CA Versailles, ch. com. 3-1, 19 septembre 2024, n° 22/05503
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
CCF (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubois-Stevant
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me De Kerckhove, Me Pedroletti, Me Valade, Me Attal
EXPOSÉ DES FAITS
Par acte sous seing privé du 15 novembre 2010, M. [C] [O] et Mme [E] [O], aux droits desquels interviennent désormais M. [C] [O], M. [G] [I], M. [Z] [I], en leur qualité de nu-propriétaires, et M. [M] [I], en qualité d'usufruitier, (ci-après l'indivision [O]-[I]) ont renouvelé le bail commercial consenti à la SA HSBC France (ci-après HSBC), signé le 28 septembre 1999, portant sur des locaux situés dans un immeuble sis [Adresse 6] et [Adresse 5] à [Localité 12] pour une durée de 9 années à compter du 1er octobre 2008, moyennant un loyer annuel de 26.031,60 €.
Par acte extrajudiciaire du 15 décembre 2017, l'indivision [O]-[I] a fait signifier à la société HSBC un congé avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2018 moyennant un loyer annuel déplafonné de 51.000 €.
Le 16 avril 2019, l'indivision [O]-[I] a notifié à la société HSBC un mémoire préalable puis, par acte du 14 juin 2019, elle l'a assignée devant le tribunal judiciaire de Nanterre afin de voir fixer le loyer du bail renouvelé.
Par jugement du 9 mars 2020, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nanterre a :
- Constaté le renouvellement du bail au 1er juillet 2018 ;
- Rejeté la demande de déplafonnement sur le caractère exclusif de bureaux des locaux et sur le caractère monovalent des locaux ;
- Avant dire droit, ordonné une expertise ;
- Fixé le loyer provisionnel dû par la société HSBC au montant du loyer tel que résultant du bail ancien.
Mme [H] [W], experte désignée, a déposé son rapport le 26 octobre 2020.
Le 1er décembre 2020, les bailleurs ont notifié un mémoire après expertise aux fins d'obtenir la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2018 à 43.500 € par an HT/HC.
Par mémoire notifié le 9 mars 2022, la société HSBC a demandé la fixation du loyer à la somme de 28.776,23 € par an en application de la règle de plafonnement prévue par l'article L.145-34 du code de commerce.
Par jugement contradictoire du 4 juillet 2022, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nanterre a :
- Débouté l'indivision [O]-[I] de sa demande tendant à voir écarter les pièces et les déclarations de la société HSBC ;
- Fixé à 39.214,77 € hors taxes et hors charges le montant du loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2018 entre l'indivision [O]-[I] et la société HSBC portant sur les locaux à usage commercial sis [Adresse 6] et [Adresse 5] à [Localité 12], les autres clauses et conditions du bail expiré restant inchangées ;
- Dit que les intérêts au taux légal sur les sommes dues au titre de la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courent à compter du 14 juin 2019, date de l'assignation délivrée par l'indivision [O]-[I] en fixation du prix ;
- Ordonné la capitalisation des intérêts ;
- Condamné la société HSBC à payer à l'indivision [O]-[I] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Rejeté toutes autres demandes plus amples et contraires ;
- Condamné la société HSBC aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.
Par déclaration du 29 août 2022, la société HSBC a interjeté appel du jugement.
Aux termes d'un traité d'apport partiel d'actifs ayant pris effet au 1er janvier 2024, le droit au bail des locaux loués a été transféré à la Banque des Caraïbes aujourd'hui dénommée CCF.
L'apport étant soumis au régime des scissions, la société CCF s'est substituée à la société HSBC dans tous les droits et actions découlant du droit au bail.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 février 2024, la société CCF, substituée de plein droit à la société HSBC, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'indivision [O]-[I] de sa demande tendant à voir écarter les pièces et déclarations de la société HSBC ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Fixé à 39.214,77 € HT et HC le montant du loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2018 ;
- Dit que les intérêts au taux légal sur les sommes dues au titre de la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courent à compter du 14 juin 2019, date de l'assignation délivrée en fixation du prix ;
- Ordonné la capitalisation des intérêts ;
- Condamné la société HSBC à payer à l'indivision [O]-[I] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté toutes autres demandes plus amples et contraires ;
Statuant de nouveau,
Au principal,
- Déclarer recevables les demandes de la société CCF qui s'est substituée à la société HSBC;
- Débouter l'indivision [O]-[I] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Fixer à 28.776,23 € par an le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2018 dont bénéficie la société CCF sur les locaux situés [Adresse 6] à [Localité 12] ;
Subsidiairement,
- Fixer à 30.240 € par an le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2018 dont bénéficie la société CCF sur les locaux situés [Adresse 6] à [Localité 12] ;
En tout état de cause,
- Condamner l'indivision [O]-[I] au règlement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner l'indivision [O]-[I] aux dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 31 mai 2023, l'indivision [O]-[I] demande à la cour de :
- Déclarer la société HSBC mal fondée dans son appel, l'en débouter ;
- Déclarer recevable et bien fondée l'indivision [O]-[I] en son appel incident ;
Et statuant à nouveau,
- Débouter la société HSBC de toutes ses demandes dont les comptes sont contestés (sic) ;
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre en date du 4 juillet 2022 en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande du bailleur de voir écartées des débats les pièces de la banque HSBC dépourvues de force probante, notamment sa pièce 11 ;
- Ecarter des débats les déclarations de la banque HSBC ayant pour objet de mettre en doute la partialité et l'honnêteté du Cabinet Robine de manière déloyale et infondée ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre en date du 4 juillet 2022 en ce qu'il a fixé à la somme de 39.214,77 € HT et HC le loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2018 ;
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 4 juillet 2022 dans toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
- Condamner la société HSBC à payer à l'indivision [O]-[I] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Me Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 février 2024.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
1/ Sur la recevabilité des pièces et des déclarations de la société CCF, venant aux droits de la société HSBC
L'indivision [A]-[I] demande à la cour d'écarter des débats 'les pièces de la banque HSBC dépourvues de force probante, notamment sa pièce 11' ainsi que 'les déclarations de la banque HSBC ayant pour objet de mettre en doute la partialité et l'honnêteté du cabinet Robine de manière déloyale et infondée'.
Selon l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
L'article 135 du code de procédure civile dispose que 'le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile'.
Outre le fait que l'indivision [A]-[I] ne détaille ni les pièces qui devraient selon elle être écartées des débats, ni la raison de sa demande, la cour constate que toutes les pièces de la société HSBC ont été régulièrement communiquées en première instance et en appel, de sorte que l'indivision [A]-[I] a été en mesure d'organiser sa défense.
Par ailleurs, l'indivision [A]-[I] n'apporte pas de précision suffisante pour permettre à la cour d'identifier ' les déclarations de la banque HSBC ayant pour objet de mettre en doute la partialité et l'honnêteté du Cabinet Robine de manière déloyale.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'indivision [A]-[I] de sa demande tendant à voir écarter des débats des pièces et des déclarations de la société CCF, venant aux droits de la société HSBC.
2/ Sur la demande de déplafonnement du loyer
La société CCF, venant aux droits de la société HSBC, reproche au tribunal d'avoir retenu une modification notable et favorable des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré alors que l'expert judiciaire avait constaté le contraire. Elle soutient que le double caractère favorable et notable de la modification n'est pas démontré en l'espèce et qu'il convient de prendre en compte la spécificité de l'activité bancaire et son évolution compte tenu de la digitalisation des services. Elle estime que les évolutions, telles que l'évolution de la population, la fréquentation de la gare de [Localité 12], la proportion de cadres, l'augmentation du pouvoir d'achat, les constructions nouvelles et la rotation des commerces, sont mineures ou sans incidence sur son activité de banque. Elle en déduit qu'en l'absence de motif de déplafonnement, le loyer annuel doit être plafonné à la somme de 28.776,23 €.
L'indivision [O]-[I] soutient que l'expert amiable et l'expert judiciaire ont retenu une modification notable des facteurs locaux de commercialité permettant un déplafonnement du loyer, le premier avec un loyer annuel de 43.500 € et le second avec un loyer annuel de 41.000 €. Elle fait valoir que les nuances apportées par l'expert judiciaire concernant l'évolution du secteur bancaire ne peuvent être retenues car il n'a pas invité les parties à se prononcer sur cette question et que, sans éléments comptables, il n'est pas en mesure d'établir le réel impact de cette évolution sur la société HSBC.
L'article L.145-34 du code de commerce dispose que :
'A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L.112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
(...)
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.'
Il résulte de cette disposition que le déplafonnement du loyer peut être prononcé en cas de modification notable d'un des quatre critères visés à l'article L.145-33 du code de commerce, dont le critère 'des facteurs locaux de commercialité'.
Selon l'article R.145-6 du code de commerce, 'les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire'.
La modification des facteurs locaux de commercialité doit présenter un caractère notable et avoir une incidence favorable sur l'activité exercée dans les locaux loués.
Elle doit, par ailleurs, être intervenue au cours du bail échu, éventuellement en cours de tacite reconduction et au plus tard au moment de la prise d'effet du nouveau bail, soit en l'espèce entre le 1er octobre 2008 - date de prise d'effet du bail renouvelé - et le 30 juin 2018 - date du congé avec offre de renouvellement.
La charge de la preuve de cette modification notable susceptible d'écarter la règle du plafonnement pèse sur le bailleur qui demande le déplafonnement du loyer.
L'indivision [O]-[I] s'appuie sur deux rapports, le rapport amiable du cabinet Robine & Associés et le rapport de Mme [W], expert judiciaire, pour affirmer qu'il y aurait une modification des facteurs locaux de commercialité sur la période visée justifiant un déplafonnement du loyer.
Les experts ont analysé les facteurs locaux de commercialité suivants :
- L'évolution de la population :
Le cabinet Robine & Associés a estimé l'augmentation de la population sur la période concernée de l'ordre de 3%, soit environ 740 habitants, alors que Mme [W] a retenu que l'accroissement de la population n'était que de 433 personnes après avoir écarté l'un des périmètres situé à [Localité 13].
Il en résulte que l'évolution de la population sur la période considérée est relativement faible et ne peut être qualifiée de notable.
En revanche, concernant l'évolution des catégories socio-professionnelles, les deux experts se sont accordés sur le fait que la catégorie des cadres était la plus représentée sur la zone et qu'elle avait augmenté d'environ 9% sur la période considérée, ce qui est une évolution notable.
Mme [W] a émis une réserve sur l'incidence favorable de cette modification pour l'activité d'agence bancaire de la société CCF en estimant que les jeunes cadres privilégieraient les banques en ligne mais elle n'a donné aucune information sur l'âge de la population et des cadres en question et sur le profil de la clientèle des banques en ligne.
Par ailleurs, il est constant que toutes les banques ont développé la possibilité de procéder à des opérations courantes en ligne et ont limité le besoin de se rendre en agence aux opérations complexes comme des demandes d'ouverture de compte ou des demandes de prêt.
Il en résulte que l'augmentation de la catégories des cadres, qui est la catégorie la plus concernée par ces demandes complexes ne pouvant être réalisées en ligne, a nécessairement une incidence favorable sur l'activité d'agence bancaire.
- L'évolution de la fiscalité :
L'expert amiable a relevé que le revenu moyen des foyers fiscaux imposables a connu une hausse significative de 31,55%, ce qui est supérieur à la hausse moyenne du département des Hauts-de-Seine.
L'expert judiciaire a eu la même analyse et a estimé que cette 'amélioration atteste d'une augmentation du pouvoir d'achat de la population résidente de nature à bénéficier, dans une certaine mesure, à l'activité d'agence bancaire' de la société CCF.
Pour les mêmes raisons que développées précédemment, cette importante augmentation des revenus et du pouvoir d'achat de la population résidente a une incidence favorable sur l'activité d'agence bancaire exercée par la société CCF.
- La fréquentation de la gare de [Localité 12] :
Les deux experts ont constaté une augmentation très significative des usagers de la gare de [Localité 12] depuis 2011 (800.000 usagers supplémentaires pour le cabinet Robine et 1.083.600 usagers pour Mme [W]).
Une telle augmentation, même pour une activité d'agence bancaire, a nécessairement un impact favorable sur la densification des flux sur le [Adresse 7] où sont situés les locaux et donc sur l'activité de la société CCF.
- Les constructions nouvelles :
Les deux experts se sont accordés sur la construction de très nombreux logements neufs et commerces sur une surface de 400 m², sur la période considérée.
L'expert judiciaire a précisé que l'édification de 2.461 m² de commerce a renforcé l'attractivité commerciale de la zone où se situe le fonds de commerce.
Ces constructions nouvelles ayant densifié les flux de chalands aux abords des locaux exploités et ayant permis une meilleure attractivité commerciale de la zone, l'incidence favorable de cette évolution pour l'activité de la société CCF est démontrée.
- La rotation des commerces :
Si les deux experts ont constaté un fort dynamisme de la zone depuis 2008 avec de nombreux changements d'activités et d'enseignes amenant une offre plus qualitative, Mme [W] a émis une réserve sur l'incidence favorable d'une telle rotation pour l'activité d'agence bancaire compte tenu de la fermeture de deux agences bancaires sur la période visée.
S'il est exact que 2 agences bancaires ont été remplacées par d'autres commerces entre 2008 et 2018, la cour constate que les 10 autres agences qui sont restées ouvertes sont situées dans un périmètre géographique très restreint, démontrant au contraire l'attrait de l'hyper centre de [Localité 12] et l'incidence favorable de son dynamisme commercial.
Il découle de l'ensemble de ces constatations que les locaux loués par la société CCF sont situés dans une zone résidentielle s'adressant à une population de cadres plutôt aisés tout en étant dynamique commercialement.
S'il n'est pas contesté que le secteur bancaire connaît une évolution avec le développement des banques en ligne, l'impact de cette transformation sur l'activité de la société CCF n'est pas démontrée alors que l'incidence favorable de l'évolution notable des facteurs locaux de commercialité est établie.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'il existait une modification notable des facteurs locaux de commercialité présentant un intérêt pour l'activité exercée par la société CCF dans les locaux loués et que cela constituait une cause de déplafonnement du loyer.
3/ Sur la détermination de la valeur locative
La société CCF soutient que le montant de la valeur locative doit être fixé à la somme de 30.240 € par an. Sur la valeur locative, elle affirme que certaines références utilisées par l'expert judiciaire ne sont pas pertinentes, notamment celles relatives aux petites surfaces qui ont traditionnellement un prix au m² plus élevé et celles trop anciennes, et qu'en excluant ces références, le prix moyen serait de 412,50 €/m²B par an. Concernant la majoration pour large destination, elle considère qu'elle doit être limitée à 5% car le bail ne contient pas une clause de destination illimitée comme l'a retenu l'expert judiciaire mais une clause de destination large nécessitant que l'activité soit conforme à la destination de l'immeuble et l'agrément du bailleur en cas de cession. Elle soutient également qu'il convient d'appliquer un abattement de 20% au titre du report d'accession des améliorations en fin de jouissance compte tenu des importants travaux réalisés.
L'indivision [A]-[I] sollicite la confirmation du jugement qui a fixé le loyer à la somme de 39.214,77 € hors taxes et hors charges et fait valoir que la société HSBC aurait dû contester les valeurs retenues par l'expert pendant l'expertise, ce qu'elle n'a pas fait. Elle considère qu'il convient d'appliquer la majoration de 10% car le bail autorise toutes les activités commerciales compatibles avec la destination de l'immeuble ce qui correspond à une destination 'tous commerces'. Elle explique enfin que la clause d'accession en fin de jouissance a déjà été prise en compte par l'expert et qu'en tout état de cause, la clause invoquée par la société CCF ne concernait que le bail d'origine et non le bail renouvelé.
L'article L.145-33 du code de commerce dispose que 'le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après:
- les caractéristiques du local considéré ;
- la destination des lieux ;
- les obligations respectives des parties ;
- les facteurs locaux de commercialité ;
- les prix couramment pratiqués dans le voisinage'.
Conformément aux dispositions de l'article R.145-8 du code de commerce, les obligations mises à la charge de l'une ou de l'autre des parties par le contrat de bail ou par la loi peuvent être des facteurs de diminution ou de majoration de la valeur locative.
La cour constate tout d'abord que les parties s'accordent sur la surface retenue par l'expert judiciaire, à savoir 87,27 m²B.
Concernant le montant du loyer au m², comme le soulève à juste titre la société CCF, le prix au m² des petites surfaces est, par principe, plus élevé que celui des grandes surfaces et les références trop anciennes ne sont pas révélatrices du prix du marché au jour du renouvellement du bail.
Ainsi, il convient d'écarter les référence des locaux dont la superficie est inférieure à 50 m²B et celles qui sont antérieures de plus de 3 ans au jour du renouvellement (soit antérieures au 1er juillet 2015). La cour entend également écarter la référence dont la surface représente plus du double du local litigieux et ne prend en compte que les 6 références suivantes portant sur des locaux situés à proximité du [Adresse 7] à [Localité 12] :
- 430 €/m²B pour un renouvellement au 1er janvier 2016 portant sur des locaux de 93 m²B avec une activité d'agence bancaire ;
- 400 €/m²B pour un renouvellement au 1er janvier 2019 portant sur des locaux de 128,96 m²B avec une activité d'agence bancaire ;
- 507 €/m²B pour un renouvellement au 1er avril 2019 portant sur des locaux de 148,94 m²B avec une activité d'agence bancaire ;
- 411 €/m²B pour un renouvellement au 1er janvier 2015 portant sur des locaux de 73 m²B avec une activité de restaurant ;
- 425 €/m²B pour un renouvellement au 1er janvier 2015 portant sur des locaux de 110 m²B avec une activité de restaurant ;
- 340 €/m²B pour un renouvellement au 1er janvier 2016 portant sur des locaux de 67,05 m²B avec une activité d'alimentation.
En faisant la moyenne des références susvisées (418,83 €) et en tenant compte des éléments tant favorables que défavorables des locaux exploités par la société CCF détaillés par l'expert judiciaire dans son rapport (tels que par exemple sa bonne situation pour une activité d'agence bancaire, la très bonne desserte par les transports en commun, l'emplacement de stationnement réservé aux transports de fonds situé devant les locaux, l'exonération du versement du dépôt de garantie mais aussi la qualité ordinaire de l'immeuble, l'état d'usage des locaux, la répartition des surfaces sur 3 niveaux), il convient de retenir un loyer annuel de 420 €/m²B.
Concernant la majoration de 10% pour destination 'tous commerces', contrairement à ce que retient l'expert judiciaire, la clause du bail selon laquelle les locaux pourront servir pour 'toutes activités commerciales compatibles avec la destination de l'immeuble' n'est pas une destination tous commerces mais une simple destination large car elle ne permet pas d'exercer toute activité commerciale sans restriction.
En se référant au tableau des majorations communiqué par la société CCF, une clause de destination large donne droit à une majoration comprise entre 2 et 7% et peut aller jusqu'à 10% lorsqu'il est d'une nature exceptionnelle. Au regard de ces éléments, la cour infirmera le jugement et retiendra un taux de majoration de 5%.
Concernant l'abattement au titre du report d'accession des améliorations en fin de jouissance, la cour constate que le bail commercial comporte une clause prévoyant que 'tous travaux, embellissements et améliorations quelconques qui seraient faits par le preneur, même avec l'autorisation du bailleur, deviendront au départ du preneur, quelles qu'en soient la date et la cause, la propriété du bailleur, sans indemnité et sans que le bailleur puisse demander le rétablissement des lieux loués en état primitif'.
S'il n'est pas contesté par les parties que la société HSBC a réalisé des travaux lors de la conclusion du bail commercial, l'appelante ne fournit à la cour aucune information sur la teneur et le montant des travaux engagés se contentant de citer une clause du bail faisant référence à des 'travaux importants réalisés par le preneur', de sorte que la cour retiendra un abattement de 5% conforme au tableau des abattements communiqué par la société CCF.
Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement et de fixer le montant du loyer renouvelé à compter du 1er juillet 2018 à la somme de 36.653,40 € hors taxes et hors charges correspondant au calcul suivant : 87,27 m²B × 420 € = 36.653,40 € - 5% + 5%
4/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement entrepris sera infirmé du chef des dépens et des frais irrépétibles.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance - qui comprennent les frais d'expertise - et d'appel seront supportés par moitié par chaque partie.
Les parties seront, en outre, déboutées de leurs demandes de première instance et d'appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 4 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre sauf en ce qu'il a débouté l'indivision [O]-[I] de leur demande tendant à voir écarter les pièces et les déclarations de la société HSBC Continental Europe ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe à 36.653,40 € hors taxes et hors charges le montant du loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2018 entre l'indivision [O]-[I] et la société CCF portant sur les locaux à usage commercial sis [Adresse 6] et [Adresse 5] à [Localité 12], les autres clauses et conditions du bail expiré restant inchangées ;
Condamne l'indivision [O]-[I] et la société CCF à supporter chacune la moitié des dépens de première instance et d'appel;
Déboute les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.