CA Versailles, 3e ch., 14 janvier 2021, n° 19/05522
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Indigo Park (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bou
Conseillers :
Mme Bazet, Mme Derniaux
FAITS ET PROCÉDURE
Le 31 août 2011, M. Thierry G. a souscrit un contrat d'abonnement d'une durée d'un an pour un emplacement de stationnement au Parking Invalides situé [...], exploité par la société Indigo Park, venant aux droits de la société Vinci Park. Aux termes de ce contrat, M. G. dispose d'un badge pour ouvrir la porte d'entrée du parking. Ce contrat a été reconduit tous les ans jusqu'au 1er septembre 2019.
Le 6 avril 2018, vers 23h 15, M. G. et sa compagne, Mme Sabine de la P. des V., se sont rendus au parking Invalides pour reprendre le véhicule de M. G., après une soirée passée au théâtre.
Ils ont été victimes d'une agression commise par un individu non identifié, qui leur a fait remettre, sous la menace d'un couteau, divers bijoux ainsi que le portefeuille de M. G., avant de prendre la fuite.
Mme de la P. des V. et M. G. ont déposé plainte auprès du commissariat de police du 7ème arrondissement dans la nuit du 6 au 7 avril 2018.
Le 16 avril 2018, Mme de la P. des V. et M. G. ont fait état de leur agression à la société Indigo Park et ont dénoncé une défaillance dans la sécurité du parking.
Par lettre recommandée du 14 mai 2018, ils ont mis en demeure la société Indigo Park de leur verser la somme de 25 120 euros en réparation des préjudices subis.
Le 31 mai 2018, la société Indigo Park a refusé d'accéder à ces demandes.
Par acte d'huissier délivré le 1er octobre 2018, Mme de la P. des V. a assigné la société Indigo Park devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin d'être indemnisée de ses préjudices.
Par acte délivré le même jour, M.G. a assigné la société Indigo Park devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin d'être indemnisé de ses préjudices.
Par jugement réputé contradictoire du 6 juin 2019, le tribunal a :
- ordonné la jonction des deux instances
- débouté M. G. de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Indigo Park,
- débouté Mme de la P. des V. de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Indigo Park,
- condamné M. G. et Mme de la P. des V. aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la décision.
Par deux actes du 24 juillet2019, Mme de la P. des V. et M.G. ont interjeté appel.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 2 février2020.
Par conclusions signifiées le 18 février 2020, Mme de la P. des V. demande à la cour de :
- infirmer dans toutes ses dispositions le jugement dont appel et, statuant à nouveau de :
- juger que la société Indigo Park a manqué aux obligations découlant du contrat passé avec le compagnon de Mme De la P. des V. et est, dès lors, responsable des préjudices subis par cette dernière lors de l'agression du 6 avril 2018,
- condamner la société Indigo Park à lui verser la somme de 20 000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices physique, matériel et moral que l'agression lui a causés,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Indigo Park,
- condamner la société Indigo Park, à lui verser la somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions signifiées le 18 février 2020, M.G. demande à la cour de :
- juger que la société Indigo Park a manqué aux obligations découlant du contrat passé avec M.G. et est responsable des préjudices subis lors de l'agression du 6 avril 2018
- condamner la société Indigo Park à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices matériel et moral que l'agression lui a causés,
- condamner la société Indigo Park à lui verser la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance avec recouvrement direct
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Indigo Park
Par dernières écritures du 8 septembre 2020, la société Indigo Park demande à la cour de :
- déclarer M. G. recevable, mais mal fondé en son appel,
- et statuant à nouveau,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- rejeter, comme mal fondées, les demandes, fins et prétentions de M. G.,
- rejeter, comme mal fondées, les demandes, fins et prétentions de Mme De la P. des V.,
- condamner in solidum M. G. et Mme De la P. des V. à lui payer une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. G. et Mme De la P. des V. en tous les dépens d'instance et d'appel avec recouvrement direct
Par arrêt du 29 octobre 2020, la cour a ordonné la réouverture des débats pour l'audience du 16 novembre 2020, invité la société Indigo Park à communiquer les deux bandes extraites de la vidéo-surveillance du parking Invalides du 6 avril 2018 sur le support d'une clé USB et dit qu'il est sursis à statuer sur le mérite des demandes des parties.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2020.
SUR QUOI, LA COUR
Le tribunal a rappelé que M.G. avait souscrit avec la société Indigo Park un contrat d'abonnement de stationnement et que ses demandes avaient un fondement contractuel, celui des demandes formées par Mme de la P. des V. étant de nature délictuelle, la faute reprochée à la société Indigo Park pouvant être constituée par un manquement à une obligation contractuelle. Le tribunal a observé que quelque soit le fondement, il appartenait à M.G. et Mme de la P. des V. de rapporter la preuve d'une faute imputable à la société Indigo Park en lien de causalité avec leurs préjudices.
S'agissant du manquement à l'obligation de sécurité de la société Indigo Park, le tribunal a rappelé qu'elle s'analysait en une obligation de moyens et a jugé que l'affirmation selon laquelle l'agresseur avait ouvert la porte du parking en la 'tapant' simplement de la main n'était pas étayée par les dépositions faites par les demandeurs devant les services de police. Il a retenu qu'aucun élément matériel objectif ne permettait de déterminer l'état de la porte et le fonctionnement de son verrouillage au moment des faits, M.G. et Mme de la P. des V. se bornant à affirmer que la défaillance du système de sécurité se déduisait de la facilité avec laquelle l'agresseur s'était introduit dans le parking.
Concernant le manquement allégué à la garantie de jouissance paisible, le tribunal a jugé que l'exploitant d'un parc de stationnement a pour obligation essentielle de mettre à la disposition de l'utilisateur la jouissance paisible d'un emplacement pour lui permettre de laisser sa voiture en stationnement et qu'en application de l'article 1725 du code civil, il n'était pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par des voies de fait à sa jouissance. Le tribunal a jugé que l'exploitant d'un parc de stationnement ne répondait pas des troubles de fait causés par les tiers, qu'il appartiendra au preneur de faire réparer directement et en son nom personnel auprès des personnes responsables.
Soutenant que la société Indigo Park a manqué à son obligation de sécurité, M. G. et Mme de la P. des V. font valoir que l'agresseur a seulement eu besoin de frapper la porte de la main, sans s'aider d'un objet ou d'un badge, pour parvenir à la rouvrir. Ils affirment que les extraits-vidéos de la bande de surveillance prouvent qu'en moins de 30 secondes, l'agresseur a pu rentrer dans le parking et en déduisent que l'agression subie est bien consécutive à une défaillance du système de sécurité, établissant ainsi que la responsabilité de l'exploitant est engagée.
M.G. et Mme de la P. des V. font ensuite valoir que si l'exploitant d'un parking ne peut être tenu de répondre du comportement de tiers à l'intérieur de ce parking, il est de sa responsabilité, sur le fondement de l'article 1719 du code civil, de faire en sorte qu'aucun tiers ne puisse, sans y avoir Ie droit ou sans être accompagné par un abonné, franchir l'espace réservé aux abonnés et empêcher ceux-ci potentiellement de jouir paisiblement de la chose Iouée.
En réponse, la société Indigo Park souligne que l'objet du contrat d'abonnement est la mise à la disposition de l'abonné de deux emplacements de stationnement mais qu'elle ne supporte pas d'obligation contractuelle de sécurité relative à la circulation à pied de l'abonné à l'intérieur du parc de stationnement, ayant seulement pour obligation d'assurer la jouissance paisible des emplacements de stationnement. Elle rappelle à cet effet les dispositions de l'article 8 des conditions générales du contrat d'abonnement. Elle ajoute qu'en tout état de cause, M. G. et Mme de la P. des V. ne démontrent nullement la réalité d'un défaut de fonctionnement de la porte d'entrée du parking. Elle souligne qu'il ressort de la vidéosurveillance qu'il ne s'est écoulé que quelques secondes entre l'entrée de l'abonné et celle de l'agresseur, sans que ne puisse être déterminé avec certitude si la porte avait pu se fermer complètement, c'est-à-dire se verrouiller, avant l'entrée de ce dernier, manifestement déjà présent au moment où elle allait se refermer.
S'agissant de l'obligation qui lui est faite de permettre au locataire de jouir paisiblement de la chose louée, que seule M.G. peut invoquer à l'exclusion de Mme de la P. des V., la société Indigo Park fait valoir que les appelants ont bien été victimes du fait d'un tiers et qu'elle n'a commis aucune faute ayant facilité la commission de cette infraction.
* * *
L'obligation essentielle de l'exploitant d'un parc de véhicules est de mettre à la disposition de l'utilisateur la jouissance paisible d'un emplacement pour lui permettre d'y laisser sa voiture en stationnement. Il est de principe que si à l'égard de son cocontractant, il est tenu à une obligation de sécurité, il s'agit d'une obligation de moyens, dés lors que l'utilisateur de ses services n'a pas un rôle purement passif puisqu'il se déplace librement à pied et au volant de son véhicule au sein du parking.
L'ouverture de la porte d'accès au parking des Invalides s'effectue en principe au moyen d'un badge. Elle se ferme à l'aide d'un groom puis se verrouille au moyen de deux ventouses.
M.G. a déclaré, le 7 avril 2018, aux services de police du 7ème arrondissement de Paris : 'lorsqu'on est arrivés au parking, nous sommes rentrés dans le parking par la petite porte de l'entrée piétonne réservée aux abonnés et nécessitant l'usage d'un badge. J'ai ouvert la porte avec mon badge. La porte s'est refermée.
Nous nous sommes dirigés vers ma voiture lorsque nous avons entendu un individu hurlant et nous demandant d'ouvrir la porte. Nous n'avons pas ouvert la porte ni fait demi tour. Nous avons continué à nous diriger vers mon véhicule. Lorsque nous étions en train d'ouvrir les portes du véhicule, un individu de sexe masculin s'est précipité sur nous. Il s'est tourné vers ma compagne en disant 'votre mari est dingue, il ne m'a pas ouvert la porte'.
Mme de la P. des V. a fait la déclaration suivante : 'lorsqu'on est arrivés au parking, nous avons descendu l'escalier et nous avons ouvert la porte avec notre badge. Je précise que la porte s'est refermée directement derrière nous. On s'est ensuite dirigés vers la voiture de M. G.. C'est alors qu'on a entendu crier
''Monsieur, Monsieur''. Nous ne pouvions plus voir la porte mais nous savions que l'individu était derrière la porte car il tapait sur la porte. Nous n'avons pas été voir car ça nous paraissait bizarre et nous sommes vite rentrés dans la voiture. Au moment d'ouvrir la porte côté passager afin de m'asseoir dans le véhicule, l'individu est arrivé derrière moi'. A la question 'aviez vous déjà vu cet individu '' Mme de la P. des V. répond : 'je suis sûre de l'avoir déjà croisé soit sur le [...] soit en arrivant à la T. Maubourg' et précise qu'elle l'a croisé entre 22h45 et 23 heures.
La lecture de la bande extraite de la video-surveillance révèle qu'après le passage de M.G. et de Mme de la P. des V., la porte se ferme à 23h07minutes 03 secondes. Or deux secondes plus tard, se dessine dans le hublot de la porte le visage d'un homme, qui ensuite disparaît et réapparaît. A 23h07minutes et 28 secondes, la porte s'ouvre et l'individu entre dans le couloir.
Manifestement, l'agresseur était présent au moment où la porte venait de se refermer sans qu'il puisse être affirmé qu'elle s'était déjà verrouillée, étant rappelé que Mme de la P. des V. est certaine d'avoir vu son agresseur très peu de temps auparavant, dans le métro, de sorte que les deux victimes ont très vraisemblablement été suivies lorsqu'elles sont descendues dans l'escalier donnant accès au parking.
Aucun élément objectif ne permet de retenir que c'est en frappant du seul plat de la main que l'individu aurait pu obtenir l'ouverture de la porte, laquelle se ferme dans un premier temps puis dans un second temps seulement se verrouille. L'examen de la bande vidéo permet de constater que la porte s'ouvre en la tirant vers soi, de sorte qu'elle ne pourrait s'ouvrir en la frappant de la main.
Aucun élément ne permet non plus de retenir que le dispositif de fermeture de la porte n'aurait pas fonctionné normalement.
M.G. et Mme de la P. des V. ne peuvent donc être suivis lorsqu'ils affirment que le bien fondé de leur demande résulte du constat d'un défaut de fonctionnement du système de fermeture de la porte qui aurait permis à une personne ne disposant pas de badge de pénétrer à l'intérieur du parking.
S'agissant du manquement allégué à l'obligation de jouissance paisible, si l'article 1719 3° du code civil impose à l'exploitant d'un parc de stationnement de permettre à l'utilisateur la jouissance paisible d'un emplacement afin d'y laisser son véhicule en stationnement, l'article 1725 du même code dispose que le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel.
Ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal, M.G. et Mme de la P. des V. ont été victimes de faits d'extorsion commis à l'aide d'un couteau par un individu non identifié qui est un tiers à la relation contractuelle existant entre M.G. et la société Indigo Park, ces faits étant constitutifs de troubles au sens de l'article 1725 précité, dont la société Indigo Park ne répond pas dés lors qu'il a été jugé précédemment que n'est pas rapportée la preuve d'une faute commise par celle-ci ayant contribué ou facilité la commission de cette infraction.
La production par les appelants de la copie d'échanges sur un site de discussion entre des utilisateurs mécontents de parkings exploités par la société Indigo Park est sans portée, dés lors que les échanges ne concernent pas le parking des Invalides.
Le jugement sera en conséquence approuvé d'avoir rejeté les demandes que forment M.G. et Mme de la P. des V. et confirmé en toutes ses dispositions.
Les appelants, qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel avec recouvrement direct et verseront à la société Indigo Park une indemnité de procédure de 2000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne in solidum M.G. et Mme de la P. des V. à payer à la société Indigo Park la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum M.G. et Mme de la P. des V. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.