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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 24 septembre 2024, n° 21/01735

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Pery (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseiller :

Mme Moulayes

Avocats :

Me Deviers, Me Fages

TJ Toulouse, du 9 mars 2021, n° 19/01329

9 mars 2021

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant contrat de bail du 28 juillet 2000 venant en renouvellement d'un bail précédent des 26 et 29 avril 1991, Monsieur [M] [F] et son épouse Madame [N] [U] ont consenti à l'EURL Le Pery, aux droits duquel vient la SAS Le Pery ( suite à une cession du fonds de commerce en date du 26 décembre 2011), un bail commercial portant sur un local d'environ 90 m² situé au rez de chaussée d'un immeuble sis [Adresse 1] formant angle avec la [Adresse 4].

Le bail d'une durée de 9 ans a été consenti pour y exercer une activité de pizzeria, de restauration ou de brasserie « sans pouvoir y exercer aucune autre activité non connexe ni complémentaire » .

L'immeuble est soumis au régime de la copropriété.

Un conflit est né entre les parties à propos des charges locatives, de l'accès aux parties communes, de la gestion des poubelles et de la boîte aux lettres.

Par acte d'huissier du 18 avril 2019, la SAS Le Pery a assigné Monsieur et Madame [F] devant le tribunal de grande instance de Toulouse en réparation du préjudice subi résultant de la gestion des poubelles et du remplacement des extincteurs, d'un trop-perçu de charges à hauteur de 23.400 € et de la consommation d'eau à hauteur de 21.000 €, et pour obtenir leur condamnation sous astreinte à installer un local poubelle et une boîte aux lettres dans les parties communes.

Les époux [F] ont reconventionnellement demandé au tribunal de condamner la SAS Le Pery à leur verser la somme de 4.645,43 € au titre de l'arriéré locatif, de rejeter les demandes et à défaut, d' ordonner une mesure d'instruction pour vérifier le montant des charges locatives, de condamner la SAS Le Pery à verser 1.000 € par infraction constatée du fait de l'exercice d'une activité non autorisée outre des dommages et intérêts, et de condamner la société locataire à enlever les blocs de climatisation sous astreinte.

Par jugement du 9 mars 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- rejeté la demande de restitution du trop perçu au titre de la consommation d'eau

- condamné la SAS Le Pery à payer Madame et Monsieur [F] la somme de 1.389,08 €, au titre des charges restant dues

- enjoint à Monsieur et Madame [F] de remettre à la SAS Le Pery des clés pour accéder aux parties communes de la résidence Gabriel Péri et à mettre en place une boîte aux lettres dans les parties communes, dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 100 € par jour pendant 1 mois

- rejeté toutes les autres demandes

- dit que chaque partie conservera ses propres dépens

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration enregistrée au greffe le 15 avril 2021, la SAS Le Pery a relevé appel du jugement qu'elle critique en ce qu'il a :

- débouté la SAS Le Pery de ses demandes

- condamné la SAS Le Pery à verser aux époux [F] la somme de 1.389,09 €

- dit que chaque partie conservera ses propres dépens.

Par déclaration du 4 mai 2021 les époux [F] ont relevé appel du jugement qu'ils critiquent en ce qu'il a :

- condamné la SAS Le Pery à leur payer la somme de 1.389,08 €, au titre des charges restant dues -leur a enjoint de remettre des clés pour accéder aux parties communes de la résidence et à faire mettre en place une boîte aux lettres dans les parties communes, dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 100 € par jour pendant 1 mois

- rejeté toutes les autres demandes des parties

- dit que chaque partie conservera ses dépens

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 6 décembre 2021.

Par exploit d' huissier du 22 novembre 2021,la SAS Le Pery a demandé le renouvellement du bail pour une nouvelle durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2022. En réponse, les bailleurs ont notifié le 21 février 2022 un refus de renouvellement du bail sans offre indemnité d'éviction en application de l'article L 145-17 du code de commerce.

Le tribunal judiciaire de Toulouse est actuellement saisi d'une action en contestation du congé.

Par conclusions notifiées le 1er juin 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour le détail de l'argumentation, la SAS Le Pery demande à la cour,au visa des articles L145-40-2 et suivants du code de commerce et L3331-1 du code de la santé publique :

de débouter les époux [F] de leur demandes, fins et prétentions

de réformer partiellement le jugement entrepris,

en statuant à nouveau, de condamner solidairement les époux [F] au paiement de la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts pour la gestion des poubelles

de condamner solidairement les époux [F] au paiement de la somme de 249,36€

de condamner solidairement les époux [F], sous astreinte de 100€ par jour de retard, à mettre en place une boite aux lettres dans les parties communes et à remettre 2 jeux de clefs à la requérante afin de rentrer quand ses employées le souhaitent dans les parties communes et ouvrir la boîte aux lettres

de condamner solidairement les époux [F] au paiement des charges trop perçues soit 23.400€

de condamner solidairement les époux [F] au paiement des consommations d'eau trop perçues sans justificatifs soit 21.000€

de condamner solidairement les époux [F] ,sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter du jugement à intervenir, à créer un local permettant le remisage des containers dans un espèce fermé

de condamner solidairement les époux [F] au paiement de la somme de 6.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

de condamner les époux [F] aux entiers dépens en ce compris ceux de l'article A444-32 du code de commerce en cas de recours à l'exécution forcée.

Par conclusions notifiées le 6 janvier 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé de l'argumentation, Monsieur et Madame [F] demandent, rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tous cas mal fondées:

de réformer partiellement la décision déférée en ce qu'elle a rejeté leurs demandes

à défaut de démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité, de rejeter les demandes de la SAS Le Pery et de la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions

à titre conservatoire et sans reconnaissance aucune du droit au maintien dans les lieux de la SAS Le Pery et des effets du refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction (du 21 février 2022) :

de dire que le bail interdit l'exploitation de la licence IV en bar à la SAS Le Pery

de condamner la SAS Le Pery à verser une pénalité à hauteur de 1.000 € par infraction constatée, l'infraction s'entendant par client consommant de l'alcool dans le cadre d'une activité de bar en infraction aux clauses et conditions du bail

de condamner la SAS Le Pery à verser la somme de 16.766,69 € au titre de l'arriéré locatif au 3 juillet 2021

d'ordonner éventuellement une mesure d'instruction aux frais avancés de la société Le Pery pour vérifier le montant des charges facturées au locataire, dans les limites de la prescription et aux frais avancés du locataire

de condamner la SAS Le Pery à verser la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral

de condamner la SAS Le Pery à enlever les blocs de climatisation placés sans autorisation préalable du bailleur sur la façade extérieure sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir s'agissant d'une infraction aux clauses du bail

d'allouer aux époux [F] une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la cour et 3.000 € pour la procédure de première instance

de condamner la partie succombante aux entiers dépens en ce compris ceux de l'article A444-32 du code de commerce en cas de recours à l'exécution forcée.

Il y a lieu de se reporter expressément aux conclusions susvisées pour plus ample informé sur les faits de la cause, moyens et prétentions des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est en date du 11 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les activités autorisées par le bail :

Le bail indique :

- que le preneur devra exploiter dans les lieux un commerce de pizzeria, de restauration ou de brasserie « sans pouvoir y exercer aucune autre activité non connexe ni complémentaire ».

- qu'aux termes de l'article 11 a du Règlement de copropriété, il pourra être exercé dans les locaux du rez-de-chaussée, toute activité commerciale ou professionnelle à l'exception de celles susceptibles de causer une gêne anormale par rapport à la destination de l'immeuble

- qu'aux termes d'une assemblée générale des copropriétaires réunis le 18 janvier 1988, les copropriétaires ont donné leur accord pour la création d'une pizzeria ou d'un restaurant de restauration rapide sous réserve « d'une parfaite insonorisation des plafonds des locaux du rez-de-chaussée avec ceux de l'étage, la création d'un conduit de fumée s'élevant au-dessus du toit, l'harmonisation de toutes les conditions de sécurité technique tant en ce qui concerne le bruit que les odeurs et d'une manière plus générale tout ce qui se rapproche de près ou de loin à la protection des copropriétaires compte tenu de la nature du commerce».

Le Procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble a été annexé au bail. Il est entré dans le champ contractuel et s'impose à tous les cessionnaires du bail qui sont tenus de respecter aussi bien le contrat que les sujétions du règlement de copropriété .

Le preneur exploite dans les lieux une brasserie sous l'enseigne « Le Pery Brasserie Tapas ».

Il est titulaire d'une licence de débit de boissons de quatrième catégorie depuis le 13 juillet 2004.

Selon l'article L3331-2 du code de la santé publique, le restaurateur titulaire d'une licence de boissons à consommer sur place de catégorie IV ou « grande licence »est autorisé à vendre des boissons du quatrième et cinquième groupe (soit de 18 e et plus d'alcool) en dehors des repas.

Si la licence IV permet aux restaurateurs de proposer un service de bar et toute la gamme des produits alcoolisés autorisés, encore faut-il que cette activité s'exerce dans le cadre des activités prévues par le bail.

Or en l'espèce, le bail exclut la possibilité d'exploiter la licence IV en bar, ce qui a été rappelé à chaque changement de locataire.

Ainsi, l'acte de cession du fonds de commerce du 7 juin 2006 précise que « le cessionnaire se déclare informé que le bail ne permet pas l'exploitation de la licence IV en bar » .

L'acte notarié du 26 décembre 2011 rappelle en page 10 que « le bailleur a refusé d'ajouter l'activité de bar à la liste d'activités du bail sus-énoncées en raison notamment de l'article 11a du règlement de copropriété » et que « le cessionnaire a reçu toutes explications sur ce point, qu'il a pris la mesure des conséquences éventuelles notamment sur l'exploitation du fonds de commerce de l'interdiction potentielle de la licence IV en bar, et qu'il souhaite en faire son affaire personnelle en pleine connaissance de cause, sans recours contre quiconque ».

Il en résulte que le preneur ne peut de bonne foi soutenir que le bail ne comporte aucune restriction d'utilisation de la licence IV en bar et que cette activité est incluse dans celle de restaurant-brasserie alors que le bailleur a rappelé à chaque cession de fonds de commerce la destination du bail et son refus de modifier la clause en raison du règlement de copropriété auquel il est assujetti.

Contrairement à ce que soutient la société locataire, le débat ne concerne pas le fait de savoir si elle peut ou non exploiter une licence IV mais d'apprécier si les conditions d'exploitation effectives sont ou non conformes au bail, le fait qu'il détienne une telle licence ne l'autorisant nullement à élargir la destination du bail.

Selon les informations fournies ,outre une activité de brasserie exercée midi et soir , 7 jours sur 7, le preneur sert des boissons alcoolisées en dehors des repas (PV de Me [P] du 19 août 2020 ) et organise également des soirées festives et des événements musicaux avec des consommations d'alcool et de cocktails.

L'établissement ouvre ses portes tous les jours de la semaine de 9 heures du matin à minuit les dimanche, lundi et mardi, de 9 heures à 2 heures du matin les mercredi, jeudi et vendredi et de 9 heures à 3 heures du matin le samedi.

Il est référencé sur les sites Google et Tripadvisor à la fois comme un restaurant et comme un bar avec une grande amplitude d'horaires d'ouverture (de 7h30 le matin à 2 heures dans la nuit) .

Selon les captures de pages Facebook produites , Le Pery annonce être « heureux d'ouvrir ses portes tous les jours de la semaine du petit matin jusqu'au bout de la nuit » en faisant la promotion de sa carte de boissons illustrée par la confection de cocktails et un alignement de« shooters » .

Selon le constat de Me [I], huissier de justice dressé le 7 janvier 2022, l'établissement qui se présente comme un bar , invite ses clients à venir tous les jours à partir de 20 heures « boire un verre avec de bons vins, des bières et des cocktails réalisés par l'équipe, quelques tapas à partager (ou non) pour accompagner le tout ». Il propose tantôt un atelier de création des cocktails sous le signe du whisky et le patronage d'une distillerie bio, tantôt des soirées déguisées pour Halloween, la Saint-Patrick, le nouvel an chinois, des soirées cubaines à base de rhum ou encore un Live avec DJ, tout en publiant sur son site des photos et des vidéos de ces événements festifs, notamment une « murder party » du 9 novembre 2022.

Il en résulte que l'établissement Le Pery a une activité régulière d'animations en soirée autour de la vente de boissons alcoolisées avec ou sans tapas mais sans être accompagné de repas à proprement parler, qui est caractéristique d'une activité de bar à cocktails.

Les conditions d'exploitation d'un tel établissement sont très différentes de celles d'un restaurant puisqu'il est ouvert jusqu'à 2 ou 3 heures du matin alors qu'un restaurant traditionnel ou une brasserie de quartier arrête son service généralement aux alentours de 22/23h. Dans le cadre d'une brasserie, les alcools forts ne sont consommés qu'à titre accessoire autour de repas ou d'un encas et l'établissement n'a pas vocation à se transformer en bar de nuit . De même un bar s'adresse à une clientèle différente qui a d'autres pratiques de consommation , le preneur expliquant à ce sujet qu'il a la volonté de créer « une ambiance au sein de l'établissement qui reste ouvert tard afin de développer une offre de service attractive pour une clientèle plus jeune ».

Il est inopérant en l'espèce d'invoquer l'évolution des usages en matière d'animation nocturne ou les pratiques d'autres établissements du centre-ville qui organisent des soirées festives ( Le Florida, Le Soulier , Le Bibent') dès lors qu'il n'est fourni aucun renseignement sur les activités autorisées dans les baux desdits établissements.

Si en vertu du bail il est possible d'adjoindre des activités connexes ou complémentaires , encore faut-il qu'elles le soient , ce qui est contesté en l'espèce et que le preneur fasse connaître son intention au propriétaire dans les formes prévues par l'article L145-47 du code de commerce et sollicite une déspécialisation totale ou partielle. À défaut, le bailleur est fondé à lui faire sommation de cesser l'activité qui n'entre pas dans les prévisions du bail.

Dès lors le preneur ne peut utilement soutenir qu'il n'aurait aucune autorisation à demander à son bailleur car « il n'exploite aucune activité de bar qui ne serait pas incluse dans le bail ou complémentaire à celle de brasserie ».

Le preneur exploitant dans les lieux une activité de bar en sus des activités autorisées est en infraction avec la clause de destination du bail.

En conséquence, il y a lieu de réformer la décision du tribunal et de faire droit à la demande des époux [F] dans les termes qui seront précisés au dispositif.

Sur le contentieux relatif aux parties communes :

Dans le cadre de son obligation de délivrance, le bailleur doit fournir tous les accessoires du bail qui en permettent une exploitation normale.

À ce titre la société locataire demande la possibilité de détenir les clés permettant d'accéder au rez-de-chaussée de la copropriété et d' y disposer d'une boîte aux lettres sécurisée . Elle demande en outre de condamner sous astreinte, les époux [F] à créer un local permettant de remiser les poubelles dans un espèce fermé .

Le tribunal a fait droit à sa demande en ce qui concerne la remise des clés et la mise en place d'une boîte aux lettres dans les parties communes mais a rejeté sa demande en ce qui concerne les conteneurs poubelles.

En ce qui concerne la remise de clés, cette demande est justifiée pour permettre à la société Le Pery d'accéder aux compteurs de gaz et d'électricité de son local ainsi qu'aux arrivées de téléphone et au boîtier de fibre optique qui se situent dans les parties communes selon le constat d'huissier produit.

Par ailleurs dans le cadre de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal judiciaire, une boîte aux lettres a été installée dans l'intérieur de l'immeuble sans l'opposition du syndicat des copropriétaires. Dès lors il y a lieu de confirmer la décision de ce chef.

Selon les informations fournies, depuis son entrée dans les lieux, la société locataire remise ses poubelles dans une impasse extérieure qu'elle partage avec le commerce voisin (Le Petit Casino ) qui dépend d'une autre copropriété ([Adresse 3]). Comme il existe une servitude de passage entre les deux copropriétés, les deux commerces du rez-de-chaussée ont été autorisés à y entreposer leurs conteneurs.

L'immeuble étant soumis au régime de la copropriété, les bailleurs ne peuvent être condamnés à effectuer différents aménagements ou changement d'affectation dans les parties communes hors la présence du syndic de copropriété dûment appelé.

Tel est le cas en ce qui concerne l'aménagement d'un « local à vélo » qui, selon le locataire, serait susceptible d'accueillir son conteneur à poubelles mais soulève l'opposition des bailleurs qui font valoir qu'il est trop exigu.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] n'étant pas partie en la cause, il y a lieu de débouter la société Le Pery de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre les seuls bailleurs qui n'ont pas qualité pour créer un local de remisage dans les parties communes ou un aménagement conforme à ses besoins.

Par ailleurs la cour ne peut qu'approuver la décision du premier juge qui a fait ressortir qu'il ne pouvait être reproché aux bailleurs aucune gestion défectueuse des poubelles dès lors que la propriété ne contient pas de local poubelle dédié et que les conteneurs du restaurant sont entreposés dans une impasse sur laquelle la copropriété bénéficie d'une servitude de passage commune avec la copropriété voisine, étant précisé que selon procès verbal du 3 juin 2019, l'assemblée des copropriétaires a donné son accord au syndic de copropriété du n°24 pour installer à ses frais un portail à l'entrée de l'impasse afin de remédier aux nuisances dont le preneur se plaint.

Aucun manquement contractuel n'étant établi à l'encontre des bailleurs , il y a lieu de rejeter sa demande ainsi que celle concernant le coût de remplacement des deux extincteurs dont elle a fait usage pour circonscrire des départs de feux à hauteur de 249,36€.

La décision du premier juge sera confirmée de ces chefs.

Sur le trop-perçu de consommation d'eau et de charges locatives :

Le bail en date du 28 juillet 2000 prévoit que le preneur devra payer toutes les quittances d'eau, de gaz, d'électricité de manière que le bailleur ne puisse jamais être recherché à ce sujet, les taxes de toute nature le concernant personnellement relatives à son commerce, et rembourser au bailleur toutes les taxes que celui-ci serait amené à payer relativement aux locaux loués ainsi que l'impôt foncier. La consommation d'eau devra être réglée deux fois par an, le compteur défalqueur devra être relevé par le syndic de l'immeuble qui indiquera directement le montant à régler à la copropriété.

La provision mensuelle pour charges est fixée à 1600 Fr (actuellement 243,92 euros). Cette provision sera réajustée chaque année en fonction des dépenses réellement exposées l'année précédente, le bailleur devant adresser un mois avant l'échéance de la régularisation, un décompte faisant ressortir la quote-part du preneur afin de faciliter l'apurement des comptes.

La SAS Le Pery qui est entrée dans les lieux le 26 décembre 2011, demande le remboursement des consommations d'eau trop-perçues sans justificatif sur une base forfaitaire de 3000 euros par an pendant 7 ans, soit 21 000 euros et des charges de copropriété sur 8 ans à raison de 243,92 euros par mois, soit la somme de 23 400 euros .

En ce qui concerne les factures d'eau, elle fait valoir qu'il n'existe aucun relevé de consommation d'eau établi de façon contradictoire, les relevés étant réalisés en son absence et sans qu'elle en soit informée. Elle relève en outre des incohérences dans les justificatifs produits.

Selon les informations fournies, la copropriété dispose d'un compteur général et de compteurs séparés pour chaque lot. Le compteur de la SAS Le Pery se situe dans la cave des locaux donnés à bail. Conformément au bail, un relevé des compteurs est effectué deux fois par an par une société agréée et le syndic de copropriété transmet à chaque copropriétaire le montant de sa consommation d'eau qui est ensuite répercuté sur le locataire au titre des charges locatives.

Le compteur se situant dans sa cave, il appartient à la société locataire d'en faciliter l'accès à la société en charge des relevés et de veiller à être présente lorsqu'elle intervient, sans pouvoir faire grief aux bailleurs d'une éventuelle absence.

En tout état de cause , il est établi qu'à plusieurs reprises, le gestionnaire du bien, la société LSI l'a dûment informée des dates de rendez-vous et des diligences accomplies par les sociétés SUEZ et OCEA pour procéder au remplacement du compteur dès lors qu'il était constaté qu'il était « bloqué » et qu'aucune consommation n'apparaissait . Il est de même pour le cabinet Bonnefons syndic de l'immeuble (pièce 34).

Il est produit l'ensemble des justificatifs qui révèle que la consommation d'eau augmente régulièrement à partir de l'année 2015 (910 m³) pour s'établir à environ 1024 mètres cubes sur la période 2016 et 2017 et à 1300 m³ sur la période de 2018 à 2020.

À hauteur d'appel, la société locataire ne formule aucune critique précise et détaillée à l'encontre de la décision de première instance qui a relevé à bon droit qu'au-delà de cinq ans ses demandes étaient prescrites et que , pour le surplus, elles n'étaient pas justifiées, se contentant de reprendre ses contestations sans les actualiser dans le cadre du présent litige.

Le Premier juge a procédé à une analyse des consommations d'eau année après année et relevé qu'elles étaient cohérentes, à l'exception de deux périodes en 2014 et 2015 où le compteur était « bloqué »,ce qui a donné lieu à une estimation rétrospective de consommation au vu des consommations de l'année suivante (pièce numéro 4 de la société Le Pery).

C'est donc par une motivation pertinente que la cour s'approprie que le tribunal a considéré que la société locataire ne démontrait pas que les factures réclamées par le syndic au vu des relevés effectués par les société SUEZ ou OCEA étaient injustifiées et a rejeté sa demande de restitution .

En ce qui concerne les charges de copropriété, la société Le Pery fait valoir que pendant des années elle a payé les charges d'entretien de l'immeuble, comme le nettoyage et la gestion des poubelles, alors qu'elle n'avait pas accès aux services communs et que lorsqu'elle s'en est plaint en 2017, il lui a été répondu que puisqu'elle ne voulait plus payer les charges, elle n'aurait plus accès à la copropriété. Par suite les charges de copropriété ne lui ont plus été facturées .

Il n'est pas contesté que les bailleurs ne facturent plus depuis 2017 les charges relatives à la gestion des poubelles ni des frais divers tels ceux de dératisation mais uniquement la consommation d'eau et les taxes foncières faisant ainsi une application stricte des termes du bail.

Au vu de ces éléments et de la période de réclamation qui n'est pas couverte par la prescription, la cour ne peut suivre la société locataire dans ses demandes lorsqu'elle sollicite le remboursement de l'intégralité des charges locatives depuis huit ans alors que les charges comprennent le remboursement de sommes incontestablement dues relatives aux consommation d'eau et aux impôts fonciers et qu'elle reconnaît elle même ne plus payer les charges de copropriété depuis au moins 2017.

Faute pour elle de détailler ses réclamations en fonction de la nature des charges qu'elle conteste, il y a lieu de débouter la société Le Pery de sa demande de remboursement qui fait double emploi avec la demande de remboursement des consommations d'eau.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les blocs climatiseurs :

L'huissier de justice a constaté la présence de cinq groupes de climatisation fixés sur la façade arrière de l'immeuble. Il n'est pas contesté que ces blocs de climatisation ont été installés avant l'entrée dans les lieux du locataire actuel. S'il n'est pas justifié d'une autorisation expresse, il doit être considéré que le bailleur a tacitement toléré cette installation qui n'a fait l'objet d'aucune protestation ni de sa part ni de celle de la copropriété depuis de nombreuses années.

Dès lors la cour, adoptant les motifs du premier juge confirmera la décision de ce chef

Sur l'arriéré locatif et de charges:

Les bailleurs demandent de condamner la SAS Le Pery à verser la somme de 12 436,96 € au titre de l'arriéré de loyers et de charges arrêté au 6 janvier 2023 outre une somme de 4329,73 euros au titre des charges d'eau impayées du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2019, soit la somme totale de 16 766,69 euros.

Contrairement à ce qui est soutenu, il ne s'agit pas d'une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, les parties pouvant toujours ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui ont sur l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire comme en l'espèce puisque la cour est saisie de l'ensemble du contentieux locatif opposant la société Le Pery à son bailleur.

La société locataire justifie avoir versé le 27 avril 2021 la somme de 12 598,10 euros pour régulariser l' impayé locatif en ce compris les charges locatives (consommation d'eau et impôts fonciers) .

Depuis cette date, la société gestionnaire LSI a procédé à la régularisation des consommations d'eau des années 2019/ 2020 et 2021 et expliqué qu'il existait un trop-perçu de 36,46 euros qui a été imputé sur le loyer du mois de décembre 2022 .

Par ailleurs un certain nombre de mensualités sont demeurées impayées en sorte qu'au 6 janvier 2023, il reste dû une somme de 12 436,96 euros (pièce numéro 55 des bailleurs) qui n'est pas utilement contestée par la société locataire.

Le décompte de la société LSI ne comptabilisant aucun arriéré au titre des consommations d'eau antérieures et aucun justificatif n'étant fourni sur un reste dû à cet égard en sus des provisions déjà versées, il y a lieu de condamner la société à régler la somme susvisée et de rejeter le surplus des demandes formées par les bailleurs .

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Les bailleurs sollicitent l'octroi d'une somme de 15 000 euros au titre du préjudice matériel et moral subi en raison des tracas liés à la procédure.

En ce qui concerne le préjudice matériel, il ne subsiste aucun préjudice à l'issue de la présente décision. En ce qui concerne le préjudice moral, ils ne justifient d'aucun préjudice particulier en lien avec la présente procédure, étant précisé qu'il n'est justifié d'aucune démarche pour parvenir à un règlement amiable du litige.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Compte tenu des circonstances, chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à leur charge les frais irrépétibles qu'elles ont exposés pour assurer leur représentation en justice.

Il sera fait masse des dépens qui seront partagés par moitié.

L'article A 444'32 du code de commerce se suffisant à lui-même, il n'y a pas lieu de prévoir d'autres dispositions en cas de recours à l'exécution forcée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après en avoir délibéré,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 9 mars 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de restitution d'un trop-perçu au titre de la consommation d'eau et de charges locatives, enjoint à Monsieur et Madame [F] de remettre à la société Le Pery les clés pour accéder aux parties communes de la résidence Gabriel Péri et à faire mettre en place une boîte aux lettres pour son locataire dans les parties communes dans un délai de un mois sous astreinte, rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par l'une et l'autre des parties,rejeté les demandes au titre de l'enlèvement des blocs de climatisation et de remboursement des extincteurs, rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie conservera ses propres dépens,

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné la société Le Pery à payer à Monsieur et Madame [F] la somme de 1389,08 euros au titre des charges restant dues et rejeté les demandes des bailleurs au titre du non-respect des activités autorisées par le bail commercial,

Et statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Dit que le bail interdit l'exploitation de la licence IV en bar et que la SAS Le Pery a contrevenu à la clause de destination du bail,

Fait injonction à la SAS Le Pery de cesser l'exploitation de bar sous astreinte de 1000 € par infraction constatée passé un délai de 1 mois suivant la signification du présent arrêt, l'infraction étant caractérisée lorsqu'il est constaté qu'un ou plusieurs clients consomment les boissons autorisées dans le cadre de la licence IV en dehors des repas,

Déclare recevable l'action des bailleurs en paiement de l'arriéré locatif,

Condamne la SAS Le Pery à payer à Monsieur et Madame [F] la somme de 12 436,96 euros au titre de l'arrêté locatif arrêté au 6 janvier 2023 et rejette le surplus des demandes formées à ce titre,

Déboute les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,

Déboute la SAS Le Pery de sa demande de remboursement des extincteurs incendie,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

Fait masse des dépens et les partage par moitié.