Décisions
CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 18 septembre 2024, n° 22/01748
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Autre
Arrêt N°24/
ACL
R.G : N° RG 22/01748 - N° Portalis DBWB-V-B7G-FZTU
[X]
C/
S.E.L.A.R.L. [Z]
LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2024
Chambre commerciale
Appel d'un jugement rendu par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT DENIS en date du 23 NOVEMBRE 2022 suivant déclaration d'appel en date du 06 DECEMBRE 2022 rg n°: 2022F199
APPELANT :
Monsieur [J] [E] [Y] [C] [X]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentant : Me Rohan RAJABALY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEES :
S.E.L.A.R.L. [Z], immatriculée au RCS de Libourne sous le numéro 530 321 355, prise en la personne de Maître [U] [Z], dont le siège social est [Adresse 4] ' [Localité 6], ès-qualité de mandataire liquidateur de la société SOREQUIP, société par actions simplifiée, dont le siège est sis [Adresse 2] [Localité 7], immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de [Localité 8] sous le numéro 378 511 299, désignée à ces fonctions par jugement rendu par le Tribunal mixte de commerce de Saint Denis le 13 mars 2019
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentant : Me Amandine JAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Madame LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS
[Adresse 1]
[Localité 6]
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 juin 2024 devant la cour composée de :
Président : Madame Séverine LEGER, Conseillère
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Madame Anne-Charlotte LEGROIS, Vice-présidente placée affectée à la cour d'appel de Saint-Denis par ordonnance de Monsieur le Premier Président
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
En présence de Madame Nathalie LE CLERC'H, Substitut général.
A l'issue des débats, la présidente a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 18 septembre 2024.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 18 septembre 2024.
Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.
* * *
LA COUR
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par jugement du 30 mars 2010, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis a ouvert au bénéfice de la SAS Sorequip une procédure de sauvegarde, convertie en redressement judiciaire par décision du 8 juin 2011.
Par jugement du 11 janvier 2012, cette juridiction a arrêté le plan de redressement pour une durée de dix ans, avec cession par la société Caillé Automobiles pour un euro de l'intégralité de ses actions à M. [B] [A] à hauteur de 49 % du capital social et à M. [J] [X] à hauteur de 51% du capital social, ce dernier étant nommé président de la SAS Sorequip.
Sur saisine du commissaire à l'exécution du plan, le tribunal mixte de commerce a prononcé par jugement du 13 mars 2019 la résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la SAS Sorequip, la date de cessation des paiements étant fixée provisoirement au 11 janvier 2019.
Par acte d'huissier en date du 10 mars 2022, la SELARL [Z], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sorequip a fait assigner M. [X] devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis aux fins de voir :
juger qu'il a commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif et en conséquence de le condamner au paiement de la somme de 722 850,77 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif de ladite société, avec exécution provisoire de à hauteur de 20% minimum de ce montant ;
prononcer, à titre principal, la faillite personnelle de M. [X] pour une durée de 15 ans et subsidiairement, l'interdiction de gérer de l'intéressé pour une durée de 15 ans, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par jugement contradictoire en date du 23 novembre 2022, le tribunal a :
Déclaré recevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif formée par la SELARL [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sorequip ;
Condamné M. [X] à payer la somme de 722 850,77 euros à la SELARL [Z] ès qualités au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif, avec exécution provisoire à hauteur de 20% de ce montant ;
Prononcé à l'encontre de M. [X] une mesure de faillite personnelle d'une durée de cinq ans ;
Dit que la décision sera mentionnée au casier judiciaire et que je jugement sera communiqué au procureur de la République ;
Condamné M. [X] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [X] a interjeté appel de ce jugement selon déclaration du 6 décembre 2022.
Un avis de fixation de l'affaire à bref délai a été adressé aux parties le 3 mars 2023.
M. [X] a déposé ses conclusions d'appelant au greffe par message RPVA du 6 mars 2023 puis signifié sa déclaration d'appel ainsi que l'avis de fixation d'audience et ses premières conclusions par actes de commissaire de justice remis le 9 mars 2023 à la SELARL [Z] ès qualités et à la procureure générale près la cour d'appel de Saint-Denis.
Le liquidateur judiciaire a constitué avocat le 27 mars 2023 et a communiqué ses premières conclusions par RPVA le 7 avril 2023.
Le dossier a été communiqué au ministère public qui, par un avis du 20 juin 2023 communiqué aux parties par voie électronique, a indiqué s'associer pleinement aux conclusions du liquidateur judiciaire.
Par ordonnance du 20 mars 2024, la procédure a été clôturée avec effet différé au 15 mai 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 19 juin 2024 puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 18 septembre 2024.
L'arrêt sera rendu contradictoirement, conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses conclusions n° 4 communiquées par voie électronique le 19 mars 2024, l'appelant demande à la cour de :
Avant-dire droit :
Faire injonction à la SELARL [Z] de produire aux débats les liasses fiscales 2018 qui auraient fait l'objet de dépôt auprès de l'administration fiscale ;
Infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Prononcer la nullité du jugement rendu le 23 novembre 2022 ;
Débouter la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire :
Réformer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Débouter la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre très subsidiaire :
Confirmer le jugement querellé sauf en ce qu'il a condamné Monsieur [X] à la somme de 722.850,22 euros au titre de l'insuffisance d'actif et à une mesure de faillite personnelle de 5 ans ;
Statuant à nouveau :
Condamner M. [X] à une interdiction de gérer pour une durée ne dépassant pas un an ;
En toute hypothèse,
Condamner la SELARL [Z] à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Au soutien de ses prétentions, il fait principalement valoir que :
le moyen invoqué par l'intimée et tiré de la caducité de la déclaration d'appel procède d'une analyse erronée de l'article 908 du code de procédure civile et que la présente instance a été inscrite en circuit court de sorte que ce texte lui est inapplicable ;
le rapport du juge-commissaire ne lui a pas été communiqué de sorte que le jugement doit être annulé en application de l'article R. 662-12 du code de commerce ;
le montant de l'insuffisance d'actif a été mal évalué en ce que le passif total ne s'élevait pas à plus de 10 millions d'euros mais à environ 3 millions d'euros ;
aucune des fautes de gestion qui lui sont imputées ne sont établies ;
la société Sorequip était dotée d'un comptable en interne et son expert-comptable a fourni les pièces comptables et les bilans 2017 et 2018 et la comptabilité a été validée par un commissaire aux comptes ;
la liquidation ayant été prononcée en mars 2019, il appartenait au liquidateur judiciaire d'établir et de déposer les liasses fiscales de l'entreprise pour la période considérée et une injonction de produire ces pièces aux débats devra être délivrée à son égard.
Par dernières conclusions communiquées par le RPVA le 20 mars 2024, l'intimée demande à la cour de :
A titre principal :
Déclarer la déclaration d'appel n°22/01393 du 6 décembre 2022 caduque en l'absence de prétentions déterminant l'objet du litige dans le dispositif des conclusions de l'appelant régularisée dans le délai de l'article 905-2 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire :
Constater que la Cour n'est pas saisie du chef du jugement ayant prononcé la faillite personnelle de Monsieur [J] [X] pour une durée de 5 ans à défaut pour ce dernier d'avoir élevé cette prétention dans ses conclusions ;
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Mixte de Commerce de Saint Denis le 23 novembre 2022 en ce qu'il a :
« Déclare recevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif formée par la SELALR [Z] ès qualité de mandataire liquidateur de la société Sorequip ;
Condamne Monsieur [J] [X] à payer la somme de 722 850.77 euros à la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Sorequip au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif, avec exécution provisoire à hauteur de 20% de ce montant ;
Dit qu'en application de l'article 768-5° du code de procédure pénale, la présente décision sera mentionnée au casier judiciaire, qu'elle fera l'objet à la diligence du greffier des publicités prévues à l'article R.621-8 du code de commerce et qu'elle sera adressée aux autorités mentionnées à l'article R.621-7 du même code ;
Dit qu'en application de l'article R.651-3 du code de commerce, le présent jugement sera communiqué par le greffe à Madame le Procureur de la République ;
Condamne Monsieur [J] [X] à payer à la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Sorequip, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne Monsieur [J] [X] au paiement des entiers dépens ».
A titre infiniment subsidiaire :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Mixte de Commerce de Saint-Denis le 23 novembre 2022 et notamment en ce qu'il a :
« Déclare recevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif formée par la SELALR [Z] ès qualité de mandataire liquidateur de la société Sorequip ;
Condamne Monsieur [J] [X] à payer la somme de 722 850.77 euros à la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Sorequip au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif, avec exécution provisoire à hauteur de 20% de ce montant ;
Prononce à l'encontre de Monsieur [J] [X] une mesure de faillite personnelle d'une durée de 5 ans ;
Dit qu'en application de l'article 768-5° du code de procédure pénale, la présente décision sera mentionnée au casier judiciaire, qu'elle fera l'objet à la diligence du greffier des publicités prévues à l'article R.621-8 du code de commerce et qu'elle sera adressée aux autorités mentionnées à l'article R.621-7 du même code ;
DIT qu'en application de l'article R.651-3 du code de commerce, le présent jugement sera communiqué par le greffe à Madame le Procureur de la République ;
Condamne Monsieur [J] [X] à payer à la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Sorequip, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [J] [X] au paiement des entiers dépens ».
En tout état de cause :
Débouter Monsieur [J] [X] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions en ce compris ses demandes au titre des frais irrépétibles et dépens ;
Condamner Monsieur [J] [X] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir en substance que :
le dispositif des premières conclusions de l'appelant, qui se contente à titre subsidiaire de demander le rejet des demandes adverses, ne comporte pas de prétentions permettant de déterminer l'objet du litige de sorte que la déclaration d'appel doit être déclarée caduque ;
Subsidiairement, sur la demande de nullité du jugement tirée du non-respect de l'article R. 662-12 du code de commerce, le rapport du juge-commissaire n'a pas à être transmis aux parties par le greffe et en l'espèce le tribunal s'y est expressément référé dans sa décision de sorte qu'aucune irrégularité n'est caractérisée ;
les conclusions de l'appelant se bornent à solliciter la réformation du jugement sans formuler de demande de débouté précise de sorte que la cour n'est saisie d'aucune prétention et ne peut que confirmer la décision querellée ;
Sur l'action en comblement de passif, l'appelant a commis les fautes de gestions suivantes : poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, tenue d'une comptabilité incomplète et irrégulière ; existence de flux financiers injustifiés observés avec les autres entités dans lesquelles M. [X] est dirigeant et détournement d'actifs ;
le montant de l'insuffisance d'actif s'élève à 8 601 973,74 euros et l'appelant ne peut valablement reprocher au liquidateur, au demeurant sans preuve, de s'être abstenu de recouvrer les créances à l'encontre des autres entités du groupe Caillé ;
l'ensemble des fautes de gestion commises par M. [X] ont contribué à aggraver le passif de la société et c'est à juste titre que le tribunal a condamné l'intéressé au paiement d'une somme 722 850,77 euros correspondant au montant du passif généré pendant la période d'exécution du plan ;
Sur la faillite personnelle, M. [X] a commis les fautes suivantes : poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ; détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif et tenue d'une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties.
MOTIVATION
Sur la caducité de la déclaration d'appel :
L'intimée invoque la caducité de la déclaration d'appel sur le fondement des dispositions combinées des articles 905-2 et 954 du code de procédure civile au moyen que le dispositif des premières conclusions de l'appelant ne mentionne pas expressément de prétentions au fond.
En réponse, l'appelant indique qu'il s'agit d'une interprétation erronée de l'article 908 du code de procédure civile et que l'affaire a été instruite selon la procédure de circuit court.
Il n'est pas contesté que l'appelant a bien remis au greffe de la cour ses premières conclusions dans le délai prévu à l'article 905-2 du code de procédure civile.
Le dispositif de ces écritures est libellé comme suit :
« Infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
Prononcer la nullité du jugement rendu le 23 novembre 2022 ;
Débouter la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Subsidiairement
Réformer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Débouter la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M [X] ;
En toute hypothèse,
Condamner la SELARL [Z] à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens ».
Force est de constater que l'appelant sollicite l'annulation et subsidiairement la réformation du jugement et qu'il demande à la cour de débouter la SELARL [Z] de l'ensemble des demandes formées à son encontre, ce qui constitue une prétention au fond dont la cour est valablement saisie.
Il en résulte que le moyen tiré de l'irrégularité des conclusions d'appel et de la caducité de la déclaration d'appel est infondé et doit être rejeté.
Sur la nullité du jugement :
Selon l'article R. 662-12 du code de commerce, le tribunal statue sur le rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire y compris l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif ou en obligation aux dettes sociétés, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8.
L'appelant invoque la nullité du jugement déféré sur le fondement des dispositions de l'article R. 662-12 du code de commerce au moyen que le rapport du juge-commissaire ne lui a pas été communiqué.
En réponse, l'intimée fait valoir qu'aucun texte ne fait obligation au greffe de communiquer ce rapport aux parties et souligne que le jugement du 23 novembre 2022 fait expressément référence, dans l'exposé du litige, au rapport rendu par le juge-commissaire le 15 juin 2022.
Contrairement à ce que soutient l'appelant, le rapport du juge-commissaire, qui peut d'ailleurs être oral, n'a pas à être communiqué aux parties.
En l'espèce, le jugement querellé mentionne que le juge-commissaire a rendu son rapport le 15 juin 2022, conformément aux dispositions précitées du code de commerce.
Il en résulte qu'aucune irrégularité n'est démontrée de sorte que la demande d'annulation du jugement sera rejetée.
Sur la réformation du jugement :
L'intimée sollicite la confirmation du jugement entrepris au moyen que l'appelant ne formule dans le dispositif de ses conclusions aucune demande de débouté précise et relative soit à la condamnation pécuniaire soit au prononcé de la faillite personnelle de M. [X] de sorte que la cour n'est valablement saisie d'aucune prétention.
Ainsi qu'il a été indiqué supra, l'appelant sollicite dans le dispositif de ses conclusions l'annulation et subsidiairement la réformation du jugement et demande en outre à la cour de débouter la SELARL [Z] de toutes ses demandes. Ce faisant, il conteste les condamnations prononcées au titre de l'insuffisance d'actif et de la faillite personnelle, ce qui constitue des prétentions au fond au sens des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile dont la cour est valablement saisie.
Il en résulte que le moyen est infondé et qu'il sera dès lors rejeté.
Sur la demande avant dire droit de communication des liasses fiscales de la société Sorequip pour l'exercice 2018 :
L'appelant fait valoir au visa de l'article L. 641-3 al. 3 du code de commerce qu'il appartenait au liquidateur judiciaire de procéder à la clôture des comptes de la société Sorequip pour l'exercice 2018 et sollicite qu'il lui soit fait injonction de produire aux débats les liasses fiscales de l'année considérée.
En réponse, l'intimée explique que le texte précité ne met nullement de telles obligations à la charge du liquidateur et que la jurisprudence invoquée n'est pas transposable au présent litige, compte tenu notamment de son ancienneté et des évolutions législatives intervenues depuis lors.
L'article L. 641-3 al. 3 du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige, dispose que lorsque les dirigeants de la personne morale débitrice ne respectent pas leurs obligations en matière d'arrêté et d'approbation des comptes annuels, le liquidateur peut saisir le président du tribunal aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc.
Contrairement à ce que soutient l'appelant, ce texte ne fait pas obligation au liquidateur judiciaire d'établir les comptes annuels de la société liquidée et de déposer les liasses fiscales.
Il convient dès lors de rejeter la demande de M. [X] tendant à faire injonction à la SELARL [Z] ès qualités de verser aux débats les liasses fiscales de la société Sorequip pour l'année 2018.
Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif :
Aux termes de l'article L. 651-2 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.
L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés.
L'action pour insuffisance d'actif est une action en responsabilité civile délictuelle spécifique, ayant pour objet la réparation du préjudice collectif subi du fait de l'insuffisance d'actif d'une personne morale.
Il incombe au liquidateur judiciaire, à l'initiative de cette action, de rapporter la preuve de la qualité de l'appelant puis de démontrer l'existence d'une insuffisance d'actif, d'une ou plusieurs fautes de gestion excédant la simple négligence et d'un lien entre celle(s)-ci et l'insuffisance d'actif.
sur l'insuffisance d'actif
L'appelant conteste le montant du passif déclaré retenu par le liquidateur judiciaire à hauteur de 10 462 786,09 euros, invoquant de nombreuses inexactitudes et indique que le passif certifié par le commissaire à l'exécution du plan au 1er janvier 2018 ne s'élevait qu'à la somme de 3 223 371,30 euros. Il reproche en outre à la SELARL [Z] de ne pas avoir fait diligence pour recouvrer les créances dues à la société Sorequip par diverses sociétés du « groupe » Caillé et s'interroge quant à un possible conflit d'intérêts.
En réponse, l'intimée indique que le passif définitif s'élève à 10 462 786,10 euros tandis que le montant actualisé de l'actif s'élève à 1 860 812,36 euros et tient compte des fonds encaissés à la suite des actions en recouvrement engagées par ses soins, notamment à l'encontre de la société Sacaff. Elle ajoute que le recouvrement des créances contre les sociétés en liquidation judiciaire du « groupe » Caillé n'est pas possible mais que les déclarations de créances ont été effectuées. Elle en conclut que l'insuffisance d'actif est établie à hauteur de 8 601 973,74 euros.
L'insuffisance d'actif représente le préjudice subi par la personne morale (ou le patrimoine affecté de l'EIRL), apprécié, dans son existence et dans son montant, au jour où la juridiction statue. Elle s'établit à la différence entre le passif (créances vérifiées et admises) et l'actif de la personne morale ou du patrimoine affecté, disponible ou non (valeur de réalisation du patrimoine). Le seul constat d'un passif ne suffit pas.
En l'espèce, il est constant que M. [X] était dirigeant de droit de la société Sorequip au jour de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Il en résulte que l'appréciation de l'existence et de l'ampleur l'insuffisance d'actif doit être effectuée à la date du présent arrêt.
Il ressort de l'état des créances et du dernier rapport de situation du 21 février 2024 versés aux débats par l'intimée que le passif définitif de la société Sorequip, qui ne se limite pas au seul passif résultant du plan de redressement comme semble le suggérer l'appelant, s'élève à la somme de 10 462 786,10 euros. Les diverses critiques formulées par l'appelant dans ses conclusions en vue d'établir l'inexactitude du montant du passif sont vaines dès lors qu'elles n'ont pas donné lieu, en leur temps, à des contestations de créances devant le juge-commissaire et que le passif est désormais définitivement arrêté.
Le liquidateur établit que le montant actualisé de l'actif s'élève à la somme totale de 1 860 812,36 euros compte tenu des opérations de recouvrement effectuées. A cet égard, si l'intimé s'interroge quant à un éventuel conflit d'intérêt de la SELARL [Z], force est de constater que ses soupçons ne sont corroborés par aucun élément concret tandis que le liquidateur justifie de l'engagement d'actions en recouvrement contre les entités en activité du « groupe Caillé », et notamment contre la société Sacaff.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 8 601 973,74 euros.
sur les fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif
La faute de gestion susceptible d'engager la responsabilité pour insuffisance d'actif doit avoir été commise dans l'administration de la société et prouvée par le demandeur. Elle peut également résulter d'une abstention.
La faute doit être imputable au dirigeant poursuivi, pour des faits commis durant l'exercice de ses fonctions et ne peut résulter d'une simple négligence.
Un intérêt personnel n'est pas exigé.
En vertu du principe de proportionnalité, si plusieurs fautes de gestion sont retenues, il importe que chacune d'elles soit également justifiée.
Un lien de causalité doit être établi entre la faute de gestion et l'insuffisance d'actif. Si plusieurs fautes de gestion sont reprochées, le lien de causalité doit être établi pour chacune d'elles. La faute doit avoir seulement contribué à l'insuffisance d'actif. Il n'est pas nécessaire que la faute soit la cause directe et exclusive du dommage.
En l'espèce, le liquidateur judiciaire invoque quatre fautes de gestion qui seront examinées successivement :
Poursuite abusive d'une exploitation déficitaire :
Le tribunal a retenu cette faute de gestion, considérant que les dispositions du plan de redressement adopté en 2012 et modifié à deux reprises n'ont été respectées que pendant deux ans, que les résultats de la société Sorequip ont baissé dès 2014 pour se révéler déficitaires à compter de 2015 ; qu'à partir de 2016 les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social, que dès 2017, l'actif circulant est inférieur aux dettes à court terme et que de nouvelles dettes sont apparues en cours d'exécution du plan, faisant passer le montant des dettes de 7 193 816 euros en 2015 à 14 254 114 euros au 31 décembre 2018. Il en conclut que la société se trouvait en état de cessation des paiements dès 2016.
L'appelant fait valoir que les chiffres retenus pas les premiers juges sont erronés et soutient qu'il a remboursé environ sept millions d'euros pendant les huit années d'exécution du plan de redressement. Il ajoute qu'il n'a pas remboursé la dette due à la SA Groupe Caillé dans la mesure où cette dernière lui est également redevable de diverses sommes et que la SELARL [Z] (en sa qualité de co-commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde des sociétés du groupe Caillé) ne lui a rien réclamé. Il ajoute que selon l'administrateur judiciaire, la situation financière de la société Sorequip en 2015-2016 résulte de la crise du bâtiment, qu'il a pris les mesures correctives et que la baisse des comptes à partir de 2017 est due à la vente des cartes Hyundai et Daf. Il conclut qu'il a remboursé au total huit échéances et que dès qu'il n'a plus été en mesure de les régler il a sollicité le placement de la société en liquidation judiciaire.
En réponse, l'intimée fait valoir que la genèse de nouvelles dettes pendant l'exécution du plan de redressement suffit à caractériser la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, ce qui est le cas en l'espèce dès lors que le montant du passif à la date d'ouverture de la liquidation judiciaire et à peu près équivalent au passif existant à l'ouverture du redressement judiciaire. Elle précise que, contrairement à ce que soutient l'appelant, le rapport annuel établi par les commissaires aux comptes mentionne que c'est une somme totale de 2 240 239 euros qui a été réglée et non de sept millions d'euros. Elle ajoute que M. [X] a pris l'initiative de cesser de régler les dettes des sociétés du groupe Caillé dès la troisième échéance, sans que ce procédé soit entériné par le tribunal ; que compte tenu de la résolution du plan de redressement, les dispositions du plan prévoyant des abandons de créances avec clause de retour à meilleure fortune ne sont plus applicables de sorte que les créances devaient être admises ; que les bilans des années 2015 à 2018 montrent notamment un résultat négatif dès 2015 avec des capitaux propres négatifs dès 2016 ; qu'enfin, il est établi que M. [X] a cessé l'activité de la société Sorequip en 2018 de sorte qu'il ne pouvait plus honorer le plan de redressement mais qu'il n'a pris aucune mesure.
Il ressort des pièces produites par l'intimée, et plus particulièrement du rapport annuel établi par les commissaires à l'exécution du plan le 25 février 2019, que le plan de redressement de la SAS Sorequip, adopté en 2012 et modifié à deux reprises en 2014 et 2015, prévoit le remboursement du passif selon les modalités suivantes :
Le remboursement immédiat des créances inférieures à 300 euros ;
Le remboursement des créances à échoir des contrats poursuivis ;
L'apurement des autres créances hors groupe Caillé et des créances des sociétés du groupe Caillé sous procédure de liquidation judiciaire sur une durée de dix ans par échéances progressives ;
Le remboursement du solde de la créance de la SA Groupe Caillé à hauteur de 1 120 000 euros sur une durée de dix ans ;
Le remboursement du solde de la créance de la société Groupe Caillé à hauteur de 1 398 768 euros sur une durée de quatre ans sous condition de dégager une marge brute d'autofinancement supérieure à 600 000 euros ;
Le remboursement des autres créances du groupe (sociétés en sauvegarde) par échéances annuelles constantes sous condition que la marge brute d'autofinancement annuelle soit supérieure à 600 000 euros ;
La cession d'antériorité pour la créance de la SA Groupe Caillé au titre de la clause de retour à meilleure fortune, d'un montant total de de 3 106 000 euros.
Le montant total du passif à rembourser dans le cadre du plan s'élève à 5 597 951 euros. A cet égard, et contrairement à ce que soutient M. [X], c'est bien une somme globale de 2 240 240,04 euros, et non de 7 millions d'euros, qui a été réglée pendant la période d'exécution du plan.
S'agissant des autres créances hors groupe Caillé et des créances des sociétés du groupe Caillé sous procédure de liquidation judiciaire, les six premières échéances ont été réglées. Il est observé que si le dividende exigible le 11 janvier 2018 a été payé par anticipation dès le mois de novembre 2017, il l'a été au moyen du produit de la cession des cartes Hyundai et Daf Trucks, une telle opération ayant eu pour effet de réduire le chiffre d'affaires à venir de la société Sorequip. L'échéance du 11 janvier 2019 n'a pas été réglée.
Le remboursement du solde de 1 398 768 euros et des autres créances du groupe Caillé (sociétés en sauvegarde) sous condition que la marge brute d'autofinancement annuelle soit supérieure à 600 000 euros n'est pas intervenu, faute de réalisation de la condition.
Enfin, il est établi que seules les deux premières échéances, d'un montant respectif de 78 500 euros et 56 000 euros, ont été réglées au titre du remboursement de la créance résiduelle de la SA Groupe Caillé de 1 120 000 euros et que les échéances suivantes ont cessé d'être payées dès le mois de janvier 2015. M. [X] a justifié ce refus au motif que la SA Groupe Caillé n'a elle-même versé aucun dividende de plan à la société Sorequip.
S'il est vrai qu'à la date du rapport précité du 25 février 2019, le co-commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la SA Groupe Caillé n'a pas réclamé le versement desdites sommes, force est de constater que le tribunal n'a pas entériné ce procédé et qu'aucune compensation n'a été ordonnée entre les créances des sociétés, dont les montants ne sont d'ailleurs pas précisés.
Il est donc établi que la société Sorequip n'a que partiellement exécuté le plan de redressement à compter du mois de janvier 2015.
En outre, il ressort de l'examen des bilans de la société Sorequip pour les années 2015 à 2018 que le poste « autres dettes » est passé de 7 193 816 euros à 14 254 114 euros, ce qui met en évidence la création d'un nouveau passif pendant l'exécution du plan, un tel élément caractérisant la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, ce nouveau passif contribuant nécessairement à l'insuffisance d'actif.
L'intimée souligne à juste titre que l'actif circulant est inférieur au montant des dettes à court terme dès 2015, que les capitaux propres, inférieurs à la moitié du capital social dès 2015, sont négatifs à compter de l'exercice 2016, que le chiffre d'affaires chute sur cette période et que le résultat net de la société est déficitaire à partir de 2015. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Sorequip était de fait en situation de cessation des paiements dès l'année 2016, ce que son dirigeant ne pouvait ignorer.
S'il est vrai, comme le souligne l'appelant, que les commissaires à l'exécution du plan indiquent dans leur rapport annuel du 25 février 2019 que la situation financière de la société Sorequip pour les années 2015-2016 s'explique par la crise du bâtiment et que M. [X] a pris des mesures correctives, force est de constater que celles-ci se sont révélées insuffisantes. Il convient d'ajouter que, de l'aveu même de M. [X], la vente des cartes Hyundai et Daf Trucks a eu pour effet de réduire l'activité de la société et, par voie de conséquence, son chiffre d'affaires.
Il est en outre établi que M. [X] a, dans les faits, cessé l'activité de la société Sorequip dès le courant de l'année 2018, que la société a rendu les locaux dans lesquels elle exploitait son activité et que le dirigeant est parti en métropole. Compte tenu de telles mesures, la société Sorequip n'était plus en mesure d'honorer le plan de redressement et se trouvait manifestement en état de cessation des paiements. Pour autant M. [X] n'a pris aucune initiative en vue de solliciter la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis n'ayant été saisi que par requête déposée par le commissaire à l'exécution du plan le 26 février 2019.
Ces éléments caractérisent à nouveau la poursuite d'une activité manifestement déficitaire, ce qui a contribué à l'aggravation du passif de la société.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu cette faute de gestion.
Tenue d'une comptabilité incomplète et irrégulière :
Les premiers juges ont retenu, au visa de l'article L. 123-12 du code de commerce, que, malgré les diverses relances du liquidateur judiciaire, l'appelant a transmis une comptabilité incomplète entre 2014 et mars 2019 (date d'ouverture de la liquidation judiciaire) et qu'un rapport d'expertise comptable a mis en évidence le caractère irrégulier de la comptabilité de la société Sorequip. Ils considèrent que cette faute de gestion est caractérisée, qu'elle a empêché le dirigeant d'avoir une analyse juste de la situation et de prendre les décisions nécessaires en temps utile, ce qui a contribué à aggraver l'insuffisance d'actif.
L'appelant conteste ce grief, soulignant que la comptabilité de la société Sorequip était validée par un expert-comptable et certifiée par un commissaire aux comptes depuis 2012, que l'ensemble des pièces comptables ont été remises au mandataire judiciaire, de même que les explications utiles. Il ajoute que le rapport du cabinet JCH Conseil et Audit ne lui a pas été communiqué.
En réponse, la SELARL [Z] ès qualités fait valoir qu'en dépit des affirmations de l'appelant, aucune attestation de l'expert-comptable ni aucun rapport du commissaire aux comptes pour les années 2014 à 2018 n'a été transmis au liquidateur, pas plus qu'au cours de la présente procédure. Elle ajoute que les pièces comptables transmises sont incomplètes. Ainsi, aucun élément n'a été communiqué pour la période de janvier à mars 2019, pendant laquelle M. [X] aurait vendu tout ou partie des actifs de la société, les éléments parcellaires produits pour l'exercice 2018 sont provisoires et les grands-livres et journaux des années 2014 à 2017 sont incomplets.
Elle précise en outre que l'irrégularité de la comptabilité a été mise en évidence par un rapport d'audit établi par la société JCH Conseil et Audit, qui relève de nombreuses anomalies au sujet desquelles l'appelant ne s'explique pas.
L'article L. 123-12 du code de commerce dispose que toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement.
Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise.
Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.
En l'espèce, la SELARL [Z] ès qualités verse aux débats une demande adressée à M. [X] par courrier électronique du 16 avril 2019 de communiquer les fichiers d'écritures comptables (ci-après FEC) de 2014 à 2018 ainsi que les états comptables des exercices 2014 à 2019 comprenant bilans et comptes de résultats, balances, grands livres, journaux détaillés, certifications des comptes de l'expert-comptable et le cas échéant rapports du commissaire aux comptes. Elle produit également un courrier recommandé avec accusé de réception daté du 8 août 2019 aux termes duquel elle indique ne disposer d'aucun élément au titre de l'exercice 2017 et met en demeure M. [X] de lui transmettre les FEC des années 2017 et 2018, les états comptables de 2017 à 2019 et les grands livres de 2014 à 2019. Elle produit enfin plusieurs courriers de relance adressés en janvier 2020 puis en janvier 2021 tant au dirigeant de la société Sorequip qu'à l'expert-comptable et au commissaire aux comptes afin d'obtenir les éléments manquants.
Force est de constater que si M. [X] soutient que la comptabilité de la société Sorequip était validée par un expert-comptable et certifiée par un commissaire aux comptes depuis 2012, il s'abstient de produire le moindre élément en ce sens.
Il en résulte que le caractère incomplet de la comptabilité de la société Sorequip pour les années 2014 à mars 2019 est établi.
En outre, l'examen du rapport établi par la société JCH Conseil et Audit à la demande du liquidateur met en évidence de nombreuses irrégularités dans la tenue de la comptabilité de la société Sorequip.
Ainsi, l'expert-comptable relève :
L'existence d'un compte fournisseur de la société Henri Cheval (dont M. [X] est le dirigeant) débiteur à hauteur de 109 000 euros, ce qui s'apparente à un compte courant débiteur (convention interdite) ;
La double dépréciation du fonds commercial soit un impact sur le résultat négatif de ' 152 000 euros ;
Une problématique de réalité des flux sur 2018 ;
Des anomalies sur les fichiers d'écritures comptables de 2014 à 2017 qui comportent essentiellement des soldes et ne permettent pas d'effectuer une analyse de la comptabilité ;
L'absence de reprise des à-nouveaux sur certaines créances et dettes avec des sociétés dont M. [X] est le dirigeant, ce qui peut laisser considérer qu'il s'agit de ventes ou d'achats fictifs entre sociétés liées.
L'appelant se contente de faire valoir qu'il n'a pas été rendu destinataire du rapport, pourtant communiqué contradictoirement en procédure, mais n'apporte aucune explication sur les anomalies relevées.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la faute de gestion tirée de la tenue d'une comptabilité incomplète et irrégulière est caractérisée. Ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, cette faute a été de nature à empêcher M. [X], dirigeant de la société, d'avoir une analyse juste de l'état de la société Sorequip qui lui aurait permis de prendre à temps les décisions qui s'imposaient pour redresser la situation, ce qui a contribué à aggraver l'insuffisance d'actif.
Existence de flux financiers injustifiés observés avec les autres entités dans lesquelles M. [X] est dirigeant :
L'intimée souligne que M. [X] est dirigeant de plusieurs sociétés situées en métropole, et en particulier les sociétés Etablissement Henri Cheval, SMTP et Corequip. Elle fait valoir que le rapport précité du cabinet JCH Conseil et Audit a mis en évidence des irrégularités et notamment l'existence d'un compte courant débiteur Henri Cheval d'un montant de 109 000 euros, l'absence de reprise des à-nouveaux au titre de divers exercices pour ces trois sociétés, ce qui permet d'annuler les dettes ou créances concernées, et l'impossibilité de comprendre certaines écritures d'opérations diverses concernant ces trois sociétés.
La SELARL [Z] ès qualités établit l'existence des liens avec le dirigeant de la société Sorequip par la production des extraits K-Bis de la SAS Etablissement Henri Cheval, de la SARL SMTP et de la SARLU COREQUIP dont M. [X] est respectivement président et gérant.
Les anomalies relevées par l'expert-comptable dans son rapport correspondent à des flux financiers inexpliqués entre la société Sorequip et ces trois sociétés et force est de constater que l'appelant, qui ne conclut pas sur ce point, n'apporte aucun éclaircissement.
Ces irrégularités se rattachent à la faute de gestion précédemment retenue en ce qu'elles caractérisent la tenue d'une comptabilité irrégulière.
Détournement d'actifs :
Les premiers juges ont retenu l'existence de détournements d'actifs par comparaison entre l'actif net tel qu'évalué aux termes du bilan de l'exercice 2018 (886 174 euros) puis du procès-verbal d'inventaire établi le 20 mars 2019 (44 417 euros), ce alors que le commissaire à l'exécution du plan a souligné dans son rapport que M. [X] a organisé la liquidation de la société Sorequip en toute opacité dans la mesure où la comptabilité irrégulière de 2018 et l'absence d'éléments comptables en 2019 n'ont pas permis de retracer les flux.
L'appelant conteste ce grief et soutient que le stock est un actif circulant dont le montant varie et qu'aucune preuve d'un détournement d'actif n'est rapportée.
L'intimée fait valoir que les stocks et matériels d'exploitation ont disparu dans des conditions occultes, en l'absence de remise de la comptabilité, que le dirigeant a expliqué au commissaire de justice chargé de l'inventaire avoir vendu sept véhicules de type fourgons avant la liquidation ; qu'un stock conséquent de marchandises (818 918 euros) aurait disparu en quelques semaines et que M. [X] a déclaré un stock de pièces valorisé à 75 000 euros en comptabilité qui n'a pas été inventorié.
Le bilan de la société Sorequip pour l'exercice 2018 fait apparaître un actif net évalué à 886 174 euros réparti comme suit :
Installations techniques, matériel et outillage : 2 609 euros ;
Autres immobilisations corporelles : 64 647 euros ;
Stocks de marchandises : 818 918 euros.
Le procès-verbal d'inventaire dressé par Me [G] le 20 mars 2019 fait état de matériel d'exploitation évalué à 44 417 euros et d'un stock dépourvu de valeur marchande (stock placé dans deux containers remplis d'eau).
La disparition de l'essentiel des actifs de la société en l'espèce de quelques semaines, en l'absence de tout élément comptable permettant de retracer les flux, met en évidence l'opacité des opérations et empêche tout contrôle, ce alors que le commissaire à l'exécution du plan souligne dans son rapport du 25 février 2019 que M. [X] a cessé toute activité en 2018 et organisé la liquidation de la société Sorequip plusieurs mois avant le « dépôt de bilan ». La faute de gestion est ainsi caractérisée.
Ces opérations qui ne sont pas reprises en comptabilité ont diminué la valeur des actifs à recouvrer dans le cadre de la liquidation, ce qui a nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif.
Sur la sanction :
Lorsque les conditions de l'action pour insuffisance d'actif sont réunies, le juge apprécie souverainement l'opportunité de la condamnation et le montant du passif mis à la charge du dirigeant ou de l'entrepreneur, le plafond de la condamnation étant égal au montant de l'insuffisance d'actif, et non à la totalité du passif (sauf en l'absence d'actif).
Par application du principe de proportionnalité, il peut être tenu compte de la situation particulière du dirigeant et de ses facultés contributives dans l'appréciation de la sanction. Ainsi, le comportement du dirigeant, ayant fourni des efforts pour tenter de sauver son entreprise, peut être pris en compte pour exclure toute sanction pécuniaire ou en réduire le montant.
Le juge apprécie également, le cas échéant, s'il y a lieu de faire jouer la solidarité entre dirigeants de droit ou de fait fautifs.
Les premiers juges ont fait droit à la demande du liquidateur judiciaire et ont condamné M. [X] au paiement d'une somme de 722 850,77 euros correspondant au montant du passif généré pendant l'exécution du plan de redressement.
Ainsi qu'il a été ci-dessus établi, l'intéressé a commis plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société Sorequip, alors qu'il s'agissait d'un professionnel aguerri. Les extraits K-bis versés aux débats par l'intimée permettent en effet d'établir que M. [X] a dirigé deux sociétés en liquidation judiciaire outre trois sociétés radiées, et qu'il est à ce jour à la tête de trois sociétés dont les sièges sociaux se situent en métropole.
Force est de constater que l'appelant ne transmet pas davantage qu'en première instance d'élément relatif à sa situation personnelle et ses facultés contributives.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que les premiers juges ont condamné M. [X] au paiement d'une somme de 722 850,77 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif, cette sanction étant proportionnée aux fautes commises et à la situation personnelle de l'intéressé.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé sur ce point.
Sur la faillite personnelle :
L'article L. 653-1 I 2° du code de commerce dispose que lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent chapitre sont applicables aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales.
Selon l'article L. 653-2 de ce même code, la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale.
Les cas dans lesquels la faillite personnelle de tout dirigeant d'une personne morale peut être prononcée sont limitativement prévus par les articles L. 653-4 à L. 653-6 du code de commerce.
L'article L. 653-8 du même code dispose que dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22.
Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
La faillite personnelle, tout comme l'interdiction de gérer, sont des sanctions professionnelles et les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain d'option.
Du fait de leur nature de sanctions, elles sont soumises aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines, ce qui impose qu'elles soient motivées dans leur principe et leur quantum, la motivation devant prendre en compte la gravité des fautes et la situation personnelle de l'intéressé. A l'instar de ce qu'il en est de l'action pour insuffisance d'actif, si plusieurs fautes sont reprochées, chacune d'elles doit être justifiée.
En l'espèce, pour prononcer à l'égard de M. [X] une mesure de faillite personnelle d'une durée de cinq ans, le tribunal a retenu trois manquements, à savoir la poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, le détournement ou la dissimulation d'actifs, faits prévus à l'article L. 653-4 4° et 5° du code de commerce, ainsi que l'absence de tenue d'une comptabilité complète et régulière visée à l'article L. 653-5. 6° du même code.
L'absence de tenue d'une comptabilité complète et régulière ainsi que le détournement ou la dissimulation d'actif ont été caractérisés ci-avant.
Il en est de même de la poursuite abusive par l'intéressé d'une activité déficitaire. Sur ce point, le liquidateur judiciaire ajoute que l'intérêt personnel de M. [X] est caractérisé par les flux financiers importants entretenus avec les sociétés dont il est également dirigeant, notamment la société Etablissement Henri Cheval, par l'usage de liquidités à des fins personnelles, par l'existence d'importants virements inexpliqués.
L'appelant ne conclut pas sur ce point.
Le rapport du cabinet JCH Conseil et Audit met en évidence l'existence de soldes de comptes courants débiteurs de plus de 136 000 euros avec la société Etablissement Henri Cheval, des retraits d'espèces et des achats personnels (achats de billets d'avions, nuits d'hôtel) effectués entre le 15 juin 2018 et le 13 mars 2019, alors que M. [X] avait cessé toute activité pour la société Sorequip, ou encore l'existence d'importants virements inexpliqués durant les premiers mois de l'année 2019 et ce, pour plusieurs dizaines de milliers d'euros. L'ensemble de ces éléments mettent en évidence la poursuite d'un intérêt personnel de la part de l'appelant de sorte que la troisième faute est également caractérisée.
Au regard de la gravité des manquements commis, de leur durée et de la qualité de dirigeant averti de M. [X], la mesure de faillite personnelle d'une durée de cinq ans prononcée par les premiers juges est plinement justifiée et proportionnée.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé à la fois sur la sanction de faillite personnelle et sur sa durée.
Sur les autres demandes :
L'appelant, qui succombe, sera condamné aux entiers dépens, de première instance et d'appel, sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.
Il sera en outre débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute la SELARL [Z] ès qualités de sa prétention afférente à la caducité de la déclaration d'appel ;
Déboute M. [J] [X] de sa demande d'annulation du jugement du 23 novembre 2022 ;
Déboute M. [J] [X] de sa demande d'injonction de communiquer les liasses fiscales de la société Sorequip pour l'exercice 2018 ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne M. [J] [X] aux dépens d'appel ;
Déboute M. [J] [X] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Condamne M. [J] [X] à payer à la SELARL [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sorequip la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
ACL
R.G : N° RG 22/01748 - N° Portalis DBWB-V-B7G-FZTU
[X]
C/
S.E.L.A.R.L. [Z]
LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2024
Chambre commerciale
Appel d'un jugement rendu par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT DENIS en date du 23 NOVEMBRE 2022 suivant déclaration d'appel en date du 06 DECEMBRE 2022 rg n°: 2022F199
APPELANT :
Monsieur [J] [E] [Y] [C] [X]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentant : Me Rohan RAJABALY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEES :
S.E.L.A.R.L. [Z], immatriculée au RCS de Libourne sous le numéro 530 321 355, prise en la personne de Maître [U] [Z], dont le siège social est [Adresse 4] ' [Localité 6], ès-qualité de mandataire liquidateur de la société SOREQUIP, société par actions simplifiée, dont le siège est sis [Adresse 2] [Localité 7], immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de [Localité 8] sous le numéro 378 511 299, désignée à ces fonctions par jugement rendu par le Tribunal mixte de commerce de Saint Denis le 13 mars 2019
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentant : Me Amandine JAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Madame LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS
[Adresse 1]
[Localité 6]
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 juin 2024 devant la cour composée de :
Président : Madame Séverine LEGER, Conseillère
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Madame Anne-Charlotte LEGROIS, Vice-présidente placée affectée à la cour d'appel de Saint-Denis par ordonnance de Monsieur le Premier Président
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
En présence de Madame Nathalie LE CLERC'H, Substitut général.
A l'issue des débats, la présidente a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 18 septembre 2024.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 18 septembre 2024.
Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.
* * *
LA COUR
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par jugement du 30 mars 2010, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis a ouvert au bénéfice de la SAS Sorequip une procédure de sauvegarde, convertie en redressement judiciaire par décision du 8 juin 2011.
Par jugement du 11 janvier 2012, cette juridiction a arrêté le plan de redressement pour une durée de dix ans, avec cession par la société Caillé Automobiles pour un euro de l'intégralité de ses actions à M. [B] [A] à hauteur de 49 % du capital social et à M. [J] [X] à hauteur de 51% du capital social, ce dernier étant nommé président de la SAS Sorequip.
Sur saisine du commissaire à l'exécution du plan, le tribunal mixte de commerce a prononcé par jugement du 13 mars 2019 la résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la SAS Sorequip, la date de cessation des paiements étant fixée provisoirement au 11 janvier 2019.
Par acte d'huissier en date du 10 mars 2022, la SELARL [Z], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sorequip a fait assigner M. [X] devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis aux fins de voir :
juger qu'il a commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif et en conséquence de le condamner au paiement de la somme de 722 850,77 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif de ladite société, avec exécution provisoire de à hauteur de 20% minimum de ce montant ;
prononcer, à titre principal, la faillite personnelle de M. [X] pour une durée de 15 ans et subsidiairement, l'interdiction de gérer de l'intéressé pour une durée de 15 ans, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par jugement contradictoire en date du 23 novembre 2022, le tribunal a :
Déclaré recevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif formée par la SELARL [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sorequip ;
Condamné M. [X] à payer la somme de 722 850,77 euros à la SELARL [Z] ès qualités au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif, avec exécution provisoire à hauteur de 20% de ce montant ;
Prononcé à l'encontre de M. [X] une mesure de faillite personnelle d'une durée de cinq ans ;
Dit que la décision sera mentionnée au casier judiciaire et que je jugement sera communiqué au procureur de la République ;
Condamné M. [X] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [X] a interjeté appel de ce jugement selon déclaration du 6 décembre 2022.
Un avis de fixation de l'affaire à bref délai a été adressé aux parties le 3 mars 2023.
M. [X] a déposé ses conclusions d'appelant au greffe par message RPVA du 6 mars 2023 puis signifié sa déclaration d'appel ainsi que l'avis de fixation d'audience et ses premières conclusions par actes de commissaire de justice remis le 9 mars 2023 à la SELARL [Z] ès qualités et à la procureure générale près la cour d'appel de Saint-Denis.
Le liquidateur judiciaire a constitué avocat le 27 mars 2023 et a communiqué ses premières conclusions par RPVA le 7 avril 2023.
Le dossier a été communiqué au ministère public qui, par un avis du 20 juin 2023 communiqué aux parties par voie électronique, a indiqué s'associer pleinement aux conclusions du liquidateur judiciaire.
Par ordonnance du 20 mars 2024, la procédure a été clôturée avec effet différé au 15 mai 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 19 juin 2024 puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 18 septembre 2024.
L'arrêt sera rendu contradictoirement, conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses conclusions n° 4 communiquées par voie électronique le 19 mars 2024, l'appelant demande à la cour de :
Avant-dire droit :
Faire injonction à la SELARL [Z] de produire aux débats les liasses fiscales 2018 qui auraient fait l'objet de dépôt auprès de l'administration fiscale ;
Infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Prononcer la nullité du jugement rendu le 23 novembre 2022 ;
Débouter la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire :
Réformer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Débouter la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre très subsidiaire :
Confirmer le jugement querellé sauf en ce qu'il a condamné Monsieur [X] à la somme de 722.850,22 euros au titre de l'insuffisance d'actif et à une mesure de faillite personnelle de 5 ans ;
Statuant à nouveau :
Condamner M. [X] à une interdiction de gérer pour une durée ne dépassant pas un an ;
En toute hypothèse,
Condamner la SELARL [Z] à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Au soutien de ses prétentions, il fait principalement valoir que :
le moyen invoqué par l'intimée et tiré de la caducité de la déclaration d'appel procède d'une analyse erronée de l'article 908 du code de procédure civile et que la présente instance a été inscrite en circuit court de sorte que ce texte lui est inapplicable ;
le rapport du juge-commissaire ne lui a pas été communiqué de sorte que le jugement doit être annulé en application de l'article R. 662-12 du code de commerce ;
le montant de l'insuffisance d'actif a été mal évalué en ce que le passif total ne s'élevait pas à plus de 10 millions d'euros mais à environ 3 millions d'euros ;
aucune des fautes de gestion qui lui sont imputées ne sont établies ;
la société Sorequip était dotée d'un comptable en interne et son expert-comptable a fourni les pièces comptables et les bilans 2017 et 2018 et la comptabilité a été validée par un commissaire aux comptes ;
la liquidation ayant été prononcée en mars 2019, il appartenait au liquidateur judiciaire d'établir et de déposer les liasses fiscales de l'entreprise pour la période considérée et une injonction de produire ces pièces aux débats devra être délivrée à son égard.
Par dernières conclusions communiquées par le RPVA le 20 mars 2024, l'intimée demande à la cour de :
A titre principal :
Déclarer la déclaration d'appel n°22/01393 du 6 décembre 2022 caduque en l'absence de prétentions déterminant l'objet du litige dans le dispositif des conclusions de l'appelant régularisée dans le délai de l'article 905-2 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire :
Constater que la Cour n'est pas saisie du chef du jugement ayant prononcé la faillite personnelle de Monsieur [J] [X] pour une durée de 5 ans à défaut pour ce dernier d'avoir élevé cette prétention dans ses conclusions ;
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Mixte de Commerce de Saint Denis le 23 novembre 2022 en ce qu'il a :
« Déclare recevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif formée par la SELALR [Z] ès qualité de mandataire liquidateur de la société Sorequip ;
Condamne Monsieur [J] [X] à payer la somme de 722 850.77 euros à la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Sorequip au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif, avec exécution provisoire à hauteur de 20% de ce montant ;
Dit qu'en application de l'article 768-5° du code de procédure pénale, la présente décision sera mentionnée au casier judiciaire, qu'elle fera l'objet à la diligence du greffier des publicités prévues à l'article R.621-8 du code de commerce et qu'elle sera adressée aux autorités mentionnées à l'article R.621-7 du même code ;
Dit qu'en application de l'article R.651-3 du code de commerce, le présent jugement sera communiqué par le greffe à Madame le Procureur de la République ;
Condamne Monsieur [J] [X] à payer à la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Sorequip, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne Monsieur [J] [X] au paiement des entiers dépens ».
A titre infiniment subsidiaire :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Mixte de Commerce de Saint-Denis le 23 novembre 2022 et notamment en ce qu'il a :
« Déclare recevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif formée par la SELALR [Z] ès qualité de mandataire liquidateur de la société Sorequip ;
Condamne Monsieur [J] [X] à payer la somme de 722 850.77 euros à la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Sorequip au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif, avec exécution provisoire à hauteur de 20% de ce montant ;
Prononce à l'encontre de Monsieur [J] [X] une mesure de faillite personnelle d'une durée de 5 ans ;
Dit qu'en application de l'article 768-5° du code de procédure pénale, la présente décision sera mentionnée au casier judiciaire, qu'elle fera l'objet à la diligence du greffier des publicités prévues à l'article R.621-8 du code de commerce et qu'elle sera adressée aux autorités mentionnées à l'article R.621-7 du même code ;
DIT qu'en application de l'article R.651-3 du code de commerce, le présent jugement sera communiqué par le greffe à Madame le Procureur de la République ;
Condamne Monsieur [J] [X] à payer à la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Sorequip, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [J] [X] au paiement des entiers dépens ».
En tout état de cause :
Débouter Monsieur [J] [X] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions en ce compris ses demandes au titre des frais irrépétibles et dépens ;
Condamner Monsieur [J] [X] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir en substance que :
le dispositif des premières conclusions de l'appelant, qui se contente à titre subsidiaire de demander le rejet des demandes adverses, ne comporte pas de prétentions permettant de déterminer l'objet du litige de sorte que la déclaration d'appel doit être déclarée caduque ;
Subsidiairement, sur la demande de nullité du jugement tirée du non-respect de l'article R. 662-12 du code de commerce, le rapport du juge-commissaire n'a pas à être transmis aux parties par le greffe et en l'espèce le tribunal s'y est expressément référé dans sa décision de sorte qu'aucune irrégularité n'est caractérisée ;
les conclusions de l'appelant se bornent à solliciter la réformation du jugement sans formuler de demande de débouté précise de sorte que la cour n'est saisie d'aucune prétention et ne peut que confirmer la décision querellée ;
Sur l'action en comblement de passif, l'appelant a commis les fautes de gestions suivantes : poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, tenue d'une comptabilité incomplète et irrégulière ; existence de flux financiers injustifiés observés avec les autres entités dans lesquelles M. [X] est dirigeant et détournement d'actifs ;
le montant de l'insuffisance d'actif s'élève à 8 601 973,74 euros et l'appelant ne peut valablement reprocher au liquidateur, au demeurant sans preuve, de s'être abstenu de recouvrer les créances à l'encontre des autres entités du groupe Caillé ;
l'ensemble des fautes de gestion commises par M. [X] ont contribué à aggraver le passif de la société et c'est à juste titre que le tribunal a condamné l'intéressé au paiement d'une somme 722 850,77 euros correspondant au montant du passif généré pendant la période d'exécution du plan ;
Sur la faillite personnelle, M. [X] a commis les fautes suivantes : poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ; détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif et tenue d'une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties.
MOTIVATION
Sur la caducité de la déclaration d'appel :
L'intimée invoque la caducité de la déclaration d'appel sur le fondement des dispositions combinées des articles 905-2 et 954 du code de procédure civile au moyen que le dispositif des premières conclusions de l'appelant ne mentionne pas expressément de prétentions au fond.
En réponse, l'appelant indique qu'il s'agit d'une interprétation erronée de l'article 908 du code de procédure civile et que l'affaire a été instruite selon la procédure de circuit court.
Il n'est pas contesté que l'appelant a bien remis au greffe de la cour ses premières conclusions dans le délai prévu à l'article 905-2 du code de procédure civile.
Le dispositif de ces écritures est libellé comme suit :
« Infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
Prononcer la nullité du jugement rendu le 23 novembre 2022 ;
Débouter la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Subsidiairement
Réformer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Débouter la SELARL [Z], prise en la personne de Maître [U] [Z], de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M [X] ;
En toute hypothèse,
Condamner la SELARL [Z] à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens ».
Force est de constater que l'appelant sollicite l'annulation et subsidiairement la réformation du jugement et qu'il demande à la cour de débouter la SELARL [Z] de l'ensemble des demandes formées à son encontre, ce qui constitue une prétention au fond dont la cour est valablement saisie.
Il en résulte que le moyen tiré de l'irrégularité des conclusions d'appel et de la caducité de la déclaration d'appel est infondé et doit être rejeté.
Sur la nullité du jugement :
Selon l'article R. 662-12 du code de commerce, le tribunal statue sur le rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire y compris l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif ou en obligation aux dettes sociétés, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8.
L'appelant invoque la nullité du jugement déféré sur le fondement des dispositions de l'article R. 662-12 du code de commerce au moyen que le rapport du juge-commissaire ne lui a pas été communiqué.
En réponse, l'intimée fait valoir qu'aucun texte ne fait obligation au greffe de communiquer ce rapport aux parties et souligne que le jugement du 23 novembre 2022 fait expressément référence, dans l'exposé du litige, au rapport rendu par le juge-commissaire le 15 juin 2022.
Contrairement à ce que soutient l'appelant, le rapport du juge-commissaire, qui peut d'ailleurs être oral, n'a pas à être communiqué aux parties.
En l'espèce, le jugement querellé mentionne que le juge-commissaire a rendu son rapport le 15 juin 2022, conformément aux dispositions précitées du code de commerce.
Il en résulte qu'aucune irrégularité n'est démontrée de sorte que la demande d'annulation du jugement sera rejetée.
Sur la réformation du jugement :
L'intimée sollicite la confirmation du jugement entrepris au moyen que l'appelant ne formule dans le dispositif de ses conclusions aucune demande de débouté précise et relative soit à la condamnation pécuniaire soit au prononcé de la faillite personnelle de M. [X] de sorte que la cour n'est valablement saisie d'aucune prétention.
Ainsi qu'il a été indiqué supra, l'appelant sollicite dans le dispositif de ses conclusions l'annulation et subsidiairement la réformation du jugement et demande en outre à la cour de débouter la SELARL [Z] de toutes ses demandes. Ce faisant, il conteste les condamnations prononcées au titre de l'insuffisance d'actif et de la faillite personnelle, ce qui constitue des prétentions au fond au sens des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile dont la cour est valablement saisie.
Il en résulte que le moyen est infondé et qu'il sera dès lors rejeté.
Sur la demande avant dire droit de communication des liasses fiscales de la société Sorequip pour l'exercice 2018 :
L'appelant fait valoir au visa de l'article L. 641-3 al. 3 du code de commerce qu'il appartenait au liquidateur judiciaire de procéder à la clôture des comptes de la société Sorequip pour l'exercice 2018 et sollicite qu'il lui soit fait injonction de produire aux débats les liasses fiscales de l'année considérée.
En réponse, l'intimée explique que le texte précité ne met nullement de telles obligations à la charge du liquidateur et que la jurisprudence invoquée n'est pas transposable au présent litige, compte tenu notamment de son ancienneté et des évolutions législatives intervenues depuis lors.
L'article L. 641-3 al. 3 du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige, dispose que lorsque les dirigeants de la personne morale débitrice ne respectent pas leurs obligations en matière d'arrêté et d'approbation des comptes annuels, le liquidateur peut saisir le président du tribunal aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc.
Contrairement à ce que soutient l'appelant, ce texte ne fait pas obligation au liquidateur judiciaire d'établir les comptes annuels de la société liquidée et de déposer les liasses fiscales.
Il convient dès lors de rejeter la demande de M. [X] tendant à faire injonction à la SELARL [Z] ès qualités de verser aux débats les liasses fiscales de la société Sorequip pour l'année 2018.
Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif :
Aux termes de l'article L. 651-2 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.
L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés.
L'action pour insuffisance d'actif est une action en responsabilité civile délictuelle spécifique, ayant pour objet la réparation du préjudice collectif subi du fait de l'insuffisance d'actif d'une personne morale.
Il incombe au liquidateur judiciaire, à l'initiative de cette action, de rapporter la preuve de la qualité de l'appelant puis de démontrer l'existence d'une insuffisance d'actif, d'une ou plusieurs fautes de gestion excédant la simple négligence et d'un lien entre celle(s)-ci et l'insuffisance d'actif.
sur l'insuffisance d'actif
L'appelant conteste le montant du passif déclaré retenu par le liquidateur judiciaire à hauteur de 10 462 786,09 euros, invoquant de nombreuses inexactitudes et indique que le passif certifié par le commissaire à l'exécution du plan au 1er janvier 2018 ne s'élevait qu'à la somme de 3 223 371,30 euros. Il reproche en outre à la SELARL [Z] de ne pas avoir fait diligence pour recouvrer les créances dues à la société Sorequip par diverses sociétés du « groupe » Caillé et s'interroge quant à un possible conflit d'intérêts.
En réponse, l'intimée indique que le passif définitif s'élève à 10 462 786,10 euros tandis que le montant actualisé de l'actif s'élève à 1 860 812,36 euros et tient compte des fonds encaissés à la suite des actions en recouvrement engagées par ses soins, notamment à l'encontre de la société Sacaff. Elle ajoute que le recouvrement des créances contre les sociétés en liquidation judiciaire du « groupe » Caillé n'est pas possible mais que les déclarations de créances ont été effectuées. Elle en conclut que l'insuffisance d'actif est établie à hauteur de 8 601 973,74 euros.
L'insuffisance d'actif représente le préjudice subi par la personne morale (ou le patrimoine affecté de l'EIRL), apprécié, dans son existence et dans son montant, au jour où la juridiction statue. Elle s'établit à la différence entre le passif (créances vérifiées et admises) et l'actif de la personne morale ou du patrimoine affecté, disponible ou non (valeur de réalisation du patrimoine). Le seul constat d'un passif ne suffit pas.
En l'espèce, il est constant que M. [X] était dirigeant de droit de la société Sorequip au jour de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Il en résulte que l'appréciation de l'existence et de l'ampleur l'insuffisance d'actif doit être effectuée à la date du présent arrêt.
Il ressort de l'état des créances et du dernier rapport de situation du 21 février 2024 versés aux débats par l'intimée que le passif définitif de la société Sorequip, qui ne se limite pas au seul passif résultant du plan de redressement comme semble le suggérer l'appelant, s'élève à la somme de 10 462 786,10 euros. Les diverses critiques formulées par l'appelant dans ses conclusions en vue d'établir l'inexactitude du montant du passif sont vaines dès lors qu'elles n'ont pas donné lieu, en leur temps, à des contestations de créances devant le juge-commissaire et que le passif est désormais définitivement arrêté.
Le liquidateur établit que le montant actualisé de l'actif s'élève à la somme totale de 1 860 812,36 euros compte tenu des opérations de recouvrement effectuées. A cet égard, si l'intimé s'interroge quant à un éventuel conflit d'intérêt de la SELARL [Z], force est de constater que ses soupçons ne sont corroborés par aucun élément concret tandis que le liquidateur justifie de l'engagement d'actions en recouvrement contre les entités en activité du « groupe Caillé », et notamment contre la société Sacaff.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 8 601 973,74 euros.
sur les fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif
La faute de gestion susceptible d'engager la responsabilité pour insuffisance d'actif doit avoir été commise dans l'administration de la société et prouvée par le demandeur. Elle peut également résulter d'une abstention.
La faute doit être imputable au dirigeant poursuivi, pour des faits commis durant l'exercice de ses fonctions et ne peut résulter d'une simple négligence.
Un intérêt personnel n'est pas exigé.
En vertu du principe de proportionnalité, si plusieurs fautes de gestion sont retenues, il importe que chacune d'elles soit également justifiée.
Un lien de causalité doit être établi entre la faute de gestion et l'insuffisance d'actif. Si plusieurs fautes de gestion sont reprochées, le lien de causalité doit être établi pour chacune d'elles. La faute doit avoir seulement contribué à l'insuffisance d'actif. Il n'est pas nécessaire que la faute soit la cause directe et exclusive du dommage.
En l'espèce, le liquidateur judiciaire invoque quatre fautes de gestion qui seront examinées successivement :
Poursuite abusive d'une exploitation déficitaire :
Le tribunal a retenu cette faute de gestion, considérant que les dispositions du plan de redressement adopté en 2012 et modifié à deux reprises n'ont été respectées que pendant deux ans, que les résultats de la société Sorequip ont baissé dès 2014 pour se révéler déficitaires à compter de 2015 ; qu'à partir de 2016 les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social, que dès 2017, l'actif circulant est inférieur aux dettes à court terme et que de nouvelles dettes sont apparues en cours d'exécution du plan, faisant passer le montant des dettes de 7 193 816 euros en 2015 à 14 254 114 euros au 31 décembre 2018. Il en conclut que la société se trouvait en état de cessation des paiements dès 2016.
L'appelant fait valoir que les chiffres retenus pas les premiers juges sont erronés et soutient qu'il a remboursé environ sept millions d'euros pendant les huit années d'exécution du plan de redressement. Il ajoute qu'il n'a pas remboursé la dette due à la SA Groupe Caillé dans la mesure où cette dernière lui est également redevable de diverses sommes et que la SELARL [Z] (en sa qualité de co-commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde des sociétés du groupe Caillé) ne lui a rien réclamé. Il ajoute que selon l'administrateur judiciaire, la situation financière de la société Sorequip en 2015-2016 résulte de la crise du bâtiment, qu'il a pris les mesures correctives et que la baisse des comptes à partir de 2017 est due à la vente des cartes Hyundai et Daf. Il conclut qu'il a remboursé au total huit échéances et que dès qu'il n'a plus été en mesure de les régler il a sollicité le placement de la société en liquidation judiciaire.
En réponse, l'intimée fait valoir que la genèse de nouvelles dettes pendant l'exécution du plan de redressement suffit à caractériser la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, ce qui est le cas en l'espèce dès lors que le montant du passif à la date d'ouverture de la liquidation judiciaire et à peu près équivalent au passif existant à l'ouverture du redressement judiciaire. Elle précise que, contrairement à ce que soutient l'appelant, le rapport annuel établi par les commissaires aux comptes mentionne que c'est une somme totale de 2 240 239 euros qui a été réglée et non de sept millions d'euros. Elle ajoute que M. [X] a pris l'initiative de cesser de régler les dettes des sociétés du groupe Caillé dès la troisième échéance, sans que ce procédé soit entériné par le tribunal ; que compte tenu de la résolution du plan de redressement, les dispositions du plan prévoyant des abandons de créances avec clause de retour à meilleure fortune ne sont plus applicables de sorte que les créances devaient être admises ; que les bilans des années 2015 à 2018 montrent notamment un résultat négatif dès 2015 avec des capitaux propres négatifs dès 2016 ; qu'enfin, il est établi que M. [X] a cessé l'activité de la société Sorequip en 2018 de sorte qu'il ne pouvait plus honorer le plan de redressement mais qu'il n'a pris aucune mesure.
Il ressort des pièces produites par l'intimée, et plus particulièrement du rapport annuel établi par les commissaires à l'exécution du plan le 25 février 2019, que le plan de redressement de la SAS Sorequip, adopté en 2012 et modifié à deux reprises en 2014 et 2015, prévoit le remboursement du passif selon les modalités suivantes :
Le remboursement immédiat des créances inférieures à 300 euros ;
Le remboursement des créances à échoir des contrats poursuivis ;
L'apurement des autres créances hors groupe Caillé et des créances des sociétés du groupe Caillé sous procédure de liquidation judiciaire sur une durée de dix ans par échéances progressives ;
Le remboursement du solde de la créance de la SA Groupe Caillé à hauteur de 1 120 000 euros sur une durée de dix ans ;
Le remboursement du solde de la créance de la société Groupe Caillé à hauteur de 1 398 768 euros sur une durée de quatre ans sous condition de dégager une marge brute d'autofinancement supérieure à 600 000 euros ;
Le remboursement des autres créances du groupe (sociétés en sauvegarde) par échéances annuelles constantes sous condition que la marge brute d'autofinancement annuelle soit supérieure à 600 000 euros ;
La cession d'antériorité pour la créance de la SA Groupe Caillé au titre de la clause de retour à meilleure fortune, d'un montant total de de 3 106 000 euros.
Le montant total du passif à rembourser dans le cadre du plan s'élève à 5 597 951 euros. A cet égard, et contrairement à ce que soutient M. [X], c'est bien une somme globale de 2 240 240,04 euros, et non de 7 millions d'euros, qui a été réglée pendant la période d'exécution du plan.
S'agissant des autres créances hors groupe Caillé et des créances des sociétés du groupe Caillé sous procédure de liquidation judiciaire, les six premières échéances ont été réglées. Il est observé que si le dividende exigible le 11 janvier 2018 a été payé par anticipation dès le mois de novembre 2017, il l'a été au moyen du produit de la cession des cartes Hyundai et Daf Trucks, une telle opération ayant eu pour effet de réduire le chiffre d'affaires à venir de la société Sorequip. L'échéance du 11 janvier 2019 n'a pas été réglée.
Le remboursement du solde de 1 398 768 euros et des autres créances du groupe Caillé (sociétés en sauvegarde) sous condition que la marge brute d'autofinancement annuelle soit supérieure à 600 000 euros n'est pas intervenu, faute de réalisation de la condition.
Enfin, il est établi que seules les deux premières échéances, d'un montant respectif de 78 500 euros et 56 000 euros, ont été réglées au titre du remboursement de la créance résiduelle de la SA Groupe Caillé de 1 120 000 euros et que les échéances suivantes ont cessé d'être payées dès le mois de janvier 2015. M. [X] a justifié ce refus au motif que la SA Groupe Caillé n'a elle-même versé aucun dividende de plan à la société Sorequip.
S'il est vrai qu'à la date du rapport précité du 25 février 2019, le co-commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la SA Groupe Caillé n'a pas réclamé le versement desdites sommes, force est de constater que le tribunal n'a pas entériné ce procédé et qu'aucune compensation n'a été ordonnée entre les créances des sociétés, dont les montants ne sont d'ailleurs pas précisés.
Il est donc établi que la société Sorequip n'a que partiellement exécuté le plan de redressement à compter du mois de janvier 2015.
En outre, il ressort de l'examen des bilans de la société Sorequip pour les années 2015 à 2018 que le poste « autres dettes » est passé de 7 193 816 euros à 14 254 114 euros, ce qui met en évidence la création d'un nouveau passif pendant l'exécution du plan, un tel élément caractérisant la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, ce nouveau passif contribuant nécessairement à l'insuffisance d'actif.
L'intimée souligne à juste titre que l'actif circulant est inférieur au montant des dettes à court terme dès 2015, que les capitaux propres, inférieurs à la moitié du capital social dès 2015, sont négatifs à compter de l'exercice 2016, que le chiffre d'affaires chute sur cette période et que le résultat net de la société est déficitaire à partir de 2015. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Sorequip était de fait en situation de cessation des paiements dès l'année 2016, ce que son dirigeant ne pouvait ignorer.
S'il est vrai, comme le souligne l'appelant, que les commissaires à l'exécution du plan indiquent dans leur rapport annuel du 25 février 2019 que la situation financière de la société Sorequip pour les années 2015-2016 s'explique par la crise du bâtiment et que M. [X] a pris des mesures correctives, force est de constater que celles-ci se sont révélées insuffisantes. Il convient d'ajouter que, de l'aveu même de M. [X], la vente des cartes Hyundai et Daf Trucks a eu pour effet de réduire l'activité de la société et, par voie de conséquence, son chiffre d'affaires.
Il est en outre établi que M. [X] a, dans les faits, cessé l'activité de la société Sorequip dès le courant de l'année 2018, que la société a rendu les locaux dans lesquels elle exploitait son activité et que le dirigeant est parti en métropole. Compte tenu de telles mesures, la société Sorequip n'était plus en mesure d'honorer le plan de redressement et se trouvait manifestement en état de cessation des paiements. Pour autant M. [X] n'a pris aucune initiative en vue de solliciter la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis n'ayant été saisi que par requête déposée par le commissaire à l'exécution du plan le 26 février 2019.
Ces éléments caractérisent à nouveau la poursuite d'une activité manifestement déficitaire, ce qui a contribué à l'aggravation du passif de la société.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu cette faute de gestion.
Tenue d'une comptabilité incomplète et irrégulière :
Les premiers juges ont retenu, au visa de l'article L. 123-12 du code de commerce, que, malgré les diverses relances du liquidateur judiciaire, l'appelant a transmis une comptabilité incomplète entre 2014 et mars 2019 (date d'ouverture de la liquidation judiciaire) et qu'un rapport d'expertise comptable a mis en évidence le caractère irrégulier de la comptabilité de la société Sorequip. Ils considèrent que cette faute de gestion est caractérisée, qu'elle a empêché le dirigeant d'avoir une analyse juste de la situation et de prendre les décisions nécessaires en temps utile, ce qui a contribué à aggraver l'insuffisance d'actif.
L'appelant conteste ce grief, soulignant que la comptabilité de la société Sorequip était validée par un expert-comptable et certifiée par un commissaire aux comptes depuis 2012, que l'ensemble des pièces comptables ont été remises au mandataire judiciaire, de même que les explications utiles. Il ajoute que le rapport du cabinet JCH Conseil et Audit ne lui a pas été communiqué.
En réponse, la SELARL [Z] ès qualités fait valoir qu'en dépit des affirmations de l'appelant, aucune attestation de l'expert-comptable ni aucun rapport du commissaire aux comptes pour les années 2014 à 2018 n'a été transmis au liquidateur, pas plus qu'au cours de la présente procédure. Elle ajoute que les pièces comptables transmises sont incomplètes. Ainsi, aucun élément n'a été communiqué pour la période de janvier à mars 2019, pendant laquelle M. [X] aurait vendu tout ou partie des actifs de la société, les éléments parcellaires produits pour l'exercice 2018 sont provisoires et les grands-livres et journaux des années 2014 à 2017 sont incomplets.
Elle précise en outre que l'irrégularité de la comptabilité a été mise en évidence par un rapport d'audit établi par la société JCH Conseil et Audit, qui relève de nombreuses anomalies au sujet desquelles l'appelant ne s'explique pas.
L'article L. 123-12 du code de commerce dispose que toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement.
Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise.
Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.
En l'espèce, la SELARL [Z] ès qualités verse aux débats une demande adressée à M. [X] par courrier électronique du 16 avril 2019 de communiquer les fichiers d'écritures comptables (ci-après FEC) de 2014 à 2018 ainsi que les états comptables des exercices 2014 à 2019 comprenant bilans et comptes de résultats, balances, grands livres, journaux détaillés, certifications des comptes de l'expert-comptable et le cas échéant rapports du commissaire aux comptes. Elle produit également un courrier recommandé avec accusé de réception daté du 8 août 2019 aux termes duquel elle indique ne disposer d'aucun élément au titre de l'exercice 2017 et met en demeure M. [X] de lui transmettre les FEC des années 2017 et 2018, les états comptables de 2017 à 2019 et les grands livres de 2014 à 2019. Elle produit enfin plusieurs courriers de relance adressés en janvier 2020 puis en janvier 2021 tant au dirigeant de la société Sorequip qu'à l'expert-comptable et au commissaire aux comptes afin d'obtenir les éléments manquants.
Force est de constater que si M. [X] soutient que la comptabilité de la société Sorequip était validée par un expert-comptable et certifiée par un commissaire aux comptes depuis 2012, il s'abstient de produire le moindre élément en ce sens.
Il en résulte que le caractère incomplet de la comptabilité de la société Sorequip pour les années 2014 à mars 2019 est établi.
En outre, l'examen du rapport établi par la société JCH Conseil et Audit à la demande du liquidateur met en évidence de nombreuses irrégularités dans la tenue de la comptabilité de la société Sorequip.
Ainsi, l'expert-comptable relève :
L'existence d'un compte fournisseur de la société Henri Cheval (dont M. [X] est le dirigeant) débiteur à hauteur de 109 000 euros, ce qui s'apparente à un compte courant débiteur (convention interdite) ;
La double dépréciation du fonds commercial soit un impact sur le résultat négatif de ' 152 000 euros ;
Une problématique de réalité des flux sur 2018 ;
Des anomalies sur les fichiers d'écritures comptables de 2014 à 2017 qui comportent essentiellement des soldes et ne permettent pas d'effectuer une analyse de la comptabilité ;
L'absence de reprise des à-nouveaux sur certaines créances et dettes avec des sociétés dont M. [X] est le dirigeant, ce qui peut laisser considérer qu'il s'agit de ventes ou d'achats fictifs entre sociétés liées.
L'appelant se contente de faire valoir qu'il n'a pas été rendu destinataire du rapport, pourtant communiqué contradictoirement en procédure, mais n'apporte aucune explication sur les anomalies relevées.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la faute de gestion tirée de la tenue d'une comptabilité incomplète et irrégulière est caractérisée. Ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, cette faute a été de nature à empêcher M. [X], dirigeant de la société, d'avoir une analyse juste de l'état de la société Sorequip qui lui aurait permis de prendre à temps les décisions qui s'imposaient pour redresser la situation, ce qui a contribué à aggraver l'insuffisance d'actif.
Existence de flux financiers injustifiés observés avec les autres entités dans lesquelles M. [X] est dirigeant :
L'intimée souligne que M. [X] est dirigeant de plusieurs sociétés situées en métropole, et en particulier les sociétés Etablissement Henri Cheval, SMTP et Corequip. Elle fait valoir que le rapport précité du cabinet JCH Conseil et Audit a mis en évidence des irrégularités et notamment l'existence d'un compte courant débiteur Henri Cheval d'un montant de 109 000 euros, l'absence de reprise des à-nouveaux au titre de divers exercices pour ces trois sociétés, ce qui permet d'annuler les dettes ou créances concernées, et l'impossibilité de comprendre certaines écritures d'opérations diverses concernant ces trois sociétés.
La SELARL [Z] ès qualités établit l'existence des liens avec le dirigeant de la société Sorequip par la production des extraits K-Bis de la SAS Etablissement Henri Cheval, de la SARL SMTP et de la SARLU COREQUIP dont M. [X] est respectivement président et gérant.
Les anomalies relevées par l'expert-comptable dans son rapport correspondent à des flux financiers inexpliqués entre la société Sorequip et ces trois sociétés et force est de constater que l'appelant, qui ne conclut pas sur ce point, n'apporte aucun éclaircissement.
Ces irrégularités se rattachent à la faute de gestion précédemment retenue en ce qu'elles caractérisent la tenue d'une comptabilité irrégulière.
Détournement d'actifs :
Les premiers juges ont retenu l'existence de détournements d'actifs par comparaison entre l'actif net tel qu'évalué aux termes du bilan de l'exercice 2018 (886 174 euros) puis du procès-verbal d'inventaire établi le 20 mars 2019 (44 417 euros), ce alors que le commissaire à l'exécution du plan a souligné dans son rapport que M. [X] a organisé la liquidation de la société Sorequip en toute opacité dans la mesure où la comptabilité irrégulière de 2018 et l'absence d'éléments comptables en 2019 n'ont pas permis de retracer les flux.
L'appelant conteste ce grief et soutient que le stock est un actif circulant dont le montant varie et qu'aucune preuve d'un détournement d'actif n'est rapportée.
L'intimée fait valoir que les stocks et matériels d'exploitation ont disparu dans des conditions occultes, en l'absence de remise de la comptabilité, que le dirigeant a expliqué au commissaire de justice chargé de l'inventaire avoir vendu sept véhicules de type fourgons avant la liquidation ; qu'un stock conséquent de marchandises (818 918 euros) aurait disparu en quelques semaines et que M. [X] a déclaré un stock de pièces valorisé à 75 000 euros en comptabilité qui n'a pas été inventorié.
Le bilan de la société Sorequip pour l'exercice 2018 fait apparaître un actif net évalué à 886 174 euros réparti comme suit :
Installations techniques, matériel et outillage : 2 609 euros ;
Autres immobilisations corporelles : 64 647 euros ;
Stocks de marchandises : 818 918 euros.
Le procès-verbal d'inventaire dressé par Me [G] le 20 mars 2019 fait état de matériel d'exploitation évalué à 44 417 euros et d'un stock dépourvu de valeur marchande (stock placé dans deux containers remplis d'eau).
La disparition de l'essentiel des actifs de la société en l'espèce de quelques semaines, en l'absence de tout élément comptable permettant de retracer les flux, met en évidence l'opacité des opérations et empêche tout contrôle, ce alors que le commissaire à l'exécution du plan souligne dans son rapport du 25 février 2019 que M. [X] a cessé toute activité en 2018 et organisé la liquidation de la société Sorequip plusieurs mois avant le « dépôt de bilan ». La faute de gestion est ainsi caractérisée.
Ces opérations qui ne sont pas reprises en comptabilité ont diminué la valeur des actifs à recouvrer dans le cadre de la liquidation, ce qui a nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif.
Sur la sanction :
Lorsque les conditions de l'action pour insuffisance d'actif sont réunies, le juge apprécie souverainement l'opportunité de la condamnation et le montant du passif mis à la charge du dirigeant ou de l'entrepreneur, le plafond de la condamnation étant égal au montant de l'insuffisance d'actif, et non à la totalité du passif (sauf en l'absence d'actif).
Par application du principe de proportionnalité, il peut être tenu compte de la situation particulière du dirigeant et de ses facultés contributives dans l'appréciation de la sanction. Ainsi, le comportement du dirigeant, ayant fourni des efforts pour tenter de sauver son entreprise, peut être pris en compte pour exclure toute sanction pécuniaire ou en réduire le montant.
Le juge apprécie également, le cas échéant, s'il y a lieu de faire jouer la solidarité entre dirigeants de droit ou de fait fautifs.
Les premiers juges ont fait droit à la demande du liquidateur judiciaire et ont condamné M. [X] au paiement d'une somme de 722 850,77 euros correspondant au montant du passif généré pendant l'exécution du plan de redressement.
Ainsi qu'il a été ci-dessus établi, l'intéressé a commis plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société Sorequip, alors qu'il s'agissait d'un professionnel aguerri. Les extraits K-bis versés aux débats par l'intimée permettent en effet d'établir que M. [X] a dirigé deux sociétés en liquidation judiciaire outre trois sociétés radiées, et qu'il est à ce jour à la tête de trois sociétés dont les sièges sociaux se situent en métropole.
Force est de constater que l'appelant ne transmet pas davantage qu'en première instance d'élément relatif à sa situation personnelle et ses facultés contributives.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que les premiers juges ont condamné M. [X] au paiement d'une somme de 722 850,77 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif, cette sanction étant proportionnée aux fautes commises et à la situation personnelle de l'intéressé.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé sur ce point.
Sur la faillite personnelle :
L'article L. 653-1 I 2° du code de commerce dispose que lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent chapitre sont applicables aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales.
Selon l'article L. 653-2 de ce même code, la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale.
Les cas dans lesquels la faillite personnelle de tout dirigeant d'une personne morale peut être prononcée sont limitativement prévus par les articles L. 653-4 à L. 653-6 du code de commerce.
L'article L. 653-8 du même code dispose que dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22.
Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
La faillite personnelle, tout comme l'interdiction de gérer, sont des sanctions professionnelles et les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain d'option.
Du fait de leur nature de sanctions, elles sont soumises aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines, ce qui impose qu'elles soient motivées dans leur principe et leur quantum, la motivation devant prendre en compte la gravité des fautes et la situation personnelle de l'intéressé. A l'instar de ce qu'il en est de l'action pour insuffisance d'actif, si plusieurs fautes sont reprochées, chacune d'elles doit être justifiée.
En l'espèce, pour prononcer à l'égard de M. [X] une mesure de faillite personnelle d'une durée de cinq ans, le tribunal a retenu trois manquements, à savoir la poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, le détournement ou la dissimulation d'actifs, faits prévus à l'article L. 653-4 4° et 5° du code de commerce, ainsi que l'absence de tenue d'une comptabilité complète et régulière visée à l'article L. 653-5. 6° du même code.
L'absence de tenue d'une comptabilité complète et régulière ainsi que le détournement ou la dissimulation d'actif ont été caractérisés ci-avant.
Il en est de même de la poursuite abusive par l'intéressé d'une activité déficitaire. Sur ce point, le liquidateur judiciaire ajoute que l'intérêt personnel de M. [X] est caractérisé par les flux financiers importants entretenus avec les sociétés dont il est également dirigeant, notamment la société Etablissement Henri Cheval, par l'usage de liquidités à des fins personnelles, par l'existence d'importants virements inexpliqués.
L'appelant ne conclut pas sur ce point.
Le rapport du cabinet JCH Conseil et Audit met en évidence l'existence de soldes de comptes courants débiteurs de plus de 136 000 euros avec la société Etablissement Henri Cheval, des retraits d'espèces et des achats personnels (achats de billets d'avions, nuits d'hôtel) effectués entre le 15 juin 2018 et le 13 mars 2019, alors que M. [X] avait cessé toute activité pour la société Sorequip, ou encore l'existence d'importants virements inexpliqués durant les premiers mois de l'année 2019 et ce, pour plusieurs dizaines de milliers d'euros. L'ensemble de ces éléments mettent en évidence la poursuite d'un intérêt personnel de la part de l'appelant de sorte que la troisième faute est également caractérisée.
Au regard de la gravité des manquements commis, de leur durée et de la qualité de dirigeant averti de M. [X], la mesure de faillite personnelle d'une durée de cinq ans prononcée par les premiers juges est plinement justifiée et proportionnée.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé à la fois sur la sanction de faillite personnelle et sur sa durée.
Sur les autres demandes :
L'appelant, qui succombe, sera condamné aux entiers dépens, de première instance et d'appel, sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.
Il sera en outre débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute la SELARL [Z] ès qualités de sa prétention afférente à la caducité de la déclaration d'appel ;
Déboute M. [J] [X] de sa demande d'annulation du jugement du 23 novembre 2022 ;
Déboute M. [J] [X] de sa demande d'injonction de communiquer les liasses fiscales de la société Sorequip pour l'exercice 2018 ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne M. [J] [X] aux dépens d'appel ;
Déboute M. [J] [X] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Condamne M. [J] [X] à payer à la SELARL [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sorequip la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE