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Décisions

Cass. 3e civ., 4 janvier 1996, n° 93-15.585

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. BEAUVOIS

Paris, du 9 avr. 1993

9 avril 1993

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 avril 1993), que la société Structures internationales a confié l'édification d'un immeuble, le 22 juillet 1987, à la société Loïc Bregean et associés (LBA), qui a sous-traité le lot gros oeuvre à la Société de constructions de génie civil (SCGC), et a conclu le même jour avec le Lloyd Y... (le Lloyd) et l'intervention de la société Architectes bâtisseurs assistance (ABA) un contrat de cautionnement portant garantie de remboursement et d'achèvement ;

que les travaux ayant été interrompus, la société Structures internationales a assigné le Lloyd, la société ABA, la SCGC et le Groupe des assurances nationales (GAN), assureur suivant police dommages-ouvrage ;

que la société SCGC ayant été déclarée en liquidation judiciaire, M. Pavec a repris l'instance en qualité de liquidateur ;

Attendu que la société SCGC fait grief à l'arrêt de rejeter les exceptions d'irrecevabilité qu'elle avait soulevées, alors, selon le moyen "1 ) que les demandes incidentes sont les demandes reconventionnelles ou additionnelles ou l'intervention de sorte que, en se bornant à retenir que l'appel en garantie est une demande incidente sans caractériser en quoi il ressortissait, en l'espèce, de l'une de ces trois formules, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 63 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que sont irrecevables en appel les demandes nouvelles qui ne tendent pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges ;

qu'en l'espèce, en admettant la recevabilité des conclusions d'appel en garantie sous prétexte qu'il s'agissait d'une demande incidente, sans rechercher si cette demande tendait aux mêmes fins que la demande soumise aux premiers juges, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 565, 63 et suivants du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu que, saisie de l'appel principal de la SCGC à l'encontre du jugement l'ayant condamnée à garantie envers le Lloyd, la société ABA et le GAN, et des conclusions de cette appelante lui demandant de constater que l'instance n'était liée à son égard que vis-à -vis du Lloyd et de la société ABA, la cour d'appel, en retenant que ces derniers étaient en droit de relever incidemment appel tant contre la SCGC que contre les autres intimés, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de la SCGC :

Attendu que la SCGC fait grief à l'arrêt de la condamner à réparation en écartant sa demande en nullité de l'expertise, alors, selon le moyen, "1 ) qu'au cours des opérations d'expertise judiciaire, et, en cas de carence des parties, l'expert en informe le juge qui peut ordonner la production des documents, s'il y a lieu sous astreinte, ou bien, le cas échéant, l'autoriser à passer outre ou à déposer son rapport en l'état, de sorte qu'en imposant à une partie de saisir le juge de l'incident de communication -ce qui ne se conçoit qu'en l'absence d'expertise judiciaire- la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 275 du nouveau Code de procédure civile et par fausse application l'article 133 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que le juge doit, en toute hypothèse, observer lui-même le principe de contradiction ;

que le juge doit ordonner la communication à la partie intéressée des pièces remises à l'expert ;

qu'à fortiori, l'expert, qui constate la carence des parties, ne peut-il se contenter d'une communication "partielle", de sorte qu'après avoir constaté cette communication incomplète par l'expert, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) que le technicien doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée, de sorte qu'en considérant que l'absence de signature par l'expert du rapport, qui servirait de base à la condamnation, était indifférente, la cour d'appel a violé l'article 233 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu que, sans violer le principe de la contradiction, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef, en constatant que l'expert avait adressé à la SCGC les documents qu'il avait estimé nécessaires à l'accomplissement de sa mission, en retenant qu'il appartenait à cette société de demander sans forme au juge d'enjoindre la communication de tous autres documents, ce qu'elle avait omis de faire et en relevant que la SCGC n'établissant pas que l'original de l'expertise, authentifié par son dépôt au greffe, ait eu un contenu différent de l'exemplaire en sa possession, ne démontrait pas en quoi la seule absence d'apposition de signature par l'expert lui avait fait grief ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal de la SCGC :

Attendu que la SCGC fait grief à l'arrêt de la condamner à réparation à l'égard de la société Structures internationales, alors, selon le moyen, "1 ) qu'après avoir relevé que c'était le manque de concordance des documents contractuels qui était la cause des erreurs de mise en oeuvre et non-conformité aux règles de l'art, la cour d'appel, qui n'a pas recherché en quoi cette discordance des documents contractuels aurait été imputable à la SCGC, dont elle retient néanmoins la responsabilité, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2 ) qu'en retenant la responsabilité quasi délictuelle d'un entrepreneur sans constater ni l'existence d'une faute contractuelle imputable à l'entrepreneur, ni davantage l'existence d'une faute extérieure au contrat dont il serait l'auteur, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la SCGC avait supprimé la semelle figurant au plan, que, voyant selon l'expert "la bouillasse" dans laquelle elle travaillait, elle aurait dû arrêter le chantier et demander une étude de sol au lieu de couler des tonnes de béton comme elle l'a fait, ce qui a eu pour conséquence que le centre de gravité de la semelle n'était pas au même endroit que les charges à supporter, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en en déduisant que cette sous-traitante chargée des fondations avait commis une faute quasi-délictuelle ayant contribué à la réalisation de l'entier dommage subi par le maître de l'ouvrage ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal de la SCGC, ci-après annexé :

Attendu que la SCGC n'est pas recevable à critiquer un chef de dispositif concernant une autre partie et qui ne lui fait pas grief ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal du Lloyd, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que le Lloyd fait grief à l'arrêt de le condamner à indemnisation envers la société Structures internationales, alors, selon le moyen, "1 ) que la cour d'appel en se bornant à affirmer que les malfaçons et les non-conformités révélées par l'expertise ne pouvaient constituer une cause étrangère exonératoire sans préciser les raisons pour lesquelles elle excluait, en l'espèce, l'existence d'une telle cause, n'a pas permis à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur l'application de cette notion ;

qu'elle a, de ce fait, entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

2 ) que la cour d'appel, qui constatait que les malfaçons dont les fondations de l'immeuble étaient atteintes et dont le Lloyd Y... n'avait pas à répondre, entraîneraient l'effondrement dudit immeuble s'il était achevé, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard de l'article 1147 du Code civil, en décidant que le Lloyd Y..., tenu d'une obligation d'achèvement de l'immeuble, ne justifiait pas que l'inexécution de son obligation provenait d'une cause étrangère qui ne pouvait lui être imputée" ;

Mais attendu qu'ayant retenu l'inexécution par le Lloyd de son obligation de faire achever les travaux dans les délais prévus, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en constatant que ce contractant ne démontrait pas que les malfaçons des travaux effectués aient constitué pour lui une cause étrangère exonératoire de sa responsabilité ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal du Lloyd, pris en sa troisième branche, ci-après annexé :

Attendu que le Lloyd n'ayant pas devant la cour d'appel soutenu que, par application de l'article 6 du contrat de cautionnement, la garantie de remboursement avait cessé avec la levée des clauses suspensives prévues à l'article 7 I du contrat de construction, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ;

Sur le second moyen du pourvoi principal du Lloyd :

Attendu que le Lloyd fait grief à l'arrêt de le condamner à indemnisation de la moitié du dommage immatériel de la société Structures Internationales, alors, selon le moyen, "que le cautionnement ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ;

que, dès lors, le Lloyd Y... s'étant porté caution de l'achèvement des travaux dans les conditions prévues au contrat de construction dans la limite du montant contractuel, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les articles 2015 et 1134 du Code civil, le condamner à indemniser la société Structures internationales de partie des dommages immatériels liés au défaut d'achèvement de la construction" ;

Mais attendu qu'ayant prononcé la résolution du contrat de cautionnement aux torts du Lloyd pour inexécution par celui-ci de son obligation de faire achever les travaux, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant que ce cocontractant devait à la société Structures Internationales indemnisation du préjudice financier consécutif à l'inachèvement dans les délais prévus ;

Sur le premier moyen du pourvoi provoqué :

Attendu que le GAN fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Structures Internationales la réparation des dommages matériels, alors, selon le moyen, "que l'assurance de dommages ne peut être mise en oeuvre qu'au profit du propriétaire de l'ouvrage ;

qu'en ayant ainsi statué par des motifs d'où il ne résulte pas que la société Structures internationales était propriétaire de l'ouvrage assuré, et pouvait par là même revendiquer à son profit le bénéfice du contrat souscrit auprès du GAN, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du Code des assurances" ;

Mais attendu que la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en constatant que la société Structures internationales, maître de l'ouvrage, qui avait souscrit la police pour le compte de Natio crédit-bail, prouvait que l'opération de crédit-bail qu'elle avait engagée avec cette société n'avait pas eu de suite, et qu'elle avait réglé les travaux des entreprises ;

Sur le second moyen du pourvoi provoqué, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel n'ayant pas retenu que la société Structures internationales avait renoncé à la construction de l'immeuble, le moyen manque en fait ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit du GAN et de la société Lloyd continental ;

Condamne M. Pavec, ès qualités, à payer à l'UAP la somme de 8 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne, ensemble, M. Pavec, ès qualités, le Lloyd et le GAN à payer à la société Structures internationales la somme de 8 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Les condamne, ensemble, aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatre janvier mil neuf cent quatre-vingt-seize.