Décisions
CA Montpellier, ch. com., 24 septembre 2024, n° 20/02049
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 20/02049 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OSU2
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 22 NOVEMBRE 2019
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2019 013930
APPELANT :
Monsieur [F] [N]
né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 7] (34)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Thibaut AZNAR de la SCP 91 DEGRES AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG, société de droit suisse représentée en France par la société INTRUM CORPORATE dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légale en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4] (SUISSE)
Représentée par Me Bérengère BRIBES de la SELARL MEYNADIER - BRIBES AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représentée par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Crystel CAZAUX, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
Révocation de l'ordonnance de clôture du 16 mai 2024 et nouvelle clôture à l'audience du 6 juin 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre chargée du rapport et Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévue au 23 juillet 2024 et prorogée au 24 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
FAITS et PROCEDURE
La SARLU Stella, gérée par M. [F] [N], est spécialisée dans le secteur d'activité des travaux de plâtrerie.
Le 27 août 2012, elle a ouvert un compte courant dans les livres du Crédit Lyonnais.
Les 23 et 29 septembre 2014, M. [F] [N] s'est porté caution solidaire et omnibus par deux actes sous seing privé :
- le 23 septembre 2014 pour une durée de 10 ans dans la limite de 45'500 euros;
- le 29 septembre 2014 pour une durée de 10 ans dans la limite de 10'400 euros.
Par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 27 février 2017, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Stella, et Mme [I] [T] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Le Crédit Lyonnais a déclaré sa créance entre ses mains pour un montant de 52767,33 euros.
Par bordereau du 6 juillet 2017, le Crédit Lyonnais a cédé cette créance à la société de droit suisse Intrum Debt Finance AG.
Par lettres recommandées avec avis de réception en date des 4 janvier et 19 août 2019, la société Intrum Debt Finance AG a mis en demeure la caution, M. [F] [N], d'avoir à lui payer cette somme.
Par exploit du 26 septembre 2019, la SA Intrum Debt Finance AG a assigné M. [F] [N] aux fins de le voir condamner à lui payer la somme principale de 53 872, 09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 2019.
Par jugement réputé contradictoire du 22 novembre 2019, le tribunal de commerce de Montpellier a'condamné M. [F] [N] à payer à la société Intrum Justitia Debt Finance AG la somme restant due en principal de 52767,33 euros, avec des intérêts au taux légal calculés sur cette somme du 4 avril 2017 au 19 août 2019 soit 1 104,75 euros et un montant total de 53872,09 euros avec les intérêts légaux à compter du 19 août 2019 jusqu'au parfait paiement, et celle de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 26 mai 2020, M. [F] [N] a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance statuant sur incident en date du 15 mars 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté l'exception de nullité de la constitution d'avocat, déposée et notifiée le 15 juin 2020, tirée du non-respect de l'article 960 du code de procédure civile, déclaré irrecevable comme relevant de la cour, la demande d'irrecevabilité des conclusions des 23 novembre 2020, 26 avril 2021 et 4 octobre 2022, tirée du non-respect des articles 960 et 961 du code de procédure civile, condamné M. [F] [N] à payer la somme de 1 000 euros à la société de droit suisse Intrum Debt Finance AG en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident.
Le 28 mars 2023, M. [F] [N] a déféré à la cour cette ordonnance qui, par arrêt en date du 7 novembre 2023, a confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions.
Par dernières conclusions du 5 juin 2024, M. [F] [N] demande à la cour, au visa des articles 960 et suivants du code de procédure civile, et de l'article L. 332-1 du code de la consommation, de réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, à titre principal, de juger irrecevables les écritures de la société Intrum Justicia Debt Finance AG, à titre subsidiaire, de juger inopposable l'acte de cautionnement en raison de sa disproportion, et en tout état de cause, de condamner la société Intrum à lui verser la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.
Par conclusions du 6 juin 2024, la société de droit suisse Intrum Debt Finance AG demande à la cour, au visa de l'article 912 du code de procédure civile et des articles 1101 et suivants et 2288 et suivants du code civil, de confirmer le jugement attaqué, et de condamner M. [N] au paiement d'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
A l'audience des plaidoiries du 6 juin 2024, les parties ont sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture du 16 mai 2024 pour admettre leurs dernières conclusions et pièces respectives.
L'ordonnance de clôture du 16 mai 2024 a été rabattue et une nouvelle clôture a été prononcée au jour de l'audience.
MOTIFS
Sur la recevabilité des écritures déposées par la société Intrum Debt Finance AG
L'alinéa 2 de l'article 960 du code de procédure civile énonce que l'acte de constitution d'avocat doit indiquer la forme, la dénomination et le siège social de la personne morale ainsi que l'organe qui la représente. Selon l'article 114 dudit code, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi et il est par ailleurs constant que les erreurs commises dans la rédaction de cette constitution ne sont pas sanctionnées par la nullité.
L'article 961 du même code ajoute que les conclusions des parties ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article 960 n'ont pas été fournies et que cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats ; conformément à l'article 124 du même code, la fin de non-recevoir doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief.
Il résulte des pièces versées aux débats que l'assignation a été déposée par la société Intrum Justitia Debt Finance AG, prise en la personne de son représentant légal, mentionné comme tel dans le jugement dont appel.
L'acte de constitution d'avocat mentionne que le conseil se constitue "pour la SA Intrum Debt Finance AG, représentée par la SASU Intrum".
Les conclusions d'appel indiquent que la société Intrum Debt Finance AG, partie au litige, est représentée par la SAS Intrum Corporate et «'prise en la personne de son représentant légal'».
L'intimée justifie d'un pouvoir général en date du 7 mai 2012 et d'un pouvoir spécial en date du 23 mai 2012 de représentation de la société Intrum Justitia Debt Finance AG par la SAS Intrum Justitia, inscrite au RCS de Lyon.
L'intimée justifie également que le 6 juillet 2017, la banque Le Crédit Lyonnais (LCL) a cédé ses créances à la société Intrum Justitia Debt Finance AG, cette dernière ayant changé de dénomination en celle d' "Intrum Debt Finance AG".
Il ressort du bordereau de cession de créance que le numéro d'identification de la société est CH 100.023.266 et qu'effectivement, l'extrait de registre du commerce du canton de Zoug (Suisse) mentionne ce même numéro pour identifier la société Intrum Debt Finance AG, les adresses des deux sociétés étant identiques.
L'intimée démontre que la société Intrum Justitia, inscrite au RCS de Lyon a fait l'objet d'une fusion-absorption au bénéfice de la SAS Intrum. Puis qu'au 31 décembre 2019, cette même société Intrum a fusionné avec la SAS Intrum Corporate, inscrite au RCS de Nanterre.
Par ailleurs, l'intimée verse aux débats le pouvoir du 28 août 2019 de Mme [D] [P], en sa qualité de directrice générale adjointe de la société Intrum Corporate, par lequel cette dernière donne pouvoir à Me [C] [L] afin de représenter la société Intrum Debt Finance AG en justice dans l'affaire l'opposant à M. [F] [N], de sorte que la mention de "la SAS Intrum", comme organe représentant de la société Intrum Debt Finance AG dans l'acte de constitution du 15 juin 2020, au lieu de la SAS Intrum Corporate, est sans emport, et ne saurait entraîner la nullité dudit acte.
Par conséquent, il résulte que la société Intrum Debt Finance AG, est venue aux droits du LCL et que suite à fusion-absorption, le representant légal de la société Intrum Corporate a bien qualité à agir dans le cadre de la présente instance, de sorte que tant la constitution d'avocat, que ses conclusions sont recevables.
Sur la disproportion du cautionnement de M. [N]
Il résulte de l'article L. 341-4, devenu l'article L. 332-1, du code de la consommation, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La disproportion manifeste du cautionnement doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, au regard du montant de l'engagement et en fonction des revenus et du patrimoine de la caution, en prenant également en considération l'endettement global de celle-ci, dont le créancier avait ou pouvait avoir connaissance, y compris l'endettement résultant d'autres engagements de caution souscrits antérieurement.
La charge de la preuve du caractère disproportionné de l'engagement appartient à la caution qui l'invoque. Le créancier est quant à lui en droit de se fier aux informations qui lui ont été fournies dans la fiche de renseignements, sans avoir en l'absence d'anomalies apparentes l'affectant, à en vérifier l'exactitude et la caution n'est pas admise à établir, devant le juge, que sa situation était, en réalité, moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque.
En l'espèce, la banque agit sur le fondement de deux cautionnements omnibus de M. [F] [N]':
- le 23 septembre 2014 pour une durée de 10 ans dans la limite de 45 500 euros;
- le 29 septembre 2014 pour une durée de 10 ans dans la limite de 10 400 euros.
La banque produit une déclaration de situation patrimoniale de M. [N] du 23 septembre 2014 aux termes de laquelle celui-ci a indiqué être célibataire.
Au titre de son patrimoine, il a déclaré disposer de revenus annuels de 18'056 euros en tant qu'artisan gérant de la société Stella, d'une assurance-vie ou d'un contrat de capitalisation d'un montant de 10'000 euros et d'un livret A d'un montant de 400 euros.
Au titre de l'encart sur ses revenus salariaux, M. [N] a précisé «'63'000 sur bilan'» sans pour autant les ajouter au total des ressources annuelles, faisant de cette précision une simple information sur le chiffre d'affaires de la société Stella, et non d'un revenu supplémentaire dont il bénéficierait.
Au titre de ses charges annuelles et de son endettement, il règle 879 euros d'impôts, 3'377,64 euros au titre du remboursement de ses emprunts, 6'960 euros de loyer. Il ajoute la somme de 12'900 euros pour un endettement existant hors LCL et la somme de 34'000 euros concernant des garanties déjà données (cautionnement, nantissement ou autre).
Il convient dès lors d'apprécier la disproportion manifeste pour chacun des engagements de caution souscrits par M. [N].
Concernant le cautionnement omnibus du 23 septembre 2014 d'un montant de 45'500 euros, au regard de ses revenus et patrimoine, et de ses charges, lors de sa souscription, cet engagement de caution est manifestement disproportionné; la banque ne peut s'en prévaloir.
Quant à son dernier cautionnement omnibus du 29 septembre 2014 d'un montant de 10'400 euros, il y a lieu d'ajouter au passif de déclaration de situation patrimoniale, le montant de son précédent engagement de caution, le Crédit Lyonnais en ayant connaissance.
Par conséquent, lors de sa souscription, cet engagement de caution était de plus fort, manifestement disproportionné, de sorte que la banque ne peut davantage s'en prévaloir.
Par ailleurs, le créancier qui entend se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, doit établir qu'au moment où il l'appelle, soit au jour où la caution est assignée, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son engagement.
Or, en l'espèce, la banque se borne à estimer qu'il n'y avait pas de disproportion lors de la souscription des engagements de caution sans évoquer la situation de M. [N] au jour de son assignation, soit le 26 septembre 2019.
M. [N] verse quant à lui ses avis d'impositions sur ses revenus de 2019 (22'863 euros) et 2020 (26'760 euros) montrant que son patrimoine ne lui permet pas plus de faire face à ses engagements.
En conséquence, la société Intrum Debt Finance AG ne peut se prévaloir des engagements de caution souscrits par M. [F] [N] les 23 et 29 septembre 2014 ; et le jugement réputé contradictoire critiqué qui l'a condamné à paiement ès qualités sera entièrement réformé.
PAR CES MOTIFS'
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare recevables l'acte de constitution et les conclusions de l'intimée ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déclare inopposables à M. [F] [N] les actes de cautionnement des 23 et 29 septembre 2014 ;
Condamne la société de droit suisse Intrum Debt Finance AG aux dépens de première instance et d'appel ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, la présidente,
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 20/02049 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OSU2
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 22 NOVEMBRE 2019
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2019 013930
APPELANT :
Monsieur [F] [N]
né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 7] (34)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Thibaut AZNAR de la SCP 91 DEGRES AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG, société de droit suisse représentée en France par la société INTRUM CORPORATE dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légale en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4] (SUISSE)
Représentée par Me Bérengère BRIBES de la SELARL MEYNADIER - BRIBES AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représentée par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Crystel CAZAUX, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
Révocation de l'ordonnance de clôture du 16 mai 2024 et nouvelle clôture à l'audience du 6 juin 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre chargée du rapport et Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévue au 23 juillet 2024 et prorogée au 24 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
FAITS et PROCEDURE
La SARLU Stella, gérée par M. [F] [N], est spécialisée dans le secteur d'activité des travaux de plâtrerie.
Le 27 août 2012, elle a ouvert un compte courant dans les livres du Crédit Lyonnais.
Les 23 et 29 septembre 2014, M. [F] [N] s'est porté caution solidaire et omnibus par deux actes sous seing privé :
- le 23 septembre 2014 pour une durée de 10 ans dans la limite de 45'500 euros;
- le 29 septembre 2014 pour une durée de 10 ans dans la limite de 10'400 euros.
Par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 27 février 2017, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Stella, et Mme [I] [T] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Le Crédit Lyonnais a déclaré sa créance entre ses mains pour un montant de 52767,33 euros.
Par bordereau du 6 juillet 2017, le Crédit Lyonnais a cédé cette créance à la société de droit suisse Intrum Debt Finance AG.
Par lettres recommandées avec avis de réception en date des 4 janvier et 19 août 2019, la société Intrum Debt Finance AG a mis en demeure la caution, M. [F] [N], d'avoir à lui payer cette somme.
Par exploit du 26 septembre 2019, la SA Intrum Debt Finance AG a assigné M. [F] [N] aux fins de le voir condamner à lui payer la somme principale de 53 872, 09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 2019.
Par jugement réputé contradictoire du 22 novembre 2019, le tribunal de commerce de Montpellier a'condamné M. [F] [N] à payer à la société Intrum Justitia Debt Finance AG la somme restant due en principal de 52767,33 euros, avec des intérêts au taux légal calculés sur cette somme du 4 avril 2017 au 19 août 2019 soit 1 104,75 euros et un montant total de 53872,09 euros avec les intérêts légaux à compter du 19 août 2019 jusqu'au parfait paiement, et celle de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 26 mai 2020, M. [F] [N] a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance statuant sur incident en date du 15 mars 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté l'exception de nullité de la constitution d'avocat, déposée et notifiée le 15 juin 2020, tirée du non-respect de l'article 960 du code de procédure civile, déclaré irrecevable comme relevant de la cour, la demande d'irrecevabilité des conclusions des 23 novembre 2020, 26 avril 2021 et 4 octobre 2022, tirée du non-respect des articles 960 et 961 du code de procédure civile, condamné M. [F] [N] à payer la somme de 1 000 euros à la société de droit suisse Intrum Debt Finance AG en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident.
Le 28 mars 2023, M. [F] [N] a déféré à la cour cette ordonnance qui, par arrêt en date du 7 novembre 2023, a confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions.
Par dernières conclusions du 5 juin 2024, M. [F] [N] demande à la cour, au visa des articles 960 et suivants du code de procédure civile, et de l'article L. 332-1 du code de la consommation, de réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, à titre principal, de juger irrecevables les écritures de la société Intrum Justicia Debt Finance AG, à titre subsidiaire, de juger inopposable l'acte de cautionnement en raison de sa disproportion, et en tout état de cause, de condamner la société Intrum à lui verser la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.
Par conclusions du 6 juin 2024, la société de droit suisse Intrum Debt Finance AG demande à la cour, au visa de l'article 912 du code de procédure civile et des articles 1101 et suivants et 2288 et suivants du code civil, de confirmer le jugement attaqué, et de condamner M. [N] au paiement d'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
A l'audience des plaidoiries du 6 juin 2024, les parties ont sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture du 16 mai 2024 pour admettre leurs dernières conclusions et pièces respectives.
L'ordonnance de clôture du 16 mai 2024 a été rabattue et une nouvelle clôture a été prononcée au jour de l'audience.
MOTIFS
Sur la recevabilité des écritures déposées par la société Intrum Debt Finance AG
L'alinéa 2 de l'article 960 du code de procédure civile énonce que l'acte de constitution d'avocat doit indiquer la forme, la dénomination et le siège social de la personne morale ainsi que l'organe qui la représente. Selon l'article 114 dudit code, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi et il est par ailleurs constant que les erreurs commises dans la rédaction de cette constitution ne sont pas sanctionnées par la nullité.
L'article 961 du même code ajoute que les conclusions des parties ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article 960 n'ont pas été fournies et que cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats ; conformément à l'article 124 du même code, la fin de non-recevoir doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief.
Il résulte des pièces versées aux débats que l'assignation a été déposée par la société Intrum Justitia Debt Finance AG, prise en la personne de son représentant légal, mentionné comme tel dans le jugement dont appel.
L'acte de constitution d'avocat mentionne que le conseil se constitue "pour la SA Intrum Debt Finance AG, représentée par la SASU Intrum".
Les conclusions d'appel indiquent que la société Intrum Debt Finance AG, partie au litige, est représentée par la SAS Intrum Corporate et «'prise en la personne de son représentant légal'».
L'intimée justifie d'un pouvoir général en date du 7 mai 2012 et d'un pouvoir spécial en date du 23 mai 2012 de représentation de la société Intrum Justitia Debt Finance AG par la SAS Intrum Justitia, inscrite au RCS de Lyon.
L'intimée justifie également que le 6 juillet 2017, la banque Le Crédit Lyonnais (LCL) a cédé ses créances à la société Intrum Justitia Debt Finance AG, cette dernière ayant changé de dénomination en celle d' "Intrum Debt Finance AG".
Il ressort du bordereau de cession de créance que le numéro d'identification de la société est CH 100.023.266 et qu'effectivement, l'extrait de registre du commerce du canton de Zoug (Suisse) mentionne ce même numéro pour identifier la société Intrum Debt Finance AG, les adresses des deux sociétés étant identiques.
L'intimée démontre que la société Intrum Justitia, inscrite au RCS de Lyon a fait l'objet d'une fusion-absorption au bénéfice de la SAS Intrum. Puis qu'au 31 décembre 2019, cette même société Intrum a fusionné avec la SAS Intrum Corporate, inscrite au RCS de Nanterre.
Par ailleurs, l'intimée verse aux débats le pouvoir du 28 août 2019 de Mme [D] [P], en sa qualité de directrice générale adjointe de la société Intrum Corporate, par lequel cette dernière donne pouvoir à Me [C] [L] afin de représenter la société Intrum Debt Finance AG en justice dans l'affaire l'opposant à M. [F] [N], de sorte que la mention de "la SAS Intrum", comme organe représentant de la société Intrum Debt Finance AG dans l'acte de constitution du 15 juin 2020, au lieu de la SAS Intrum Corporate, est sans emport, et ne saurait entraîner la nullité dudit acte.
Par conséquent, il résulte que la société Intrum Debt Finance AG, est venue aux droits du LCL et que suite à fusion-absorption, le representant légal de la société Intrum Corporate a bien qualité à agir dans le cadre de la présente instance, de sorte que tant la constitution d'avocat, que ses conclusions sont recevables.
Sur la disproportion du cautionnement de M. [N]
Il résulte de l'article L. 341-4, devenu l'article L. 332-1, du code de la consommation, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La disproportion manifeste du cautionnement doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, au regard du montant de l'engagement et en fonction des revenus et du patrimoine de la caution, en prenant également en considération l'endettement global de celle-ci, dont le créancier avait ou pouvait avoir connaissance, y compris l'endettement résultant d'autres engagements de caution souscrits antérieurement.
La charge de la preuve du caractère disproportionné de l'engagement appartient à la caution qui l'invoque. Le créancier est quant à lui en droit de se fier aux informations qui lui ont été fournies dans la fiche de renseignements, sans avoir en l'absence d'anomalies apparentes l'affectant, à en vérifier l'exactitude et la caution n'est pas admise à établir, devant le juge, que sa situation était, en réalité, moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque.
En l'espèce, la banque agit sur le fondement de deux cautionnements omnibus de M. [F] [N]':
- le 23 septembre 2014 pour une durée de 10 ans dans la limite de 45 500 euros;
- le 29 septembre 2014 pour une durée de 10 ans dans la limite de 10 400 euros.
La banque produit une déclaration de situation patrimoniale de M. [N] du 23 septembre 2014 aux termes de laquelle celui-ci a indiqué être célibataire.
Au titre de son patrimoine, il a déclaré disposer de revenus annuels de 18'056 euros en tant qu'artisan gérant de la société Stella, d'une assurance-vie ou d'un contrat de capitalisation d'un montant de 10'000 euros et d'un livret A d'un montant de 400 euros.
Au titre de l'encart sur ses revenus salariaux, M. [N] a précisé «'63'000 sur bilan'» sans pour autant les ajouter au total des ressources annuelles, faisant de cette précision une simple information sur le chiffre d'affaires de la société Stella, et non d'un revenu supplémentaire dont il bénéficierait.
Au titre de ses charges annuelles et de son endettement, il règle 879 euros d'impôts, 3'377,64 euros au titre du remboursement de ses emprunts, 6'960 euros de loyer. Il ajoute la somme de 12'900 euros pour un endettement existant hors LCL et la somme de 34'000 euros concernant des garanties déjà données (cautionnement, nantissement ou autre).
Il convient dès lors d'apprécier la disproportion manifeste pour chacun des engagements de caution souscrits par M. [N].
Concernant le cautionnement omnibus du 23 septembre 2014 d'un montant de 45'500 euros, au regard de ses revenus et patrimoine, et de ses charges, lors de sa souscription, cet engagement de caution est manifestement disproportionné; la banque ne peut s'en prévaloir.
Quant à son dernier cautionnement omnibus du 29 septembre 2014 d'un montant de 10'400 euros, il y a lieu d'ajouter au passif de déclaration de situation patrimoniale, le montant de son précédent engagement de caution, le Crédit Lyonnais en ayant connaissance.
Par conséquent, lors de sa souscription, cet engagement de caution était de plus fort, manifestement disproportionné, de sorte que la banque ne peut davantage s'en prévaloir.
Par ailleurs, le créancier qui entend se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, doit établir qu'au moment où il l'appelle, soit au jour où la caution est assignée, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son engagement.
Or, en l'espèce, la banque se borne à estimer qu'il n'y avait pas de disproportion lors de la souscription des engagements de caution sans évoquer la situation de M. [N] au jour de son assignation, soit le 26 septembre 2019.
M. [N] verse quant à lui ses avis d'impositions sur ses revenus de 2019 (22'863 euros) et 2020 (26'760 euros) montrant que son patrimoine ne lui permet pas plus de faire face à ses engagements.
En conséquence, la société Intrum Debt Finance AG ne peut se prévaloir des engagements de caution souscrits par M. [F] [N] les 23 et 29 septembre 2014 ; et le jugement réputé contradictoire critiqué qui l'a condamné à paiement ès qualités sera entièrement réformé.
PAR CES MOTIFS'
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare recevables l'acte de constitution et les conclusions de l'intimée ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déclare inopposables à M. [F] [N] les actes de cautionnement des 23 et 29 septembre 2014 ;
Condamne la société de droit suisse Intrum Debt Finance AG aux dépens de première instance et d'appel ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, la présidente,