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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 24 septembre 2024, n° 23/00484

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Naturhouse (SAS)

Défendeur :

Rogier Lonjon (SARL), SCP (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Goumilloux, Mme Masson

Avocats :

Me Criquillion, Me Cabare, Me W

T. com. Périgueux, du 19 janv. 2023, n° …

19 janvier 2023

EXPOSE DU LITIGE:

La SAS Naturhouse est un franchiseur spécialisé dans les activités de vente directe et au détail de produits diététiques et d'herboristerie.

La société Naturhouse a conclu deux contrats de franchise avec la SARL Rogier Lonjon, l'un pour un établissement situé à [Localité 6] le 15 mai 2017, et l'autre pour un établissement situé à [Localité 4] le 20 septembre 2019, pour une durée de 5 années chacun.

Par jugement du 30 novembre 2021, le tribunal de commerce de Périgueux a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Rogier Lonjon, désignant la SCP [D] [W] ès qualité de de liquidateur.

Le 3 décembre 2021, la société [D] [W] es-qualité a informé la société Naturhouse qu'elle avait été portée sur la liste des créanciers par le débiteur, à hauteur de 4.788,23 euros à titre chirographaire.

Le 7 janvier 2022, la société Naturhouse a déclaré ses créances antérieures à la liquidation judiciaire, à hauteur de 15.384,13 euros à titre chirographaire, au titre d'une part des factures de marchandises impayées (6.125,65 euros TTC) et de la perte de chiffre d'affaires résultant, pour elle, de la fermeture anticipée du centre de [Localité 6] (pour 9258.48 euros TTC).

Le 13 avril 2022, la SCP [D] [W] es-qualité a indiqué à la société Naturhouse que la créance déclarée pour un montant de 15.384,13 euros avait été contestée et proposait son rejet en totalité, au motif que le contrat ne prévoyait pas les conséquences financieres relatives à la perte de chiffre d'affaires.

Par courrier du 4 mai 2022, la société Naturhouse a maintenu sa position.

Par ordonnance réputée contradictoire du 19 janvier 2023, le juge commissaire de [Localité 5] a statué comme suit :

Rejette la créance d'un montant de 6.125,65 euros comme étant non justifiée,

Se déclare incompétent pour le surplus,

Invite la société Naturhouse à saisir la juridiction compétente, sous peine de forclusion, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Ordonne la notification de la décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au créancier et au débiteur et dit que le liquidateur judiciaire en sera avisé par lettre simple,

Passe les dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a relevé, en premier lieu, que la société Naturhouse se prévalait uniquement de factures impayées sans communiquer aucun bon de commande ni justifier de la bonne livraison des produits qui auraient été commandés par la société Rogier Lonjon, et, en second lieu, qu'il n'entrait pas dans ses pouvoirs de se prononcer sur la bonne exécution du contrat de franchise ni sur les conséquences de la rupture des relations contractuelles.

Par déclaration au greffe du 30 janvier 2023, la SAS Naturhouse a relevé appel de l'ordonnance en ses chefs expressément critiqués, en intimant la SARL Rogier Lonjon et la société [D]-[W], prise en la personne de Maître [F] [W].

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 17 juin 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Naturhouse demande à la cour de :

Vu les articles L.110-3 et L.123-23 du code de commerce,

Vu les articles 1103, 1104, 1212, 1231-1, 1231-2 et 1353 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces adverses versées au débat,

Infirmer l'ordonnance rendue par Monsieur le juge-commissaire du tribunal de commerce de Périgueux en date du 19 janvier 2023, en ce qu'il :

a rejeté la créance d'un montant de 6.125,65 euros comme étant non justifiée,

s'est déclaré incompétent pour le surplus,

a invité la société Naturhouse à saisie la juridiction compétente sous peine de forclusion dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision.

En conséquence, statuant à nouveau,

Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la SCP [D] [W], agissant ès qualité de liquidateur de la société Rogier Lonjon ;

Fixer le montant de la créance de la société Naturhouse au passif de la liquidation judiciaire de la société Rogier Lonjon à la somme 6.125,65 euros à titre chirographaire, au titre des factures de marchandises impayées ;

Fixer le montant de la créance de la société Naturhouse au passif de la liquidation judiciaire de la société Rogier Lonjon à la somme 9.258,48 euros à titre chirographaire, au titre de l'arrêt d'exploitation de l'établissement de [Localité 6] ;

En tout état de cause,

Ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la société Rogier Lonjon.

Les intimées n'ont pas constitué avocat,bien qu'elles aient, chacune, reçu signification à personne habilitée de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelante, par acte du 16 mars 2023.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 juin 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la demande en paiement de factures:

1- La société appelante soutient qu'elle a bien procédé à la livraison de marchandises de sa gamme à la société Rogier Lonjon, pour l'établissement de [Localité 6] et pour celui de [Localité 4], et qu'au vu des pièces communiquées, elle rapporte bien la preuve de son obligation.

Sur ce:

2- Il sera rappelé en premier lieu que selon les dispositions de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

3- Selon les dispositions de l'article L. 110 -3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins ce qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.

4- Devant la cour, la société appelante a produit (en pièces 15, 16, 17, 18) les bons de livraison n°189748 du 9 juillet 2021, n°190846 du 24 aout 2021, n°191449 du 9 septembre 2021, et n°191741 du 20 septembre 2021, qui correspondent aux factures émises aux mêmes dates par Naturhouse, d'un montant respectif de 1267.20 euros TTC, 1742.56 euros TTC, 1484.88 euros TTC, 1631.01 euros TTC.

Par ailleurs, ces bons de livraison portent bien tous le paraphe du destinataire sous la mention pré-imprimée 'J'ai pu vérifier ma livraison'.

L'appelante a également produit des extraits des sous-comptes 01000317 et 01000542, dont il ressort l'existence d'un débit de 1287.20 euros TTC pour le site de [Localité 6] (facture du 9 juillet 2021) et de 4858.45 euros TTC pour le site de [Localité 4] (factures des 24 aout 2021, 9 septembre 2021 et 20 septembre 2021).

Enfin, il ne peut être fait grief à l'appelante de ne pas produire de bon de commande alors que selon les termes des contrats de franchise, la société Rogier Lonjon s'engageait à s'approvisionner en produits uniquement auprès du franchiseur, à disposer d'un stock suffisant pour répondre aux nécessités de la clientèle et à s'approvisionner de manière adéquate pour disposer d'un stock minimum d'une valeur d'environ 5000 euros hors-taxes, sans que les parties aient prévu la nécessité de signer des bons de commande.

5- Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance sur ce point et, statuant à nouveau, de fixer la créance de la société Naturhouse à la somme de 6125,65 euros à titre chirographaire au titre des factures de marchandises non réglées.

Sur la demande relative à la fermeture anticipée du centre de [Localité 6]:

6- La société appelante fait grief à l'ordonnance d'avoir rejeté sa demande, alors qu'en violation des stipulations du contrat de franchise, conclu jusqu'au 14 mai 2022, la société Rogier Lonjon a décidé unilatéralement de fermer son centre de [Localité 6] le 12 août 2021, ce qui a occasionné au franchiseur une perte de chiffre d'affaires de 9258.48 euros jusqu'à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le 30 novembre 2021.

Elle souligne que le juge-commissaire avait parfaitement compétence pour fixer sa créance en résultant.

Sur ce:

7- Selon les dispositions de l'article L. 624-2 du code de commerce, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

8- Selon les dispositions de l'article R.624-5 du code de commerce, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

9- En l'espèce, la demande formulée par la société appelante tend à l'indemnisation du préjudice qu'elle aurait subi, par perte de chiffre d'affaires, en raison de l'inexécution du contrat de franchise durant trois mois et demi, entre la fermeture du site de [Localité 6] et le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire.

10- Or, le contrat de franchise ne comporte aucune stipulation relative aux modalités d'indemnisation du franchiseur, dans le cas de rupture anticipé du contrat par le franchisé.

La contestation formée par le mandataire en première instance était donc fondée.

11- Dès lors, par des motifs pertinents que la cour fait siens, le juge-commissaire a jugé, à bon droit, que la demande formée de ce chef excédait sa compétence.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

12- Il convient d'ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure de liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort:

Infirme partiellement l'ordonnance rendue le 19 janvier 2023 par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Périgueux, en ce qu'elle a rejeté la créance d'un montant de 6125,65 euros,

Statuant à nouveau de ce chef,

Fixer le montant de la créance de la société Naturhouse au passif de la liquidation judiciaire de la société Rogier Lonjon à la somme de 6125,65 euros, à titre chirographaire, au titre des factures de marchandises impayées,

Confirme l'ordonnance pour le surplus de ses dispositions,

Y ajoutant,

Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.