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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 18 septembre 2024, n° 23/01319

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Autre

CA Saint-Denis de la Réunion n° 23/0131…

18 septembre 2024

Arrêt N°24/

SP

R.G : N° RG 23/01319 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F6QK

[A]

C/

LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS

S.E.L.A.R.L. [J]

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2024

Chambre commerciale

Appel d'un jugement rendu par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-PIERRE DE LA REUNION en date du 29 AOUT 2023 suivant déclaration d'appel en date du 24 SEPTEMBRE 2023 rg n°: 2023001403

APPELANT :

Monsieur [H] [N] [A]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Julien K/BIDI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMEES :

Madame LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS

[Adresse 1]

[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. [J], prise en la personne de Maître [D] [J], Mandataire judiciaire, domiciliée au [Adresse 4] à [Localité 7], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SOCIETE TRANSPORT [A], société à responsabilité limitée dont le siège est sis [Adresse 2] à [Localité 8], immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Saint Pierre sous le numéro 531 899 987, désignée à ces fonctions par jugement rendu le par le Tribunal mixte de commerce de Saint Pierre le 11 mai 2021

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentant : Me Sophie LE COINTRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 juin 2024 devant la cour composée de :

Président : Madame Séverine LEGER, Conseillère

Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Madame Anne-Charlotte LEGROIS, Vice-présidente placée affectée à la cour d'appel de Saint-Denis par ordonnance de Monsieur le Premier Président

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

En présence de Madame Nathalie LE CLERC'H, Substitut général.

A l'issue des débats, la présidente a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 18 septembre 2024.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 18 septembre 2024.

Greffiere lors des debats et de la mise à dispositon : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.

* * *

LA COUR

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Sur saisine du ministère public, par jugement du 24 novembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la Société Transport [A] (la STM) et fixé la date de cessation des paiements au 26 mai 2019, converti en liquidation judiciaire par décision du 11 mai 2021, avec désignation de la SELARL [J] en qualité de liquidateur (le liquidateur).

Sur requête de la procureure de la République du 4 avril 2023, M. [N] [A], associé de la STM, a été convoqué devant le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion statuant en matière de sanctions commerciales aux fins de voir prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans ou, à défaut, une mesure d'interdiction de gérer de la même durée.

Le juge-commissaire a donné un avis favorable à la demande de sanction par mention au dossier. Le mandataire judiciaire s'en est rapporté à justice et la procureure de la République a requis une mesure d'interdiction de gérer uniquement une activité commerciale pour une durée de 6 ans.

Par jugement du 29 août 2023, le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion a :

- Prononcé à l'encontre de M. [N] [A] une mesure d'interdiction de gérer, diriger, contrôler ou administrer, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale pour une durée de dix ans ;

- Dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 15 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données ;

- Condamné M. [N] [A] aux entiers dépens de la présente instance ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions.

Par déclaration au greffe du 24 septembre 2023, M. [A] a interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été fixée à bref délai selon avis en date du 6 novembre 2023.

L'appelant a signifié la déclaration d'appel et l'avis à bref délai par acte du 15 novembre 2023 à la procureure générale (remise à personne morale) et au liquidateur (remise à personne morale).

M. [A] a déposé ses premières conclusions d'appel par RPVA le 6 décembre 2023, conclusions qu'il a signifiées au procureur général ainsi qu'au liquidateur par acte du 3 janvier 2023 (remises à personne morale).

La procureure générale a déposé ses conclusions d'intimée par RPVA le 15 décembre 2023.

Le liquidateur s'est constitué par acte du 3 janvier 2024.

Le liquidateur a déposé ses conclusions d'intimée par RPVA le 9 janvier 2024.

Par ordonnance de référé du 20 février 2024, le premier président de la présente cour d'appel a débouté M. [A] de sa demande de suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu le 29 août 2023 et l'a condamné à verser au liquidateur 800 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 mars 2024 à effet différé au 12 juin 2024 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience de circuit court du 19 juin 2024 et a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 18 septembre 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Dans ses dernières conclusions n° 3 transmises par voie électronique le 19 mars 2024, M. [A] demande à la cour, au visa des articles L. 653-1 et suivants du code de commerce, d'infirmer le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions et statuant à nouveau, de :

- Dire qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivant du code de commerce, la sanction déjà inscrite au Fichier national automatisée des intérêts de gérer sera supprimée ;

- Débouter la procureure générale près la cour d'appel de Saint-Denis et le liquidateur de toutes prétentions inverses ou contraires ;

- Condamner l'État à verser à M. [A] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l'État aux entiers dépens de l'instance.

M. [A] soutient que le tribunal ne pouvait pas se contenter de retenir qu'il avait reconnu sa qualité de gérant de fait sans rechercher s'il avait réalisé des actes de gestion de fait et s'il n'avait pas agi en qualité de gestionnaire de transport salarié ainsi qu'en qualité de mandataire de la STM. Il argue qu'en tout état de cause, ni le tribunal ni le liquidateur ne démontrent la nécessité de prononcer une interdiction de gérer.

Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 9 janvier 2024, le liquidateur demande à la cour, au visa des articles L. 653-4 et L. 653-8 du code de commerce, de :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- Débouter l'appelant de toutes ses autres demandes, fins et prétentions en ce compris ses demandes en condamnation au titre des frais irrépétibles ;

- Condamner l'appelant au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris le droit de timbre pour la somme de 225 euros.

Le liquidateur fait valoir que M. [A] est dirigeant de fait de la STM et lui reproche une absence de remise d'une comptabilité complète et régulière, une omission consciente de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours et une poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements.

Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 15 décembre 2023, la procureure générale demande à la cour de confirmer le jugement entrepris. Elle relève que les résultats des trois derniers exercices étaient déficitaires avec des capitaux propres négatifs et retient l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les délais et l'absence de comptabilité transmise au-delà de l'exercice 2019. Elle argue que M. [A] a reconnu être le gérant de fait et s'est comporté comme tel pendant toute la procédure. Elle ajoute que le couple a dirigé d'autres sociétés dont deux ont déjà fait l'objet d'une liquidation judiciaire et que Mme [A] dirige également la SARL Transports et Matériels Divers dont M. [A] est le gestionnaire service prestataire de transport.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'interdiction de gérer

Conformément aux dispositions de l'article L. 653-1 I 2° du code de commerce, lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions relatives à la faillite personnelle et aux autres mesures d'interdiction sont applicables aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales.

Sont donc visés aussi bien les dirigeants de droit que les dirigeants de fait, c'est-à-dire tous ceux qui ont eu la maîtrise effective de la personne morale et ont réellement commis les faits reprochés, que ce fût de manière apparente ou occulte, avec ou sans rémunération.

Celui qui se prévaut de l'existence d'une direction de fait doit donc établir l'existence d'un véritable rôle décisionnel assumé par le dirigeant de fait qui est généralement révélé par un faisceau d'indices.

Le dirigeant doit en outre agir en toute souveraineté et indépendance.

Il en résulte que la personne qui agit en vertu d'un mandat ou d'une délégation donnée par le dirigeant de droit ne peut être reconnue comme dirigeant de fait, sauf à établir l'absence d'autorité ou de contrôle du déléguant à l'égard du délégataire. De même, le salarié ne peut être reconnu dirigeant de fait en raison du lien de subordination qui l'unit à son employeur, sauf contrat de travail fictif lorsque le salarié ne reçoit pas d'instruction et n'est soumis à aucun contrôle.

La notion de dirigeant de fait relève de l'interprétation souveraine des juges du fond et elle doit être motivée.

La qualité de dirigeant de fait ne se présume pas mais doit être prouvée et l'aveu ne permet pas de qualifier une gestion de fait.

Aux termes de l'article L. 653-8 du même code, dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22.

Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Ainsi, le tribunal peut toujours prononcer l'interdiction de gérer à la place de la faillite personnelle qui concerne les fautes de gestion suivantes :

Cas de faillite propres aux dirigeants de personnes morales :

- Le défaut d'acquittement de la contribution à l'insuffisance d'actif de la personne morale

- Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres

- Avoir fait des acte de commerce dans un intérêt personnel sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements

- Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personnel morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement

- Avoir poursuivi frauduleusement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale

- Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale

Cas de faillite personnelle communs aux débiteurs personnes physiques et aux dirigeants de personnels morales :

- L'exercice d'une activité ou d'une fonction interdite

- Le maintien artificiel de l'entreprise défaillante

- La souscription pour le compte d'autrui d'engagements trop importants eu égard à la situation de l'entreprise

- Le paiement préférentiel d'un créancier

- L'abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédures

- Les irrégularité comptables

- La déclaration faite sciemment, au nom d'un créancier, d'une créance supposée.

S'agissant de l'interdiction de gérer, elle peut également être prononcée dans les cas suivants :

- L'omission de déclaration de la cessation des paiements dans les 45 jours

- Le défaut de communication de renseignements

- Le manquement à l'obligation d'informer le créancier poursuivant en cas d'instance en cours au jour du jugement d'ouverture.

En tant que sanction ayant le caractère de punition, elle ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi, qui sont d'interprétation stricte et est soumise aux principes de nécessité et de proportionnalité.

En l'espèce, il n'est pas sollicité à hauteur d'appel le prononcé d'une faillite personnelle de M. [A] mais uniquement une interdiction de gérer d'une durée de 10 ans.

1°) Sur la qualité de gérant de fait de M. [A]

M. [A] reproche au tribunal de ne pas avoir recherché s'il avait réalisé des actes de gestion de fait qui doivent correspondre à plusieurs actes précis et positifs.

Il soutient avoir agi en qualité de gestionnaire de transport salarié et fait valoir que :

- La STM ne pouvait exercer son activité de transport public de marchandises sans avoir désigné un gestionnaire de transport (articles R.3211-43 et R.3211-45 du code des transports) ;

- Il a été désigné en qualité de gestionnaire de transport salarié par la STM et percevait une rémunération mensuelle de 1 500 euros à ce titre ;

- Le tribunal devait vérifier si les actes de gestion qui lui étaient reprochés avaient ou non été réalisés dans le cadre de ses fonctions de gestionnaire de transport, une personne agissant en qualité de salarié ne pouvant être considérée comme un gérant de fait d'une société en l'absence de démonstration d'acte positifs de direction de fait extérieurs à ses fonctions au sein de la société ;

- Il a confondu la notion de « gérant de fait » et celle de « gestionnaire de transport ».

M. [A] fait également valoir qu'il a agi en qualité de mandataire de la STM, ce qui ne peut constituer un indice suffisant pour retenir la qualité de gérant de fait.

Il argue encore que son épouse s'est chargée de la gestion quotidienne de la STM à l'exception des tâches qui lui étaient dévolues au titre de ses fonctions de gestionnaire de transport et des mandats qui lui ont été confiés.

Le liquidateur estime que M. [A], malgré son retrait allégué en qualité de gérant de la STM, n'a jamais cessé d'y exercer des fonctions de direction en toute souveraineté et indépendance.

Le liquidateur relève que M. [A] :

- Est le fondateur et l'associé majoritaire de la STM ;

- Est également l'homme clé de l'activité de ladite société pour être, selon l'article 11 « GERANCE » des statuts le « gestionnaire du certificat de capacité professionnelle » ;

- A maintes fois reconnu être le dirigeant de fait de la STM devant le tribunal et les organes de la procédure ;

- Percevait des rémunérations (1 500 euros par mois) pour ses fonctions de direction tandis que la dirigeante de droit ne percevait aucune rémunération à ce titre ;

- Louait sa capacité de transport à la STM par le truchement de son entreprise individuelle en tant que prestataire externe ;

- Utilisait régulièrement la carte bancaire de la STM pour ses dépenses personnelles ;

- Se présentait également aux yeux des salariés et des tiers comme le dirigeant de la STM ;

- Prétend pour la première fois qu'il aurait été salarié de la STM sans en apporter la preuve.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que le capital de la SARL STM, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Pierre de la Réunion le 15 juin 2011 était initialement fixé dans les statuts à 5 000 euros suite aux apports en numéraire suivants :

- M. [N] [A] 2 250 euros

- M. [F] [A] 1 250 euros

- Mme [B] [P] [A] 1 250 euros

Et qu'il a été porté à 34 000 euros divisé en 3 400 parts de 10 euros chacune attribuées et réparties comme suit :

- A Mme [B] [P] [A] 3 020 parts

- A M. [F] [A] 125 parts

- A M. [N] [A] 255 parts

Et ce, suite à l'augmentation de capital de 29 000 euros décidée par l'assemblée générale extraordinaire du 15 janvier 2014 suite à l'apport effectué par Mme [B] [P] [A] d'un véhicule Scania évalué à 29 000 euros.

Lors de la constitution de la société, M. [N] [A] et Mme [B] [P] [A] étaient co-gérants de la STM (BODACC du 3 août 2011).

A une date non connue, il a été mis fin aux fonctions de co-gérant de M. [A] au profit de Mme [C] [Y] épouse [A], non associée de la STM (BODACC du 25 avril 2012).

Mme [B] [P] [C] [A] a démissionné de ses fonctions de co-gérant le 19 septembre 2017 avec effet au 30 juin 2016 ; elle bénéficie d'une mesure de tutelle par jugement du 26 mai 2017 dont Mme [C] [Y] épouse [A] est la tutrice (arrêt du 26 mars 2018)

En l'espèce, la position d'associé majoritaire lors de la constitution de la STM, de même que la mention et/ou l'aveu de M. [A] de sa qualité de dirigeant de fait sont à eux seuls insuffisants à établir la qualité de dirigeant de fait de M. [A].

Il est par ailleurs établi que M. [N] [A] est seul titulaire du certificat de capacité professionnelle (produit) et désigné comme gestionnaire de transport (article 11 des statuts), ce qui permet à la STM d'être autorisée par la préfecture à « exercer la profession de transporteur public routier de marchandises au moyen de véhicules motorisés » (décision de la Direction de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement de la Réunion ou la DEAL du 22 août 2014) et qu'il louait sa capacité à la STM (grand-livre global définitif période du 01/07/2017 au 30/06/2018 à hauteur de 1 700 euros, soit 141,66 euros par mois).

Pour autant, ces éléments ne sont pas davantage susceptibles à eux seuls d'établir la preuve de la qualité de gérant de fait de M. [A].

M. [A] verse aux débats :

- Une « PROCURATION » signée le 1er juin 2016 par Mme [C] [Y] épouse [A] (dirigeant de droit) au profit de M. [N] [A] aux fins de procédure à tous dépôts, immatriculation, modifications et radiation, entretien avec les employés, les conseillers syndicaux, les tribunaux concernant la STM ;

- Un « POUVOIR PROCEDURE » daté du 30 septembre 2020 par lequel le dirigeant de droit lui donne pouvoir de la représenter dans le cadre de toutes les opérations de l'enquête confiée à la SELARL [J] prononcée le 22 avril 2020 à l'encontre de la STM ;

- Un courrier daté du 30 septembre 2020 adressé au liquidateur par lequel le dirigeant de droit donne procuration à compter du 1er octobre 2020 à M. [A] de signer tous les documents et entretenir une correspondance administrative ou professionnelle ;

- Un « CONTRAT DE TRAVAIL A DURE INDETERMINE » signé par lui et la STM représentée par sa gérante, Mme [C] [Y] épouse [A], daté du 10 juin 2014 en qualité de responsable d'exploitation à compter du 10 juin 2014 moyennant une rémunération nette mensuelle de 3 000 euros.

M. [A] produit également divers documents concernant M. [W], salarié de la STM, adressé ou signé par le dirigeant de droit (CDI à temps partiel, LRAR du 17 septembre 2017 de M. [W] contestant son licenciement, reçu de solde de tout compte).

Tandis que le liquidateur verse aux débats divers documents relatifs au licenciement de M. [W] signé par M. [A], un courrier directement adressé par ce salarié à M. [A] ainsi qu'un jugement du conseil de prud'homme de Saint-Pierre de la Réunion du 4 décembre 2018 opposant la STM à M. [W], dans lequel il est mentionné que la STM est « Représentée par Monsieur [N] [A] (co-gérant) », et qui a déclaré le licenciement de M. [W] sans cause réelle et sérieuse et a condamné la STM à lui verser diverses sommes.

Il résulte de ce qui précède que si M. [A] verse aux débats le contrat de travail le liant à la STM ainsi que les procurations et pouvoirs qui lui ont été donnés par le dirigeant de droit de la STM, à savoir son épouse, il n'en demeure pas moins que ces mandats sont cantonnés aux « entretiens avec les employés », formule vague qui n'a pas vocation à concerner les procédures de licenciement auxquelles il a manifestement pris part, ou seulement en relation avec le début de la procédure ayant abouti à l'ouverture d'un redressement judiciaire.

S'agissant du contrat de travail, il est en réalité fictif en l'absence de tout lien de subordination, le dirigeant de droit étant l'épouse de M. [A], lui-même ancien dirigeant et associé, celui-ci disposant seul de la technicité suffisante pour participer activement à l'administration de la STM et percevant une rémunération, au contraire du dirigeant de droit qui n'en percevait aucune.

Il est par ailleurs établi par les pièces versées aux débats que M. [A] se présentait à l'égard des tiers comme le représentant légal de la société ainsi qu'il ressort du procès-verbal de carence d'actifs mobiliers dressé par l'huissier instrumentaire le 24 janvier 2021, de sa comparution en chambre du conseil devant le tribunal mixte de commerce ainsi qu'il résulte des notes d'audience du 26 janvier 2021 et de sa comparution devant le conseil de prud'hommes de Saint-Pierre dans le cadre de la procédure de licenciement de M. [W] suivant les mentions du jugement du 4 décembre 2018.

Il est également avéré que les salariés de la société le considéraient comme le dirigeant de la société ainsi qu'il ressort d'une lettre de reproches adressée à M. [A] le 7 mars 2017 par M. [W] bien en amont de la procédure de licenciement introduite à son égard par lettre du 2 mai 2017.

Ce faisceau d'indices caractérise l'existence d'une activité positive de gestion souveraine et indépendante permettant d'établir la qualité de dirigeant de fait de M. [A] au sein de la société STM.

2°) Sur les fautes de gestion reprochées à M. [A]

a) L'omission de déclaration de la cessation des paiements dans les 45 jours

Selon l'article L. 631-4, alinéa 1er du Code de commerce, l'ouverture du redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

En vertu des disposition de l'article L653-8 alinéa 3 du code de commerce, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci peut être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

La date retenue pour la cessation des paiements est celle retenue lors de l'ouverture de la procédure.

Il n'y a pas lieu de considérer les motifs qui ont conduit le dirigeant à différer la déclaration de cessation des paiements.

Le retard dans l'accomplissement de l'obligation de déclarer la cessation des paiements de l'entreprise, ou l'absence de déclaration, causent un préjudice à l'entreprise et à ses créanciers. Le passif s'accroît, les salariés ne sont pas payés, la trésorerie diminue, ce qui peut rendre impossible une poursuite d'activité pendant la période d'observation et compromettre, voire ruiner toute chance de mise en place d'une solution de redressement ou de cession.

M. [A] soutient qu'il n'avait pas connaissance de la comptabilité de la STM et que, simple associé, il n'était pas tenu de solliciter l'ouverture d'une procédure collective dans les 45 jours de la cessation des paiements.

Le liquidateur fait valoir que compte tenu de l'ampleur et de l'ancienneté des dettes et de sa parfaite connaissance en tant que dirigeant de fait de ses obligations en la matière pour avoir dirigé d'autres sociétés et avoir connu leur déconfiture, M. [A] a sciemment omis de régulariser une déclaration de cessation des paiements.

En l'espèce, la cessation des paiements a été fixée au 24 mai 2019, soit le report maximum légal de 18 mois, par le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du 24 novembre 2020, de sorte qu'à cette dernière date le délai de 45 jours imparti par le code de commerce était expiré depuis plus d'un an et demi.

Par ailleurs, Il ressort de la liasse fiscale produite par le liquidateur que le résultat de l'exercice clos le 30 juin 2019 était négatif (- 4 1914 euros) mais surtout que le report à nouveau s'élevait à - 215 000 euros, aucune somme n'apparaissant au titre de la réserve légale, d'où des capitaux propres négatif à hauteur de 185 194 euros pour un capital social de 34 000 euros.

Il résulte de ce qui précède que M. [A], dirigeant de fait de la STM, n'a pas déclaré la cessation des paiements de la STM dans les 45 jours comme le prévoit la loi et ce, alors qu'il ne pouvait ignorer, en sa qualité de dirigeant de fait, les difficultés que rencontrait la STM.

Ce manquement constitue une faute de gestion.

b) Les irrégularités comptables

M. [A] soutient en substance qu'en tant que simple associé, il ne peut lui être reproché d'avoir tenu une comptabilité irrégulière dont la responsabilité incombe au dirigeant de droit.

Le liquidateur reproche à M. [A], dirigeant de fait, une absence de remise d'une comptabilité complète et régulière, et ce malgré ses demandes expresses, l'assignation en sanction et l'instance en cours :

- Aucun élément comptable ne lui a été remis au-delà du 30 juin 2019 ;

- Les liasses fiscales des comptes clos au 30 juin 2018, 2019 et 2020 ne constituent pas des documents comptables en tant que telles ;

- De nombreux chèques ont été émis sans libellés ;

- De nombreux règlements ont été effectués sans factures.

Pour rappel, aux termes de l'article L123-12 du code de commerce, toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement.

Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise.

Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.

Selon l'article L123-14 alinéa 1er du même code, les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise.

L'article R123-174 du même code dispose que :

Les mouvements affectant le patrimoine de l'entreprise sont enregistrés opération par opération et jour par jour pour le livre-journal.

Tout enregistrement comptable précise l'origine, le contenu et l'imputation de chaque donnée ainsi que les références de la pièce justificative qui l'appuie.

Les opérations de même nature, réalisées en un même lieu et au cours d'une même journée, peuvent être récapitulées sur une pièce justificative unique.

Les pièces justificatives sont classées dans un ordre défini au document mentionné à l'article R123-172.

Conformément aux articles R123-175 et R123-176 du même code, les écritures du livre-journal sont portées sur le grand livre et ventilées selon le plan comptable. Le livre-journal et le grand livre sont détaillés en autant de journaux auxiliaires et de livres auxiliaires que les besoins du commerce l'exigent. Les écritures portées sur les journaux et les livres auxiliaires sont centralisées une fois par mois au moins sur le livre-journal et le grand livre.

Par ailleurs, la liasse est un document fiscal qui permet à l'administration fiscale de calculer l'impôt dû par l'entreprise. Elle comprend la déclaration de résultat et les tableaux annexes, permettant à l'Administration fiscale de calculer le montant de l'impôt dû par l'entreprise pour chaque exercice social. Elle rassemble dans ses annexes les détails de tous les documents comptables. Elle est aussi transmise avec le bilan au greffe du tribunal de commerce. Pour autant, elle ne se substitue pas aux documents comptables obligatoires (dont le grand-livre, le registre des immobilisations) et qui serviront précisément à remplir les déclarations fiscales, elles aussi obligatoires (liasse fiscale, déclaration d'impôt, déclaration sociale et déclaration de TVA).

M. [A] ne produit aucune pièce comptable.

Il ressort du procès-verbal de remise des archives et de la comptabilité du 15 juin 2021 signé par M. [A] et produit par le liquidateur que lui ont seulement été remis les journaux (non détaillés) arrêtés au 30 juin 2018 et au 30 juin 2019 et les grands-livres généraux arrêtés au 30 juin 2014 jusqu'à ceux arrêtés au 30 juin 2019.

Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu une absence de comptabilité détaillée constituant une faute de gestion, allant au-delà de la simple négligence, imputable à M. [A] qui, en sa qualité de dirigeant de fait, doit veiller à la réalité et à l'exactitude de la comptabilité de la STM.

c) Le fait d'avoir poursuivi frauduleusement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ou le fait d'avoir maintenu artificiellement l'entreprise défaillante

Il résulte des éléments du dossier qu'au 30 juin 2019, les capitaux propres de la STM étaient largement négatifs (- 185 194 euros) tandis que la réserve légale n'était pas pourvue, ce qui implique une absence totale de résultat positif tant pour l'exercice 2018/2019 (- 4 194 euros) que pour les exercices précédents. Le chiffre d'affaires s'établissait à 216 129 euros, en diminution par rapport à l'exercice précédent, tandis que les charges d'exploitations s'élevaient à 221 766 euros.

L'endettement de la STM est uniquement composé de dettes fiscales et sociales non réglées d'un exercice à l'autre pour un total de 97 038,74 euros, dont :

- la déclaration de créance de l'AGIRC-ARRCO s'élève à 27 541,91 euros dont les cotisations les plus anciennes remontent au première trimestre 2015

- la déclaration de créance de la CGSS s'élève à 43 139 euros dont les cotisations concernées les plus anciennes remontent au deuxième trimestre 2015.

Il résulte de ce qui précède que le grief tenant à la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire est établi à l'encontre de M. [A] en sa qualité de dirigeant de fait.

Il est également établi que la poursuite de l'activité déficitaire de la société s'est effectuée dans l'intérêt personnel de M. [A] qui percevait une rémunération mensuelle et dont les opérations passées en comptabilité ont mis en évidence l'existence de dépenses personnelles sur son compte courant associé d'un montant de 7 807,39 euros sur l'exercice 2014-2015, ainsi que la mention de paiements réalisés pour un montant de 18 900 euros au titre de paiements réalisés au profit de M. [A] via le compte courant fournisseur sans émission de factures corrélatives.

Il résulte par ailleurs du compte location de camions constitutif d'un compte charge que l'entreprise individuelle de M. [A] a perçu la somme de 27 132,45 euros sur l'exercice 2014-2015.

Ces paiements qui bénéficiaient à M. [A] et à son entreprise individuelle ont été effectués alors que la société STM n'honorait pas le paiement de ses charges courantes et accumulait un passif de de dettes sociales et fiscales, ce qui démontre la poursuite d'une exploitation déficitaire dans un intérêt personnel.

3°) Sur le quantum de l'interdiction de gérer

Les premiers juges ont fixé à 10 ans la durée de l'interdiction de gérer infligée à M. [A].

M. [A] conteste cette décision en plaidant que les difficultés rencontrées par la STM sont exclusivement imputables à la cessation du contrat de partenariat conclu avec la société Bourbon Bois qui s'est trouvée elle-même en difficulté et au contexte économique induit par la crise du COVID 19. Il estime que la tenue d'une comptabilité en bonne et due forme était de nature à créer une nouvelle dette à la charge de la STM. Il ajoute qu'il n'a tiré aucun bénéfice de la poursuite de l'activité puisqu'il a continué à exercer la fonction de gestionnaire de transport sans obtenir aucune rémunération en contrepartie.

Le liquidateur fait valoir que le passif se compose de dettes anciennes et manifeste un comportement anti social et fiscal du dirigeant, et ce dès le troisième trimestre 2014, soit bien en amont des difficultés qui auraient été rencontrées avec le client principal, la société Bourbon Bois à compter de 2018.

Le liquidateur précise que :

- M. [A] a créé l'entreprise [A] [N] en 2005 ;

- Les époux [A] ont créé en février 2007 la société Maçonnerie Menuiserie Bâtiment [Y] dont la procédure collective ouverte en juillet 2013 a été clôturée pour insuffisance d'actif en 2014 ;

- M. [A] a créé en 2004 la société Transports et Bâtiment [A] en 2004 dont le siège social est fixé au domicile des époux [A] et dont la procédure collective ouverte en décembre 2013 a été clôturée pour insuffisance d'actif en 2020 ;

- Mme [C] [Y] épouse [A] a créé le 17 mars 2020 la société Transports Matériels Divers dont elle a pris la gérance de droit lors de sa création, M. [A] est entré dans le capital de la société en rachetant l'intégralité des parts de Mme [L] puis les époux [A] ont cédé leurs parts à leur fils M. [F] [A] par le truchement de la société JM Presta OI et lui en ont confié la direction de droit ;

- M. [A] a créé en juillet 2022 la société Performance Autos ;

Ce qui n'est pas contesté par M. [A].

Outre les fautes de gestion retenues à l'encontre de M. [A], il ressort des éléments du dossier que M. [A] a perçu des rémunérations mensuelles au titre de son contrat de travail, mais également en tant qu'entrepreneur individuel, ainsi que des loyers et avantages divers ainsi que l'a démontré l'examen des écritures comptables ci-dessus rappelées.

Face à ces manquements persistants, M. [A], qui n'est pas un néophyte pour avoir dirigé et diriger encore d'autres entreprises, doit être nettement sanctionné, compte tenu de sa carence dans la gestion de la STM.

Aussi, les premiers juges ont parfaitement évalué la durée de l'interdiction de gérer prononcée à l'encontre de M. [A] et limitée aux activités commerciale et artisanale mais n'incluant pas une activité d'exploitation agricole.

Le jugement querellé sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [A] succombant, il convient de :

- Le condamner aux dépens d'appel ;

- Le débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné aux dépens de première instance.

L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur du liquidateur, il convient de lui accorder de ce chef la somme de 2000 euros pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne M. [N] [H] [A] aux dépens d'appel ;

Le condamne à payer à la SELARL [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE