitter le territoire et l'arrêté portant placement en rétention administrative. Il ne ressort pas des pièces versées à la procédure que des poursuites aient été engagées à la suite de cette garde à vue.
Ainsi, si M. [R] [E] fait l'objet de multiples signalisations, pour des faits d'atteintes aux biens, aux personnes et à la législation portant sur les stupéfiants, il ne ressort des pièces versées à la procédure qu'une seule condamnation, en date du 14 mai 2023, pour des faits de vol en récidive, ce qui implique qu'il ait fait l'objet d'une précédente condamnation pour des faits de vol. S'agissant de la procédure diligentée pour les faits de tentative de meurtre, il ne ressort pas des pièces versées à la procédure que M. [R] [E] ait été poursuivi. Par conséquent, les seuls faits pour lesquels il ait été condamné sont des faits d'atteintes aux biens, sans violence. Ainsi, la menace à l'ordre public n'est pas constituée.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise, de rejeter la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis aux fins de prolongation de la rétention administrative, et d'ordonner la remise en liberté immédiate de M. [R] [E].
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement ou par décision réputée contradictoire,
Déclare le recours recevable en la forme,
Infirme l'ordonnance entreprise,
Rejette la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis aux fins de prolongation de la rétention administrative,
Ordonne la remise en liberté immédiate de M. [R] [E].
Rappelle à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français.
Et ont signé la présente ordonnance, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre et [T] [M], Greffière stagiaire en préaffectation.
Fait à VERSAILLES le 24 septembre 2024 à h
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Reçu copie de la présente décision et notification de ce qu'elle est susceptible de pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois selon les modalités laissée ci-dessous.
l'intéressé, l'interprète, l'avocat
POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.
Article R 743-20 du CESEDA :
' L'ordonnance du premier président de la cour d'appel ou de son délégué n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui l'a placé en rétention et au ministère public. '.
Articles 973 à 976 du code de procédure civile :
Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de défendeurs, plus deux ;
DE VERSAILLES
Chambre civile 1-7
Code nac : 14H
N°
N° RG 24/06118 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WYH3
Du 24 SEPTEMBRE 2024
ORDONNANCE
LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
A notre audience publique,
Nous, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre à la cour d'appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l'article L 743-21 et suivants du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de [T] [M], Greffière stagiaire en préaffectation, avons rendu l'ordonnance suivante :
ENTRE :
Monsieur [R] [E]
né le 12 Décembre 2001 à [Localité 1] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au CRA de [Localité 2]
comparant en visioconférence
assisté de Me Fatiha EDDICHARI DEBBAH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 20
et de Monsieur [B] [V], interprète assermenté en langue arabe
DEMANDEUR
ET :
PRÉFECTURE DE LA SEINE SAINT DENIS
représentée par Me Judith ADAM CAUMEILde la SELEURL cabinet ADAM - CAUMEL, avocat au barreau de Paris, vestiaire : D0830, substituée par Me Caroline LABBE-FABRE, avocate au barreau de Paris
DEFENDEURS
Et comme partie jointe le ministère public absent
Vu l'extrait individualisé du registre prévu par l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 6 mars 2024 portant obligation de quitter le territoire français, notifié par le préfet à M. [R] [E] le 7 mars 2024 ;
Vu l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 22 juillet 2024 portant placement de M. [R] [E] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 4 jours, notifié le même jour à 19h05 ;
Vu la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles du 26 juillet 2024 qui a prolongé la rétention de M. [R] [E] pour une durée de vingt-six jours ;
Vu l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 28 juillet 2024 qui a confirmé cette décision ;
Vu la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles du 6 août 2024 qui a rejeté la requête en mainlevée de la rétention administrative déposée par M. [R] [E] ;
Vu l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 7 août 2024 qui a confirmé cette décision ;
Vu la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles du 21 août 2024 qui a prolongé la rétention de M. [R] [E] pour une durée supplémentaire de 30 jours ;
Vu l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 24 août 2024 qui a confirmé cette décision ;
Vu la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis pour une troisième prolongation de la rétention administrative de M. [R] [E] en date du 20 septembre 2024 ;
Vu la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles en date du 21 septembre 2024 qui a déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable, déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [R] [E] régulière, et prolongé la rétention de M. [R] [E] pour une durée supplémentaire de 15 jours à compter du 20 septembre 2024 ;
Le 23 septembre 2024 à 10h36, M. [R] [E] a relevé appel de cette ordonnance prononcée en sa présence à distance à l'aide d'un moyen de télécommunication audiovisuelle par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles le 21 septembre 2024 à 10h40.
Il sollicite, dans sa déclaration d'appel, l'annulation de l'ordonnance, à titre subsidiaire la réformation de l'ordonnance et la fin de la rétention. A cette fin, il soulève la violation de l'article L. 742-5 du CESEDA et soutient que les conditions autorisant la troisième prolongation de la mesure de rétention administrative ne sont pas remplies en ce qu'il n'a pas fait obstruction à son départ au cours des quinze derniers jours et que la Préfecture ne rapporte pas la preuve qu'un laissez-passer sera délivré à bref délai ou que son éloignement aura lieu dans les jours qui suivent.
Les parties ont été convoquées en vue de l'audience.
A l'audience, le conseil de M. [R] [E] demande l'infirmation de l'ordonnance et sa mise en liberté et soutient qu'il n'a été entendu que le 14 août 2024 par les autorités consulaires. Ainsi, le conseil du retenu fait valoir que la préfecture n'a pas effectué les diligences nécessaires. En sus, il n'a pas fait obstruction.
Le conseil de la préfecture s'est opposé aux moyens soulevés et a demandé la confirmation de la décision entreprise, en faisant valoir que les diligences ont été effectuées en ce qu'il a été auditionné par les autorités algériennes et que les relances ont été réalisées. Les empreintes au format NIST ont été envoyées au consulat d'Algérie et en Algérie. Il soutient que M. [R] [E] représente une menace pour l'ordre public car il fait l'objet de 17 signalisations, qu'il a été interpellé dans le cadre d'une rixe et qu'il a été condamné à trois mois d'emprisonnement pour des faits de vol. Il indique que M. [R] [E] s'est soustrait à plusieurs précédentes mesures d'obligation de quitter le territoire français. Il soutient également que le retenu a dit en audition ne pas vouloir quitter la France. Interrogé par la Présidente, le conseil de la préfecture a indiqué qu'il n'y avait pas de suite à la procédure pénale ouverte pour la tentative de meurtre.
M. [R] [E] indique se reconnaître de nationalité algérienne. Il dit qu'il a voulu porter secours aux personnes blessées dans la rixe mais qu'il n'est pas responsable de leurs blessures et qu'il a été relâché suite à la mesure de garde à vue. Il dit vouloir quitter la France et rentrer en Algérie.
SUR CE
Sur la recevabilité de l'appel
En vertu de l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l'étranger lorsque celui-ci n'assiste pas à l'audience. L'article R 743-11 du même code prévoit que le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.
En l'espèce, l'appel, dont le délai a été prorogé au jour ouvrable suivant dès lors qu'il a expiré un dimanche, a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.
Sur la troisième prolongation
Il résulte des dispositions de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.
En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que l'impossibilité d'exécuter la mesure résulte sans conteste de la remise tardive par les autorités consulaires d'un document de voyage.
Le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles relève dans son ordonnance que M. [R] [E] a été auditionné par les autorités algériennes le 14 août 2024 et que l'autorité administrative a relancé les autorités algériennes pour l'obtention d'un laisser-passer à trois reprises. Il retient que « la délivrance du laissez-passer doit intervenir à bref délai, dès lors que l'audition par l'autorité Algérienne a eu lieu ».
Néanmoins, force est de constater que les autorités algériennes n'ont pas répondu aux relances envoyées par les services de la préfecture les 19 et 26 août et les 2, 9 et 16 septembre 2024, alors que M. [R] [E] avait été auditionné par les autorités algériennes dès le 14 août 2024. Cette audition, réalisée il y a presque six semaines, ne peut suffire à démontrer que la délivrance du laissez-passer consulaire interviendra à bref délai. Le préfet ne fait valoir aucune circonstance particulière qui permettrait à la cour d'être informée sur les délais et conditions de délivrance d'un laissez-passer. Le préfet indique qu'« il n'est pas établi que l'éloignement de l'intéressé ne pourrait pas intervenir dans le délai de 15 jours », alors qu'il lui appartient au contraire de démontrer en quoi cet éloignement devrait avoir lieu à bref délai.
Ainsi, malgré les diligences et la bonne foi non contestées des services de la préfecture qui ont saisi les autorités consulaires et procédé aux relances utiles, il y a lieu de constater qu'à défaut d'établir que la délivrance de documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé doit intervenir à bref délai, l'administration ne peut se fonder sur le 3° de l'article L. 742-5 du code précité pour solliciter une troisième prolongation de rétention au-delà du délai de 60 jours.
S'agissant de la condition de menace à l'ordre public, l'ajout du septième alinéa de l'article L. 742-5 du CESEDA par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 s'explique par la volonté du législateur de prévenir un risque de comportement dangereux pour l'ordre public. Dès lors, il appartient au juge, pour autoriser la prolongation exceptionnelle de la mesure de rétention administrative, de rechercher si la personne retenue représente une menace réelle et actuelle à l'ordre public.
L'existence d'une condamnation pénale ne peut suffire à établir que le comportement de la personne retenue constitue une menace pour l'ordre public. Il convient de rechercher si la nature et la gravité des troubles à l'ordre public pour lesquels l'intéressé a été condamné permettent d'établir que celui-ci représente une menace persistante à l'ordre public.
En l'espèce, M. [R] [E] a été condamné par le tribunal judiciaire de Paris le 14 mai 2023 à une peine d'emprisonnement de trois mois pour des faits de vol en récidive. D'après la consultation du fichier automatisé des empreintes digitales, M. [R] [E] a été signalisé, sous huit identités différentes, pour des faits de vols aggravés sans violence, vols, détention et transport de stupéfiants, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, violences habituelles suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours par le conjoint ou l'ex-conjoint, vol en réunion avec violences, escroquerie, extorsion. Par ailleurs, il a fait l'objet d'un placement en garde à vue le 21 juillet 2024 pour des faits de tentative de meurtre, suite à quoi il se voyait notifier l'arrêté portant obligation de quitter le territoire et l'arrêté portant placement en rétention administrative. Il ne ressort pas des pièces versées à la procédure que des poursuites aient été engagées à la suite de cette garde à vue.
Ainsi, si M. [R] [E] fait l'objet de multiples signalisations, pour des faits d'atteintes aux biens, aux personnes et à la législation portant sur les stupéfiants, il ne ressort des pièces versées à la procédure qu'une seule condamnation, en date du 14 mai 2023, pour des faits de vol en récidive, ce qui implique qu'il ait fait l'objet d'une précédente condamnation pour des faits de vol. S'agissant de la procédure diligentée pour les faits de tentative de meurtre, il ne ressort pas des pièces versées à la procédure que M. [R] [E] ait été poursuivi. Par conséquent, les seuls faits pour lesquels il ait été condamné sont des faits d'atteintes aux biens, sans violence. Ainsi, la menace à l'ordre public n'est pas constituée.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise, de rejeter la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis aux fins de prolongation de la rétention administrative, et d'ordonner la remise en liberté immédiate de M. [R] [E].
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement ou par décision réputée contradictoire,
Déclare le recours recevable en la forme,
Infirme l'ordonnance entreprise,
Rejette la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis aux fins de prolongation de la rétention administrative,
Ordonne la remise en liberté immédiate de M. [R] [E].
Rappelle à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français.
Et ont signé la présente ordonnance, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre et [T] [M], Greffière stagiaire en préaffectation.
Fait à VERSAILLES le 24 septembre 2024 à h
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Reçu copie de la présente décision et notification de ce qu'elle est susceptible de pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois selon les modalités laissée ci-dessous.
l'intéressé, l'interprète, l'avocat
POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.
Article R 743-20 du CESEDA :
' L'ordonnance du premier président de la cour d'appel ou de son délégué n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui l'a placé en rétention et au ministère public. '.
Articles 973 à 976 du code de procédure civile :
Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de défendeurs, plus deux ;