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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 24 septembre 2024, n° 23/01789

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Époux (U)

Défendeur :

Le Fournil Descartes (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

M. Chappert, Mme Gandais

Avocats :

Me Viviane Petit, Me Patrick Barret, Me Olwenn Michelet-Pedron, Me Cyrille Guillou

T. com. Angers, ch. A - commerciale, du …

23 octobre 2023

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [G] [U] et Mme [C] [M], son épouse, sont propriétaires d'un bien immobilier situé au [Adresse 9] à [Localité 14] (Maine-et-Loire), à usage de commerce et d'habitation.

Par un acte authentique reçu le 30 juin 2020, ils ont donné cet immeuble à bail commercial à la SARL Le Fournil Descartes, dont les co-gérants étaient M.'[V] [N] et Mme [E] [S], pour une durée de neuf années à compter du 1er mai 2020 et pour y exploiter une boulangerie.

Mme [S] est décédée et M. [N] a été contraint de déposer le bilan.

Par un jugement du 28 juin 2023, le tribunal de commerce d'Angers a ainsi ouvert une procédure de liquidation judiciaire sous une forme simplifiée au bénéfice de la SARL Le Fournil Descartes, la SELARL [P] [O], en la personne de Mme [P] [O], étant désignée liquidateur judiciaire.

Le liquidateur judiciaire a notamment entrepris la vente du fonds de commerce, incluant le droit au bail commercial. Par une lettre du 30 juin 2023, il a ainsi confié à Nestenn la mission de lui transmettre toute offre d'achat avant le 28 juillet 2023 au plus tard.

Seul M. [T] [Z] a présenté une offre, pour un prix de 20 000 euros incluant 3 600 euros de frais.

Saisi d'une requête du liquidateur judiciaire, le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Angers a, par une ordonnance du 23 octobre 2023 :

- autorisé la vente de gré à gré du fonds de commerce à M. [Z] ou toute personne morale qu'il pourrait constituer en vue de l'exploitation de ce fonds et qu'il lui plairait de substituer, pour le prix principal payable comptant de 16'400 euros, à charge pour le cessionnaire en sus de son prix de prendre en charge les frais et honoraires de rédaction d'actes, ainsi que les frais de mutation et d'enregistrement,

- dit que l'acquéreur devra faire son affaire personnelle des actions en revendication des biens meubles qui pourraient être introduites par les propriétaires des biens détenus,

Par une déclaration reçue au greffe le 10 novembre 2023, M. et Mme [U] ont interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a autorisé la vente de gré à gré du fonds de commerce à M. [Z] pour le prix principal payable comptant de 16 400 euros, intimant M. [N], M. [Z], la SARL Le Fournil Descartes et la SELARL [P] [O], ès qualités.

Bien que la déclaration d'appel et l'avis de fixation leur aient été signifiés par des actes du 6 février 2024, remis à personne physique et morale, M. [N] et la SARL Le Fournil Descartes n'ont pas constitué avocat.

M. et Mme [U], d'une part, M. [Z] et la SELARL [P] [O], ès qualités, d'autre part, ont conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 2 mai 2024 ainsi qu'à M. [N] et à la SARL Fournil Descartes par des actes de commissaire de justice du 7 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des motifs, M. et Mme [U] demandent à la cour :

- de déclarer leur appel recevable et fondé,

en conséquence,

- d'infirmer l'ordonnance du 23 octobre 2023 autorisant la vente de gré à gré du fonds de commerce comprenant notamment le droit au bail du local à usage de commerce et d'habitation du [Adresse 9] à [Localité 14], à M.'[Z], ou toute personne morale qu'il pourrait se substituer, pour le prix de 16 400 euros,

- de condamner in solidum M. [Z] et la SELARL [P] [O], ès qualités, à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel,

- de débouter M. [Z] et la SELARL [P] [O], ès qualités, de leurs demandes contraires,

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 13 mars 2024 ainsi qu'à M. [N] et à la SARL Fournil Descartes par des actes de commissaire de justice du 15 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des motifs, M. [Z] demande à la cour de :

- débouter M. et Mme [U] de leurs demandes,

en conséquence,

- de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 23 octobre 2023,

- de condamner M. et Mme [U] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 19 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des motifs, la'SARL'[P] [O], ès qualités, demande à la cour :

- de déclarer irrecevables M. et Mme [U] en leur recours,

- de les débouter de toutes leurs demandes,

- de confirmer purement et simplement l'ordonnance du 23 octobre 2023.

y ajoutant,

- de condamner M. et Mme [U] à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

En cours de délibérés et par un message électronique du 9 août 2024, il a été demandé aux parties leurs observations sur la question du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire - et de la cour statuant avec ces mêmes pouvoirs - pour autoriser la vente de gré à gré dans la procédure de liquidation judiciaire simplifiée ouverte au bénéfice de la SARL Le Fournil Descartes au regard des dispositions de l'article L. 644-2 du code de commerce, ainsi que sur les incidences d'un éventuel dépassement du pouvoir juridictionnel sur la procédure dont la cour est saisie.

Le conseil de M. et Mme [U] a présenté des observations par des messages élctroniques du 26 août 2024 puis du 4 septembre 2024, tandis que le conseil de la SELARL [P] [O], ès qualités, a présenté des observations par un message électronique du 4 septembre 2024, M. [Z] n'ayant quant à lui pas fait parvenir d'observation dans le délai imparti.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il est précisé que, la déclaration d'appel et l'avis de fixation ayant été signifiés à la personne de M. [N] et de la SARL Le Fournil Descartes, le présent arrêt est réputé contradictoire en application de l'article 473, alinéa 2, du code de procédure civile.

- sur la recevabilité du recours :

La SELARL [P] [O], ès qualités, conteste la recevabilité du recours formé par M. et Mme [U] au regard de l'article R. 621-21 du code de commerce, en leur opposant qu'ils ne démontrent pas en quoi l'ordonnance du 23 octobre 2023 affecte directement leurs droits et leurs obligations.

La disposition en réalité applicable n'est pas l'article R. 621-21 du code de commerce, qui prévoit un recours devant le tribunal de la procédure, mais l'article R. 642-37-3 de ce même code, qui ouvre la voie de l'appel à l'encontre des ordonnances du juge-commissaire statuant en matière de cession d'actifs isolés du débiteur en application de l'article L. 642-9. Il est exact que cet article est interprété comme ouvrant l'appel aux parties mais également aux personnes dont les droits et les obligations sont affectés par l'ordonnance du juge-commissaire. Mais tel est bien le cas de M. et Mme [U] en l'espèce puisque, comme ils l'expliquent, la cession du fonds de commerce autorisée par le juge-commissaire va entraîner une cession du droit au bail et leur imposer ainsi, en leur qualité de propriétaires bailleurs, un nouveau preneur. D'ailleurs, il doit être observé que le juge-commissaire a expressément prévu la notification de son ordonnance du 23'octobre 2023 à M. et Mme [U] en tant que personnes dont les droits et les obligations se trouvent affectés par sa décision.

La fin de non-recevoir soulevée par la SELARL [P] [O], ès qualités, sera donc rejetée.

- sur le pouvoir juridictionnel du juge-commissaire :

Par son jugement du 28 juin 2023, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert au bénéfice de la SARL Le Fournil Descartes une procédure de liquidation judiciaire soumise aux articles L. 641-2 et suivants du code de commerce.

Ce'régime simplifié déroge à plusieurs égards à la liquidation judiciaire de droit commun. Notamment, l'article L. 644-2 du code de commerce prévoit que, par'dérogation aux dispositions de l'article L. 642-19, le liquidateur procède à la vente des biens mobiliers de gré à gré ou aux enchères publiques dans les quatre mois suivant la décision ordonnant la procédure simplifiée et qu'à l'issue de cette période, il est procédé à la vente aux enchères publiques des biens subsistants. Dans le cadre du régime simplifié la liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire n'a donc pas à solliciter l'autorisation du juge-commissaire pour procéder à la vente des biens meubles du débiteur, laquelle doit intervenir de gré à gré dans les quatre mois de la décision ou aux enchères passé ce délai. C'est pourquoi la cour s'est interrogée en cours de délibéré sur les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire, saisi par le liquidateur judiciaire, d'autoriser en l'espèce la vente de gré à gré. Cette interrogation a d'ailleurs été suscitée par le liquidateur judiciaire lui-même, qui soutenait que le juge-commissaire pouvait d'autant moins opérer un contrôle préalable et approfondi de l'offre en l'espèce qu'il n'a pas en principe à être saisi ni à intervenir dans le régime simplifié de la liquidation judiciaire.

Dans leurs observations en cours de délibérés, les appelants comme le liquidateur judiciaire contestent néanmoins tout dépassement du pouvoir juridictionnel, en faisant notamment valoir que l'article L. 644-2 précité n'exclut pas la compétence du juge-commissaire, conjointement au liquidateur judiciaire, et qu'une autorisation du juge-commissaire est d'autant plus nécessaire lorsque la vente de gré à gré ne peut pas être finalisée avant l'expiration du délai préfix de quatre mois.

Sans entrer toutefois dans le fond du débat en réponse aux observations des parties, la cour relève que, d'après les explications du liquidateur judiciaire, le tribunal de commerce a entre-temps rendu un jugement pour mettre fin au régime dérogatoire de la liquidation judiciaire simplifiée en raison du dépassement du délai de six mois. La procédure collective étant soumise au régime de droit commun de la liquidation judiciaire à la date à laquelle il est statué, la cour décide qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'hypothèse d'un dépassement du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire.

- sur l'autorisation de vendre de gré à gré :

M. et Mme [U] opposent plusieurs moyens pour contester l'opportunité de la vente de gré à gré autorisée par le juge-commissaire au profit de M.'[Z].

En premier lieu, ils évoquent l'existence d'une clause d'agrément figurant au bail commercial, tout en reconnaissant néanmoins que cette clause n'exigeait pas du liquidateur judiciaire et du juge-commissaire qu'ils recueillent leur consentement exprès et écrit préalablement à la cession du fonds de commerce. De fait, la clause dispose que 'le Preneur ne pourra céder son droit au présent bail, en tout ou partie, sans le consentement exprès et écrit du Bailleur. Toutefois, il pourra consentir librement une cession de bail à son successeur dans son activité'. Contrairement à ce que soutient le liquidateur judiciaire, la clause d'agrément ne se heurte pas aux dispositions de l'article L. 145-16 du code de commerce puisqu'elle ne fait que restreindre la cession sans l'empêcher de façon absolue, et une telle clause d'agrément trouve bien à s'appliquer en cas de cession isolée du droit au bail commercial, seule ou incluse dans le fonds de commerce, dès lors qu'une telle cession doit, aux termes de l'article L. 641-12 du code de commerce, intervenir dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s'y rattachent. Mais force est de constater que la clause précitée autorise le preneur à consentir librement la cession du bail à son successeur dans son activité, ce qui est le cas en l'espèce puisque M. [Z] envisage la poursuite de l'activité de boulangerie-pâtisserie, excluant ainsi toute nécessité d'un agrément de M. et Mme [U].

Les appelants soulèvent, en deuxième lieu, le caractère vil du prix proposé par M. [Z], soit 16 400 euros nets vendeur. Sur ce point, c'est toutefois injustement qu'ils se plaignent de l'absence de toute estimation du prix du fonds de commerce et du délai très court laissé par le liquidateur judiciaire à l'agence immobilière, en pleine période estivale, pour trouver un acquéreur. La'SELARL [P] [O], ès qualités, a en effet agi dans le cadre du régime simplifié de la liquidation judiciaire. L'article L. 644-1-1 du code de commerce faisait donc de la prisée des biens du débiteur une exception et l'article L. 644-2 du même code enfermait la possibilité d'une vente de gré à gré dans un délai très contraint de quatre mois seulement ayant couru à compter du 28 juin 2023, ce qui explique et justifie la précipitation de la démarche du liquidateur judiciaire nonobstant la période estivale. Comme le font valoir les intimés, une seule offre a été reçue, dont M. et Mme [U] ne démontrent pas qu'elle est vile ou même déconnectée de la réalité du prix du marché, compte tenu notamment de l'état de vétusté du bien que M. [Z] met en avant, du coût des travaux et de rachat de matériel que celui-ci dit être nécessaires sans qu'il soit utilement démenti à cet égard.

En dernier lieu, M. et Mme [U] discutent le caractère sérieux de l'offre de M. [Z]. Ils relèvent certes que, dans sa requête, le liquidateur judiciaire a lui-même indiqué que la ventilation du prix proposé par M.'[Z] n'était pas précisée dans l'offre, que le projet n'était pas explicité et que la provenance des fonds, mentionnée comme étant des 'économies réalisées' durant les années de salariat effectué dans la logistique, n'était justifiée que par un contrat de travail et des bulletins de salaire, constituant ainsi autant d'insuffisances par rapport aux conditions impératives énoncées par le liquidateur judiciaire dans son mandat donné à l'agence immobilière. Mais c'est ici encore le délai très contraint de réalisation de la vente de gré à gré, alors que M. [Z] a formulé son offre le 4 octobre 2023, qui explique ces insuffisances notées par le liquidateur judiciaire dans sa requête au juge-commissaire. Au demeurant, M. [Z] fournit désormais des explications et des justificatifs complémentaires sur son projet d'acquisition dans le cadre de la procédure, qu'il convient de prendre en considération pour apprécier le caractère sérieux de son offre.

C'est ainsi qu'est produite une 'étude financière prévisionnelle sur trois ans', qu'a fait réaliser M. [Z] en date du 17 octobre 2023, contre laquelle les appelants dirigent un certain nombre de critiques. L'une de ces critiques est infondée, qui consiste à reprocher à l'étude de se baser sur un chiffre d'affaires prévisionnel bien supérieur à celui qui était réalisé par les cédants après plusieurs années d'exploitation mais sans toutefois que les appelants fournissent aucun élément de comparaison comptable tirée de l'activité de leurs locataires.

M. [Z] répond de façon convaincante à deux autres des critiques émises. Il explique en effet, d'une part, qu'aucune somme n'est inscrite dans les immobilisations incoporelles au titre du coût d'achat du fonds de commerce dans la mesure où il entend financer cette acquisition sur ses fonds propres à partir des économiques qu'il a réalisées sur ses revenus professionnels et sans besoin de financement. C'est ce qui ressort en effet tant de l'offre d'achat qu'il a signée le 4 octobre 2023 que de l'attestation qu'il a rédigée le 17'septembre 2023, dont M. et Mme [U] ne contestent pas la sincérité. D'autre part, l'étude prévisionnelle fait certes figurer une somme de 14 400 euros au titre des charges de loyers (page 4), correspondant à des loyers mensuels de 1 200 euros dont les appelants notent qu'ils ne tiennent pas compte de l'indexation. Mais M. [Z] justifie que ce montant de 1 200 euros lui a été communiqué par l'agence immobilière elle-même dans un courriel du 11 octobre 2023, de telle sorte qu'aucune négligence ne peut lui être reprochée de ce fait.

M. et Mme [U] critiquent enfin le caractère suffisant de l'apport personnel ou familial de 23 400 euros mentionné dans l'étude prévisionnelle (page 2) au regard des investissements nécessaires. Il faut toutefois comprendre, à la lecture du document, que cet apport de 23 400 euros s'ajoute au financement propre par M. [Z] de l'acquisition du fonds de commerce, ce pourquoi le prix d'achat du fonds n'a en contrepartie pas été inscrit au titre des immobilisations. Il n'est par ailleurs pas établi avec certitude que les 'frais d'établissement' (1 500 euros) correspondent aux frais d'agence liés à l'acquisition du fonds, la notion recouvrant plus largement toutes les dépenses nécessaires à la constitution ou au développement de l'activité. De'même, M. [Z] produit deux devis de travaux et d'acquisition de matériel représentant un montant total de (6 192 + 2 849) 9 041 euros en parfaite adéquation avec les montants prévisionnels inscrits au titre des 'travaux et aménagement' (1 000 euros) et 'matériel' (10 000 euros).

Il subsiste en revanche la question liée à l'inscription du montant de l'arriéré de loyers. M. et Mme [U] soutiennent en effet que, par l'effet des dispositions du bail commercial, M. [Z] serait tenu au paiement des loyers impayés même antérieurs à la cession. M. [Z] conteste la validité de cette clause de solidarité inversée, qu'il estime devoir être réputée non écrite en application de l'article L. 642-7 du code de commerce, tandis que le liquidateur judiciaire n'émet pour sa part aucune critique sur ce point.

Le bail commercial prévoit que 'les cessionnaires et sous-locataires devront s'obliger solidairement avec le Preneur au paiement des loyers et à l'exécution des conditions du bail, en cas de cession jusqu'au terme de la période de neuf ans en cours et en cas de sous-location pendant la durée de celle-ci' (page 9). Les appelants et M. [Z] s'accordent sur le fait que cette disposition contractuelle s'analyse comme une clause de solidarité inversée, qui rend le cessionnaire solidairement débiteur des loyers impayés à la date de la cession. Contrairement à ce que soutient M. [Z], la validité d'une telle clause n'est pas contestable, à la différence de celle qui rendrait le cédant solidairement débiteur des obligations du cessionnaire et dès lors que, comme en l'espèce, la cession du droit au bail ne s'inscrit pas dans un plan de cession, seule hypothèse visée par la prohibition de l'article L. 642-7 du code de commerce. Il en résulte qu'en l'espèce, le cessionnaire du bail commercial sera tenu au paiement des loyers dus à la date de la cession, solidairement avec M. [N].

M. et Mme [U] reprochent par conséquent à M. [Z] de ne pas justifier qu'il est en mesure d'assumer le paiement de ces loyers impayés et de ne pas les avoir mentionnés dans son étude prévisionnelle. Mais ce reproche achoppe sur le fait que les appelants ne produisent aucun élément de nature à apprécier le montant des loyers prétendument impayés. Tout au mieux, il ressort des courriels qu'ils ont échangés avec le liquidateur judiciaire que les échéances du 1er juillet 2023 et du 1er novembre 2023 sont demeurées impayées, soit une somme de (1 371,97 x 2) 2 743,94 euros. Il n'est notamment pas justifié du principe ni du montant d'impayés antérieurs au jugement d'ouverture et le liquidateur judiciaire a confirmé aux appelants, par un courriel du 31 octobre 2023, que 'le prix de cession n'est pas très élevé mais devrait permettre de vous régler de vos loyers post-liquidation'. Dans ce contexte, il n'est pas démontré que l'étude prévisionnelle réalisée par M.'[Z] se trouve faussée par l'absence de prise en compte de loyers impayés à la date de la cession, ni même que M. [Z] serait dans l'incapacité de faire face à une dette de loyers préexistante à laquelle il serait solidairement tenu.

En dernier lieu, les appelants contestent le caractère sérieux du projet de M. [Z], faute pour celui-ci de présenter les qualifications et les compétences nécessaires à l'exercice de la profession de boulanger-pâtissier au sens des articles L. 121-1 (7°) et L. 124-1 du code de l'artisanat. M.'[Z] reconnaît qu'il ne satisfait pas aux conditions posées par ces articles, quand bien même il justifie d'un diplôme obtenu en Tunisie le 30 juillet 2015 à la suite d'une formation de huit mois en boulangerie. Néanmoins, il'explique vouloir embaucher M. [D] [Y] pour les besoins de l'exploitation du commerce de boulangerie-pâtisserie. Celui-ci atteste s'engager à honorer cette embauche et disposer de plus de dix années d'expérience comme boulanger. La copie de sa carte professionnelle délivrée par la Chambre des métiers et de l'artisanat du Maine-et-Loire en 2012 est produite au soutien de cette affirmation, qui confirme un début d'activité de boulangerie-pâtisserie / confiserie au 16 mars 2011. Ce faisant, M. [Z] démontre qu'il dispose suffisamment de la capacité de poursuivre l'activité de boulangerie-pâtisserie grâce à l'embauche de M. [Y], dont les compétences et les qualifications au regard des exigences légales ne sont pas discutées par les appelants. Il n'y a en revanche pas lieu de s'interroger au-delà, comme entendent le faire M. et Mme [U], sur les moyens à mettre en oeuvre en cas d'absence temporaire ou de départ de M. [Y], ces'événements étant à ce stade purement hypothétiques et au demeurant inhérents à toute activité commerciale.

Enfin, sous couvert de l'intérêt du débiteur de vendre ses actifs au meilleur prix pour désintéresser tout ou partie de ses créanciers, M. et Mme [U] reprennent en réalité leurs différents arguments au soutien de la critique du caractère sérieux de l'offre de M. [Z] soumise au juge-commissaire par le liquidateur judiciaire, auxquels il a été précédemment répondu. Les intimés font d'ailleurs valoir avec pertinence que la vente de gré à gré à bref délai au profit de M. [Z], seul candidat et dont l'offre a été jugée sérieuse pour les raisons qui précèdent, est de nature à satisfaire également les intérêts de M. et Mme [U] en leur ouvrant la perspective d'une reprise rapide du paiement des loyers, outre le règlement de leur dette grâce à la réalisation de l'actif, sans les exposer aux aléas et au coût d'une vente aux enchères.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a autorisé la vente de gré à gré du fonds de commerce au profit de M. [Z] et pour le prix principal de 16 400 euros nets vendeur.

- sur les demandes accessoires :

M. et Mme [U], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000 euros à la SELARL [P] [O], ès qualités, et de 2 500 euros à M. [Z] au titre des frais irrépétibles exposés en appel, eux-mêmes étant déboutés de leur demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et par arrêté réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SELARL [P] [O], ès'qualités ;

Confirme, dans les limites de l'appel, l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

Déboute M. et Mme [U] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. et Mme [U] à verser à la SELARL [O], ès qualités, une somme de 2 000 euros et M. [Z] une somme de 2 500 euros, au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne in solidum M. et Mme [U] aux dépens d'appel.