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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 25 septembre 2024, n° 24/00196

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 24/00196

25 septembre 2024

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 25 SEPTEMBRE 2024

N° RG 24/00196 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NS5S

[D] [Z]

c/

S.A.R.L. GD AUTOMOTIVE

Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 18 décembre 2023 par le Président du Tribunal judiciaire de BORDEAUX (RG : 23/01766) suivant déclaration d'appel du 12 janvier 2024

APPELANT :

[D] [Z]

Né le 4 mars 1967 à [Localité 3]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laure CAVANIE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX assisté de Me Henri ROUCH de la SELARL WARN AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.R.L. GD AUTOMOTIVE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Valérie JANOUEIX de la SCP BATS - LACOSTE - JANOUEIX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX assistée par Me Damien LORCY, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LOUWERSE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Paule POIREL, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Isabelle LOUWERSE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

Greffier lord du prononcé : Séléna BONNET

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [Z] a acquis auprès de la Sarl GD Automotive exerçant sous le nom commercial Icon Motos, selon bon de commande en date du 25 mai 2023, un véhicule FORD Mustang Fastback mis en circulation le 1er janvier 1967, moyennant le prix de 60 000 euros payé le 13 juin 2023, qui avait été mis en dépôt par M. [V] [H] le 30 janvier 2023. M. [Z] a pris livraison du véhicule le 16 juin 2023.

Expliquant qu'aussitôt après avoir pris livraison du véhicule, il avait constaté des défectuosités au niveau du démarreur et des freins, qu'il avait redéposé le véhicule au garage le 17 juin puis envoyé à la Sarl GD Automobile un SMS dans lequel il exprimait sa volonté d'annuler la vente, ce que celle-ci a refusé, M. [Z] a, par acte en date du 1er août 2023, assigné la Sarl GD Automotive, au visa des articles 835 du code de procédure civile et L.221-1 et L.221-18 et suivants du code de la consommation devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fin de voir :

- à titre principal,

- juger que le contrat conclu entre eux le 25 mai 2023 est annulé du fait de sa rétractation en date du 17 juin 2023 ;

- ordonner le remboursement intégral de son achat, soit la somme de 60 916,77 euros majorée de 50 % à compter du 14ème jour suivant l'exercice du droit de rétractation, soit la somme de 30 458,38 euros ;

- en conséquence, condamner à titre provisionnel la Sarl GD Automotive à lui régler la somme de 91 375,16 euros arrêtée au 1 er août 2023, à parfaire ;

- à titre subsidiaire, condamner à titre provisionnel la société GD Automotive à lui régler la somme de 60 916,77 euros.

Par ordonnance du 18 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- débouté M. [Z] de ses demandes ;

- condamné M. [Z] à payer à la Sarl GD Automotive la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [Z] aux entiers dépens.

Par déclaration électronique du 12 janvier 2024, M. [Z] a relevé appel de la décision.

Par ordonnance du 7 février 2024, l'affaire relevant de l'article 905 du code de procédure civile a été fixée pour être plaidée à l'audience de plaidoiries du 26 juin 2024, avec clôture de la procédure au 12 juin 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 février 2024, M. [Z] demande à la cour, sur le fondement des articles 835 du code de procédure civile, L.221-1 et L.221-18 et suivants du code de la consommation, de :

- recevoir M. [Z] en son appel et l'y déclarer bien fondé,

- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Bordeaux le 18 décembre 2023 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- vu la validité de la rétractation du contrat exprimée le 17 juin 2023,

- prononcer l'annulation du contrat conclu entre M. [Z] et la Sarl GD Automotive le 25 mai 2023,

En conséquence :

- condamner à titre provisionnel la Sarl GD Automotive à rembourser à M. [Z] la somme de 103.558,51 euros arrêtée au 1er janvier 2024, correspondant au principal soit 60.916,77 euros majorée à compter du quatorzième jour suivant l'exercice du droit de rétractation (le 1 er juillet 2023) de 70% soit la somme de 42.641,74 euros,

A titre subsidiaire,

- condamner à titre provisionnel la Sarl GD Automotive à régler à M. [Z] la somme de 60.916,77 euros ;

En tout état de cause

- condamner la Sarl GD Automotive à verser à M. [Z] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl GD Automotive aux entiers dépens de la procédure de référés ainsi que de la procédure d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 mars 2024, la Sarl GD Automotive demande à la cour de :

- déclarer M. [Z] mal fondé en son appel,

- confirmer l'ordonnance rendue le 18 décembre 2023 en toutes ses dispositions,

- débouter M. [Z] de ses demandes,

- condamner M. [Z] au paiement d'une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément fait référence aux conclusions susvisées pour un exposé complet des prétentions et des moyens en fait et en droit développés par chacune des parties.

A l'audience, il a été demandé aux parties de formuler leurs observations sur l'étendue des pouvoirs du juge des référés pour statuer sur la demande tendant à voir prononcer l'annulation du contrat conclu entre M. [Z] et la Sarl GD Automotive le 25 mai 2023 telle que formée par M. [Z]. Elles ont été autorisées à déposer une note en délibéré au plus tard sous quinzaine.

Par sa note en délibéré, la Sarl GD Automotive fait valoir que l'appréciation de la validité des actes juridiques n'entre pas dans les attributions du juge des référés (Soc 14 mars 2006, 04-48322, pour un contrat), fût-ce pour faire cesser un trouble manifestement illicite (Com, 13 janvier 2021, 18-25713, au sujet d'une délibération sociale).

M. [Z] a indiqué pour sa part ne pas avoir sollicité la nullité du contrat mais demandé qu'il soit constaté que la rétractation régularisée par lui le 17 juin 2023 répondait à l'ensemble des conditions prévues par la loi protégeant les consommateurs et que cette rétractation soit considérée comme valide, ce qui entraîne l'annulation du contrat.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Sur les pouvoirs du juge des référés pour se prononcer sur la demande d'annulation du contrat conclu entre M. [Z] et la Sarl GD Automotive :

Selon l'article 484 du code de procédure civile , 'l'ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires.'

L'article 834 du code de procédure civile prévoit par ailleurs que 'Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.' L'article 835 permet en outre au juge des référés, même en présence d'une contestation sérieuse, de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite et, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, d'accorder une provision au créancier, ou d'ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l'espèce, M. [Z] sollicite en premier lieu, contrairement à ce qu'il indique dans sa note en délibéré, que soit prononcée l'annulation de la vente du véhicule automobile passée le 25 mai 2023 avec la Sarl GD Automotive et qu'en conséquence la somme de 103.558,51 euros lui soit allouée à titre de provision à valoir sur le remboursement du prix de vente et subsidiairement, celle de 60.916,77 euros. Il expose que le véhicule Ford Mustang Fastback mis en circulation en 1967 a été acquis auprès de la société GD Automotive dans le cadre d'une vente à distance, qu'ayant découvert immédiatement après avoir pris possession du véhicule que celui-ci présentait des défauts, il a informé par SMS envoyé le 17 juin 2023, confirmé par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 juin 2023, la venderesse de son intention de résilier la vente. Il estime qu'il a ainsi régulièrement exercé la faculté de rétractation dans le délai de 14 jours suivant la réception du bien tel que prévu par l'article L. 221-18 du code de la consommation dans le cadre des ventes à distance définies par l'article L221-1 du même code et qu'en conséquence la validité de cette rétractation entraîne l'annulation de la vente.

La Sarl GD Automotive demande la confirmation de l'ordonnance en ce que M. [Z] a été débouté de ses demandes, le juge des référés ayant retenu l'existence de contestations sérieuses tenant d'une part à la qualité de venderesse et de débitrice de la Sarl GD Automotive et d'autre part à la qualification de vente à distance.

Quand bien même l'annulation de la vente du véhicule serait une conséquence de la faculté de rétractation régulièrement exercée ainsi que le fait valoir M. [Z], il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de se prononcer sur une telle demande d'annulation qui ne peut se confondre avec une demande tendant à voir constater la résolution d'un contrat comme conséquence des effets d'une faculté de rétractation régulièrement exercée, laquelle nécessite un examen au fond du litige relevant de la juridiction du fond.

Le demande de M. [Z] tendant à voir prononcer l'annulation de la vente du véhicule n'entrant pas dans les pouvoirs juridictionnels du juge des référés ni dans ceux de la cour investie des mêmes pouvoirs, il convient de dire qu'il n'y a pas lieu à référé sur cette demande, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il existe des contestations sérieuses sur la demande formée à ce titre.

Sur la demande de provision.

La demande de paiement de la somme de 103.558,51 euros formée à titre provisionnel correspond au prix de vente soit 60.916,77 euros, majoré à compter du quatorzième jour suivant l'exercice du droit de rétractation de 70 %, soit une somme de 42.641,74 euros.

En application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, une provision au créancier.

Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant.

En l'espèce, la demande de provision correspondant au remboursement du prix de vente du véhicule majoré, comme conséquence de l'annulation de la vente du véhicule, se heurte à une contestation sérieuse dès lors que la demande à ce titre n'a pas été accueillie en sorte qu'il n'y a pas lieu à référé sur celle-ci.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'ordonnance entreprise doit être infirmée en ce qu'elle a débouté M. [Z] de toutes ses demandes. Il convient de statuer à nouveau et de dire qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande tendant à voir prononcer l'annulation de la vente du véhicule acquis par M. [Z] le 25 mai 2023 auprès de la Sarl GD Automotive, M. [Z] étant débouté de sa demande de provision. L'ordonnace sera confirmée sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a statué sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile .

Partie perdante, M. [Z] sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à la Sarl GD Automotive une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme partiellement l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté M. [D] [Z] de ses demandes,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir prononcer l'annulation du contrat conclu entre M. [D] [Z] et la Sarl GD Automotive le 25 mai 2023,

Confirme l'ordonnance pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne M. [D] [Z] à payer à la Sarl GD Automotive une somme de 1000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [D] [Z] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,