Décisions
CA Reims, 1re ch. sect..civ., 24 septembre 2024, n° 24/00527
REIMS
Arrêt
Autre
ARRET N°
du 24 septembre 2024
N° RG 24/00527 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPB2
[P]
S.A.S. RELYFE GROUP
c/
[R]
LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE REIMS
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL RAFFIN ASSOCIES
Me Sandy HARANT
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2024
APPELANTS :
d'un jugement rendu le 26 mars 2024 par le tribunal de commerce de REIMS
Monsieur [W] [H] [P]
Né le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 8] (LIBAN)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Eric RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
La société Relyfe Group, société par actions simplifiée représentée par son président, Monsieur [W] [H] [P], domicilié de droit en son siège social [Adresse 6],
Représentée par Me Eric RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
INTIMES :
Maître [K] [R], mandataire judiciaire demeurant [Adresse 3], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS RELYFE GROUP, fonctions auxquelles elle a été désignée selon jugement rendu par le tribunal de commerce de REIMS le 22 novembre 2022,
Représenté par Me Sandy HARANT, avocat au barreau de REIMS
Madame la Procureure Générale près la cour d'appel de REIMS
[Adresse 1]
[Localité 7]
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
MadameJocelyne DRAPIER, greffière lors des débats
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée
DEBATS :
A l'audience publique du 01 juillet 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 septembre 2024,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
La société Relyfe Group SAS a été créée en 2016 à [Localité 7] par le Docteur [W] [H] [P], sur le modèle économique d'une start-up, afin de développer une technologie permettant le suivi des maladies, et couplant, pour ce faire, science et nouvelles technologies digitales.
A la suite d'un projet de prise de participation par un fonds d'investissement qui, après avoir réalisé le premier apport, n'a pas respecté ses engagements ultérieurs, la société Relyfe group s'est trouvée en difficultés justifiant l'ouverture d'une procédure de conciliation par ordonnance du 3 août 2022.
Cette procédure de conciliation n'ayant pu aboutir, le Docteur [P] a effectué une déclaration de cessation des paiements auprès du tribunal de commerce de Reims le 18 novembre 2022.
Par jugement du 22 novembre 2022, le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate à l'égard de la société Relyfe Group. Me [R] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 25 octobre 2022.
Par acte du 19 octobre 2023, Me [K] [R] ès qualités a assigné M. [W] [P] et la société Relyfe group aux fins de report de la date de cessation des paiements de la société Relyfe group au 31 décembre 2021.
Par jugement du 26 mars 2024, le tribunal de commerce de Reims a ordonné le report de la date de cessation des paiements et l'a fixée au 31 décembre 2021.
M. [W] [H] [P], en sa qualité de président de la SAS Relyfe group, et la SAS Relyfe group ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 2 avril 2024.
Aux termes de leurs conclusions n°4 notifiées par RPVA le 1er juillet 2024, ils demandent à la Cour de :
Vu l'article L 631-1 du Code de Commerce, les articles L621-1 et 631-7 du même code,
- lever la confidentialité concernant la communication du rapport de fin de mission de conciliation de Maître [V] [F], administrateur judiciaire, du 26 septembre 2022,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Reims du 26 mars 2024 en ce qu'il a reporté au 31 décembre 2021 la date de cessation des paiements de la SAS Relyfe group, et débouter Maître [R] ès-qualités de ses demandes,
- fixer au 25 octobre 2022 la date de cessation des paiements de la société Relyfe group, conformément à sa déclaration de cessation des paiements,
- condamner Maître [R] ès-qualités à verser à Monsieur [W] [H] [P] une indemnité de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- la condamner ès-qualités aux dépens.
Les appelants observent que la notification de la déclaration d'appel a été effectuée le 10 avril 2021 soit le jour de la réception de l'avis à fixation de sorte qu'aucune caducité de la déclaration d'appel n'est encourue.
Sur le fond, ils relèvent la spécificité du modèle économique de la start-up qui, par définition, ne dispose pas ou peu de capitaux propres et fait reposer le développement de ses activités sur des financements extérieurs, pour en conclure que la détermination d'un éventuel état de cessation des paiements suppose la prise en compte de l'évolution de leur activité et de la réalisation des étapes d'investissement.
Ils se prévalent de la procédure de conciliation ouverte le 3 août 2022 pour exclure un quelconque état de cessation des paiements dans les 45 jours précédents soit avant le 15 juin 2022 et rajoutent que pendant la conciliation, l'exigibilité des dettes bancaires et sociales étaient suspendues du fait d'accords avec les créanciers.
Ils en concluent que c'est à l'achèvement de la mission de Me [F] que Relyfe group s'est trouvé en état de cessation des paiements et en ont aussitôt tiré les conséquences en déposant la déclaration aux fins d'ouverture de la procédure collective avec une date de cessation des paiements au 25 octobre 2022.
Par conclusions du 7 mai 2024, Me [K] [R] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS Relyfe group demande à la Cour de :
Vu les articles L. 631-8 et L. 641-1-IV du code de commerce,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 26 mars 2024, dans la mesure où l'appel doit être déclaré caduc, la déclaration d'appel n'ayant pas été signifié à Madame la procureur général près la cour d'appel de Reims dans les 10 jours de la réception de l'avis de fixation à bref délai,
en tout état de cause,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 26 mars 2024,
- reporter la date définitive de la cessation des paiements de la SAS Relyfe group au 31 décembre 2021,
- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [P] à régler à Me [K] [R] es qualités la somme de 2 000 euros,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
- condamner M. [P] au paiement des dépens d'appel
Elle fait valoir que l'obligation de signification de la déclaration d'appel dans les 10 jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressée par le greffe posée à l'article 905-1 du code de procédure civile à peine de caducité de la déclaration d'appel, s'applique également à l'égard du procureur général lorsqu'il est intimé dans la déclaration d'appel ; que cette obligation n'a pas été respectée en l'espèce et qu'en conséquence ,pour cette seule raison la cour déclarera l'appel caduc et confirmera le jugement rendu.
Elle soutient que la décision d'ouverture de la procédure de conciliation n'a pas autorité de la chose jugée quant à la date de cessation des paiements en cas d'échec ; que celle-ci a un caractère fluctuant de sorte que la société Relyfe group peut avoir été en état de cessation des paiements au 31 décembre 2021, puis plus le 3 août 2022 lors de l'ouverture de la procédure de conciliation.
Elle estime qu'en tout état de cause, l'état de cessation des paiements repose sur une appréciation purement objective et explique à ce titre qu'au 31 décembre 2021, la société avait un actif disponible de 62 074,80 euros pour faire face à un passif exigible de 635 391,74 euros ; que de surcroît, l'exercice clos au 31 décembre 2021 révélait un déficit de 3 110 803,39 euros.
Elle s'étonne de la communication par les appelants des informations relatives à la conciliation dès lors que la confidentialité de ces informations est un impératif absolu mais estime que le rapport de Me [F], conciliateur, confirme le montant des dettes identifiées par Me [R] dont notamment une date URSSAF de 611 841 euros que l'absence d'actif disponible empêchait de régler.
MOTIFS
Sur la caducité de la déclaration d'appel
Me [K] [R] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS Relyfe group se prévaut de la caducité de l'appel pour défaut de signification par l'appelant de la déclaration d'appel au ministère public.
L'article 905 -1 du code de procédure civile dispose que lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les 10 jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; que cependant si entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.
Dans un arrêt du 23 mai 2024, la Cour de cassation a dit que ce texte n'établissait aucune distinction selon la qualité de l'intimée et ne prévoyait aucune exception à la règle quand l'intimé est le procureur général, qu'en conséquence, il devait être interprété en ce sens que l'appelant est tenu de signifier sa déclaration d'appel au procureur général lorsqu'il est intimé.
En l'espèce, M. [W] [H] [P] en sa qualité de président de la SAS Relyfe group, et la SAS Relyfe group ont interjeté appel de la décision rendue par le tribunal de commerce de Reims le 26 mars 2024 ordonnant le report de la date de cessation des paiements de la société au 31 décembre 2021.
L'acte d'appel vise Me [K] [R] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS Relyfe group et Madame la procureure générale près la cour d'appel de Reims.
Celle-ci qui a accès au RPVA, a réceptionné un avis de fixation de l'affaire à bref délai le 10 avril 2024 qui lui a été transmis par le greffe et qui est arrivé au parquet général le 11 avril 2024.
Et par un avis du 22 avril 2024, le parquet général a déclaré ne pas suivre cette affaire.
Le parquet général n'ayant pas à constituer avocat, cet avis démontre qu'il a eu une notification de la déclaration d'appel dans le délai de 10 jours de l'avis de fixation.
En conséquence, aucune caducité de la déclaration d'appel pour absence de notification de celle-ci au parquet général n'est encourue.
Sur la date de cessation des paiements
Sur l'état de cessation des paiements au 31 décembre 2021
L'article L631-1 du code de commerce définit l'état de cessation des paiements comme l'impossibilité de faire face à son passif exigible constitué des dettes arrivées à échéance, avec son actif immédiatement disponible.
Selon l'article L631-8 du code de commerce s'appliquant aux procédures de redressement judiciaire et L641-1 du même code relatif à la liquidation judiciaire, le tribunal fixe cette date après avoir sollicité les observations du débiteur. À défaut de détermination de celle-ci, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Elle peut-être reportée une ou plusieurs fois sans pouvoir être antérieure de plus de 18 mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure.
En l'espèce, la déclaration d'état de cessation des paiements initiale a été fixée provisoirement au 25 octobre 2022.
Le report au 31 décembre 2021 a été ordonné par le tribunal de commerce à la demande du mandataire judiciaire qui a constaté que les conditions étaient remplies à cette date puisque la société disposait d'un actif disponible de 62 074,80 euros (soldes créditeurs des compte courant ouverts à la Caisse d'Épargne et à la Société Générale) et d'un passif exigible 10 fois plus important puis qu'atteignant 635 391,74 euros dont d'importantes dettes sociales auprès de l'URSSAF (394 237 euros) et de ARRCO AG2R (177 122 + 3 552) outre des dettes auprès de Laffont Presse (42 000 euros) et Silver Alliance (18 480 euros) ; que le déficit de l'exercice clos dépassait les 3 millions (3 110 803,39 euros).
M. [W] [H] [P] en sa qualité de président de la SAS Relyfe group et la SAS Relyfe group entendent préciser qu'elle était à cette date, juridiquement bénéficiaire des engagements de la société Forepond.
Mais si certes, la société attendait sur le fondement d'un protocole du 12 juillet 2021 conclu avec un fonds d'investissement franco-américain, un apport en numéraire de 2.500 000 euros dans le cadre d'une augmentation de capital à réaliser le 12 juillet 2021 au plus tard, un apport en nature de 100 % des titres d'une société américaine évalué à 35 millions d'euros avant le 31 octobre et 2021 et au plus tard le 30 novembre 2021, un second apport en numéraire d'un montant de 2 500 000 euros à même échéance, outre un éventuel apport complémentaire de 5 millions, cette société s'engageant par ailleurs à chasser d'autres investisseurs, il n'en est pas moins établi que ce protocole n'avait pas été respecté et n'offrait donc pas d'actif disponible à la société.
Les appelants se prévalent par ailleurs de l'existence de créances clients et autres créances à recouvrer inscrites au bilan sans dépréciation et dont il n'y avait pas raison de penser qu'elles étaient irrecouvrables.
Mais encore celles-ci ne sont pas des actifs disponibles d'autant lorsqu'il apparaît, comme en l'espèce, qu'elles n'ont pas été réglées à leur terme.
Ils estiment par ailleurs que la société disposait d'un crédit d'impôt recherche mais reconnaissent qu'il n'a été versé qu'en septembre 2022 après l'intervention du conciliateur.
La cour ne trouve pas plus dans les pièces la preuve de l'existence d'un crédit de TVA de 154 276 euros au 31 décembre 2021 et un versement de 250 000 euros en mars 2022 même s'il était annoncé dès l'année 2021 et qui n'étaient donc manifestement pas disponibles en décembre 2021.
S'agissant du passif exigible, il peut être réduit en déduisant de celui-ci les créances des sociétés Silver Alliance (18 480 euros ) et de Laffont presse (42 000 euros) qui ont été rejetées sur l'état des créances proposé par le liquidateur.
Mais dans tous les cas, en retenant la situation la plus favorable posée par M. [W] [H] [P] et la SAS Relyfe group et donc en rajoutant les deux crédits d'impôt analysés ci dessus aux disponibilités bancaires de 62 074 euros et en retranchant les deux dettes du passif sus visées, il apparaît toujours que l'actif disponible n'était que de 568 297 euros pour un passif exigible de 574 911 euros et que en conséquence, la SAS Relyfe group était en cessation des paiements le 31 décembre 2021.
Sur le report de la date de cessation des paiements
Les appelants reprochent au liquidateur de n'avoir tenu compte ni de la spécificité du modèle de la start up sur lequel fonctionnait la société ni d'événements postérieurs ayant eu pour effet de repousser d'autant la date de cessation des paiements.
S'agissant de la spécificité d'un modèle de " start up " revendiquée, la cour observe qu'il n'offre pas un régime particulier à la société en terme de définition de l'état de cessation des paiements que celle précitée et qui s'applique à toutes les sociétés commerciales elles-même confrontées aux difficultés inhérentes à leurs propres modèles et aux aléas de la vie économique.
L'attente du respect par les investisseurs de leurs engagements contractuels n'est pas distincte, dans ses conséquences économiques, pour la société à celle à laquelle sont confrontées, pour d'autres motifs, toutes les sociétés et qui nécessite également pour celles-ci d'engager un contentieux parfois long lourd et coûteux et incertains.
Quelque soit le modèle économique dans lequel elles s'inscrivent, les sociétés ne sont donc pas autorisées à augmenter leur passif exigible et à continuer leur activité, sans prendre les précautions d'usage quant à l'existence d'un actif disponible leur permettant d'y faire face, le cas échéant, à défaut de levée de fonds ou de retard pris dans cette levée, en s'assurant de l'octroi de prêts ou encours bancaires, d'apports en comptes courants des associés ou d'obtention de moratoires auprès de leurs créanciers.
En revanche, le juge saisi d'une demande de report de la date de cessation des paiements peut la fixer souverainement à une date comprise entre la date proposée dans l'acte de saisine et celle retenue de manière provisoire dans le jugement d'ouverture de la procédure collective et il doit notamment vérifier si dans ce délai, la société n'est pas revenue à meilleure fortune et pouvait faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Me [K] [R] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS Relyfe group estime dès lors à tort que, à supposer même un retour à meilleure fortune du débiteur, depuis le 31 décembre 2021, le juge saisi d'une demande de report doit pour apprécier la situation, se placer non au jour où il statue mais à celui auquel est envisagé le report de la date de cessation des paiements et ne peut tenir compte des événements postérieurs à la date envisagée.
Ainsi, la juridiction ne pourra retenir une date de cessation des paiements antérieure à celle à laquelle il constate que le débiteur est revenu à une situation lui permettant de faire face à son passif exigible avec son actif disponible par l'apport d'actifs ou le cas échéant par le bénéfice de moratoires ayant eu pour effet de décaler l'exigibilité de certaines créances et ce même si le moratoire n'a pas été respecté (com14 janvier 2004) et donc même si en l'espèce, dans tous les cas, il est établi que malgré les efforts déployés, aucune solution n'a été trouvée au cours de la procédure de conciliation ouverte au bénéfice de la SAS Relyfe group et la SAS Relyfe group par ordonnance du 3 août 2022.
Ceci impose en l'espèce de vérifier les effets de l'ouverture de la procédure et des moratoires obtenues sur la situation du débiteur au cours de la période de conciliation.
Sur le fondement de l'article L611- 4 du code de commerce, il est institué devant le tribunal de commerce une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les débiteurs exerçant une activité commerciale qui éprouvent une difficulté juridique économique ou financière avérée ou prévisible, que s'ils ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours.
Me [K] [R] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS Relyfe group affirme à juste titre que de jurisprudence constante, en cas d'échec de la procédure de conciliation, la seule décision d'ouverture de celle-ci, n'a pas autorité de la chose jugée quant à la date de cessation des paiements, de sorte que la seule ouverture de celle-ci n'a pas pour effet de reporter la date de cessation des paiements du 31 décembre 2021 au 15 juin 2022.
De même, lors de cette conciliation, le comportement du débiteur, sa bonne foi sa transparence devant le conciliateur ainsi que des démarches et réunions effectuées par celui-ci comme la mauvaise foi d'un créancier, qui sont des éléments qui en l'espèce ne font pas débat, ne sont pas opérants pour modifier la date de cessation des paiements.
En revanche, la distinction qu'entend opposer Me [K] [R] entre suspension des poursuites obtenues pendant la période de conciliation et exigibilité des dettes, ne peut être retenue en ce que la suspension des poursuites constitue un moratoire qui a pour effet de suspendre l'exigibilité du passif.
Donc, l'ouverture d'une procédure de conciliation ne fait courir un nouveau délai d'appréciation de la date de cessation des paiements que si par l'effet d'une décision du juge ou d'accord provisoire trouvé, si ce n'est qu'avec certains créanciers, le débiteur a été momentanément en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Me [K] [R] oppose aux appelants qui entendent se prévaloir du contenu de la conciliation, le principe de confidentialité qui ne peut être levé, qui est attaché à la procédure de conciliation s'impose à toutes les parties y compris au débiteur lui-même, et qui est posé à l'article L611-15 du code de commerce.
Mais l'interdiction de se prévaloir de pièces à caractère confidentiel dans le cadre d'une procédure judiciaire peut être levée, à charge pour celui qui s'en prévaut de démontrer que la production des pièces est indispensable à la défense de ses droits et strictement proportionnée au but poursuivi et donc en l'espèce, que le rapport du conciliateur était indispensable pour démontrer l'étendue de la suspension du passif exigible pendant la période de conciliation.
Or, seul le liquidateur entend opposer au débiteur la violation du principe de confidentialité et sans même de référence à un quelconque préjudice pour l'un des créanciers concernés par la procédure de conciliation, et le débiteur ne dispose pas d'autre moyen de démontrer les accords trouvés dans ce cadre aux fins de limiter le montant de son passif exigible.
En conséquence, la production du rapport du conciliateur est autorisée.
Il s'agit alors de vérifier si par l'effet d'accords et de moratoires trouvés, aucune caractérisation d'un état de cessation des paiements n'est établie.
A ce titre il est retenu :
- que la SAS Relyfe group attendait sur le fondement du protocole du 12 juillet 2021 sus développé des apports mais que ceux-ci, malgré les démarches du conciliateur, n'ont pas été obtenus,
- que la société s'est prévalue de créances à recouvrer qui n'ont pas été réglées,
- qu'elle ne justifie de la suspension de l'exigibilité de ses dettes échues et à échoir jusqu'à l'achèvement de la procédure de conciliation marquée par le dépôt du rapport du conciliateur le 26 septembre 2022 qu'avec :
* les banques de la société, BPI France Grand Est et Caisse d'Épargne Grand Est Europe à l'issue d'une réunion du 13 septembre 2022,
* l'AG2R par courrier du 22 août 2022 puisque l'octroi des délais de paiement auprès de l'URSSAF était soumis à la condition de paiement de cotisations de 161 000 euros qui n'a pas été réalisée de sorte que une dette de 611 841 euros auprès de cet organisme est restée exigible
- qu'il peut être déduit du passif le montant de la créance contestée de la société Silver Alliance (18480 euros) qui a été rejetée par le juge commissaire par ordonnance du 12 avril 2024,
- que s'agissant de l'actif, il n'est augmenté que d'un apport de trésorerie obtenu par le conciliateur par l'octroi d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherches de 352 000 euros ; que en effet, d'une part, la demande de remboursement de TVA le 29 avril 2022 de 154 276 euros dont se prévalent les appelants ne suffit pas à démontrer la disponibilité d'un actif à ce titre et d'autre part, un paiement de 250 717 euros le 16 mars 2024 est postérieur à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et est donc sans incidence sur la date de cessation des paiements.
Reprenant alors le passif développé par le conciliateur au moment de l'ouverture de la procédure de conciliation (2,6 millions d'euros dont 1 million de dettes sociales (URSSAF 600 000 + AG2R 400 000 + salariales 41 000), outre 1,2 million de dette bancaires et 400 000 euros d'autres dettes diverses, il apparaît que, en retenant la suspension de l'exigibilité des créances des banques et de l'AG2R outre de quelques petits créanciers, la SAS Relyfe group n'a malgré tout jamais été en mesure de faire face avec son actif disponible à son passif exigible pendant la procédure de conciliation.
Ainsi, la SAS Relyfe group est restée en état de cessation des paiements tout au long de la procédure de conciliation.
Aucune démonstration ne vise à apporter cette preuve de retour à meilleure torture pour la période courant du 31 décembre 2021 à l'ouverture de la procédure de conciliation.
C'est dès lors, à juste titre, que le tribunal a reporté la date de cessation des paiements au 31 décembre 2021 et le jugement est confirmé.
PARCES MOTIFS,
La cour contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims.
Ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [W] [H] [P] en sa qualité de président de la SAS Relyfe group et la SAS Relyfe group aux dépens d'appel.
Le greffier La présidente
du 24 septembre 2024
N° RG 24/00527 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPB2
[P]
S.A.S. RELYFE GROUP
c/
[R]
LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE REIMS
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL RAFFIN ASSOCIES
Me Sandy HARANT
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2024
APPELANTS :
d'un jugement rendu le 26 mars 2024 par le tribunal de commerce de REIMS
Monsieur [W] [H] [P]
Né le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 8] (LIBAN)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Eric RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
La société Relyfe Group, société par actions simplifiée représentée par son président, Monsieur [W] [H] [P], domicilié de droit en son siège social [Adresse 6],
Représentée par Me Eric RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
INTIMES :
Maître [K] [R], mandataire judiciaire demeurant [Adresse 3], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS RELYFE GROUP, fonctions auxquelles elle a été désignée selon jugement rendu par le tribunal de commerce de REIMS le 22 novembre 2022,
Représenté par Me Sandy HARANT, avocat au barreau de REIMS
Madame la Procureure Générale près la cour d'appel de REIMS
[Adresse 1]
[Localité 7]
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
MadameJocelyne DRAPIER, greffière lors des débats
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée
DEBATS :
A l'audience publique du 01 juillet 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 septembre 2024,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
La société Relyfe Group SAS a été créée en 2016 à [Localité 7] par le Docteur [W] [H] [P], sur le modèle économique d'une start-up, afin de développer une technologie permettant le suivi des maladies, et couplant, pour ce faire, science et nouvelles technologies digitales.
A la suite d'un projet de prise de participation par un fonds d'investissement qui, après avoir réalisé le premier apport, n'a pas respecté ses engagements ultérieurs, la société Relyfe group s'est trouvée en difficultés justifiant l'ouverture d'une procédure de conciliation par ordonnance du 3 août 2022.
Cette procédure de conciliation n'ayant pu aboutir, le Docteur [P] a effectué une déclaration de cessation des paiements auprès du tribunal de commerce de Reims le 18 novembre 2022.
Par jugement du 22 novembre 2022, le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate à l'égard de la société Relyfe Group. Me [R] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 25 octobre 2022.
Par acte du 19 octobre 2023, Me [K] [R] ès qualités a assigné M. [W] [P] et la société Relyfe group aux fins de report de la date de cessation des paiements de la société Relyfe group au 31 décembre 2021.
Par jugement du 26 mars 2024, le tribunal de commerce de Reims a ordonné le report de la date de cessation des paiements et l'a fixée au 31 décembre 2021.
M. [W] [H] [P], en sa qualité de président de la SAS Relyfe group, et la SAS Relyfe group ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 2 avril 2024.
Aux termes de leurs conclusions n°4 notifiées par RPVA le 1er juillet 2024, ils demandent à la Cour de :
Vu l'article L 631-1 du Code de Commerce, les articles L621-1 et 631-7 du même code,
- lever la confidentialité concernant la communication du rapport de fin de mission de conciliation de Maître [V] [F], administrateur judiciaire, du 26 septembre 2022,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Reims du 26 mars 2024 en ce qu'il a reporté au 31 décembre 2021 la date de cessation des paiements de la SAS Relyfe group, et débouter Maître [R] ès-qualités de ses demandes,
- fixer au 25 octobre 2022 la date de cessation des paiements de la société Relyfe group, conformément à sa déclaration de cessation des paiements,
- condamner Maître [R] ès-qualités à verser à Monsieur [W] [H] [P] une indemnité de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- la condamner ès-qualités aux dépens.
Les appelants observent que la notification de la déclaration d'appel a été effectuée le 10 avril 2021 soit le jour de la réception de l'avis à fixation de sorte qu'aucune caducité de la déclaration d'appel n'est encourue.
Sur le fond, ils relèvent la spécificité du modèle économique de la start-up qui, par définition, ne dispose pas ou peu de capitaux propres et fait reposer le développement de ses activités sur des financements extérieurs, pour en conclure que la détermination d'un éventuel état de cessation des paiements suppose la prise en compte de l'évolution de leur activité et de la réalisation des étapes d'investissement.
Ils se prévalent de la procédure de conciliation ouverte le 3 août 2022 pour exclure un quelconque état de cessation des paiements dans les 45 jours précédents soit avant le 15 juin 2022 et rajoutent que pendant la conciliation, l'exigibilité des dettes bancaires et sociales étaient suspendues du fait d'accords avec les créanciers.
Ils en concluent que c'est à l'achèvement de la mission de Me [F] que Relyfe group s'est trouvé en état de cessation des paiements et en ont aussitôt tiré les conséquences en déposant la déclaration aux fins d'ouverture de la procédure collective avec une date de cessation des paiements au 25 octobre 2022.
Par conclusions du 7 mai 2024, Me [K] [R] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS Relyfe group demande à la Cour de :
Vu les articles L. 631-8 et L. 641-1-IV du code de commerce,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 26 mars 2024, dans la mesure où l'appel doit être déclaré caduc, la déclaration d'appel n'ayant pas été signifié à Madame la procureur général près la cour d'appel de Reims dans les 10 jours de la réception de l'avis de fixation à bref délai,
en tout état de cause,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 26 mars 2024,
- reporter la date définitive de la cessation des paiements de la SAS Relyfe group au 31 décembre 2021,
- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [P] à régler à Me [K] [R] es qualités la somme de 2 000 euros,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
- condamner M. [P] au paiement des dépens d'appel
Elle fait valoir que l'obligation de signification de la déclaration d'appel dans les 10 jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressée par le greffe posée à l'article 905-1 du code de procédure civile à peine de caducité de la déclaration d'appel, s'applique également à l'égard du procureur général lorsqu'il est intimé dans la déclaration d'appel ; que cette obligation n'a pas été respectée en l'espèce et qu'en conséquence ,pour cette seule raison la cour déclarera l'appel caduc et confirmera le jugement rendu.
Elle soutient que la décision d'ouverture de la procédure de conciliation n'a pas autorité de la chose jugée quant à la date de cessation des paiements en cas d'échec ; que celle-ci a un caractère fluctuant de sorte que la société Relyfe group peut avoir été en état de cessation des paiements au 31 décembre 2021, puis plus le 3 août 2022 lors de l'ouverture de la procédure de conciliation.
Elle estime qu'en tout état de cause, l'état de cessation des paiements repose sur une appréciation purement objective et explique à ce titre qu'au 31 décembre 2021, la société avait un actif disponible de 62 074,80 euros pour faire face à un passif exigible de 635 391,74 euros ; que de surcroît, l'exercice clos au 31 décembre 2021 révélait un déficit de 3 110 803,39 euros.
Elle s'étonne de la communication par les appelants des informations relatives à la conciliation dès lors que la confidentialité de ces informations est un impératif absolu mais estime que le rapport de Me [F], conciliateur, confirme le montant des dettes identifiées par Me [R] dont notamment une date URSSAF de 611 841 euros que l'absence d'actif disponible empêchait de régler.
MOTIFS
Sur la caducité de la déclaration d'appel
Me [K] [R] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS Relyfe group se prévaut de la caducité de l'appel pour défaut de signification par l'appelant de la déclaration d'appel au ministère public.
L'article 905 -1 du code de procédure civile dispose que lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les 10 jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; que cependant si entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.
Dans un arrêt du 23 mai 2024, la Cour de cassation a dit que ce texte n'établissait aucune distinction selon la qualité de l'intimée et ne prévoyait aucune exception à la règle quand l'intimé est le procureur général, qu'en conséquence, il devait être interprété en ce sens que l'appelant est tenu de signifier sa déclaration d'appel au procureur général lorsqu'il est intimé.
En l'espèce, M. [W] [H] [P] en sa qualité de président de la SAS Relyfe group, et la SAS Relyfe group ont interjeté appel de la décision rendue par le tribunal de commerce de Reims le 26 mars 2024 ordonnant le report de la date de cessation des paiements de la société au 31 décembre 2021.
L'acte d'appel vise Me [K] [R] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS Relyfe group et Madame la procureure générale près la cour d'appel de Reims.
Celle-ci qui a accès au RPVA, a réceptionné un avis de fixation de l'affaire à bref délai le 10 avril 2024 qui lui a été transmis par le greffe et qui est arrivé au parquet général le 11 avril 2024.
Et par un avis du 22 avril 2024, le parquet général a déclaré ne pas suivre cette affaire.
Le parquet général n'ayant pas à constituer avocat, cet avis démontre qu'il a eu une notification de la déclaration d'appel dans le délai de 10 jours de l'avis de fixation.
En conséquence, aucune caducité de la déclaration d'appel pour absence de notification de celle-ci au parquet général n'est encourue.
Sur la date de cessation des paiements
Sur l'état de cessation des paiements au 31 décembre 2021
L'article L631-1 du code de commerce définit l'état de cessation des paiements comme l'impossibilité de faire face à son passif exigible constitué des dettes arrivées à échéance, avec son actif immédiatement disponible.
Selon l'article L631-8 du code de commerce s'appliquant aux procédures de redressement judiciaire et L641-1 du même code relatif à la liquidation judiciaire, le tribunal fixe cette date après avoir sollicité les observations du débiteur. À défaut de détermination de celle-ci, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Elle peut-être reportée une ou plusieurs fois sans pouvoir être antérieure de plus de 18 mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure.
En l'espèce, la déclaration d'état de cessation des paiements initiale a été fixée provisoirement au 25 octobre 2022.
Le report au 31 décembre 2021 a été ordonné par le tribunal de commerce à la demande du mandataire judiciaire qui a constaté que les conditions étaient remplies à cette date puisque la société disposait d'un actif disponible de 62 074,80 euros (soldes créditeurs des compte courant ouverts à la Caisse d'Épargne et à la Société Générale) et d'un passif exigible 10 fois plus important puis qu'atteignant 635 391,74 euros dont d'importantes dettes sociales auprès de l'URSSAF (394 237 euros) et de ARRCO AG2R (177 122 + 3 552) outre des dettes auprès de Laffont Presse (42 000 euros) et Silver Alliance (18 480 euros) ; que le déficit de l'exercice clos dépassait les 3 millions (3 110 803,39 euros).
M. [W] [H] [P] en sa qualité de président de la SAS Relyfe group et la SAS Relyfe group entendent préciser qu'elle était à cette date, juridiquement bénéficiaire des engagements de la société Forepond.
Mais si certes, la société attendait sur le fondement d'un protocole du 12 juillet 2021 conclu avec un fonds d'investissement franco-américain, un apport en numéraire de 2.500 000 euros dans le cadre d'une augmentation de capital à réaliser le 12 juillet 2021 au plus tard, un apport en nature de 100 % des titres d'une société américaine évalué à 35 millions d'euros avant le 31 octobre et 2021 et au plus tard le 30 novembre 2021, un second apport en numéraire d'un montant de 2 500 000 euros à même échéance, outre un éventuel apport complémentaire de 5 millions, cette société s'engageant par ailleurs à chasser d'autres investisseurs, il n'en est pas moins établi que ce protocole n'avait pas été respecté et n'offrait donc pas d'actif disponible à la société.
Les appelants se prévalent par ailleurs de l'existence de créances clients et autres créances à recouvrer inscrites au bilan sans dépréciation et dont il n'y avait pas raison de penser qu'elles étaient irrecouvrables.
Mais encore celles-ci ne sont pas des actifs disponibles d'autant lorsqu'il apparaît, comme en l'espèce, qu'elles n'ont pas été réglées à leur terme.
Ils estiment par ailleurs que la société disposait d'un crédit d'impôt recherche mais reconnaissent qu'il n'a été versé qu'en septembre 2022 après l'intervention du conciliateur.
La cour ne trouve pas plus dans les pièces la preuve de l'existence d'un crédit de TVA de 154 276 euros au 31 décembre 2021 et un versement de 250 000 euros en mars 2022 même s'il était annoncé dès l'année 2021 et qui n'étaient donc manifestement pas disponibles en décembre 2021.
S'agissant du passif exigible, il peut être réduit en déduisant de celui-ci les créances des sociétés Silver Alliance (18 480 euros ) et de Laffont presse (42 000 euros) qui ont été rejetées sur l'état des créances proposé par le liquidateur.
Mais dans tous les cas, en retenant la situation la plus favorable posée par M. [W] [H] [P] et la SAS Relyfe group et donc en rajoutant les deux crédits d'impôt analysés ci dessus aux disponibilités bancaires de 62 074 euros et en retranchant les deux dettes du passif sus visées, il apparaît toujours que l'actif disponible n'était que de 568 297 euros pour un passif exigible de 574 911 euros et que en conséquence, la SAS Relyfe group était en cessation des paiements le 31 décembre 2021.
Sur le report de la date de cessation des paiements
Les appelants reprochent au liquidateur de n'avoir tenu compte ni de la spécificité du modèle de la start up sur lequel fonctionnait la société ni d'événements postérieurs ayant eu pour effet de repousser d'autant la date de cessation des paiements.
S'agissant de la spécificité d'un modèle de " start up " revendiquée, la cour observe qu'il n'offre pas un régime particulier à la société en terme de définition de l'état de cessation des paiements que celle précitée et qui s'applique à toutes les sociétés commerciales elles-même confrontées aux difficultés inhérentes à leurs propres modèles et aux aléas de la vie économique.
L'attente du respect par les investisseurs de leurs engagements contractuels n'est pas distincte, dans ses conséquences économiques, pour la société à celle à laquelle sont confrontées, pour d'autres motifs, toutes les sociétés et qui nécessite également pour celles-ci d'engager un contentieux parfois long lourd et coûteux et incertains.
Quelque soit le modèle économique dans lequel elles s'inscrivent, les sociétés ne sont donc pas autorisées à augmenter leur passif exigible et à continuer leur activité, sans prendre les précautions d'usage quant à l'existence d'un actif disponible leur permettant d'y faire face, le cas échéant, à défaut de levée de fonds ou de retard pris dans cette levée, en s'assurant de l'octroi de prêts ou encours bancaires, d'apports en comptes courants des associés ou d'obtention de moratoires auprès de leurs créanciers.
En revanche, le juge saisi d'une demande de report de la date de cessation des paiements peut la fixer souverainement à une date comprise entre la date proposée dans l'acte de saisine et celle retenue de manière provisoire dans le jugement d'ouverture de la procédure collective et il doit notamment vérifier si dans ce délai, la société n'est pas revenue à meilleure fortune et pouvait faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Me [K] [R] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS Relyfe group estime dès lors à tort que, à supposer même un retour à meilleure fortune du débiteur, depuis le 31 décembre 2021, le juge saisi d'une demande de report doit pour apprécier la situation, se placer non au jour où il statue mais à celui auquel est envisagé le report de la date de cessation des paiements et ne peut tenir compte des événements postérieurs à la date envisagée.
Ainsi, la juridiction ne pourra retenir une date de cessation des paiements antérieure à celle à laquelle il constate que le débiteur est revenu à une situation lui permettant de faire face à son passif exigible avec son actif disponible par l'apport d'actifs ou le cas échéant par le bénéfice de moratoires ayant eu pour effet de décaler l'exigibilité de certaines créances et ce même si le moratoire n'a pas été respecté (com14 janvier 2004) et donc même si en l'espèce, dans tous les cas, il est établi que malgré les efforts déployés, aucune solution n'a été trouvée au cours de la procédure de conciliation ouverte au bénéfice de la SAS Relyfe group et la SAS Relyfe group par ordonnance du 3 août 2022.
Ceci impose en l'espèce de vérifier les effets de l'ouverture de la procédure et des moratoires obtenues sur la situation du débiteur au cours de la période de conciliation.
Sur le fondement de l'article L611- 4 du code de commerce, il est institué devant le tribunal de commerce une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les débiteurs exerçant une activité commerciale qui éprouvent une difficulté juridique économique ou financière avérée ou prévisible, que s'ils ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours.
Me [K] [R] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS Relyfe group affirme à juste titre que de jurisprudence constante, en cas d'échec de la procédure de conciliation, la seule décision d'ouverture de celle-ci, n'a pas autorité de la chose jugée quant à la date de cessation des paiements, de sorte que la seule ouverture de celle-ci n'a pas pour effet de reporter la date de cessation des paiements du 31 décembre 2021 au 15 juin 2022.
De même, lors de cette conciliation, le comportement du débiteur, sa bonne foi sa transparence devant le conciliateur ainsi que des démarches et réunions effectuées par celui-ci comme la mauvaise foi d'un créancier, qui sont des éléments qui en l'espèce ne font pas débat, ne sont pas opérants pour modifier la date de cessation des paiements.
En revanche, la distinction qu'entend opposer Me [K] [R] entre suspension des poursuites obtenues pendant la période de conciliation et exigibilité des dettes, ne peut être retenue en ce que la suspension des poursuites constitue un moratoire qui a pour effet de suspendre l'exigibilité du passif.
Donc, l'ouverture d'une procédure de conciliation ne fait courir un nouveau délai d'appréciation de la date de cessation des paiements que si par l'effet d'une décision du juge ou d'accord provisoire trouvé, si ce n'est qu'avec certains créanciers, le débiteur a été momentanément en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Me [K] [R] oppose aux appelants qui entendent se prévaloir du contenu de la conciliation, le principe de confidentialité qui ne peut être levé, qui est attaché à la procédure de conciliation s'impose à toutes les parties y compris au débiteur lui-même, et qui est posé à l'article L611-15 du code de commerce.
Mais l'interdiction de se prévaloir de pièces à caractère confidentiel dans le cadre d'une procédure judiciaire peut être levée, à charge pour celui qui s'en prévaut de démontrer que la production des pièces est indispensable à la défense de ses droits et strictement proportionnée au but poursuivi et donc en l'espèce, que le rapport du conciliateur était indispensable pour démontrer l'étendue de la suspension du passif exigible pendant la période de conciliation.
Or, seul le liquidateur entend opposer au débiteur la violation du principe de confidentialité et sans même de référence à un quelconque préjudice pour l'un des créanciers concernés par la procédure de conciliation, et le débiteur ne dispose pas d'autre moyen de démontrer les accords trouvés dans ce cadre aux fins de limiter le montant de son passif exigible.
En conséquence, la production du rapport du conciliateur est autorisée.
Il s'agit alors de vérifier si par l'effet d'accords et de moratoires trouvés, aucune caractérisation d'un état de cessation des paiements n'est établie.
A ce titre il est retenu :
- que la SAS Relyfe group attendait sur le fondement du protocole du 12 juillet 2021 sus développé des apports mais que ceux-ci, malgré les démarches du conciliateur, n'ont pas été obtenus,
- que la société s'est prévalue de créances à recouvrer qui n'ont pas été réglées,
- qu'elle ne justifie de la suspension de l'exigibilité de ses dettes échues et à échoir jusqu'à l'achèvement de la procédure de conciliation marquée par le dépôt du rapport du conciliateur le 26 septembre 2022 qu'avec :
* les banques de la société, BPI France Grand Est et Caisse d'Épargne Grand Est Europe à l'issue d'une réunion du 13 septembre 2022,
* l'AG2R par courrier du 22 août 2022 puisque l'octroi des délais de paiement auprès de l'URSSAF était soumis à la condition de paiement de cotisations de 161 000 euros qui n'a pas été réalisée de sorte que une dette de 611 841 euros auprès de cet organisme est restée exigible
- qu'il peut être déduit du passif le montant de la créance contestée de la société Silver Alliance (18480 euros) qui a été rejetée par le juge commissaire par ordonnance du 12 avril 2024,
- que s'agissant de l'actif, il n'est augmenté que d'un apport de trésorerie obtenu par le conciliateur par l'octroi d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherches de 352 000 euros ; que en effet, d'une part, la demande de remboursement de TVA le 29 avril 2022 de 154 276 euros dont se prévalent les appelants ne suffit pas à démontrer la disponibilité d'un actif à ce titre et d'autre part, un paiement de 250 717 euros le 16 mars 2024 est postérieur à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et est donc sans incidence sur la date de cessation des paiements.
Reprenant alors le passif développé par le conciliateur au moment de l'ouverture de la procédure de conciliation (2,6 millions d'euros dont 1 million de dettes sociales (URSSAF 600 000 + AG2R 400 000 + salariales 41 000), outre 1,2 million de dette bancaires et 400 000 euros d'autres dettes diverses, il apparaît que, en retenant la suspension de l'exigibilité des créances des banques et de l'AG2R outre de quelques petits créanciers, la SAS Relyfe group n'a malgré tout jamais été en mesure de faire face avec son actif disponible à son passif exigible pendant la procédure de conciliation.
Ainsi, la SAS Relyfe group est restée en état de cessation des paiements tout au long de la procédure de conciliation.
Aucune démonstration ne vise à apporter cette preuve de retour à meilleure torture pour la période courant du 31 décembre 2021 à l'ouverture de la procédure de conciliation.
C'est dès lors, à juste titre, que le tribunal a reporté la date de cessation des paiements au 31 décembre 2021 et le jugement est confirmé.
PARCES MOTIFS,
La cour contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims.
Ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [W] [H] [P] en sa qualité de président de la SAS Relyfe group et la SAS Relyfe group aux dépens d'appel.
Le greffier La présidente