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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 19 septembre 2024, n° 24/02813

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/02813

19 septembre 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 SEPTEMBRE 2024

N° RG 24/02813 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WQIB

AFFAIRE :

[Y] [G]

C/

S.A. SOCIETE GENERALE DE BANQUE AU LIBAN

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 19 Avril 2024 par le Juge de la mise en état de VERSAILLES

N° RG : 22/02783

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 19.09.2024

à :

Me Catherine CIZERON, avocat au barreau de VERSAILLES (C404)

Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES (626)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Y] [G]

né le 29 Juin 1971 à [Localité 9] (LIBAN)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Catherine CIZERON de la SELARL DS L'ORANGERIE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.404 - N° du dossier 220118

Plaidant : Me William BOURDON, du barreau de Paris

APPELANT

****************

S.A. SOCIETE GENERALE DE BANQUE AU LIBAN

société de droit libanais, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 369 6

[Adresse 8]

[Localité 4] (LIBAN)

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 26436

Plaidant : Me Eric DEUBEL, du barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Juillet 2024, Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseillère ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU L ITIGE

La s.a. Société Générale de Banque au Liban est la banque centrale du Liban située à [Localité 4].

M. [Y] [G] est un ressortissant franco-libanais né au Liban, cotitulaire avec ses frères et sa mère de quatre comptes bancaires ouverts auprès des agences de la Société Générale de Banque au Liban.

La famille [G] a transféré l'essentiel des avoirs détenus auprès de la Société Générale de Banque au Liban (ci-après SGBL), soit la somme de 4 929 819,95 dollars américains vers un compte ouvert auprès de la Société Générale de Banque au Liban au nom de leur frère et fils, [U] [G].

Par courriers recommandés avec accusés de réception en date des 24 novembre 2021 et 28 mars 2022, M. [Y] [G] a mis en demeure la Société Générale de Banque au Liban de transférer ses avoirs vers ses comptes ouverts en France auprès de la HSBC et du LCL.

La mise en demeure est restée infructueuse.

Par acte du 20 avril 2022, M. [G] a fait assigner en référé la Société Générale de Banque au Liban aux fins d'obtenir principalement sa condamnation au transfert des avoirs sur ses comptes ouverts auprès des banques françaises.

Par ordonnance contradictoire rendue le 19 avril 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Versailles a :

- déclaré le tribunal judiciaire de Versailles incompétent pour connaître du litige opposant les parties, lequel relève de la compétence d'une juridiction étrangère,

- renvoyé M. [G] à mieux se pourvoir,

- condamné M. [G] aux dépens,

- condamné M. [G] à payer à la Société Générale de Banque au Liban une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 6 mai 2024, M. [G] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 26 juin 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [G] demande à la cour, au visa des articles 17, 18, 19 du règlement européen Bruxelles I bis n° 1215/2012, 14, 1304-2 du code civil, L. 212-1 du code de la consommation et 84 du code des obligations et des contrats libanais, de :

'- infirmer l'ordonnance rendue le 19 avril 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Versailles en toutes ses dispositions ;

et, statuant à nouveau :

- rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la Société Générale de Banque au Liban ;

- déclarer le tribunal judiciaire de Versailles compétent pour connaître des demandes de M. [Y] [G] dirigées contre la Société Générale de Banque au Liban ;

- ordonner le renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire de Versailles pour mise en état ;

- condamner la Société Générale de Banque au Liban à verser à M. [Y] [G] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 juin 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Société Générale de Banque au Liban demande à la cour, au visa des articles 6, 17 et 18 du règlement Bruxelles I bis du 23 décembre 2012, 14 du code civil, L. 212-1 du code de la consommation et VI-G de la convention de bienvenue, de :

'à titre principal :

- déclarer M. [Y] [G] mal fondé en son appel ;

en conséquence :

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

en tout état de cause :

- débouter M. [Y] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

y ajoutant

- condamner M. [Y] [G] à payer à la SGBL la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exception d'incompétence

Après avoir rappelé les circonstances de fait ayant conduit à ce qu'il ne puisse plus disposer librement des sommes déposées sur ses comptes auprès de la SGBL, M. [G] expose que les juridictions françaises sont compétentes pour statuer sur ses demandes en raison de sa qualité de consommateur et sollicite l'application des articles 17 et 18 du Règlement européen n°1215/2012 dit Bruxelles I bis.

Il affirme que son domicile, qui doit être examiné au regard de l'article 102 du code civil dès lors que l'article 62 du Règlement européen Bruxelles I Bis dispose que le juge applique sa loi interne pour déterminer si une partie a sa résidence sur le territoire de l'Etat membre dont les juridictions sont saisies, est manifestement établi en France.

Il indique verser ainsi aux débats sa carte d'identité française avec son adresse, des factures et avis d'imposition, sa carte électorale et les certificats de scolarité de ses enfants qui attestent de son domicile au [Localité 6] de façon effective, stable et antérieure à l'introduction de l'instance.

Détaillant sa situation professionnelle, M. [G] indique avoir été salarié du groupe Alcatel entre 1998 et 2021, période au cours de laquelle il a travaillé aux Emirats Arabes Unis de 2005 à 2015 dans le cadre d'une expatriation, et être au chômage depuis juin 2021.

Il réfute les pièces contraires produites par la SGBL au motif qu'elles sont anciennes et ont parfois été renseignées de manière aléatoire, précisant avoir donné une adresse au Liban pour des raisons de commodité lors de l'ouverture de ses comptes.

M. [G] indique ensuite que les activités de la SGBL sont dirigées vers la France au sens de l'article 17 du Règlement européen Bruxelles I Bis puisque :

- la Société Générale y détient des actions,

- elle détient des filiales en France dont elle fait la promotion,

- son site internet est notamment présenté en anglais et les contrats d'ouverture de compte et la convention de bienvenue sont en français,

- elle propose la gestion de compte dans d'autres devises que la livre libanaise et notamment en euros et en dollars.

Il soutient que la clause attributive de juridiction ne respecte pas les hypothèses prévues à l'article 19 du Règlement européen Bruxelles I Bis et en déduit qu'il est donc fondé à saisir la juridiction française, juridiction de son domicile.

A titre subsidiaire, M. [G] conclut à la compétence des tribunaux français au motif qu'il est de nationalité française et qu'il entend solliciter l'application du privilège de juridiction prévu à l'article 14 du code civil.

Il soutient que la clause attributive de juridiction ne lui est pas opposable puisqu'elle n'est pas présente dans toutes les ouvertures de comptes qu'il a souscrites ; il souligne ainsi les conditions particulières de la convention du compte principal 714640 renvoient aux conditions générales sans précision sur l'existence d'une clause attributive de juridiction et la preuve de son acceptation du contenu des conditions générales du 5 août 2017 n'est pas rapportée, seule la première et la dernière page de ces conditions générales étant signées.

M. [G], fondant son argumentation sur les articles 1304-2 du code civil, 84 du code des obligations et des contrats libanais et L. 212-1, 231-1 et R. 212-2 du code de la consommation, soutient que, la clause attributive de juridiction dont se prévaut la SGBL étant invalide du fait de sa potestativité et de son déséquilibre significatif, il n'a pas renoncé au privilège de juridiction.

Il indique que lui imposer la saisine de tribunaux libanais est de nature à le dissuader d'exercer toute action et de le priver de ton recours, les juges libanais ayant déclaré cesser le travail le 1er septembre 2023

La SGBL conclut en réponse à l'incompétence des juridictions françaises pour trancher le litige l'opposant à M. [G] sur le fondement de l'article 18-1 du Règlement européen Bruxelles I Bis, au motif que l'appelant échoue à démontrer sa domiciliation en France.

Rappelant les éléments retenus pour caractériser le lieu du principal établissement (caractère durable de l'installation, lieu d'exercice de l'activité professionnelle, paiement des impôts, réception de la correspondance, inscription sur les listes électorales), l'intimée souligne que doit être démontrée l'implantation stable et durable de la partie qui s'en prévaut, ce qui n'est pas le cas en l'espèce selon elle.

La SGBL affirme que M. [G], qui a déclaré une adresse au Liban dans leurs documents contractuels, y est réellement domicilié.

Elle expose qu'en outre, les conditions d'application de l'article 17 du Règlement européen Bruxelles I Bis ne sont pas remplies puisque d'une part elle ne dirige pas ses activités vers la France (elle ne dispose d'aucune succursale ou agence en France, l'usage d'autres langues que l'arabe dans ses relations avec M. [G] ou sur son site internet est sans portée puisque le français est une langue d'usage courant au Liban et que l'anglais est la langue universelle des affaires) et d'autre part, le contrat litigieux n'entre pas 'dans le cadre de cette activité' qui serait dirigée vers la France, le contrat ayant été conclu au Liban sans aucun démarchage de sa part.

La SGBL affirme que l'argumentation de M. [G] ne peut être davantage retenue sur le fondement de l'article 14 du code civil en raison de l'existence d'une clause attributive de compétence aux termes de laquelle l'appelant a volontairement renoncé à ce privilège de juridiction.

Elle précise que l'appelant, en signant le 5 avril 2013 une convention de bienvenue/ conditions générales, a accepté la clause attributive de juridiction qu'elle comporte.

Réfutant tout caractère potestatif de cette disposition, la SGBL soutient qu'au contraire la clause était claire, prévisible et déterminable, son asymétrie n'étant pas en soi un motif d'illicéité.

Elle fait valoir de même que la clause attributive de compétence n'est pas déséquilibrée au sens des dispositions du code de la consommation, qui ne sont en tout état de cause pas applicables en l'espèce puisque M. [G] ne démontre pas résider en France et que l'activité de la banque n'est pas dirigée vers la France.

La SGBL soutient que la convention de bienvenue, qui n'est au demeurant pas signée pour un compte en particulier mais contient une clause d'unicité des comptes, a été signée à plusieurs reprises par M. [G].

S'agissant du compte 714640, elle indique qu'aucune conséquence juridique ne peut être tirée du fait que la convention de bienvenue du 5 août 2017, signée par M. [G], n'a pas été paraphée en toutes ses pages dès lors que :

- ce paraphage n'est pas obligatoire,

- M. [G] ne produit sur le fond aucun élément de nature à justifier que les conditions générales du contrat qu'il a signé seraient différentes de celles qu'elle produit,

- il a paraphé la convention de bienvenue de 2013 sur toutes ses pages,

- il a apposé sa signature sous une clause par laquelle il indiquait avoir pris connaissance et accepté les conditions générales .

La SGBL expose qu'une clause de renvoi aux conditions générales est valide et que M. [G] y a valablement adhéré.

Elle conteste que le contexte géopolitique libanais puisse justifier la compétence des juridictions françaises, aucun déni de justice n'étant notamment démontré en l'état.

Sur ce,

Sur le règlement européen n°1215/2012

En vertu de l'article 17 du règlement européen n°1215/2012 dénommé Bruxelles I Bis, 'en matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6 et de l'article 7, point 5) : (')

c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'Etat membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet Etat

membre ou vers plusieurs Etats, dont cet Etat membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités'.

L'article 18 du même texte dispose quant à lui que « L'action intentée par un consommateur contre l'autre partie au contrat peut être portée soit devant les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit, quel que soit le domicile de l'autre partie, devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié ».

Enfin, l'article 19 prévoit qu'il ne peut être dérogé aux dispositions susvisées que par des conventions :

« 1) postérieures à la naissance du différend ;

2) qui permettent au consommateur de saisir d'autres juridictions que celles indiquées à la présente section; ou

3) qui, passées entre le consommateur et son cocontractant ayant, au moment de la conclusion du contrat, leur domicile ou leur résidence habituelle dans un même État membre, attribuent compétence aux juridictions de cet État membre, sauf si la loi de celui-ci interdit de telles conventions. »

Il n'est pas discuté que M. [G] agisse en qualité de consommateur au sens du règlement du 12 décembre 2012.

L'article 17 du règlement Bruxelles I bis subordonne la compétence des juridictions de l'Etat membre du domicile du consommateur à la seule circonstance que le commerçant ait envisagé, avant la conclusion du contrat, de commercer avec des consommateurs domiciliés dans cet Etat, indépendamment du point de savoir s'il existait un lien de causalité entre les moyens employés par le commerçant pour diriger son activité vers cet État et la conclusion du contrat (Civ 1e, 7 juin 2023, 22-16.758).

Sur le fait que la SGBL dirige ses activités vers la France, il est établi qu'elle a offert la gestion de comptes en diverses devises autres que la livre libanaise, comme l'euro ou le dollar, qu'elle a utilisé un site internet en langue anglaise et des documents de gestion du compte en langue anglaise ou française.

Cependant, la simple accessibilité du site internet du commerçant dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur est domicilié est insuffisante pour considérer que l'activité du commerçant soit dirigée vers cet État membre (CJUE 7 novembre 2010 C-585/08).

De même, n'est pas davantage probant le fait que la SGBL propose, à destination de sa clientèle étrangère, des traductions de son site et de sa documentation contractuelle dans les langues communément parlées au Liban et dans le monde, en l'occurrence l'arabe, le français et l'anglais ; ni qu'elle tienne des comptes en devises ou offre à ses clients un service de transfert international, tous éléments qui démontrent la vocation internationale de l'activité de la banque, qui n'est pas contestée au demeurant, mais non l'existence d'une activité spécifiquement dirigée vers la France.

Nonobstant les participations de la SGBL dans d'autres sociétés, l'intimée déclare, sans être démentie, qu'elle ne possède aucune succursale ni agence en France. La convention de bienvenue du 5 avril 2013, tout comme celle du 5 août 2017, ont été signées par M. [G] et les membres de sa famille au Liban, M. [G] fournissant alors une adresse libanaise.

Il n'est ainsi pas démontré qu'à ces dates, la SGBL ait dirigé ses activités vers la France.

Dès lors, nonobstant l'argumentation de M. [G] quant à la réalité de son domicile en France, la compétence de la juridiction ne peut être déterminée par l'article 18 du règlement européen n°1215/2012.

Sur le privilège de juridiction

Aux termes de l'article 6, paragraphe 2, du règlement européen n°1215/2012, toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, paragraphe 1, point a.

Aux termes de l'article 14 du code civil, l'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français.

La combinaison de ces textes permet ainsi à M. [G] de se prévaloir de l'article 14 du code civil, sous la seule condition qu'il soit domicilié en France, dès lors que la SGBL l'est en dehors d'un État membre de l'Union européenne, étant précisé que ce texte n'est pas d'ordre public et que l'insertion d'une clause attributive de compétence dans un contrat international emporte renonciation à tout privilège de juridiction

M. [G] verse aux débats de nombreux documents faisant apparaître comme adresse le [Adresse 2] à [Localité 3] :

- sa carte d'identité française établie le 11 février 2021 ;

- plusieurs factures EDF d'octobre 2019 à octobre 2023 mentionnant l'adresse précitée comme lieu de consommation, ainsi que les justificatifs de sa consommation ;

- des avis de taxe d'habitation de 2020, 2021 et 2022 ;

- ses avis d'imposition sur les revenus de 2020, 2021 et 2022 ;

- une carte électorale établissant son inscription sur les listes électorales de la commune du [Localité 6], tamponnée aux dates du 10 et du 24 avril 2022 ;

- des certificats de scolarité de ses trois enfants pour les années 2021/2022, 2022/2023 et 2023/2024 émis par l'école [5] au [Localité 6] et le justificatif que cette école se situe à 1 km de l'adresse précitée ;

- un certificat de travail de la société Alcatel- Lucent qui mentionne qu'il a travaillé pour le site Nokia [Adresse 7] du 1er janvier 2016 au 30 juin 2021 ;

- des fiches de paie ;

- une attestation Pôle emploi du 30 avril 2024 indiquant qu'il est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi depuis le 8 juillet 2021 et les documents permettant d'établir qu'il a perçu des allocations de préretraite, chômage de 5 844 euros en 2021, 85 408 euros en 2022 et 83 411 euros en 2023,

tous éléments permettant de justifier que M. [G] est domicilié en France.

Les clauses prorogeant la compétence internationale sont en principe licites lorsqu'elles ne font pas échec à la compétence territoriale impérative d'une juridiction française et sont invoquées dans un litige de caractère international.

La convention de bienvenue du 5 avril 2013 relève du droit libanais, ainsi que cela a été convenu entre les parties aux termes de l'article G précité de la partie VI des conditions générales de la convention de bienvenue qui mentionne : 'Tout litige pouvant surgir à l'occasion de l'application ou de l'interprétation de la présente convention de compte SGBL, ainsi que les produits et services y figurant sera régi par les lois libanaises et relèvera de la compétence territoriale des tribunaux de Beyrouth. Toutefois, la SGBL a la possibilité d'ester en justice par devant tout tribunal compétent, au Liban ou à l'étranger.'

Selon ses termes, cette convention de bienvenue fixe les conditions générales qui régissent le fonctionnement des produits et services proposés par la SGBL dans le cadre de l'ouverture de comptes. Elle s'applique ainsi aux conventions de compte courant et aux comptes de dépôt à terme. Elle est signée par M. [G] et paraphée en toutes ses pages.

Par la suite, une nouvelle convention de bienvenue comprenant la même clause a été signée par M. [G] le 5 août 2017, signée en première et dernière page, étant précisé que l'absence de paraphe sur les autres pages est sans incidence sur l'acceptation des conditions générales du contrat manifestée par la signature.

M. [G] conteste la validité de la clause attributive de juridiction en invoquant les articles 1304-2 du code civil, 84 du code des obligations et des contrats libanais et R. 212-2 du code de la consommation, selon lequel, 'dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéas de l'article L. 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de (...) supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges'.

À cet égard, l'article L. 232-1 du code de la consommation dispose que 'nonobstant toute stipulation contraire, le consommateur ne peut être privé de la protection que lui assurent les dispositions prises par un État membre de l'Union européenne en application de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire d'un État membre'.

L'article L. 231-1 du même code prévoit que 'pour l'application des articles L. 232-1, L. 232-2, L. 232-3 et L. 232-4, un lien étroit avec le territoire d'un État membre est réputé établi notamment :

1° Si le contrat a été conclu dans l'État membre du lieu de résidence habituelle du consommateur ;

2° Si le professionnel dirige son activité vers le territoire de l'État membre où réside le consommateur, sous réserve que le contrat entre dans le cadre de cette activité ;

3° Si le contrat a été précédé dans cet État membre d'une offre spécialement faite ou d'une publicité et des actes accomplis par le consommateur nécessaires à la conclusion de ce contrat ;

4° Si le contrat a été conclu dans un État membre où le consommateur s'est rendu à la suite d'une proposition de voyage ou de séjour faite, directement ou indirectement, par le vendeur pour l'inciter à conclure ce contrat.'

En l'espèce, s'agissant d'un contrat conclu au Liban entre deux parties libanaises se domiciliant au Liban, soumis au droit libanais, et ayant pour objet des fonds déposés au Liban, et alors qu'il a été indiqué plus haut que les éléments du dossier ne permettent pas de tenir pour démontré que la SGBL dirigeait son activité vers le territoire français, aucun lien étroit avec le territoire national ne peut être réputé établi au regard de l'article L. 231-1 précité. Il n'est pas davantage prétendu ni établi que le contrat ait été précédé en France d'une offre spécialement faite ou d'une publicité et des actes accomplis par le consommateur nécessaires à la conclusion de ce contrat.

En l'absence de lien étroit entre les contrats du 5 avril 2013 et du 5 août 2017 et le territoire d'un État membre de l'Union européenne, M. [G] ne peut se prévaloir des dispositions précitées de l'article R. 212-2 du code de la consommation pour s'opposer à l'application de la clause attributive de compétence.

La clause litigieuse énonce que les litiges qui naissent de l'application de la convention de compte relèvent 'de la compétence territoriale exclusive des tribunaux de Beyrouth' mais réserve la possibilité pour la SGBL 'd'ester en justice par devant tout tribunal compétent, au Liban ou à l'étranger.'

Il en résulte que la volonté des parties de convenir d'une attribution de compétence à la juridiction libanaise était claire, prévisible et déterminable peu important que celle clause attributive s'impose à une seule des parties au contrat.

La lecture de cette clause, nonobstant l'option ouverte à la SGBL, permet à M. [G] d'identifier la juridiction qu'il doit saisir en cas de litige de sorte que cette clause peut être valablement opposé à l'appelant.

Il convient de préciser en outre que, si l'article 84 du code des obligations libanais dispose que 'l'obligation est nulle lorsque son existence même dépend de la seule volonté de l'obligé', cette disposition ne trouve manifestement pas à s'appliquer en l'espèce.

L'ordonnance attaquée sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

L'ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives à l'indemnité procédurale et aux dépens.

Partie perdante, M. [G] ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devra en outre supporter les dépens d'appel, avec application au profit de l'avocat qui le demande des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance querellée ;

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] [G] aux dépens d'appel avec application au profit de l'avocat qui l'a demandé des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président