Décisions
CA Reims, 1re ch. sect..civ., 24 septembre 2024, n° 24/00484
REIMS
Arrêt
Autre
ARRET N°
du 24 septembre 2024
N° RG 24/00484 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FO6W
S.A.R.L. MMCA
c/
LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE REIMS
S.C.P. ANGEL [L] DUVAL
Formule exécutoire le :
à :
Me Pascal GUILLAUME
la SCP PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE-YERNAUX
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2024
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 14 mars 2024 par le tribunal de commerce de TROYES
La société MMCA, société à responsabilité limitée au capital de 30.000,00 € immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Troyes sous le n° 798 619 573 dont le siège social est [Adresse 3] (France), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me David SCRIBE, membre de la SCP SCRIBE BAILLEUL SOTTAS, avocat au barreau de L'AUBE, avocat plaidant
INTIMEES :
La S.C.P. ANGEL [L] DUVAL, mandataires judiciaires, dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL MMCA par jugement du tribunal de commerce de TROYES du 14 mars 2024,
Représentée par Me Claire VANGHEESDAELE de la SCP PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE-YERNAUX, avocat au barreau de L'AUBE
Madame LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE REIMS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Monsieur Alain ZAKREJSEK, avocat général près la cour d'appel de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Sandrine PILON, présidente de chambre
GREFFIER :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à dispostion
DEBATS :
A l'audience publique du 01 juillet 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 septembre 2024
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024 et signé par Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
La SARL MMCA est une société, créée le 19 novembre 2013, ayant pour objet social l'exploitation d'un institut de beauté.
Le 14 mars 2023, les deux gérantes de cette société ont demandé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Par jugement du 14 mars 2023, le tribunal de commerce de Troyes a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MMCA, fixant la date provisoire de cessation des paiements au 1er novembre 2022 et désignant la SCP Angel-[L] en la personne de Me [L] en qualité de mandataire judiciaire.
La période d'observation, d'une durée initiale de 6 mois, a été renouvelée le 12 septembre 2023 pour 6 mois.
Par jugement du 14 mars 2024, le tribunal de commerce de Troyes a :
- rejeté le plan de redressement proposé et converti le redressement judiciaire de la SARL MMCA en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité, la période d'observation n'ayant été autorisée que jusqu'au 14 mars 2024,
- désigné en qualité de liquidateur judiciaire la SCP Angel-[L]-Duval en la personne de Me [L],
- mis fin à la période d'observation,
- dit que la clôture de cette procédure devra être soumise au tribunal dans un délai de 2 ans à compter du prononcé du jugement soit au plus tard le 14 mars 2026,
- renvoyé l'affaire en chambre du conseil du 24 février 2026 afin d'examiner la clôture éventuelle de la procédure,
- ordonné la publication et l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 26 mars 2024, la SARL MMCA a interjeté appel de cette décision. Le 3 avril suivant, elle a demandé l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement entrepris.
Par ordonnance du 24 avril 2024, le premier président de cette cour a déclaré la demande recevable et a ordonné la suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement du 14 mars 2024.
Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 21 juin 2024 et de ses pièces communiquées le 26 juin 2024, l'appelante demande à la cour de:
- juger recevable son appel,
- infirmer la décision ayant prononcé la liquidation judiciaire,
- dire n'y avoir lieu de convertir le redressement judiciaire en liquidation judiciaire,
- renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Troyes pour la poursuite des opérations de redressement judiciaire,
- fixer une nouvelle période d'observation d'une durée de 6 mois ou de toute période que la cour appréciera à compter de l'arrêt,
- autoriser la SARL MMCA par l'intermédiaire de ses co-gérantes, d'exercer ses pouvoirs de gestion sous le contrôle de la SCP Angel-[L]-Duval mandataire judiciaire dans le cadre de la poursuite de la période d'observation et le temps nécessaire afin de permettre à la SCP Angel-[L]-Duval de présenter le plan de redressement à l'ensemble des créanciers, afin de recueillir leurs observations,
- à titre subsidiaire,
- homologuer le plan de redressement proposé en chambre du conseil devant la juridiction consulaire de Troyes,
- en tout état de cause, statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle fait valoir que ses problèmes de trésorerie n'ont pas pour origine une gestion hasardeuse de la société mais la période du Covid 19 qui a entraîné une fermeture totale de l'institut pendant 9 mois ; que durant la période d'observation, aucune nouvelle dette n'est apparue et son chiffre d'affaires est en augmentation, de sorte que le caractère redressable de la société ne fait pas de doute.
Elle ajoute que les créanciers ne sont pas opposés à une poursuite d'activité ; que le ministère public a requis la liquidation de la société sans prendre connaissance du dossier de fond alors que le juge commissaire qui l'a étudié a admis qu'il y avait une possibilité de retour à la normale.
Elle invoque encore la nécessité de préserver l'emploi existant s'agissant d'une apprentie en alternance.
Aux termes de ses conclusions datées du 30 mai 2024 notifiées le lendemain, la procureure générale demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 juin 2024 et de ses pièces communiquées le 27 juin 2024, la SCP Angel-[L]-Duval ès qualités de mandataire liquidateur de la société MMCA demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter la société MMCA de toutes ses demandes,
- condamner la société MMCA à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle fait valoir que la société MMCA a déjà bénéficié d'une prolongation de la période d'observation et seul le procureur de la République peut demander qu'une nouvelle prolongation exceptionnelle de 6 mois soit accordée mais ce dernier n'a pas fait une telle demande.
Elle soutient que le maintien de l'activité de la société est largement compromis ; que la situation comptable et de trésorerie ne s'est pas améliorée au cours de la période d'observation qui n'a permis que le paiement d'une rémunération des co-gérantes ainsi que le remboursement de leurs cotisations personnelles en retard ; que la société n'est plus à jour du paiement de ses loyers. Elle ajoute que l'injection de la somme de 10 000 euros par une cliente dans la société n'est pas de nature à permettre une poursuite d'activité et constituera une dette supplémentaire à rembourser.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er juillet 2024 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du même jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L. 631-1 alinéa 3 du code de commerce, la procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers, conformément aux dispositions des articles L.626-29 et L.626-30.
Il résulte de l'article L. 621-3 du code de commerce qu'en redressement judiciaire, la période d'observation est d'une durée maximale de six mois, qu'elle peut être renouvelée une fois pour une durée maximale de six mois et que cette durée maximale peut être exceptionnellement prolongée à la demande du procureur de la République par décision spécialement motivée du tribunal pour une durée maximale de six mois.
L'article L. 631-15, II, du même code dispose qu' "à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible."
Il n'est prévu aucune sanction du dépassement des délais de la période d'observation ni de sa prolongation exceptionnelle en l'absence de demande du procureur de la République, l'important étant de donner toutes ses chances à l'adoption d'un plan de sauvegarde ou de redressement.
En l'espèce, la société MMCA a bénéficié d'une période d'observation d'une première durée de six mois et d'un renouvellement de six mois. Ni le tribunal ni la cour n'ont été saisis d'une demande du procureur de la République tendant à prolonger la période d'observation d'une nouvelle durée. Il appartient à la cour de décider d'une poursuite de la période d'observation si elle estime que le redressement n'est pas manifestement impossible.
Le rapport établi le 4 mars 2024 par le mandataire judiciaire indique qu'au bilan arrêté au 31 décembre 2022, le poste "dettes" portait sur un montant de 61 100 euros, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 1er novembre 2022 ; que la société a "transmis son chiffre d'affaires pour le mois de janvier et de février 2024, mettant en évidence un chiffre mensuel entre 10 000 euros en janvier 2024 et 12 000 euros en février 2024 et une trésorerie autour de 1 000 euros" ; que le passif déclaré s'élève à 54 402,86 euros.
Ce mandataire ne conclut pas que le redressement de la société MMCA est manifestement impossible. Il se contente d'émettre " de vives réserves quant à la capacité de la société à respecter un plan de remboursement sur 10 ans au vu chiffre d'affaires effectué, de la capacité de remboursement dégagée et de sa situation de trésorerie actuelle".
Le passif a diminué depuis décembre 2022 puisqu'il est passé de 61 100 euros à 54 402,86 euros. Le chiffre d'affaires est, quant à lui, en constante augmentation depuis l'ouverture de la procédure collective puisqu'il est passé de 10 2 723 euros en 2021 à 115 994 euros en 2022 puis à 122 347 euros en 2023. Les perspectives de l'année 2024 vont dans le même sens puisqu'alors que le mandataire judiciaire indique dans son rapport daté du 4 mars 2024 qu'il était de 10 000 euros en janvier et de 12 000 euros le mois suivant, les éléments comptables produits démontrent qu'en mai 2024, la société MMCA a réalisé un chiffre d'affaires de 16 009,02 euros et qu'elle est fondée à soutenir qu'elle va bénéficier d'une augmentation de sa clientèle en raison de la fermeture d'un autre institut de beauté dont la gérante indique, en pièce 21 de l'appelante, qu'en raison de sa cessation d'activité, elle a dirigé ses clientes vers la société MMCA.
Il est encore justifié du soutien financier qui sera apporté à la société MMCA par une cliente en la personne de Mme [S] [F] à hauteur de la somme de 10 000 euros, cette dernière attestant s'engager lui prêter cette somme dont elle "dispose immédiatement, afin de lui permettre d'avoir de la trésorerie et de poursuivre son activité.".
Il ressort des documents comptables produits aux débats et des projections sur l'année 2024, au vu des résultats des premiers mois de l'année 2024, qu'il est possible d'envisager un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 144 000 euros sans prise en compte de l'aide de Mme [F] alors que les frais d'exploitation sur la même période s'élèvent à 126 657,99 euros. Il n'est par ailleurs justifié d'aucune nouvelle dette née durant la période d'observation alors par ailleurs que la société MMCA a commencé à apurer sa dette en versant la somme de 9 306 euros à l'URSSAF et n'a plus à faire face au remboursement de son fonds de commerce intégralement payé depuis le mois de février 2024.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le redressement de la société MMCA n'est pas manifestement impossible et qu'un plan par voie de continuation doit pouvoir être mis en place, cette société justifiant de moyens sérieux lui permettant de poursuivre son activité.
Le jugement doit donc être infirmé et en application de l'article L.661-9 du code de commerce la cour ouvre une nouvelle période d'observation de 3 mois afin de permettre la mise en place d'un plan de continuation.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 14 mars 2024 par le tribunal de commerce de Troyes;
Statuant à nouveau ;
Dit n'y avoir lieu de convertir le redressement judiciaire de la société MMCA en liquidation judiciaire ;
Renvoie les parties devant le tribunal de commerce de Troyes pour la poursuite des opérations de redressement judiciaire ;
Ouvre à cette fin une nouvelle période d'observation d'une durée de trois mois à compter du présent arrêt ;
Dit que les dépens d'appel sont employés en frais privilégiés de procédure collective.
Le greffier La présidente
du 24 septembre 2024
N° RG 24/00484 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FO6W
S.A.R.L. MMCA
c/
LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE REIMS
S.C.P. ANGEL [L] DUVAL
Formule exécutoire le :
à :
Me Pascal GUILLAUME
la SCP PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE-YERNAUX
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2024
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 14 mars 2024 par le tribunal de commerce de TROYES
La société MMCA, société à responsabilité limitée au capital de 30.000,00 € immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Troyes sous le n° 798 619 573 dont le siège social est [Adresse 3] (France), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me David SCRIBE, membre de la SCP SCRIBE BAILLEUL SOTTAS, avocat au barreau de L'AUBE, avocat plaidant
INTIMEES :
La S.C.P. ANGEL [L] DUVAL, mandataires judiciaires, dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL MMCA par jugement du tribunal de commerce de TROYES du 14 mars 2024,
Représentée par Me Claire VANGHEESDAELE de la SCP PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE-YERNAUX, avocat au barreau de L'AUBE
Madame LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE REIMS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Monsieur Alain ZAKREJSEK, avocat général près la cour d'appel de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Sandrine PILON, présidente de chambre
GREFFIER :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à dispostion
DEBATS :
A l'audience publique du 01 juillet 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 septembre 2024
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024 et signé par Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
La SARL MMCA est une société, créée le 19 novembre 2013, ayant pour objet social l'exploitation d'un institut de beauté.
Le 14 mars 2023, les deux gérantes de cette société ont demandé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Par jugement du 14 mars 2023, le tribunal de commerce de Troyes a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MMCA, fixant la date provisoire de cessation des paiements au 1er novembre 2022 et désignant la SCP Angel-[L] en la personne de Me [L] en qualité de mandataire judiciaire.
La période d'observation, d'une durée initiale de 6 mois, a été renouvelée le 12 septembre 2023 pour 6 mois.
Par jugement du 14 mars 2024, le tribunal de commerce de Troyes a :
- rejeté le plan de redressement proposé et converti le redressement judiciaire de la SARL MMCA en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité, la période d'observation n'ayant été autorisée que jusqu'au 14 mars 2024,
- désigné en qualité de liquidateur judiciaire la SCP Angel-[L]-Duval en la personne de Me [L],
- mis fin à la période d'observation,
- dit que la clôture de cette procédure devra être soumise au tribunal dans un délai de 2 ans à compter du prononcé du jugement soit au plus tard le 14 mars 2026,
- renvoyé l'affaire en chambre du conseil du 24 février 2026 afin d'examiner la clôture éventuelle de la procédure,
- ordonné la publication et l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 26 mars 2024, la SARL MMCA a interjeté appel de cette décision. Le 3 avril suivant, elle a demandé l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement entrepris.
Par ordonnance du 24 avril 2024, le premier président de cette cour a déclaré la demande recevable et a ordonné la suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement du 14 mars 2024.
Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 21 juin 2024 et de ses pièces communiquées le 26 juin 2024, l'appelante demande à la cour de:
- juger recevable son appel,
- infirmer la décision ayant prononcé la liquidation judiciaire,
- dire n'y avoir lieu de convertir le redressement judiciaire en liquidation judiciaire,
- renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Troyes pour la poursuite des opérations de redressement judiciaire,
- fixer une nouvelle période d'observation d'une durée de 6 mois ou de toute période que la cour appréciera à compter de l'arrêt,
- autoriser la SARL MMCA par l'intermédiaire de ses co-gérantes, d'exercer ses pouvoirs de gestion sous le contrôle de la SCP Angel-[L]-Duval mandataire judiciaire dans le cadre de la poursuite de la période d'observation et le temps nécessaire afin de permettre à la SCP Angel-[L]-Duval de présenter le plan de redressement à l'ensemble des créanciers, afin de recueillir leurs observations,
- à titre subsidiaire,
- homologuer le plan de redressement proposé en chambre du conseil devant la juridiction consulaire de Troyes,
- en tout état de cause, statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle fait valoir que ses problèmes de trésorerie n'ont pas pour origine une gestion hasardeuse de la société mais la période du Covid 19 qui a entraîné une fermeture totale de l'institut pendant 9 mois ; que durant la période d'observation, aucune nouvelle dette n'est apparue et son chiffre d'affaires est en augmentation, de sorte que le caractère redressable de la société ne fait pas de doute.
Elle ajoute que les créanciers ne sont pas opposés à une poursuite d'activité ; que le ministère public a requis la liquidation de la société sans prendre connaissance du dossier de fond alors que le juge commissaire qui l'a étudié a admis qu'il y avait une possibilité de retour à la normale.
Elle invoque encore la nécessité de préserver l'emploi existant s'agissant d'une apprentie en alternance.
Aux termes de ses conclusions datées du 30 mai 2024 notifiées le lendemain, la procureure générale demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 juin 2024 et de ses pièces communiquées le 27 juin 2024, la SCP Angel-[L]-Duval ès qualités de mandataire liquidateur de la société MMCA demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter la société MMCA de toutes ses demandes,
- condamner la société MMCA à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle fait valoir que la société MMCA a déjà bénéficié d'une prolongation de la période d'observation et seul le procureur de la République peut demander qu'une nouvelle prolongation exceptionnelle de 6 mois soit accordée mais ce dernier n'a pas fait une telle demande.
Elle soutient que le maintien de l'activité de la société est largement compromis ; que la situation comptable et de trésorerie ne s'est pas améliorée au cours de la période d'observation qui n'a permis que le paiement d'une rémunération des co-gérantes ainsi que le remboursement de leurs cotisations personnelles en retard ; que la société n'est plus à jour du paiement de ses loyers. Elle ajoute que l'injection de la somme de 10 000 euros par une cliente dans la société n'est pas de nature à permettre une poursuite d'activité et constituera une dette supplémentaire à rembourser.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er juillet 2024 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du même jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L. 631-1 alinéa 3 du code de commerce, la procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers, conformément aux dispositions des articles L.626-29 et L.626-30.
Il résulte de l'article L. 621-3 du code de commerce qu'en redressement judiciaire, la période d'observation est d'une durée maximale de six mois, qu'elle peut être renouvelée une fois pour une durée maximale de six mois et que cette durée maximale peut être exceptionnellement prolongée à la demande du procureur de la République par décision spécialement motivée du tribunal pour une durée maximale de six mois.
L'article L. 631-15, II, du même code dispose qu' "à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible."
Il n'est prévu aucune sanction du dépassement des délais de la période d'observation ni de sa prolongation exceptionnelle en l'absence de demande du procureur de la République, l'important étant de donner toutes ses chances à l'adoption d'un plan de sauvegarde ou de redressement.
En l'espèce, la société MMCA a bénéficié d'une période d'observation d'une première durée de six mois et d'un renouvellement de six mois. Ni le tribunal ni la cour n'ont été saisis d'une demande du procureur de la République tendant à prolonger la période d'observation d'une nouvelle durée. Il appartient à la cour de décider d'une poursuite de la période d'observation si elle estime que le redressement n'est pas manifestement impossible.
Le rapport établi le 4 mars 2024 par le mandataire judiciaire indique qu'au bilan arrêté au 31 décembre 2022, le poste "dettes" portait sur un montant de 61 100 euros, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 1er novembre 2022 ; que la société a "transmis son chiffre d'affaires pour le mois de janvier et de février 2024, mettant en évidence un chiffre mensuel entre 10 000 euros en janvier 2024 et 12 000 euros en février 2024 et une trésorerie autour de 1 000 euros" ; que le passif déclaré s'élève à 54 402,86 euros.
Ce mandataire ne conclut pas que le redressement de la société MMCA est manifestement impossible. Il se contente d'émettre " de vives réserves quant à la capacité de la société à respecter un plan de remboursement sur 10 ans au vu chiffre d'affaires effectué, de la capacité de remboursement dégagée et de sa situation de trésorerie actuelle".
Le passif a diminué depuis décembre 2022 puisqu'il est passé de 61 100 euros à 54 402,86 euros. Le chiffre d'affaires est, quant à lui, en constante augmentation depuis l'ouverture de la procédure collective puisqu'il est passé de 10 2 723 euros en 2021 à 115 994 euros en 2022 puis à 122 347 euros en 2023. Les perspectives de l'année 2024 vont dans le même sens puisqu'alors que le mandataire judiciaire indique dans son rapport daté du 4 mars 2024 qu'il était de 10 000 euros en janvier et de 12 000 euros le mois suivant, les éléments comptables produits démontrent qu'en mai 2024, la société MMCA a réalisé un chiffre d'affaires de 16 009,02 euros et qu'elle est fondée à soutenir qu'elle va bénéficier d'une augmentation de sa clientèle en raison de la fermeture d'un autre institut de beauté dont la gérante indique, en pièce 21 de l'appelante, qu'en raison de sa cessation d'activité, elle a dirigé ses clientes vers la société MMCA.
Il est encore justifié du soutien financier qui sera apporté à la société MMCA par une cliente en la personne de Mme [S] [F] à hauteur de la somme de 10 000 euros, cette dernière attestant s'engager lui prêter cette somme dont elle "dispose immédiatement, afin de lui permettre d'avoir de la trésorerie et de poursuivre son activité.".
Il ressort des documents comptables produits aux débats et des projections sur l'année 2024, au vu des résultats des premiers mois de l'année 2024, qu'il est possible d'envisager un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 144 000 euros sans prise en compte de l'aide de Mme [F] alors que les frais d'exploitation sur la même période s'élèvent à 126 657,99 euros. Il n'est par ailleurs justifié d'aucune nouvelle dette née durant la période d'observation alors par ailleurs que la société MMCA a commencé à apurer sa dette en versant la somme de 9 306 euros à l'URSSAF et n'a plus à faire face au remboursement de son fonds de commerce intégralement payé depuis le mois de février 2024.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le redressement de la société MMCA n'est pas manifestement impossible et qu'un plan par voie de continuation doit pouvoir être mis en place, cette société justifiant de moyens sérieux lui permettant de poursuivre son activité.
Le jugement doit donc être infirmé et en application de l'article L.661-9 du code de commerce la cour ouvre une nouvelle période d'observation de 3 mois afin de permettre la mise en place d'un plan de continuation.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 14 mars 2024 par le tribunal de commerce de Troyes;
Statuant à nouveau ;
Dit n'y avoir lieu de convertir le redressement judiciaire de la société MMCA en liquidation judiciaire ;
Renvoie les parties devant le tribunal de commerce de Troyes pour la poursuite des opérations de redressement judiciaire ;
Ouvre à cette fin une nouvelle période d'observation d'une durée de trois mois à compter du présent arrêt ;
Dit que les dépens d'appel sont employés en frais privilégiés de procédure collective.
Le greffier La présidente