Décisions
CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 18 septembre 2024, n° 23/01320
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Autre
Arrêt N°24/
SL
R.G : N° RG 23/01320 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F6QM
[J]
C/
LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS
S.E.L.A.R.L. [U]
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2024
Chambre commerciale
Appel d'un jugement rendu par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-PIERRE DE LA REUNION en date du 29 AOUT 2023 suivant déclaration d'appel en date du 24 SEPTEMBRE 2023 rg n°: 2023001331
APPELANTE :
Madame [M] [R] [J] épouse [D]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Julien K/BIDI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMEES :
Madame LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS
[Adresse 1]
[Localité 6]
S.E.L.A.R.L. [U], prise en la personne de Maître [N] [U], Mandataire judiciaire, domiciliée au [Adresse 4] à [Localité 6], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SOCIETE TRANSPORT [D], société à responsabilité limitée dont le siège est sis [Adresse 2] à [Localité 7], immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Saint Pierre sous le numéro 531 899 987, désignée à ces fonctions par jugement rendu le par le Tribunal mixte de commerce de Saint Pierre le 11 mai 2021
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentant : Me Sophie LE COINTRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Juin 2024 devant la cour composée de :
Président : Madame Séverine LEGER, Conseillère
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Madame Anne-Charlotte LEGROIS, Vice-présidente placée affectée à la cour d'appel de Saint-Denis par ordonnance de Monsieur le Premier Président
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
En présence de Madame Nathalie LE CLERC'H, Substitut général.
A l'issue des débats, la présidente a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 18 Septembre 2024.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 18 Septembre 2024.
Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.
* * *
LA COUR
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Sur saisine du ministère public, par jugement du 24 novembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Transport [D] (ci-après STM) et fixé la date de cessation des paiements au 26 mai 2019, converti en liquidation judiciaire par décision du 11 mai 2021, avec désignation de la Selarl [U] en qualité de liquidateur (le liquidateur).
Sur requête du procureur de la République du 4 avril 2023, Mme [M] [J] épouse [D] (Mme [D]), gérante de la STM, a été convoquée devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion statuant en matière de sanctions commerciales aux fins de voir prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans ou, à défaut, une mesure d'interdiction de gérer de la même durée.
Le juge-commissaire a donné un avis favorable à la demande de sanction par mention au dossier. Le mandataire judiciaire s'en est rapporté à justice et le ministère public a requis à l'audience une mesure d'interdiction de gérer pour une durée de 6 ans.
Par jugement du 29 août 2023, le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion a :
- Prononcé à l'encontre de Mme [M] [D] née [J] une mesure de faillite personnelle pour une durée de six ans ;
- Dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 15 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données ;
- Condamné Mme [M] [D] née [J] aux entiers dépens de la présente instance ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions.
Par déclaration au greffe du 24 septembre 2023, Mme [D] a interjeté appel de cette décision en intimant la Selarl [U] ès qualités de liquidateur et le procureur général.
L'affaire a été fixée à bref délai selon avis en date du 6 novembre 2023 et appelée à l'audience du 21 février 2024.
L'appelante a signifié la déclaration d'appel et l'avis à bref délai par acte du 15 novembre 2023 à la procureure générale (remise à personne morale) et au liquidateur (remise à personne morale).
Mme [D] a déposé ses premières conclusions d'appel par RPVA le 6 décembre 2023, conclusions qu'elle a signifiées au procureur général ainsi qu'au liquidateur par acte du 3 janvier 2023 (remises à personne morale).
La procureure générale a déposé ses conclusions d'intimée par RPVA le 29 décembre 2023
Le liquidateur s'est constitué par acte du 3 janvier 2024.
Le liquidateur a déposé ses conclusions d'intimée par RPVA le 9 janvier 2024.
Par ordonnance du 20 mars 2024, la clôture de la procédure est intervenue à effet différé le 12 juin 2024 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience de circuit court du 19 juin 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 18 septembre 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Dans ses dernières conclusions n° 2 transmises par voie électronique le 20 février 2024, Mme. [D] demande à la cour, au visa des articles L. 653-1 et suivants du code de commerce, d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau de :
- Dire qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivant du code de commerce, la sanction déjà inscrite au Fichier national automatisée des intérêts de gérer sera supprimée ;
- Débouter le procureur général près la cour d'appel de Saint-Denis et le liquidateur de toutes prétentions inverses ou contraires ;
- Condamner l'État à verser à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner l'État aux entiers dépens de l'instance.
L'appelante fait grief au premier juge d'avoir prononcé une mesure de faillite personnelle à son égard sans que soit caractérisée la poursuite d'une exploitation déficitaire à des fins personnelles et relève que le prononcé de cette sanction ne présente aucun caractère d'automaticité et dépend de l'appréciation souveraine du tribunal. Elle fait état de ce que les difficultés financières rencontrées par la société sont imputables à la cessation d'un partenariat avec son unique cliente, la société Bourbon Bois et au contexte économique induit par la crise sanitaire. Elle conteste un quelconque intérêt personnel en ce qu'elle ne s'est versée aucune rémunération ainsi que la qualité de gérant de paille ou de prête-nom que le liquidateur entend lui imputer à tort.
Elle expose qu'elle était chargée de la tenue de la comptabilité et qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations sur ce point, les allégations du liquidateur n'étant pas prouvées.
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 9 janvier 2024, le liquidateur demande à la cour, au visa des articles L. 653-4 et L. 653-8 du code de commerce, de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- Débouter l'appelante de toutes ses autres demandes, fins et prétentions en ce compris ses demandes en condamnation au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner l'appelante au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris le droit de timbre pour la somme de 225 euros.
Le liquidateur sollicite la confirmation du jugement déféré mais développe son argumentation autour du bien-fondé d'une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de six ans qui aurait été prononcée par le tribunal dans le jugement déféré. Il excipe de la qualité de gérante de paille de Mme [D] en développant une argumentation afférente à la qualité de gérant de fait de M. [D] depuis sa démission en qualité de gérant de droit. Il retient trois fautes de gestion à l'encontre de Mme [D] : l'absence de remise d'une compatibilité complète et régulière, le fait d'avoir sciemment omis de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours et d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements.
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 15 décembre 2023, la procureure générale demande à la cour de confirmer le jugement entrepris. Elle relève que les résultats des trois derniers exercices étaient déficitaires avec des capitaux propres négatifs et retient l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les délais et l'absence de comptabilité transmise au-delà de l'exercice 2019. Elle considère que ces multiples manquements, alors même que Mme [D] a dirigé d'autres sociétés, dont la SARL Transports et Matériels divers immatriculée un mois avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la STM justifient la sanction de la faillite personnelle prononcée à son encontre.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la sanction prononcée par le premier juge :
Contrairement à l'argumentation développée dans les écritures du liquidateur, le tribunal a prononcé une mesure de faillite personnelle d'une durée de six ans à l'encontre de Mme [D] et non une interdiction de gérer ni de six ans, ni même de dix ans telle qu'également alléguée par la Selarl [U] qui semble avoir procédé à une confusion relative à la décision rendue le même jour par le premier juge à l'encontre de M. [D], lequel a pour sa part été condamné à une interdiction de gérer d'une durée de dix ans.
Les sanctions prononcées à l'encontre de M. [D] et de Mme [D] présentent un caractère individuel et il ne saurait ainsi être relevé dans la présente procédure afférente à la seule situation de Mme [D] des éléments qui ne concernent en réalité que M. [D].
Les développements relatifs à la qualité de gérant de fait de M. [D] sont ainsi complètement indifférents au litige concernant la sanction commerciale dont a fait l'objet Mme [D] en sa qualité de gérante de droit de la société Transport [D], qualité non contestée par l'appelante qui revendique le fait d'avoir effectivement eu en charge la tenue de la comptabilité de la société, même si elle ne percevait aucune rémunération à ce titre.
La question qui se pose est donc de déterminer en l'espèce si la sanction de faillite personnelle était susceptible d'être prononcée à l'égard de Mme [D] au regard des fautes qui lui sont imputées et si cette sanction était justifiée au regard des circonstances de l'espèce et du principe de proportionnalité de la sanction applicable en la matière.
Conformément aux dispositions de l'article L653-1 I 2° du code de commerce, lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions relatives à la faillite personnelle et aux autres mesures d'interdiction sont applicables aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales.
L'article L653-4 du code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant pour :
- avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres;
- sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans son intérêt personnel ;
- avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser un autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
- avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
- avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.
Aux termes de l'article L653-5 de ce même code, la faillite personnelle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L653-1 contre laquelle a été notamment relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes en font obligation ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.
Aux termes de l'article L 653-8 du même code, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22.
Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
L'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours n'est pas un cas d'ouverture de la faillite personnelle mais seulement de l'interdiction de gérer de sorte que cette faute ne permettait pas le prononcé de la sanction retenue par le premier juge.
La poursuite abusive d'une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements constitue un cas d'ouverture de la faillite s'il est établi qu'elle a été effectuée dans un intérêt personnel, ce que conteste précisément Mme [D] qui soutient n'avoir retiré aucun avantage en ce qu'elle ne percevait aucune rémunération pour l'exercice de ses fonctions de dirigeante de la société.
Le liquidateur expose qu'il découle des déclarations de créances que le passif de la société se compose de dettes anciennes et manifeste un comportement anti social et fiscal de direction, le non-paiement de ces dettes ayant précisément permis la poursuite de l'activité, ce qui en démontre le caractère abusif.
Pour caractériser l'intérêt personnel de Mme [D], le liquidateur expose que la poursuite de l'activité déficitaire a permis aux époux [D] de percevoir des rémunérations et avantage divers de la société en sus des rémunérations mensuelles et loyers perçus par M. [D].
Les revenus personnels de M. [D] ne peuvent cependant être pris en considération, pas plus que les avantages dont ce dernier a seul bénéficié par l'intermédiaire des divers comptes courants d'associé et de fournisseur ouverts au seul nom de ce dernier.
Le liquidateur pointe en revanche l'existence d'un compte courant d'associé ouvert au nom de Mme [D] apparaissant dans le grand livre faisant apparaître une dépense Décathlon pour un montant de 207,98 euros et des dépense 'perso' pour un montant cumulé de 17 173,57 euros pour l'exercice du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 et pour la somme de 44 032,70 euros pour l'exercice suivant.
Il ressort cependant de l'analyse de ces pièces que des sommes ont également été portées au crédit de ce compte, notamment la somme de 12 000 euros le 2 août 2017 et que la somme de 44 032,70 portée au débit pour l'exercice 2018-2019 a été compensée par la somme de 44 905,63 euros portée au crédit au cours de la même période.
Ces pièces ne sauraient ainsi suffire à caractériser l'intérêt personnel de Mme [D] allégué par le liquidateur dont la preuve n'est pas rapportée.
S'agissant du grief tiré de l'absence de remise d'une comptabilité complète et régulière, le liquidateur excipe de demandes expresses adressée à la dirigeante de la société aux fins de production des pièces réclamées mais ne fournit aucune mise en demeure par laquelle il aurait expressément sollicité la production de pièces comptables postérieures à la date du 30 juin 2019.
Le défaut de collaboration avec les organes de la procédure, constitutif d'un cas d'ouverture de l'interdiction de gérer, n'est donc pas constitué en l'espèce.
S'agissant du grief tiré d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière, le liquidateur rapporte la preuve de l'émission de chèques sans libellés figurant dans le grand livre sur l'exercice 2015-2016 pour un montant total de 72 745,96 euros, porté à la somme de 95752,96 euros sur l'exercice suivant avec une reprise à nouveau du montant antérieur.
Il est également établi que des règlements sans factures ont été inscrits sur l'exercice 2014-2015 pour un montant global de 17 015,27 euros, respectivement porté à la somme de 21 663 euros puis de 26 948 euros sur les exercices suivants avec la pratique du report à nouveau.
Ces anomalies témoignent de la tenue d'une comptabilité incomplète et dénuée de sincérité mais ne sauraient justifier à elles seules la mesure de faillite personnelle prononcée à l'encontre de Mme [D] en application du principe de proportionnalité ci-dessus rappelé.
Il ne saurait par ailleurs être tenu aucun compte de l'allégation afférente à la création d'une nouvelle société le 17 mars 2020 par Mme [D], société TMD Transports matériels divers dont elle aurait pris la gérance à propos de laquelle le liquidateur ne verse aux débats aucune pièce et à propos de laquelle il expose dans ses écritures que la gérance aurait été désormais confiée à son fils.
Cet élément ne saurait influer sur le prononcé d'une mesure de faillite personnelle à l'égard de Mme [D] alors que les pièces versées aux débats n'établissent pas le caractère justifié de cette sanction au regard de l'unique faute de gestion établie à l'égard de la dirigeante de droit de la société portant sur l'absence de tenue d'une comptabilité complète.
Le prononcé d'une interdiction de gérer n'apparaît pas plus justifié par les éléments de l'espèce, étant précisé que tant le liquidateur que le ministère public ont seulement conclu à la confirmation du jugement déféré ayant prononcé une mesure de faillite personnelle.
Le jugement déféré sera par conséquent infirmé et la demande de sanction à l'égard de Mme [D] sera rejetée.
Sur les autres demandes :
Les entiers dépens, de première instance et d'appel, seront laissés à la charge de l'Etat au regard de la succombance du ministère public en sa requête aux fins de sanction à l'égard de Mme [D].
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [D], qui sera déboutée de sa prétention de ce chef, tout comme le liquidateur en ce qu'il succombe.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré en l'intégralité de ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau,
Déboute le ministère public de sa demande de sanction à l'égard de Mme [M] [J] épouse [D] ;
Condamne l'Etat à régler les entiers dépens, de première instance et d'appel;
Déboute les parties de leur prétention respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
SL
R.G : N° RG 23/01320 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F6QM
[J]
C/
LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS
S.E.L.A.R.L. [U]
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2024
Chambre commerciale
Appel d'un jugement rendu par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-PIERRE DE LA REUNION en date du 29 AOUT 2023 suivant déclaration d'appel en date du 24 SEPTEMBRE 2023 rg n°: 2023001331
APPELANTE :
Madame [M] [R] [J] épouse [D]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Julien K/BIDI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMEES :
Madame LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS
[Adresse 1]
[Localité 6]
S.E.L.A.R.L. [U], prise en la personne de Maître [N] [U], Mandataire judiciaire, domiciliée au [Adresse 4] à [Localité 6], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SOCIETE TRANSPORT [D], société à responsabilité limitée dont le siège est sis [Adresse 2] à [Localité 7], immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Saint Pierre sous le numéro 531 899 987, désignée à ces fonctions par jugement rendu le par le Tribunal mixte de commerce de Saint Pierre le 11 mai 2021
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentant : Me Sophie LE COINTRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Juin 2024 devant la cour composée de :
Président : Madame Séverine LEGER, Conseillère
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Madame Anne-Charlotte LEGROIS, Vice-présidente placée affectée à la cour d'appel de Saint-Denis par ordonnance de Monsieur le Premier Président
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
En présence de Madame Nathalie LE CLERC'H, Substitut général.
A l'issue des débats, la présidente a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 18 Septembre 2024.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 18 Septembre 2024.
Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.
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LA COUR
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Sur saisine du ministère public, par jugement du 24 novembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Transport [D] (ci-après STM) et fixé la date de cessation des paiements au 26 mai 2019, converti en liquidation judiciaire par décision du 11 mai 2021, avec désignation de la Selarl [U] en qualité de liquidateur (le liquidateur).
Sur requête du procureur de la République du 4 avril 2023, Mme [M] [J] épouse [D] (Mme [D]), gérante de la STM, a été convoquée devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion statuant en matière de sanctions commerciales aux fins de voir prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans ou, à défaut, une mesure d'interdiction de gérer de la même durée.
Le juge-commissaire a donné un avis favorable à la demande de sanction par mention au dossier. Le mandataire judiciaire s'en est rapporté à justice et le ministère public a requis à l'audience une mesure d'interdiction de gérer pour une durée de 6 ans.
Par jugement du 29 août 2023, le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion a :
- Prononcé à l'encontre de Mme [M] [D] née [J] une mesure de faillite personnelle pour une durée de six ans ;
- Dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 15 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données ;
- Condamné Mme [M] [D] née [J] aux entiers dépens de la présente instance ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions.
Par déclaration au greffe du 24 septembre 2023, Mme [D] a interjeté appel de cette décision en intimant la Selarl [U] ès qualités de liquidateur et le procureur général.
L'affaire a été fixée à bref délai selon avis en date du 6 novembre 2023 et appelée à l'audience du 21 février 2024.
L'appelante a signifié la déclaration d'appel et l'avis à bref délai par acte du 15 novembre 2023 à la procureure générale (remise à personne morale) et au liquidateur (remise à personne morale).
Mme [D] a déposé ses premières conclusions d'appel par RPVA le 6 décembre 2023, conclusions qu'elle a signifiées au procureur général ainsi qu'au liquidateur par acte du 3 janvier 2023 (remises à personne morale).
La procureure générale a déposé ses conclusions d'intimée par RPVA le 29 décembre 2023
Le liquidateur s'est constitué par acte du 3 janvier 2024.
Le liquidateur a déposé ses conclusions d'intimée par RPVA le 9 janvier 2024.
Par ordonnance du 20 mars 2024, la clôture de la procédure est intervenue à effet différé le 12 juin 2024 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience de circuit court du 19 juin 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 18 septembre 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Dans ses dernières conclusions n° 2 transmises par voie électronique le 20 février 2024, Mme. [D] demande à la cour, au visa des articles L. 653-1 et suivants du code de commerce, d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau de :
- Dire qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivant du code de commerce, la sanction déjà inscrite au Fichier national automatisée des intérêts de gérer sera supprimée ;
- Débouter le procureur général près la cour d'appel de Saint-Denis et le liquidateur de toutes prétentions inverses ou contraires ;
- Condamner l'État à verser à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner l'État aux entiers dépens de l'instance.
L'appelante fait grief au premier juge d'avoir prononcé une mesure de faillite personnelle à son égard sans que soit caractérisée la poursuite d'une exploitation déficitaire à des fins personnelles et relève que le prononcé de cette sanction ne présente aucun caractère d'automaticité et dépend de l'appréciation souveraine du tribunal. Elle fait état de ce que les difficultés financières rencontrées par la société sont imputables à la cessation d'un partenariat avec son unique cliente, la société Bourbon Bois et au contexte économique induit par la crise sanitaire. Elle conteste un quelconque intérêt personnel en ce qu'elle ne s'est versée aucune rémunération ainsi que la qualité de gérant de paille ou de prête-nom que le liquidateur entend lui imputer à tort.
Elle expose qu'elle était chargée de la tenue de la comptabilité et qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations sur ce point, les allégations du liquidateur n'étant pas prouvées.
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 9 janvier 2024, le liquidateur demande à la cour, au visa des articles L. 653-4 et L. 653-8 du code de commerce, de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- Débouter l'appelante de toutes ses autres demandes, fins et prétentions en ce compris ses demandes en condamnation au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner l'appelante au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris le droit de timbre pour la somme de 225 euros.
Le liquidateur sollicite la confirmation du jugement déféré mais développe son argumentation autour du bien-fondé d'une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de six ans qui aurait été prononcée par le tribunal dans le jugement déféré. Il excipe de la qualité de gérante de paille de Mme [D] en développant une argumentation afférente à la qualité de gérant de fait de M. [D] depuis sa démission en qualité de gérant de droit. Il retient trois fautes de gestion à l'encontre de Mme [D] : l'absence de remise d'une compatibilité complète et régulière, le fait d'avoir sciemment omis de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours et d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements.
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 15 décembre 2023, la procureure générale demande à la cour de confirmer le jugement entrepris. Elle relève que les résultats des trois derniers exercices étaient déficitaires avec des capitaux propres négatifs et retient l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les délais et l'absence de comptabilité transmise au-delà de l'exercice 2019. Elle considère que ces multiples manquements, alors même que Mme [D] a dirigé d'autres sociétés, dont la SARL Transports et Matériels divers immatriculée un mois avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la STM justifient la sanction de la faillite personnelle prononcée à son encontre.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la sanction prononcée par le premier juge :
Contrairement à l'argumentation développée dans les écritures du liquidateur, le tribunal a prononcé une mesure de faillite personnelle d'une durée de six ans à l'encontre de Mme [D] et non une interdiction de gérer ni de six ans, ni même de dix ans telle qu'également alléguée par la Selarl [U] qui semble avoir procédé à une confusion relative à la décision rendue le même jour par le premier juge à l'encontre de M. [D], lequel a pour sa part été condamné à une interdiction de gérer d'une durée de dix ans.
Les sanctions prononcées à l'encontre de M. [D] et de Mme [D] présentent un caractère individuel et il ne saurait ainsi être relevé dans la présente procédure afférente à la seule situation de Mme [D] des éléments qui ne concernent en réalité que M. [D].
Les développements relatifs à la qualité de gérant de fait de M. [D] sont ainsi complètement indifférents au litige concernant la sanction commerciale dont a fait l'objet Mme [D] en sa qualité de gérante de droit de la société Transport [D], qualité non contestée par l'appelante qui revendique le fait d'avoir effectivement eu en charge la tenue de la comptabilité de la société, même si elle ne percevait aucune rémunération à ce titre.
La question qui se pose est donc de déterminer en l'espèce si la sanction de faillite personnelle était susceptible d'être prononcée à l'égard de Mme [D] au regard des fautes qui lui sont imputées et si cette sanction était justifiée au regard des circonstances de l'espèce et du principe de proportionnalité de la sanction applicable en la matière.
Conformément aux dispositions de l'article L653-1 I 2° du code de commerce, lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions relatives à la faillite personnelle et aux autres mesures d'interdiction sont applicables aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales.
L'article L653-4 du code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant pour :
- avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres;
- sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans son intérêt personnel ;
- avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser un autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
- avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
- avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.
Aux termes de l'article L653-5 de ce même code, la faillite personnelle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L653-1 contre laquelle a été notamment relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes en font obligation ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.
Aux termes de l'article L 653-8 du même code, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22.
Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
L'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours n'est pas un cas d'ouverture de la faillite personnelle mais seulement de l'interdiction de gérer de sorte que cette faute ne permettait pas le prononcé de la sanction retenue par le premier juge.
La poursuite abusive d'une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements constitue un cas d'ouverture de la faillite s'il est établi qu'elle a été effectuée dans un intérêt personnel, ce que conteste précisément Mme [D] qui soutient n'avoir retiré aucun avantage en ce qu'elle ne percevait aucune rémunération pour l'exercice de ses fonctions de dirigeante de la société.
Le liquidateur expose qu'il découle des déclarations de créances que le passif de la société se compose de dettes anciennes et manifeste un comportement anti social et fiscal de direction, le non-paiement de ces dettes ayant précisément permis la poursuite de l'activité, ce qui en démontre le caractère abusif.
Pour caractériser l'intérêt personnel de Mme [D], le liquidateur expose que la poursuite de l'activité déficitaire a permis aux époux [D] de percevoir des rémunérations et avantage divers de la société en sus des rémunérations mensuelles et loyers perçus par M. [D].
Les revenus personnels de M. [D] ne peuvent cependant être pris en considération, pas plus que les avantages dont ce dernier a seul bénéficié par l'intermédiaire des divers comptes courants d'associé et de fournisseur ouverts au seul nom de ce dernier.
Le liquidateur pointe en revanche l'existence d'un compte courant d'associé ouvert au nom de Mme [D] apparaissant dans le grand livre faisant apparaître une dépense Décathlon pour un montant de 207,98 euros et des dépense 'perso' pour un montant cumulé de 17 173,57 euros pour l'exercice du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 et pour la somme de 44 032,70 euros pour l'exercice suivant.
Il ressort cependant de l'analyse de ces pièces que des sommes ont également été portées au crédit de ce compte, notamment la somme de 12 000 euros le 2 août 2017 et que la somme de 44 032,70 portée au débit pour l'exercice 2018-2019 a été compensée par la somme de 44 905,63 euros portée au crédit au cours de la même période.
Ces pièces ne sauraient ainsi suffire à caractériser l'intérêt personnel de Mme [D] allégué par le liquidateur dont la preuve n'est pas rapportée.
S'agissant du grief tiré de l'absence de remise d'une comptabilité complète et régulière, le liquidateur excipe de demandes expresses adressée à la dirigeante de la société aux fins de production des pièces réclamées mais ne fournit aucune mise en demeure par laquelle il aurait expressément sollicité la production de pièces comptables postérieures à la date du 30 juin 2019.
Le défaut de collaboration avec les organes de la procédure, constitutif d'un cas d'ouverture de l'interdiction de gérer, n'est donc pas constitué en l'espèce.
S'agissant du grief tiré d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière, le liquidateur rapporte la preuve de l'émission de chèques sans libellés figurant dans le grand livre sur l'exercice 2015-2016 pour un montant total de 72 745,96 euros, porté à la somme de 95752,96 euros sur l'exercice suivant avec une reprise à nouveau du montant antérieur.
Il est également établi que des règlements sans factures ont été inscrits sur l'exercice 2014-2015 pour un montant global de 17 015,27 euros, respectivement porté à la somme de 21 663 euros puis de 26 948 euros sur les exercices suivants avec la pratique du report à nouveau.
Ces anomalies témoignent de la tenue d'une comptabilité incomplète et dénuée de sincérité mais ne sauraient justifier à elles seules la mesure de faillite personnelle prononcée à l'encontre de Mme [D] en application du principe de proportionnalité ci-dessus rappelé.
Il ne saurait par ailleurs être tenu aucun compte de l'allégation afférente à la création d'une nouvelle société le 17 mars 2020 par Mme [D], société TMD Transports matériels divers dont elle aurait pris la gérance à propos de laquelle le liquidateur ne verse aux débats aucune pièce et à propos de laquelle il expose dans ses écritures que la gérance aurait été désormais confiée à son fils.
Cet élément ne saurait influer sur le prononcé d'une mesure de faillite personnelle à l'égard de Mme [D] alors que les pièces versées aux débats n'établissent pas le caractère justifié de cette sanction au regard de l'unique faute de gestion établie à l'égard de la dirigeante de droit de la société portant sur l'absence de tenue d'une comptabilité complète.
Le prononcé d'une interdiction de gérer n'apparaît pas plus justifié par les éléments de l'espèce, étant précisé que tant le liquidateur que le ministère public ont seulement conclu à la confirmation du jugement déféré ayant prononcé une mesure de faillite personnelle.
Le jugement déféré sera par conséquent infirmé et la demande de sanction à l'égard de Mme [D] sera rejetée.
Sur les autres demandes :
Les entiers dépens, de première instance et d'appel, seront laissés à la charge de l'Etat au regard de la succombance du ministère public en sa requête aux fins de sanction à l'égard de Mme [D].
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [D], qui sera déboutée de sa prétention de ce chef, tout comme le liquidateur en ce qu'il succombe.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré en l'intégralité de ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau,
Déboute le ministère public de sa demande de sanction à l'égard de Mme [M] [J] épouse [D] ;
Condamne l'Etat à régler les entiers dépens, de première instance et d'appel;
Déboute les parties de leur prétention respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE