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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 19 septembre 2024, n° 23/08549

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Chez Anaïs (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vasseur

Conseillers :

Mme De Rocquigny Du Fayel, Mme Igelman

Avocats :

Me Baouadi, Me Buquet-Roussel, Me Boddært

TJ Nanterre, du 14 nov. 2023, n° 23/0854…

14 novembre 2023

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 19 novembre 2021, M. [J] [P] et Mme [B] [G] épouse [P] ont donné à bail à la SAS Chez Anaïs un local commercial situé [Adresse 4] à [Localité 7] (Hauts-de-Seine), ainsi qu'un appartement situé au premier étage de cet immeuble, en vue de l'exploitation d'un café-bar-restaurant-brasserie.

La location a été consentie moyennant un loyer mensuel de 3 830,83 euros, outre une provision sur charges de 350 euros.

Des loyers sont demeurés impayés.

Par acte de commissaire de justice du 2 septembre 2022, M. et Mme [P] ont fait délivrer à la locataire un commandement, visant la clause de résiliation de plein droit insérée au bail, de payer la somme de 12 566,64 euros au titre de l'arriéré locatif, incluant l'échéance du mois de novembre 2022.

Par exploit délivré le 22 février 2023, M. et Mme [P] ont fait assigner en référé la société Chez Anaïs aux fins d'obtenir principalement la constatation de la résiliation de plein droit de la location, son expulsion, sa condamnation au paiement de la somme de 12 690,83 euros et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle fixée au montant de 3 830,83 euros, jusqu'à la libération effective des lieux.

Par ordonnance contradictoire rendue le 14 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, et dès à présent, vu l'urgence :

- constaté l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit au bénéfice des bailleurs à la date du 3 janvier 2023,

- rejeté la demande de délais formée par la société Chez Anaïs,

- condamné la société Chez Anaïs à quitter les lieux loués situés [Adresse 4],

- autorisé, à défaut pour la société Chez Anaïs d'avoir volontairement libéré les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique,

- dit qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L. 4333-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- fixé une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, révisable selon les dispositions contractuelles (3 830,83 euros par mois à la date de l'audience), augmentée de la régularisation au titre des charges dûment justifiées,

- condamné la société Chez Anaïs à payer à M. et Mme [P] la somme de 16 477,62 euros à titre d'indemnité provisionnelle pour l'arriéré de loyers, charges locatives et indemnités d'occupation à la date du 5 octobre 2023 (échéance du mois d'octobre 2023 incluse), avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2022 sur la somme de 12 566,64 euros, et à compter de la décision pour le surplus,

- condamné la société Chez Anaïs à payer à M. et Mme [P], à compter de novembre 2023 l'indemnité d'occupation mensuelle ci-dessus fixée, jusqu'à libération effective des lieux,

- rejeté le surplus des demandes de M. et Mme [P],

- condamné la société Chez Anaïs aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer et de l'assignation,

- condamné la société Chez Anaïs à payer à M. et Mme [P] une indemnité de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'ordonnance est exécutoire de plein droit par provision.

Par déclaration reçue au greffe le 21 décembre 2023, la société Chez Anaïs a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a rejeté le surplus des demandes de M. et Mme [P] et rappelé que l'ordonnance est exécutoire de plein droit par provision.

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 février 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Chez Anaïs demande à la cour, au visa des articles L. 145-41, L. 622-21 du code de commerce, 561 et 700 du code de procédure civile, de :

'- débouter les époux [P] de de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- prendre acte de l'ouverture d'une procédure collective ;

- infirmer l'ordonnance rendue le 14 novembre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre, enregistré sous le RG numéro 23/00537, en ce qu'il :

- constate l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit au bénéfice des bailleurs, à la date du 3 janvier 2023 ;

- rejette la demande de délais formée par la société Chez Anaïs ;

- condamne la société Chez Anaïs à quitter les lieux loués situés [Adresse 4] ;

- autorise, à défaut pour la société Chez Anaïs d'avoir volontairement libéré les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique ;

- dit qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- fixe une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, révisable selon les dispositions contractuelles (3 830,83 euros par mois à la date de l'audience), augmentée de la régularisation au titre des charges dûment justifiées ;

- condamne la société Chez Anaïs à payer à M. [J] [P] et Mme [B] [P] la somme de 16 477,62 euros à titre d'indemnité provisionnelle pour l'arriéré de loyers, charges locatives et indemnités d'occupation à la date du 5 octobre 2023 (échéance du mois d'octobre 2023 incluse), avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2022 sur la somme de 12 566,64 euros, et à compter de la présente décision pour le surplus ;

- condamne la société Chez Anaïs à payer à M. [J] [P] et Mme [B] [P], à compter de novembre 2023 l'indemnité d'occupation mensuelle ci- dessus fixée, jusqu'à libération effective des lieux ;

- rejette le surplus des demandes de M. et Mme [P] ;

- condamne la société Chez Anaïs aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer et de l'assignation ;

- condamne la société Chez Anaïs à payer à M. [J] [P] et Mme [B] [P] une indemnité de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelle que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit par provision.

et, statuant à nouveau,

- juger irrecevables les demandes, fins et conclusions de M. [J] [P] et Mme [B] [P] ;

- débouter M. [J] [P] et Mme [B] [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [J] [P] et Mme [B] [P] à payer à la sas Chez Anaïs la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- condamner M. [J] [P] et Mme [B] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.'

Dans leurs dernières conclusions déposées le 12 mars 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [P] demandent à la cour, au visa des articles L.145-1 et suivants du code de commerce, 1134 ancien, 1342-10 du code civil, 808, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

'- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 14 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions,

- condamner la société Chez Anaïs à payer à M. [J] [P] et à Mme [B] [P] la somme de 3 532,21 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente procédure,

- condamner la société Chez Anaïs en tous les dépens d'appel, qui seront recouvrables par Maître Chantal de Carfort, avocat au barreau de Versailles.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Chez Anaïs fait valoir qu'elle va déposer une demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, et qu'elle attend seulement l'établissement du bilan de son exercice 2023 pour ce faire.

Au visa des articles 561 du code de procédure civile, L. 145-41 et L. 622-21 du code de commerce, elle demande à la cour de constater l'irrecevabilité de la demande des bailleurs tendant à la résiliation du contrat de bail commercial pour défaut de paiement d'une somme d'argent et d'infirmer l'ordonnance attaquée.

M. et Mme [P], bailleurs intimés, demandent que les développements de l'appelante soient purement et simplement écartés dans la mesure où aucune procédure collective n'était ouverte au jour où l'ordonnance entreprise a été rendue, ni ne l'est d'ailleurs à ce jour, visant un certificat négatif en matière de procédure collective du 11 mars 2024.

Ils sollicitent ensuite la confirmation de l'ordonnance critiquée en toutes ses dispositions, faisant valoir que la société Chez Anaïs ne s'est pas acquittée dans le délai d'un mois des causes du commandement du 2 décembre 2022 visant une somme en principal de 12 566,64 euros et qu'au 5 octobre 2023, la dette s'élevait au montant de 16 477,62 euros.

Sur ce,

Il résulte de la combinaison des articles L. 145-41 et L. 622-21 I du code de commerce que l'action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice ou redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement. (3e civ., 13 avril 2022 n° 21-15.336).

Cette règle de l'interdiction des poursuites ne trouve cependant à s'appliquer qu'à compter du prononcé d'un jugement ouvrant une procédure collective.

Or il est constant au cas présent que la société Chez Anaïs ne fait pas l'objet d'une procédure collective, ce qu'elle ne prétend d'ailleurs pas, précisant seulement qu'elle envisage de demander l'ouverture d'une sauvegarde ou d'un redressement judiciaire.

Dans ces conditions, la cour ne pouvant prendre en considération des éléments futurs, par définition hypothétiques, il ne peut être fait droit à la demande de la société Chez Anaïs. L'action de M. et Mme [P] étant manifestement recevable, son moyen sera rejeté.

L'ordonnance querellée n'étant pas autrement critiquée par l'appelante, elle sera purement et simplement confirmée.

Sur les demandes accessoires :

L'ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société Chez Anaïs ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d'appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice de l'avocat qui en a fait la demande.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à M. et Mme [P] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, justifiés au moyen de factures versées aux débats à hauteur de la somme de 3 532,21 euros. L'appelante sera en conséquence condamnée à leur verser cette somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Rejette le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société Chez Anaïs,

Confirme l'ordonnance du 14 novembre 2023 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que la société Chez Anaïs supportera les dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Chez Anaïs à verser à M. [J] [P] et Mme [B] [G] épouse [P] la somme de 3 532,21 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.