Décisions
CA Orléans, ch. civ., 24 septembre 2024, n° 18/00275
ORLÉANS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE CIVILE - TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX
EXPÉDITIONS le : 24/09/2024
COPIES aux PARTIES
[J] [R]
[U] [T]
S.E.L.A.R.L. [Y], ès qualité de mandataire judiciaire de Monsieur [J] [R]
la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL
Me Emmeline PLETS DUGUET
ARRÊT du :24 SEPTEMBRE 2024
N° : - 24
N° RG 18/00275 - N° Portalis DBVN-V-B7C-FT2R
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'ORLEANS en date du 21 Décembre 2017
PARTIES EN CAUSE
APPELANT
Monsieur [J] [R]
[Adresse 1]
[Localité 5]
comparant
assisté de Me Eric GRASSIN de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉ :
Monsieur [U] [T]
[Adresse 7]
[Localité 6]
comparant
assisté de Me Emmeline PLETS DUGUET, avocat au barreau d'ORLEANS
PARTIE INTERVENANTE :
S.E.L.A.R.L. [Y]-[L], immatriculée au RCS de TOURS sous le n° D 501 383 608, dont le siège social est [Adresse 2] [Localité 3] prise en la personne de Me [A] [Y], élisant domicile [Adresse 8] [Localité 4], ès qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Monsieur [J] [R]
représentée par Me Eric GRASSIN de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du 26 Janvier 2018
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,
M. Laurent SOUSA, Conseiller,
Mme Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 1er juillet 2024, à laquelle ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 24 septembre 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique en date du 21 février 1995, Mme [H] [T] a consenti à M. [J] [R] un bail à ferme d'une durée de 9 ans avec effet au 1er novembre 1994, portant sur des parcelles de terre sises à [Localité 12] et [Localité 10] pour une super'cie totale de 6 ha 48 a 60 ca moyennant un fermage annuel de 51 quintaux et 89 kg.
Le bail a été tacitement renouvelé pour une période de 9 ans les 1er novembre 2003 et 2012.
Par acte authentique en date du 21 février 1995, M. [W] [T], frère de Mme [H] [T], a consenti à M. [J] [R] un bail à ferme d'une durée de 18 ans avec effet au 1er novembre 1994, portant sur des parcelles et bâtiments agricoles sis à [Localité 12], [Localité 9], [Localité 11] et [Localité 10] pour une super'cie totale de 30 ha 98 a 62 ca moyennant un fermage annuel de 281 quintaux et 30 kg pour les parcelles et 10 800 francs soit 1 646,45 € pour les bâtiments.
Le bail a été tacitement renouvelé pour une période de 9 ans le 1er novembre 2012.
Mme [H] [T] et M. [W] [T] sont décédés sans enfant, leurs biens ont notamment été légués à leur s'ur, Mme [I] [T], elle-même décédée sans enfant. Les biens litigieux ont été transmis aux légataires universels suivants : M. [U] [T], M. [B] [G] et Mme [X] [G]. M. [U] [T] est devenu titulaire des 7/9e des biens objets des baux litigieux, les 2/9e restants étant en indivision avec ses s'urs, [K] [F] et [P] [R] dont le 'ls est le locataire précité, M. [J] [R].
Par courrier en date des 31/01/2014 et 11/07/2014 adressés à M. [J] [R], M. [U] [T] a sollicité le paiement des fermages. Puis, il lui a adressé deux mises en demeure de payer les fermages, par lettres recommandées avec accusés de réception en date des 27/10/2015 et 26/08/2016.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 05/12/2016, M. [U] [T] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour solliciter la résiliation du contrat de bail pour non-paiement des loyers et la condamnation de M. [J] [R] au paiement des termes échus.
Un procès-verbal de conciliation a été signé entre les parties le 24/03/2017, qui comprenant les engagements suivants :
- M. [J] [R] s'est engagé à lever les séquestres des fermages qui ont été payés chez Me [N], notaire, ainsi que de s'acquitter immédiatement de l'ensemble des fermages non payés à cette date ;
- M. [U] [T] s'est engagé dès la 'n de l'indivision [D] à faire l'état des lieux et de s'acquitter des travaux nécessaires qui sont à sa charge.
Les termes de l'accord n'étant pas respectés par M. [J] [R], M. [U] [T] a de nouveau saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de solliciter la résiliation des baux et la condamnation au paiement des fermages impayés dont les parties ont convenu, à l'audience, qu'ils s'élevaient à la somme de 31 487 euros.
Par jugement contradictoire du 21 décembre 2017, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Orléans a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- prononcé la résiliation des contrats de bail conclus le 21 février 1995 entre les parties, en ce que les fermages impayés n'ont pas été réglés dans le délai de trois mois suivant les mises en demeure conformes aux dispositions légales ;
- dit que M. [J] [R] devra quitter les lieux et qu'à défaut d'avoir libéré les terres objets des contrats de bail du 21/02/1995, au plus tard deux mois après la noti'cation du commandement d'avoir à quitter les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique, et au transport des meubles laissés dans les lieux à ses frais dans tel garde-meuble désigné par l'expulsé ou à défaut par le bailleur ;
- condamné M. [J] [R] à payer à M. [U] [T] la somme totale de 34 243,59 euros au titre des fermages impayés, des taxes foncières impayés à hauteur de 2 155 euros et des frais relatifs au remembrement à hauteur de 601,59 euros ;
- condamné M. [J] [R] à payer à M. [U] [T] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [J] [R] aux dépens de l'instance ;
- rejeté la demande de capitalisation des intérêts ;
Le jugement a été notifié à M. [J] [R] le 10 janvier 2018. Par courrier recommandé en date du 26 janvier 2018, M. [J] [R] a interjeté appel à l'encontre de M. [U] [T] en sollicitant l'infirmation du jugement en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation des contrats de bail conclus le 21/02/1995 entre les parties,
- dit que M. [J] [R] devra quitter les lieux et ordonné son expulsion,
- condamné M. [J] [R] à payer à M. [U] [T] la somme totale de 34 243,59 euros, outre la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] [R] aux dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par acte d'huissier de justice en date du 15 mars 2018, M. [J] [R] a fait assigner M. [U] [T], en référé, devant le premier président de la cour d'appel d'Orléans, a'n d'obtenir, au visa de l'article 524 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement ainsi que la condamnation de M. [U] [T] à lui verser une indemnité de procédure de 2 000 euros et à supporter les dépens.
Par ordonnance du 13 juin 2018, la première présidente de la cour d'appel a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, condamné M. [J] [R] aux entiers dépens et à verser à M. [U] [T] une indemnité de procédure de 1 000 euros.
Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de M. [J] [R] par jugement du tribunal de grande instance d'Orléans du 28 septembre 2018.
Par arrêt du 7 janvier 2019, la cour d'appel d'Orléans a :
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de radiation du rôle de l'affaire en application de l'article 526 du code de procédure civile ;
- déclaré l'appel de M. [J] [R] recevable ;
- constaté l'interruption de l'instance ;
- invité M. [U] [T] à justi'er de sa déclaration de créance et à mettre en cause les organes de la procédure collective avant le 30 avril 2019 ;
- réservé les dépens.
Par jugement du 13 mars 2020 le tribunal judiciaire d'Orléans a homologué le plan de redressement de M. [J] [R].
L'instance a été reprise après déclaration de créance et intervention des organes de la procédure collective.
Dans ses conclusions récapitulatives réitérées oralement, M. [J] [R] et Maître [A] [Y] membre de la SELARL [Y]-[L], ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [J] [R] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 21 décembre 2017 en ce qu'il a : prononcé la résiliation des baux conclus le 21 février 1995 ; dit que M. [R] devra quitter les lieux ; dit qu'à défaut pour M. [R] d'avoir libéré les terres objet des contrats de bail du 21 février 1995 au plus tard deux mois après la notification du commandement d'avoir à quitter les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique, et au transport des meubles laissés dans les lieux à ses frais dans tel garde-meuble désigné par l'expulsion
ou à défaut par le bailleur ; condamné M. [R] à payer à M. [T] la somme totale de 34 243,59 € ; condamné M. [R] à payer à M. [T] la somme de 800 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné M. [R] aux dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau,
- dire et juger qu'il s'est acquitté de la totalité de la créance due au titre des fermages impayés ;
- condamner M. [T] à lui régler la somme de 3 349,45 € au titre du trop-perçu ;
- débouter M. [T] de ses entières demandes, avec toutes conséquences de droit ;
- condamner M. [T] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [T] aux entiers dépens.
Dans ses conclusions récapitulatives réitérées oralement, M. [U] [T] demande à la cour de :
- constater l'irrecevabilité de l'appel de M. [R] pour la non-exécution du jugement contesté ;
- constater et prononcer l'irrecevabilité de l'appel de M. [R] pour défaut de contestation des dispositions du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux et pour communication tardive de ses
arguments qui manquent de fondement ;
Subsidiairement :
- constater que le redressement judiciaire passé de M. [R] est sans influence sur la présente procédure ;
- constater que le jugement de redressement judiciaire de M. [R] est irrégulièrement publié et que ce seul argument d'appel doit être rejeté ;
- débouter M. [R] de ses demandes ;
- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux en ce qu'il a prononcé la résiliation des baux ruraux et de condamner M. [R] au montant des loyers impayés, soit à la somme de 34 243,59 €, à actualiser avec les fermages de l'année 2017 et 2018 ;
- confirmer les autres dispositions du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux contesté ;
- condamner M. [R] à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner enfin aux entiers dépens.
Par note du 3 juillet 2024, la cour a sollicité les explications de M. [T] sur chaque règlement mentionné en pièce n° 15 de M. [R] avant le 12 juillet 2014 et autorisé M. [R] à faire des observations éventuelles suite à la note de M. [T].
Par note en délibéré du 12 juillet 2024, M. [T] a indiqué que M. [R] n'a jamais payé son dû de fermage ; que sa pièce n° 15 est un tableau préparé par ce dernier qui ne prouve aucun paiement ; que le paiement de 2017 communiqué par la partie adverse met même en avant que le paiement a été effectué partiellement à cette date, non pas aux bailleurs mais à un notaire ; qu'il s'estime lésé à hauteur de 240 977,05 euros ; que le préfet a reconnu l'inexécution du jugement contesté devant la cour ; que même dans l'exécution du jugement, la saisie n'a engendré qu'un paiement partiel de 21 462,32 euros sur les 35 000 euros dus.
Par noter du 16 juillet 2024, M. [R] a indiqué que la note en délibéré de M. [T] ne répond en aucun cas à la demande de la cour ; que M. [T] ne conteste aucunement les modes de calcul des fermages tels qu'il les a calculés ; qu'il ne conteste pas plus les versements réalisés en dehors du commandement de payer qui vise des sommes qui n'étaient pas dues à M. [R].
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel
Moyens des parties
L'intimé soutient que M. [R] n'a pas exécuté le jugement revêtu de l'exécution provisoire alors que l'article 526 du code de procédure civile prévoit la radiation de l'affaire en cette hypothèse ; que les dernières conclusions de M. [R] ne font pas référence aux dispositions du jugement critiqué alors que l'appel est limité à la critique de celles-ci ; que les conclusions ont été communiquées tardivement et manquent de fondement ; qu'il y a donc lieu de déclarer l'appel irrecevable.
Réponse de la cour
Par arrêt du 7 janvier 2019, la cour d'appel d'Orléans, répondant aux moyens d'irrecevabilité soulevés par l'intimé, a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de radiation du rôle de l'affaire en application de l'article 526 du code de procédure civile et déclaré l'appel de M. [J] [R] recevable. La cour a donc déjà statué sur les demandes d'irrecevabilité formées par M. [U] [T], de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer à nouveau sur ce point.
Sur la résiliation des baux
Moyens des parties
L'appelant soutient que l'action en résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent à son échéance est une action fondée sur le défaut de paiement d'une somme d'argent au sens de l'article L.622-21 du code de commerce ; que la procédure en cause ayant donné lieu au jugement entrepris avait bien pour objet la résiliation des baux ruraux du fait du défaut de paiement des fermages et sa condamnation à payer les fermages restants dus ; qu'il en résulte que l'action entreprise par M. [T], tendant à la résiliation du bail pour défaut de paiement de fermages antérieurs au redressement judiciaire ne peut se poursuivre ; que le fait qu'il ait interjeté appel du jugement n'empêche nullement l'application de l'article L.622-21 du code de commerce et le fait que la résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages échus avant le jugement d'ouverture ne peut plus être encourue ; que la cour devra par voie de conséquence infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail.
L'intimé réplique que s'il est vrai que le jugement ouvrant une procédure collective à l'encontre d'un débiteur interdit aux créanciers d'agir individuellement en justice contre lui, cette règle concerne des instances introduites par les créanciers ; qu'en l'espèce, l'instance judiciaire n'a pas été introduite par lui, mais par M. [R] qui a interjeté appel ; qu'il s'agit d'une voie de recours qui n'est pas concernée par les dispositions invoquées par M. [R] ; qu'il dispose d'une créance reconnue par le mandataire judiciaire visé par la procédure de redressement ; que le jugement contesté met clairement en évidence qu'il est propriétaire de 7/9e des parcelles dont M. [R] était l'exploitant, de sorte qu'il est en droit de reprendre possession de son bien en application du jugement prononçant la résiliation des baux litigieux ; qu'il est demandé à la cour de constater que le redressement judiciaire de M. [R] est désormais sans influence sur la présente procédure ; qu'en outre, le jugement de redressement judiciaire fait l'objet, dans les 15 jours suivant sa date, de publicités par l'insertion d'un avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) et dans un journal habilité à recevoir des annonces légales ; que le jugement de redressement judiciaire de M. [R] est en date du 28 septembre 2018, mais sa publication au BODACC est en date du 24 octobre 2018 et celle dans le journal agricole est en date du 26 octobre2018 ; que le jugement de redressement judiciaire de M. [R] est irrégulièrement publié ; qu'il est matériellement impossible qu'un redressement judiciaire puisse à lui seul remettre en cause une résiliation de bail rural prononcé par décision de justice de première instance ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail ; qu'en effet, la résiliation du bail rural peut être prononcée selon l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime pour défaut de paiement du fermage ; que non seulement M. [R] n'a pas payé son fermage depuis 2013 mais surtout, il a été mis en demeure de payer dans les délais légaux.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance.
L'article 815-3 du code civil dispose que le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité, effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis.
En application de ce texte, les indivisaires titulaires des deux tiers des droits indivis sont recevables à intenter une action, qui ressort à l'exploitation normale des biens indivis, en résiliation d'un bail rural, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 29 juin 2011, pourvoi n° 09-70.894).
Le 27 octobre 2015, M. [T], titulaire des deux 2/3 des droits indivis sur les parcelles données à bail, a adressé une mise en demeure à M. [R] d'avoir à payer les fermages des années 2013 et 2014. Le 26 août 2016, il lui a adressé une nouvelle mise en demeure de payer les fermages des années 2014 et 2015.
M. [R] a accusé de réception de ces courriers de mises en demeure qui reproduisaient les termes des articles L.411-31 1° et L.411-53 du code rural et de la pêche maritime. Il ne justifie pas avoir réglé les sommes dues dans le délai de trois mois à compter de la réception de chacune des mises en demeure délivrées par le bailleur, de sorte que la résiliation du bail est encourue.
Le jugement assorti de l'exécution provisoire dont M. [R] a interjeté appel a ainsi prononcé la résiliation des contrats de bail liant les parties et ordonné l'expulsion du preneur.
L'article L.622-21 du code de commerce dispose que le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
L'application de cette disposition d'ordre public n'est pas limitée aux instances devant les juridictions de premier degré.
En l'espèce, M. [J] [R] bénéficie de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance d'Orléans du 28 septembre 2018. Si le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire doit être publié, à la diligence du greffe, au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales dans un délai de 15 jours à compter de sa date, l'article R.621-8 du code de commerce ne prévoit aucune sanction en cas de publication postérieure à l'expiration de ce délai.
L'instance a été reprise par suite de la déclaration de la créance de M. [T] au passif de la procédure collective le 14 novembre 2018 et de l'intervention volontaire du mandataire judiciaire.
L'action en résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent à son échéance est une action fondée sur le défaut de paiement d'une somme d'argent au sens de l'article L.622-21 du code de commerce, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (Com. 15 novembre 2016, pourvoi n° 14-25.767).
Cependant, l'article L.622-21 du code de commerce ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du preneur, de sorte qu'il ne saurait être exigé une décision passée en force jugée pour que la résolution soit acquise (Com., 13 septembre 2023, pourvoi n° 22-12.047 ; Com., 18 novembre. 2014, pourvoi n° 13-23.997).
Si l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime exige que le bailleur forme une demande de résiliation en justice, il prévoit une clause résolutoire légale devant nécessairement conduire le juge à prononcer la résiliation du bail lorsque les conditions prévues à ce texte sont réunies, ce qui est le cas en l'espèce.
Il s'ensuit que la résiliation des contrats de bail rural a pris effet au jour du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Orléans du 21 décembre 2017. L'ouverture de la procédure collective de M. [R] étant postérieure à la résiliation des baux ruraux par application de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime, cette résiliation est acquise sans que les dispositions de l'article L.622-21 du code de commerce ne puissent y faire obstacle.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation des contrats de bail conclus le 21 février 1995 entre les parties et ordonné l'expulsion de M. [R] des parcelles données à bail.
Sur la demande en paiement
Moyens des parties
L'appelant soutient qu'en application de l'article L.622-22 du code de commerce, la présente action ne peut que constater la créance due au titre du paiement des fermages et la fixation du montant de celle-ci, et en aucun cas l'action ne peut conduire à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; que M. [T] sollicite le règlement d'une créance de fermage à titre personnel alors qu'en réalité partie de cette dernière correspond à une indivision successorale ; qu'il doit être rappelé que les fermages objets du litige sont réglés entre les mains de Maître [N], notaire chargé de la répartition entre les indivisaires de leurs créances ; que contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal, il n'est pas débiteur de la somme de 34 243,59 € et les parties ne se sont pas accordées pour dire que le montant des fermages s'élevait à la somme de 31 487 euros ; qu'en effet, il n'a cessé de soutenir que le montant dû devait être imputé à hauteur des versements effectués en l'étude de Maître [N] ; que le tribunal n'a pas tenu compte des paiements effectués, puisqu'il résulte des courriers du notaire qu'il a versé entre ses mains la somme de 7 561,19 euros en juin 2017 et de 5 933,35 euros en septembre 2017 soit une somme totale de 13 494,54 euros ; que le paiement du fermage dû s'effectue une fois par an, au jour de Noël, de sorte que le montant du fermage dû au 25 décembre 2017, postérieurement au jugement, ne peut être pris en compte ; que le tribunal paritaire des baux ruraux a fixé la créance due au titre des taxes foncières sans qu'aucune justification ne soit apportée par M. [T] quant au montant des sommes dues au titre de cette taxe foncière ; que M. [T] qui a produit son avis de taxe foncière, ne démontre nullement que le montant total sollicité par le Trésor public correspond aux parcelles objet du bail litigieux ; qu'en outre, le tribunal paritaire des baux ruraux n'a pas tenu compte des dégrèvements dont M. [T] a bénéficié, alors même que l'article L.415-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les exonérations de taxe foncière doivent être intégralement rétrocédées aux preneurs des propriétés concernées ; que seule la quote-part revenant à M. [T] en sa qualité d'indivisaire au titre des fermages échus au 14 juin 2016, sous déduction des sommes déjà versées est à prendre en considération ; que compte tenu des sommes versées entre les mains de Me [N] (pour 13 494,54 euros), le solde restant dû s'élève à la somme de 29 142,70 euros ; que M. [T] a effectué une saisie-attribution pour un montant de 16 842,01 euros qu'il convient de déduire ce montant des sommes qui lui sont dues ; que la créance due au titre des fermages impayés a ainsi été réglée en totalité et il est désormais même créancier de la somme de 1 193,85 euros au titre d'un trop perçu par M. [T].
L'intimé réplique que le seul versement obtenu en réponse aux mises en demeures fut un paiement de 7 561,19 € correspondant à une partie des loyers impayés à Noël 2013 et Noël 2016 comme en atteste Maître [N], notaire chez qui M. [R] verse les loyers ; que cette notaire avait déjà attesté en juillet 2014 qu'elle n'avait reçu aucun règlement de fermages de la part de M. [R] ; que les arguments invoqués par M. [R] pour justifier le non-paiement des fermages, ne sont absolument pas valables ; que M. [R] est également redevable de la somme de 2 155 € de taxe foncière qu'il a refusé de payer et pour laquelle M. [T] a été soumis à une saisie sur salaire engendrant des frais de banque à hauteur de 177 € (103 € et 74 €) ; que M. [R] doit également payer la somme de 601,59 € de frais liés au remembrement qu'il s'était engagé à prendre à sa charge ; que le dégrèvement d'impôt allégué ne lui a pas été appliqué comme en atteste les pièces communiquées ; que le jugement sera donc confirmé quant à la condamnation en paiement de M. [R] ; que ce sont uniquement des indemnités d'occupation qui ont été prélevées en exécution du jugement, qui ne permettent nullement de remettre en question la condamnation aux paiements de fermages prononcée par le jugement contesté.
Réponse de la cour
L'article L.622-22 du code de commerce dispose que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L.626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
En l'espèce, l'instance été valablement reprise suite à la déclaration de créance de M. [T] et de l'intervention volontaire du mandataire judiciaire.
En application de l'article 815-3 du code civil, M. [T] est recevable à agir, par suite de la résolution des baux ruraux, en paiement des sommes qui lui reviennent à hauteur de ses parts dans l'indivision successorale.
M. [T] justifie aux débats que de 2013 à 2016, le montant des fermages dus par M. [R], à hauteur de sa part dans l'indivision, s'élevait à la somme de 31 487 euros, qui ne comprend donc pas le fermage exigible à Noël 2017. Aux termes des énonciations du jugement, à l'audience du tribunal paritaire des baux ruraux, M. [T] a indiqué « être d'accord avec le calcul des sommes dues effectué par M. [J] [R], ce dernier restant redevable de la somme de totale de 31 487 euros au titre des fermages impayés ».
M. [R] justifie avoir réglé, le 15 mai 2017, la somme de 7 561,19 euros, séquestrée auprès de Maître [N], notaire. Par ailleurs, sur saisie-attribution pratiquée sur le fondement du jugement du 21 décembre 2017, la somme de 16 842,09 euros a été versée, dont il convient de déduire le coût des actes réalisés par l'huissier de justice d'un montant de 456,63 euros (131,52 + 325,11) qui n'est pas reversé au créancier. La somme revenant à M. [T] au titre de la saisie-attribution est donc de 16 385,46 euros (16 842,09 ' 456,63).
Au regard de ces éléments, M. [R] est donc redevable de la somme de 7 540,35 euros à M. [T] (31487 - 16385,46 ' 7561,19).
Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
M. [R] mentionne dans un tableau établi par lui (pièce n° 15) des versements effectués auprès de Me [N], notaire, pour la somme totale de 5 954,66 euros qui aurait été reversée à M. [T] à hauteur de 5 933,35 euros. Cependant, aucune pièce n'établit ces paiements dont l'existence n'est pas reconnue par M. [T]. Le tableau établi par M. [T] ne peut donc établir la preuve de ces paiements supplémentaires.
De son côté, M. [T] demande la confirmation du jugement tout en sollicitant l'actualisation des fermages dus. Or, aucun fermage n'est dû après résiliation du bail, et M. [T] n'a pas sollicité la fixation d'une indemnité d'occupation pour la période postérieure. Il n'y a donc pas lieu d'ajouter aux sommes dues au jour de la résiliation, des « fermages » de la période postérieure.
En outre, si M. [T] mentionne dans la pièce jointe à sa note en délibéré une somme due de 240 977,05 euros, il convient de rappeler que la cour n'est saisie que des demandes formées oralement à l'audience et qu'une telle demande n'a pas été formulée avant la clôture des débats, les conclusions de l'intéressé se bornant à demander la confirmation du jugement sauf « à actualiser avec les fermages de l'année 2017 et 2018 ». La cour n'est donc pas saisie d'une demande tendant à voir fixer une créance à hauteur de 240 977,05 euros qui excède en outre le montant de la créance déclarée auprès du mandataire judiciaire à la procédure collective de M. [R].
S'agissant des taxes foncières, M. [T] produit un acte signé de M. [R] par lequel il s'engageait à régler les taxes foncières des lieux loués, pendant toute la durée du bail et un avis à tiers détenteur d'un montant de 2 155 euros au titre des taxes foncières dues au 31 août 2015. Cependant, M. [T] ne produit aucune pièce propre à établir que l'avis à tiers détenteur est bien relatif aux parcelles données à bail à M. [R]. Il n'y a donc pas lieu à fixation d'une créance à ce titre.
S'agissant des frais de remembrement, M. [T] justifie de l'engagement de M. [R] à prendre en charge les frais restant dus au titre des parcelles données à bail, et du montant des frais restant dus qui lui ont été notifiés par le comptable public à hauteur de 601,59 euros. En conséquence, la créance de [T] est établie à hauteur de 601,59 euros, qu'il conviendra de fixer au passif de la procédure collective ouverte dans l'intérêt de M. [R].
En conséquence, M. [R] est redevable à M. [T] de la somme totale de 8 141,94 euros (7540,35 + 601,59) qui est inférieure au montant de la créance déclarée au mandataire judiciaire. Il y a lieu de fixer la créance de M. [T] au passif de la procédure collective de M. [R] à hauteur de cette somme, et d'infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a condamné M. [J] [R] à payer à M. [U] [T] la somme totale de 34 243,59 euros au titre des fermages impayés, des taxes foncières impayés à hauteur de 2 155 euros et des frais relatifs au remembrement à hauteur de 601,59 euros.
M. [R] sera donc débouté de sa demande de restitution d'un trop-perçu.
Sur les frais de procédure
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [R] sera condamné aux entiers d'appel et les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Orléans en date du 21 décembre 2017 en ce qu'il a condamné M. [J] [R] à payer à M. [U] [T] la somme totale de 34 243,59 euros au titre des fermages impayés, des taxes foncières impayés à hauteur de 2 155 euros et des frais relatifs au remembrement à hauteur de 601,59 euros ;
LE CONFIRME pour le surplus ;
STATUANT à nouveau sur le chef infirmé et Y AJOUTANT :
FIXE la créance de M. [T] au passif de la procédure collective de M. [R] à la somme de 8 141,94 euros ;
DÉBOUTE M. [R] de sa demande de restitution d'un trop-perçu ;
REJETTE les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [R] aux entiers dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
CHAMBRE CIVILE - TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX
EXPÉDITIONS le : 24/09/2024
COPIES aux PARTIES
[J] [R]
[U] [T]
S.E.L.A.R.L. [Y], ès qualité de mandataire judiciaire de Monsieur [J] [R]
la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL
Me Emmeline PLETS DUGUET
ARRÊT du :24 SEPTEMBRE 2024
N° : - 24
N° RG 18/00275 - N° Portalis DBVN-V-B7C-FT2R
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'ORLEANS en date du 21 Décembre 2017
PARTIES EN CAUSE
APPELANT
Monsieur [J] [R]
[Adresse 1]
[Localité 5]
comparant
assisté de Me Eric GRASSIN de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉ :
Monsieur [U] [T]
[Adresse 7]
[Localité 6]
comparant
assisté de Me Emmeline PLETS DUGUET, avocat au barreau d'ORLEANS
PARTIE INTERVENANTE :
S.E.L.A.R.L. [Y]-[L], immatriculée au RCS de TOURS sous le n° D 501 383 608, dont le siège social est [Adresse 2] [Localité 3] prise en la personne de Me [A] [Y], élisant domicile [Adresse 8] [Localité 4], ès qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Monsieur [J] [R]
représentée par Me Eric GRASSIN de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du 26 Janvier 2018
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,
M. Laurent SOUSA, Conseiller,
Mme Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 1er juillet 2024, à laquelle ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 24 septembre 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique en date du 21 février 1995, Mme [H] [T] a consenti à M. [J] [R] un bail à ferme d'une durée de 9 ans avec effet au 1er novembre 1994, portant sur des parcelles de terre sises à [Localité 12] et [Localité 10] pour une super'cie totale de 6 ha 48 a 60 ca moyennant un fermage annuel de 51 quintaux et 89 kg.
Le bail a été tacitement renouvelé pour une période de 9 ans les 1er novembre 2003 et 2012.
Par acte authentique en date du 21 février 1995, M. [W] [T], frère de Mme [H] [T], a consenti à M. [J] [R] un bail à ferme d'une durée de 18 ans avec effet au 1er novembre 1994, portant sur des parcelles et bâtiments agricoles sis à [Localité 12], [Localité 9], [Localité 11] et [Localité 10] pour une super'cie totale de 30 ha 98 a 62 ca moyennant un fermage annuel de 281 quintaux et 30 kg pour les parcelles et 10 800 francs soit 1 646,45 € pour les bâtiments.
Le bail a été tacitement renouvelé pour une période de 9 ans le 1er novembre 2012.
Mme [H] [T] et M. [W] [T] sont décédés sans enfant, leurs biens ont notamment été légués à leur s'ur, Mme [I] [T], elle-même décédée sans enfant. Les biens litigieux ont été transmis aux légataires universels suivants : M. [U] [T], M. [B] [G] et Mme [X] [G]. M. [U] [T] est devenu titulaire des 7/9e des biens objets des baux litigieux, les 2/9e restants étant en indivision avec ses s'urs, [K] [F] et [P] [R] dont le 'ls est le locataire précité, M. [J] [R].
Par courrier en date des 31/01/2014 et 11/07/2014 adressés à M. [J] [R], M. [U] [T] a sollicité le paiement des fermages. Puis, il lui a adressé deux mises en demeure de payer les fermages, par lettres recommandées avec accusés de réception en date des 27/10/2015 et 26/08/2016.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 05/12/2016, M. [U] [T] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour solliciter la résiliation du contrat de bail pour non-paiement des loyers et la condamnation de M. [J] [R] au paiement des termes échus.
Un procès-verbal de conciliation a été signé entre les parties le 24/03/2017, qui comprenant les engagements suivants :
- M. [J] [R] s'est engagé à lever les séquestres des fermages qui ont été payés chez Me [N], notaire, ainsi que de s'acquitter immédiatement de l'ensemble des fermages non payés à cette date ;
- M. [U] [T] s'est engagé dès la 'n de l'indivision [D] à faire l'état des lieux et de s'acquitter des travaux nécessaires qui sont à sa charge.
Les termes de l'accord n'étant pas respectés par M. [J] [R], M. [U] [T] a de nouveau saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de solliciter la résiliation des baux et la condamnation au paiement des fermages impayés dont les parties ont convenu, à l'audience, qu'ils s'élevaient à la somme de 31 487 euros.
Par jugement contradictoire du 21 décembre 2017, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Orléans a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- prononcé la résiliation des contrats de bail conclus le 21 février 1995 entre les parties, en ce que les fermages impayés n'ont pas été réglés dans le délai de trois mois suivant les mises en demeure conformes aux dispositions légales ;
- dit que M. [J] [R] devra quitter les lieux et qu'à défaut d'avoir libéré les terres objets des contrats de bail du 21/02/1995, au plus tard deux mois après la noti'cation du commandement d'avoir à quitter les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique, et au transport des meubles laissés dans les lieux à ses frais dans tel garde-meuble désigné par l'expulsé ou à défaut par le bailleur ;
- condamné M. [J] [R] à payer à M. [U] [T] la somme totale de 34 243,59 euros au titre des fermages impayés, des taxes foncières impayés à hauteur de 2 155 euros et des frais relatifs au remembrement à hauteur de 601,59 euros ;
- condamné M. [J] [R] à payer à M. [U] [T] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [J] [R] aux dépens de l'instance ;
- rejeté la demande de capitalisation des intérêts ;
Le jugement a été notifié à M. [J] [R] le 10 janvier 2018. Par courrier recommandé en date du 26 janvier 2018, M. [J] [R] a interjeté appel à l'encontre de M. [U] [T] en sollicitant l'infirmation du jugement en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation des contrats de bail conclus le 21/02/1995 entre les parties,
- dit que M. [J] [R] devra quitter les lieux et ordonné son expulsion,
- condamné M. [J] [R] à payer à M. [U] [T] la somme totale de 34 243,59 euros, outre la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] [R] aux dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par acte d'huissier de justice en date du 15 mars 2018, M. [J] [R] a fait assigner M. [U] [T], en référé, devant le premier président de la cour d'appel d'Orléans, a'n d'obtenir, au visa de l'article 524 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement ainsi que la condamnation de M. [U] [T] à lui verser une indemnité de procédure de 2 000 euros et à supporter les dépens.
Par ordonnance du 13 juin 2018, la première présidente de la cour d'appel a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, condamné M. [J] [R] aux entiers dépens et à verser à M. [U] [T] une indemnité de procédure de 1 000 euros.
Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de M. [J] [R] par jugement du tribunal de grande instance d'Orléans du 28 septembre 2018.
Par arrêt du 7 janvier 2019, la cour d'appel d'Orléans a :
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de radiation du rôle de l'affaire en application de l'article 526 du code de procédure civile ;
- déclaré l'appel de M. [J] [R] recevable ;
- constaté l'interruption de l'instance ;
- invité M. [U] [T] à justi'er de sa déclaration de créance et à mettre en cause les organes de la procédure collective avant le 30 avril 2019 ;
- réservé les dépens.
Par jugement du 13 mars 2020 le tribunal judiciaire d'Orléans a homologué le plan de redressement de M. [J] [R].
L'instance a été reprise après déclaration de créance et intervention des organes de la procédure collective.
Dans ses conclusions récapitulatives réitérées oralement, M. [J] [R] et Maître [A] [Y] membre de la SELARL [Y]-[L], ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [J] [R] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 21 décembre 2017 en ce qu'il a : prononcé la résiliation des baux conclus le 21 février 1995 ; dit que M. [R] devra quitter les lieux ; dit qu'à défaut pour M. [R] d'avoir libéré les terres objet des contrats de bail du 21 février 1995 au plus tard deux mois après la notification du commandement d'avoir à quitter les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique, et au transport des meubles laissés dans les lieux à ses frais dans tel garde-meuble désigné par l'expulsion
ou à défaut par le bailleur ; condamné M. [R] à payer à M. [T] la somme totale de 34 243,59 € ; condamné M. [R] à payer à M. [T] la somme de 800 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné M. [R] aux dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau,
- dire et juger qu'il s'est acquitté de la totalité de la créance due au titre des fermages impayés ;
- condamner M. [T] à lui régler la somme de 3 349,45 € au titre du trop-perçu ;
- débouter M. [T] de ses entières demandes, avec toutes conséquences de droit ;
- condamner M. [T] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [T] aux entiers dépens.
Dans ses conclusions récapitulatives réitérées oralement, M. [U] [T] demande à la cour de :
- constater l'irrecevabilité de l'appel de M. [R] pour la non-exécution du jugement contesté ;
- constater et prononcer l'irrecevabilité de l'appel de M. [R] pour défaut de contestation des dispositions du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux et pour communication tardive de ses
arguments qui manquent de fondement ;
Subsidiairement :
- constater que le redressement judiciaire passé de M. [R] est sans influence sur la présente procédure ;
- constater que le jugement de redressement judiciaire de M. [R] est irrégulièrement publié et que ce seul argument d'appel doit être rejeté ;
- débouter M. [R] de ses demandes ;
- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux en ce qu'il a prononcé la résiliation des baux ruraux et de condamner M. [R] au montant des loyers impayés, soit à la somme de 34 243,59 €, à actualiser avec les fermages de l'année 2017 et 2018 ;
- confirmer les autres dispositions du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux contesté ;
- condamner M. [R] à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner enfin aux entiers dépens.
Par note du 3 juillet 2024, la cour a sollicité les explications de M. [T] sur chaque règlement mentionné en pièce n° 15 de M. [R] avant le 12 juillet 2014 et autorisé M. [R] à faire des observations éventuelles suite à la note de M. [T].
Par note en délibéré du 12 juillet 2024, M. [T] a indiqué que M. [R] n'a jamais payé son dû de fermage ; que sa pièce n° 15 est un tableau préparé par ce dernier qui ne prouve aucun paiement ; que le paiement de 2017 communiqué par la partie adverse met même en avant que le paiement a été effectué partiellement à cette date, non pas aux bailleurs mais à un notaire ; qu'il s'estime lésé à hauteur de 240 977,05 euros ; que le préfet a reconnu l'inexécution du jugement contesté devant la cour ; que même dans l'exécution du jugement, la saisie n'a engendré qu'un paiement partiel de 21 462,32 euros sur les 35 000 euros dus.
Par noter du 16 juillet 2024, M. [R] a indiqué que la note en délibéré de M. [T] ne répond en aucun cas à la demande de la cour ; que M. [T] ne conteste aucunement les modes de calcul des fermages tels qu'il les a calculés ; qu'il ne conteste pas plus les versements réalisés en dehors du commandement de payer qui vise des sommes qui n'étaient pas dues à M. [R].
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel
Moyens des parties
L'intimé soutient que M. [R] n'a pas exécuté le jugement revêtu de l'exécution provisoire alors que l'article 526 du code de procédure civile prévoit la radiation de l'affaire en cette hypothèse ; que les dernières conclusions de M. [R] ne font pas référence aux dispositions du jugement critiqué alors que l'appel est limité à la critique de celles-ci ; que les conclusions ont été communiquées tardivement et manquent de fondement ; qu'il y a donc lieu de déclarer l'appel irrecevable.
Réponse de la cour
Par arrêt du 7 janvier 2019, la cour d'appel d'Orléans, répondant aux moyens d'irrecevabilité soulevés par l'intimé, a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de radiation du rôle de l'affaire en application de l'article 526 du code de procédure civile et déclaré l'appel de M. [J] [R] recevable. La cour a donc déjà statué sur les demandes d'irrecevabilité formées par M. [U] [T], de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer à nouveau sur ce point.
Sur la résiliation des baux
Moyens des parties
L'appelant soutient que l'action en résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent à son échéance est une action fondée sur le défaut de paiement d'une somme d'argent au sens de l'article L.622-21 du code de commerce ; que la procédure en cause ayant donné lieu au jugement entrepris avait bien pour objet la résiliation des baux ruraux du fait du défaut de paiement des fermages et sa condamnation à payer les fermages restants dus ; qu'il en résulte que l'action entreprise par M. [T], tendant à la résiliation du bail pour défaut de paiement de fermages antérieurs au redressement judiciaire ne peut se poursuivre ; que le fait qu'il ait interjeté appel du jugement n'empêche nullement l'application de l'article L.622-21 du code de commerce et le fait que la résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages échus avant le jugement d'ouverture ne peut plus être encourue ; que la cour devra par voie de conséquence infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail.
L'intimé réplique que s'il est vrai que le jugement ouvrant une procédure collective à l'encontre d'un débiteur interdit aux créanciers d'agir individuellement en justice contre lui, cette règle concerne des instances introduites par les créanciers ; qu'en l'espèce, l'instance judiciaire n'a pas été introduite par lui, mais par M. [R] qui a interjeté appel ; qu'il s'agit d'une voie de recours qui n'est pas concernée par les dispositions invoquées par M. [R] ; qu'il dispose d'une créance reconnue par le mandataire judiciaire visé par la procédure de redressement ; que le jugement contesté met clairement en évidence qu'il est propriétaire de 7/9e des parcelles dont M. [R] était l'exploitant, de sorte qu'il est en droit de reprendre possession de son bien en application du jugement prononçant la résiliation des baux litigieux ; qu'il est demandé à la cour de constater que le redressement judiciaire de M. [R] est désormais sans influence sur la présente procédure ; qu'en outre, le jugement de redressement judiciaire fait l'objet, dans les 15 jours suivant sa date, de publicités par l'insertion d'un avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) et dans un journal habilité à recevoir des annonces légales ; que le jugement de redressement judiciaire de M. [R] est en date du 28 septembre 2018, mais sa publication au BODACC est en date du 24 octobre 2018 et celle dans le journal agricole est en date du 26 octobre2018 ; que le jugement de redressement judiciaire de M. [R] est irrégulièrement publié ; qu'il est matériellement impossible qu'un redressement judiciaire puisse à lui seul remettre en cause une résiliation de bail rural prononcé par décision de justice de première instance ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail ; qu'en effet, la résiliation du bail rural peut être prononcée selon l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime pour défaut de paiement du fermage ; que non seulement M. [R] n'a pas payé son fermage depuis 2013 mais surtout, il a été mis en demeure de payer dans les délais légaux.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance.
L'article 815-3 du code civil dispose que le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité, effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis.
En application de ce texte, les indivisaires titulaires des deux tiers des droits indivis sont recevables à intenter une action, qui ressort à l'exploitation normale des biens indivis, en résiliation d'un bail rural, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 29 juin 2011, pourvoi n° 09-70.894).
Le 27 octobre 2015, M. [T], titulaire des deux 2/3 des droits indivis sur les parcelles données à bail, a adressé une mise en demeure à M. [R] d'avoir à payer les fermages des années 2013 et 2014. Le 26 août 2016, il lui a adressé une nouvelle mise en demeure de payer les fermages des années 2014 et 2015.
M. [R] a accusé de réception de ces courriers de mises en demeure qui reproduisaient les termes des articles L.411-31 1° et L.411-53 du code rural et de la pêche maritime. Il ne justifie pas avoir réglé les sommes dues dans le délai de trois mois à compter de la réception de chacune des mises en demeure délivrées par le bailleur, de sorte que la résiliation du bail est encourue.
Le jugement assorti de l'exécution provisoire dont M. [R] a interjeté appel a ainsi prononcé la résiliation des contrats de bail liant les parties et ordonné l'expulsion du preneur.
L'article L.622-21 du code de commerce dispose que le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
L'application de cette disposition d'ordre public n'est pas limitée aux instances devant les juridictions de premier degré.
En l'espèce, M. [J] [R] bénéficie de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance d'Orléans du 28 septembre 2018. Si le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire doit être publié, à la diligence du greffe, au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales dans un délai de 15 jours à compter de sa date, l'article R.621-8 du code de commerce ne prévoit aucune sanction en cas de publication postérieure à l'expiration de ce délai.
L'instance a été reprise par suite de la déclaration de la créance de M. [T] au passif de la procédure collective le 14 novembre 2018 et de l'intervention volontaire du mandataire judiciaire.
L'action en résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent à son échéance est une action fondée sur le défaut de paiement d'une somme d'argent au sens de l'article L.622-21 du code de commerce, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (Com. 15 novembre 2016, pourvoi n° 14-25.767).
Cependant, l'article L.622-21 du code de commerce ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du preneur, de sorte qu'il ne saurait être exigé une décision passée en force jugée pour que la résolution soit acquise (Com., 13 septembre 2023, pourvoi n° 22-12.047 ; Com., 18 novembre. 2014, pourvoi n° 13-23.997).
Si l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime exige que le bailleur forme une demande de résiliation en justice, il prévoit une clause résolutoire légale devant nécessairement conduire le juge à prononcer la résiliation du bail lorsque les conditions prévues à ce texte sont réunies, ce qui est le cas en l'espèce.
Il s'ensuit que la résiliation des contrats de bail rural a pris effet au jour du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Orléans du 21 décembre 2017. L'ouverture de la procédure collective de M. [R] étant postérieure à la résiliation des baux ruraux par application de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime, cette résiliation est acquise sans que les dispositions de l'article L.622-21 du code de commerce ne puissent y faire obstacle.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation des contrats de bail conclus le 21 février 1995 entre les parties et ordonné l'expulsion de M. [R] des parcelles données à bail.
Sur la demande en paiement
Moyens des parties
L'appelant soutient qu'en application de l'article L.622-22 du code de commerce, la présente action ne peut que constater la créance due au titre du paiement des fermages et la fixation du montant de celle-ci, et en aucun cas l'action ne peut conduire à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; que M. [T] sollicite le règlement d'une créance de fermage à titre personnel alors qu'en réalité partie de cette dernière correspond à une indivision successorale ; qu'il doit être rappelé que les fermages objets du litige sont réglés entre les mains de Maître [N], notaire chargé de la répartition entre les indivisaires de leurs créances ; que contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal, il n'est pas débiteur de la somme de 34 243,59 € et les parties ne se sont pas accordées pour dire que le montant des fermages s'élevait à la somme de 31 487 euros ; qu'en effet, il n'a cessé de soutenir que le montant dû devait être imputé à hauteur des versements effectués en l'étude de Maître [N] ; que le tribunal n'a pas tenu compte des paiements effectués, puisqu'il résulte des courriers du notaire qu'il a versé entre ses mains la somme de 7 561,19 euros en juin 2017 et de 5 933,35 euros en septembre 2017 soit une somme totale de 13 494,54 euros ; que le paiement du fermage dû s'effectue une fois par an, au jour de Noël, de sorte que le montant du fermage dû au 25 décembre 2017, postérieurement au jugement, ne peut être pris en compte ; que le tribunal paritaire des baux ruraux a fixé la créance due au titre des taxes foncières sans qu'aucune justification ne soit apportée par M. [T] quant au montant des sommes dues au titre de cette taxe foncière ; que M. [T] qui a produit son avis de taxe foncière, ne démontre nullement que le montant total sollicité par le Trésor public correspond aux parcelles objet du bail litigieux ; qu'en outre, le tribunal paritaire des baux ruraux n'a pas tenu compte des dégrèvements dont M. [T] a bénéficié, alors même que l'article L.415-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les exonérations de taxe foncière doivent être intégralement rétrocédées aux preneurs des propriétés concernées ; que seule la quote-part revenant à M. [T] en sa qualité d'indivisaire au titre des fermages échus au 14 juin 2016, sous déduction des sommes déjà versées est à prendre en considération ; que compte tenu des sommes versées entre les mains de Me [N] (pour 13 494,54 euros), le solde restant dû s'élève à la somme de 29 142,70 euros ; que M. [T] a effectué une saisie-attribution pour un montant de 16 842,01 euros qu'il convient de déduire ce montant des sommes qui lui sont dues ; que la créance due au titre des fermages impayés a ainsi été réglée en totalité et il est désormais même créancier de la somme de 1 193,85 euros au titre d'un trop perçu par M. [T].
L'intimé réplique que le seul versement obtenu en réponse aux mises en demeures fut un paiement de 7 561,19 € correspondant à une partie des loyers impayés à Noël 2013 et Noël 2016 comme en atteste Maître [N], notaire chez qui M. [R] verse les loyers ; que cette notaire avait déjà attesté en juillet 2014 qu'elle n'avait reçu aucun règlement de fermages de la part de M. [R] ; que les arguments invoqués par M. [R] pour justifier le non-paiement des fermages, ne sont absolument pas valables ; que M. [R] est également redevable de la somme de 2 155 € de taxe foncière qu'il a refusé de payer et pour laquelle M. [T] a été soumis à une saisie sur salaire engendrant des frais de banque à hauteur de 177 € (103 € et 74 €) ; que M. [R] doit également payer la somme de 601,59 € de frais liés au remembrement qu'il s'était engagé à prendre à sa charge ; que le dégrèvement d'impôt allégué ne lui a pas été appliqué comme en atteste les pièces communiquées ; que le jugement sera donc confirmé quant à la condamnation en paiement de M. [R] ; que ce sont uniquement des indemnités d'occupation qui ont été prélevées en exécution du jugement, qui ne permettent nullement de remettre en question la condamnation aux paiements de fermages prononcée par le jugement contesté.
Réponse de la cour
L'article L.622-22 du code de commerce dispose que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L.626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
En l'espèce, l'instance été valablement reprise suite à la déclaration de créance de M. [T] et de l'intervention volontaire du mandataire judiciaire.
En application de l'article 815-3 du code civil, M. [T] est recevable à agir, par suite de la résolution des baux ruraux, en paiement des sommes qui lui reviennent à hauteur de ses parts dans l'indivision successorale.
M. [T] justifie aux débats que de 2013 à 2016, le montant des fermages dus par M. [R], à hauteur de sa part dans l'indivision, s'élevait à la somme de 31 487 euros, qui ne comprend donc pas le fermage exigible à Noël 2017. Aux termes des énonciations du jugement, à l'audience du tribunal paritaire des baux ruraux, M. [T] a indiqué « être d'accord avec le calcul des sommes dues effectué par M. [J] [R], ce dernier restant redevable de la somme de totale de 31 487 euros au titre des fermages impayés ».
M. [R] justifie avoir réglé, le 15 mai 2017, la somme de 7 561,19 euros, séquestrée auprès de Maître [N], notaire. Par ailleurs, sur saisie-attribution pratiquée sur le fondement du jugement du 21 décembre 2017, la somme de 16 842,09 euros a été versée, dont il convient de déduire le coût des actes réalisés par l'huissier de justice d'un montant de 456,63 euros (131,52 + 325,11) qui n'est pas reversé au créancier. La somme revenant à M. [T] au titre de la saisie-attribution est donc de 16 385,46 euros (16 842,09 ' 456,63).
Au regard de ces éléments, M. [R] est donc redevable de la somme de 7 540,35 euros à M. [T] (31487 - 16385,46 ' 7561,19).
Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
M. [R] mentionne dans un tableau établi par lui (pièce n° 15) des versements effectués auprès de Me [N], notaire, pour la somme totale de 5 954,66 euros qui aurait été reversée à M. [T] à hauteur de 5 933,35 euros. Cependant, aucune pièce n'établit ces paiements dont l'existence n'est pas reconnue par M. [T]. Le tableau établi par M. [T] ne peut donc établir la preuve de ces paiements supplémentaires.
De son côté, M. [T] demande la confirmation du jugement tout en sollicitant l'actualisation des fermages dus. Or, aucun fermage n'est dû après résiliation du bail, et M. [T] n'a pas sollicité la fixation d'une indemnité d'occupation pour la période postérieure. Il n'y a donc pas lieu d'ajouter aux sommes dues au jour de la résiliation, des « fermages » de la période postérieure.
En outre, si M. [T] mentionne dans la pièce jointe à sa note en délibéré une somme due de 240 977,05 euros, il convient de rappeler que la cour n'est saisie que des demandes formées oralement à l'audience et qu'une telle demande n'a pas été formulée avant la clôture des débats, les conclusions de l'intéressé se bornant à demander la confirmation du jugement sauf « à actualiser avec les fermages de l'année 2017 et 2018 ». La cour n'est donc pas saisie d'une demande tendant à voir fixer une créance à hauteur de 240 977,05 euros qui excède en outre le montant de la créance déclarée auprès du mandataire judiciaire à la procédure collective de M. [R].
S'agissant des taxes foncières, M. [T] produit un acte signé de M. [R] par lequel il s'engageait à régler les taxes foncières des lieux loués, pendant toute la durée du bail et un avis à tiers détenteur d'un montant de 2 155 euros au titre des taxes foncières dues au 31 août 2015. Cependant, M. [T] ne produit aucune pièce propre à établir que l'avis à tiers détenteur est bien relatif aux parcelles données à bail à M. [R]. Il n'y a donc pas lieu à fixation d'une créance à ce titre.
S'agissant des frais de remembrement, M. [T] justifie de l'engagement de M. [R] à prendre en charge les frais restant dus au titre des parcelles données à bail, et du montant des frais restant dus qui lui ont été notifiés par le comptable public à hauteur de 601,59 euros. En conséquence, la créance de [T] est établie à hauteur de 601,59 euros, qu'il conviendra de fixer au passif de la procédure collective ouverte dans l'intérêt de M. [R].
En conséquence, M. [R] est redevable à M. [T] de la somme totale de 8 141,94 euros (7540,35 + 601,59) qui est inférieure au montant de la créance déclarée au mandataire judiciaire. Il y a lieu de fixer la créance de M. [T] au passif de la procédure collective de M. [R] à hauteur de cette somme, et d'infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a condamné M. [J] [R] à payer à M. [U] [T] la somme totale de 34 243,59 euros au titre des fermages impayés, des taxes foncières impayés à hauteur de 2 155 euros et des frais relatifs au remembrement à hauteur de 601,59 euros.
M. [R] sera donc débouté de sa demande de restitution d'un trop-perçu.
Sur les frais de procédure
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [R] sera condamné aux entiers d'appel et les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Orléans en date du 21 décembre 2017 en ce qu'il a condamné M. [J] [R] à payer à M. [U] [T] la somme totale de 34 243,59 euros au titre des fermages impayés, des taxes foncières impayés à hauteur de 2 155 euros et des frais relatifs au remembrement à hauteur de 601,59 euros ;
LE CONFIRME pour le surplus ;
STATUANT à nouveau sur le chef infirmé et Y AJOUTANT :
FIXE la créance de M. [T] au passif de la procédure collective de M. [R] à la somme de 8 141,94 euros ;
DÉBOUTE M. [R] de sa demande de restitution d'un trop-perçu ;
REJETTE les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [R] aux entiers dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT