CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 18 septembre 2024, n° 23/01306
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sessa Pierre (SCI)
Défendeur :
Egide (SELAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Leger
Vice-président :
Mme Legrois
Conseiller :
Mme Piedagnel
Avocat :
Me Millier
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant acte sous signature privée du 8 juillet 2021, la SCI Sessa Pierre a donné à bail commercial à la SARL Vkomix un local situé à [Adresse 5].
Par jugement du 2 août 2022, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Vkomix et désigné la SELAS BL & Associés en qualité d'administrateur judiciaire et la SELAS Égide en qualité de mandataire judiciaire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 3 octobre 2022, la SCI Sessa Pierre a déclaré au passif de la société Vkomix une créance privilégiée de loyers commerciaux impayés arrêtés au 1er août 2022 pour un montant total de 24 093,40 euros.
Par jugement du 1er mars 2023, le tribunal a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné la SELAS Égide en qualité de liquidateur.
Par LRAR du 3 mai 2023, la SCI Sessa Pierre a déclaré au passif de la société Vkomix une créance privilégiée de loyers commerciaux impayés arrêtés au 1er mars 2023 pour un montant total de 40 610,04 euros.
Par lettre simple du 11 septembre 2023, réceptionnée le 14 septembre 2023, la SCI Sessa Pierre a été avisée de ce que le juge-commissaire, par ordonnance du 5 septembre 2023, a admis sa créance à titre privilégiée à hauteur de 24 093,40 euros.
Par déclaration au greffe en date du 20 septembre 2023, enregistrée le 22 septembre 2023, la SCI Sessa Pierre a interjeté appel de cette décision.
L'affaire a été fixée à bref délai selon avis en date du 6 novembre 2023.
L'appelant a signifié la déclaration d'appel, l'avis à bref délai ainsi que ses conclusions à la SELAS Égide (le liquidateur) par acte du 14 novembre 2023 (remise à personne morale).
La SCI Sessa Pierre a déposé ses premières conclusions d'appel par RPVA le 15 novembre 2023.
La Selas Egide n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2024 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience de circuit court du même jour.
Le 27 mars 2024, au visa des articles 13, 16 et 543 et suivants du code de procédure civile, la cour a invité l'appelant à produire la décision du 5 septembre 2023 rendue par le juge-commissaire, la déclaration d'appel ne comportant copie que d'un simple avis daté du 11 septembre 2023.
Suivant courrier du 2 avril 2024, l'appelant a indiqué à la cour que le greffe du tribunal mixte de commerce de Saint Pierre lui a transmis la liste des créances et l'état des créances signés par le juge-commissaire ainsi que la facture mais lui a indiqué qu'il ne disposait pas de la décision du 5 septembre 2023 mentionné dans l'avis de dépôt.
Suivant arrêt avant dire droit du 17 avril 2024, au visa des articles 13, 16 et 543 et suivants du code de procédure civile, la cour a ordonné la réouverture des débats à l'audience de circuit court du 19 juin 2024 aux fins d'obtenir la communication par le greffe du tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion de la décision rendue par le juge-commissaire le 5 septembre 2023 ayant admis la créance de la SCI Sessa Pierre au passif de la liquidation judiciaire de la société Vkomix, pièce indispensable à l'examen de la recevabilité de l'appel interjeté par la SCI Sessa Pierre.
Dans un courriel du 5 juin 2024, le greffe du tribunal mixte de commerce de Saint Pierre a transmis la liste des créances de la société Vkomix et précisé qu'elle constituait bien une ordonnance susceptible de recours.
La décision sera réputée contradictoire en application de l'article 473 du code de procédure civile.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 15 novembre 2023, la SCI Sessa Pierre demande à la cour, au visa des articles L.622-25, R.622-25, L.641-12 et L.622-16 du code de commerce, de :
- Infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a n'a pas tenu compte de l'aggravation de la dette locative de la SARL Vkomix à hauteur de 16 516,64 euros déclarée le 3 mai 2023, et s'ajoutant à la créance de loyers commerciaux déclarée à hauteur de 24 093,40 euros au passif du redressement judiciaire ;
Et statuant à nouveau, de :
- Fixer la créance de loyers commerciaux de la SCI Sessa Pierre à titre privilégié pour un montant total de 40 610,04 euros ;
- Condamner la SELAS Égide prise en la personne de Me [E] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Vkomix à payer à la SCI Sessa Pierre la somme de 4000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'huissier.
La SCI Sessa Pierre reproche au juge-commissaire de ne pas avoir tenu compte de la seconde déclaration de créance faite au passif de la liquidation judiciaire de Vkomix faisant état de l'aggravation du passif de la SCI à hauteur de 16 516,64 euros, dette générée entre le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 1er août 2022 et sa conversion en liquidation judiciaire du 1er mars 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l'appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que par application de l'article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris.
Sur la créance contestée
En l'espèce, la SCI Sessa Pierre interjette appel de l'état des créances (ou liste des créances).
Cet état est établi à l'issue de la procédure de vérification du passif du débiteur soumis à la procédure collective. Il contient toutes les créances nées antérieurement au jugement d'ouverture qui ont été régulièrement déclarées et les créances nées postérieurement mais qui ne bénéficient pas d'un traitement préférentiel.
L'état des créances a une valeur juridictionnelle en raison de l'apposition de la signature du juge-commissaire de sorte que l'appel formé contre l'état des créances et non contre une ordonnance du juge-commissaire est recevable.
L'état des créances peut faire l'objet d'un recours du débiteur, d'un créancier ou du mandataire judiciaire, devant la cour d'appel, conformément aux dispositions de l'article R.624-7 du code de commerce.
Il est de jurisprudence constante que pour les créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, le montant de la créance à admettre est celui existant au jour du jugement d'ouverture de la procédure, quels que soient les événements susceptibles d'influer sur la somme ultérieurement distribuée par le liquidateur.
Il s'ensuit que les juges n'ont pas à prendre en compte les événements postérieurs susceptibles d'influer sur la somme à verser au créancier.
Si la liquidation judiciaire intervient sur conversion d'un redressement judiciaire, elle n'est pas une procédure distincte de la première de sorte que les créanciers n'ont pas à déclarer à nouveau leurs créances au passif.
Ils peuvent cependant réactualiser leurs créances.
En l'espèce, l'appelante excipe en réalité non pas d'une créance antérieure à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire mais d'une créance de loyers issus du bail commercial échus entre la procédure de redressement et la conversion en liquidation judiciaire.
Il s'agit ainsi d'une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective laquelle était utile à la procédure en ce qu'elle a permis la poursuite de l'activité du débiteur.
Cette créance n'est donc pas soumise au régime de la déclaration de créance.
Il résulte de ce qui précède que la demande formée par la SCI Sessa Pierre ne peut prospérer.
La décision sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a admis la créance de la SCI Sessa Pierre à titre privilégiée à hauteur de 24 093,40 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La SCI Sessa Pierre qui succombe à l'instance, supportera les entiers dépens d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa prétention au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour l'ordonnance déférée;
Y ajoutant,
Condamne la SCI Sessa Pierre aux dépens d'appel ;
Déboute la SCI Sessa Pierre de sa prétention au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.