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Décisions

CA Paris, Pôle 3 - ch. 1, 25 septembre 2024, n° 20/18677

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 20/18677

25 septembre 2024

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2024

(n° 2024/ , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/18677 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2ZZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2020 - Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 16/09269

APPELANTE

INSTITUT [16] ([16]), association de droit alsacien-mosellan, représenté par son Président

[Adresse 6]

[Localité 10]

représentée par Me Benoît SEVILLIA, avocat au barreau de PARIS, toque : W06, avocat plaidant

INTIMEES

Madame [D] [N] épouse [A]

née le [Date naissance 3] 1925

[Adresse 13]

[Localité 12]

Madame [G] [A] épouse [I]

née le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 21]

[Adresse 14]

[Localité 15]

Madame [F] [A] veuve [R]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 20]

[Adresse 8]

[Localité 12]

représentées par Me Béatrice BUSQUERE-BEAURY de l'AARPI 2BA Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0308, avocat plaidant

PARTIES INTERVENANTES

FONDATION [O] ET [P] [J], dont l'intervention a été déclarée irrecevable par ordonnance du Conseiller de la mise en état du 11.05.2022

[Adresse 17]

[Adresse 17]

[Localité 7]

représenté par Me Alexandre DAZIN, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [T] [V], dont l'intervention a été déclarée irrecevable par ordonnance du Conseiller de la mise en état du 11.05.2022

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 19] (44)

[Adresse 9]

[Localité 11]

représenté par Me Benoît SEVILLIA, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

M. Bertrand GELOT, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Isabelle PAULMIER- CAYOL dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[P] [N] est décédée le [Date décès 5] 2016.

Par testament authentique du 26 juin 1997, elle a institué pour légataire universel son époux, M. [J] et au cas où il serait décédé avant elle, a désigné l'Institut [16] ([16]) légataire de l'ensemble de ses biens situés en France et en Espagne, à charge pour cet institut de transmettre l'intégralité des biens concernés par ce legs dans les meilleurs délais à l'Institut [18] ([18]), M. [T] [V], directeur de l'[16] en France, étant désigné exécuteur testamentaire.

Le 4 février 2014, [P] [N] a été placée sous sauvegarde de justice avec désignation d'un mandataire spécial et le 23 juin 2014, elle a été placée sous tutelle, ses nièces, Mmes [G] et [F] [A] étant désignées en qualité de co-tutrices.

Suivant testament authentique du 28 juillet 2015, réalisé après autorisation du juge des tutelles suivant l'ordonnance du 10 juillet 2015 rendue au vu d'un certificat médical établi le 12 juin 2015 par le Docteur [U], médecin psychiatre inscrit sur la liste du Procureur de la République, [P] [N] a révoqué tous les précédents testaments et a institué sa s'ur, Mme [D] [N] légataire universelle.

Par acte d'huissier du 4 mai 2016, l'[16] a fait assigner Mme [D] [N] épouse [A] ainsi que Mmes [G] et [F] [A] (ci-après les consorts [A]) devant le tribunal judiciaire de Paris principalement aux fins d'annulation de ce dernier testament authentique.

Par jugement contradictoire du 27 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a notamment :

- déclaré irrecevables :

* les conclusions de l'Institut [16] notifiées par voie électronique les [Date décès 5] et 31 juillet 2020,

* les conclusions de Mmes [D] [N], [G] et [F] [A] notifiées par voie électronique les 10 février, 9 mars et 31 août 2020,

-écarté des débats :

* les pièces n°143, 144 et 145 produites par l'Institut [16],

* les pièces n°127 à 130 produites par Mmes [D] [N], [G] et [F] [A],

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit à agir de Mmes [G] et [F] [A],

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir de [G] et [F] [A] ;

- déclaré irrecevable la demande de nullité du testament du 28 juillet 2015 ;

- rejeté les demandes de l'Institut [16] tendant :

* au partage de la succession de [P] [N],

*à la condamnation de Mmes [D] [N], [G] et [F] [A] au paiement d'une somme égale aux intérêts au taux légal ayant commencé à courir à compter du 12 mars 2016 sur les sommes représentant la succession de [P] [N],

*à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes de Mmes [D] [N] tendant à :

* la condamnation de l'Institut [16] à lui payer la somme de 30 000 euros,

* la condamnation de l'Institut [16] à lui payer les intérêts au taux légal du montant de l'actif net de la succession,

* l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes de Mmes [G] et [F] [A] tendant à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Institut [16] aux dépens, dont distraction au profit de Me Béatrice Busquère-Beaury.

L'institut [16] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 18 décembre 2020.

Mme [D] [N] et Mmes [G] et [F] [A] ont constitué avocat le 6 janvier 2021.

L'appelante a remis ses premières conclusions au greffe le 17 mars 2021.

Les intimées ont quant à elles remis leurs premières conclusions au greffe le 16 juin 2021.

Par des conclusions séparées notifiées le 16 septembre 2021, la fondation de droit malgache [O] et [P] [J] - Institut [18] ([18]) d'une part et M. [T] [V] d'autre part sont intervenus volontairement à la procédure.

Par conclusions remises le 16 juin 2021, les consorts [N]-[A] ont soulevé devant le conseiller de la mise en état l'irrecevabilité des prétentions de l'Institut [16] aux motifs qu'elles seraient nouvelles en appel comme ayant été formées pour la première fois en qualité d'exécuteur testamentaire.

Par ordonnance du 11 mai 2022, le conseiller de la mise en état près la cour d'appel de Paris a notamment :

- rejeté la demande de Mmes [D] [N], [G] et [F] [A] fondée sur l'article 74 du code de procédure civile tendant à voir juger irrecevable l'[16] en son exception d'incompétence du conseiller de la mise en état ;

- déclaré irrecevable la demande de Mmes [D] [N], [G] et [F] [A] fondée sur l'article 564 du code de procédure civile ;

- déclaré irrecevables les fins de non-recevoir soulevées par Mmes [D] [N], [G] et [F] [A] pour défaut de qualité à agir ou défaut d'intérêt à agir de l'[16] ou prescription de son action ;

- déclaré irrecevable l'intervention de la Fondation [O] et [P] [J] ' Institut [18] ([18]) ;

- déclaré irrecevable l'intervention de M. [T] [V] ;

- réservé les dépens du présent incident qui suivront le sort de l'instance d'appel au fond.

Cette ordonnance ayant été déférée à la cour, par un arrêt du 11 octobre 2023, la cour a confirmé l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la fondation « [O] et [P] [J]-[18] » et statué sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ; les chefs de l'ordonnance d'incident ayant statué sur les autres irrecevabilités n'ont pas fait l'objet du déféré.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 mai 2024, l'institut [16], appelante, demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 27 octobre 2020,

statuant à nouveau,

- juger l'Institut [16] recevable à agir en nullité du testament authentique du 28 juillet 2015 qui institue Mme [D] [N] comme légataire, à défaut Mme [G] [A] et de Mme [F] [A],

- rejeter la demande de mise hors de cause de Mme [G] [A] et de Mme [F] [A],

- annuler le testament du 28 juillet 2015 établi par [P] [J], au motif d'une part de l'absence de discernement suffisant au jour de l'acte et d'autre part des man'uvres dolosives entreprises à l'encontre de la testatrice,

en tout état de cause et par conséquent,

- ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation, et partage de la succession de [P] [J] conformément au testament du 26 juin 1997,

- désigner tel notaire qu'il lui plaira afin de procéder aux opérations de liquidation partage de la succession de [P] [J], hors étude de Me [M] [X] et Me [W] [L],

- condamner Mme [D] [N], Mme [G] [A] et Mme [F] [A] au paiement au profit de l'Institut [16], d'une somme égale aux intérêts au taux légal ayant commencé à courir à compter du 12 mars 2016 sur les sommes représentant la succession de la défunte et dont le montant sera précisément déterminé à l'occasion de l'ouverture des opérations de compte de la succession,

- débouter Mme [D] [N], Mme [G] [A] et Mme [F] [A] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [D] [N], Mme [G] [A] et Mme [F] [A] à payer 20 000 euros à l'Institut [16] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [D] [N], Mme [G] [A] et Mme [F] [A] aux entiers dépens, dont distraction requise au profit de Me Benoît Sevillia, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 21 mai 2024, Mme [D] [N] et Mmes [G] et [F] [A], intimées, demandent à la cour de :

sur l'appel principal de l'Institut [16],

- débouter l'Institut [16] de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de Mmes [A],

sur les fins de non-recevoir renvoyées à la cour par l'ordonnance du 11 mai 2022,

- juger que le changement de qualité à agir de l'Institut [16] entre la première instance et l'appel en sollicitant à hauteur d'appel la nullité du testament du 28 juillet 2015 en sa qualité prétendue d'exécuteur testamentaire constitue une demande nouvelle en appel ;

- juger que la demande en nullité du testament du 28 juillet 2015 ne tend pas au partage de la succession en l'absence de succession indivise ;

- en conséquence, prononcer l'irrecevabilité de la demande de l'Institut [16] en nullité du testament du 28 juillet 2015 en tant qu'elle est formée en appel par l'Institut [16] en sa prétendue qualité d'exécuteur testamentaire comme nouvelle à hauteur d'appel en application de l'article 564 du code de procédure civile ;

en tout état de cause,

- juger que l'Institut [16] n'a pas la qualité d'exécuteur testamentaire ;

- juger que l'Institut [16] n'a pas qualité à agir en nullité du dernier testament du 28 juillet 2015 en qualité d'exécuteur testamentaire qui aurait été désigné dans un précédent testament révoqué ;

- juger que le changement de qualité en appel équivalant à un changement de partie, quand bien même l'Institut [16] aurait-il eu qualité à agir à hauteur d'appel en nullité du testament du 28 juillet 2015 en tant qu'exécuteur testamentaire, il est dépourvu du droit d'agir en raison de la prescription de sa demande ;

- en conséquence, prononcer l'irrecevabilité de la demande de l'Institut [16] en nullité du dernier testament du 28 juillet 2015 en tant qu'elle est formée par l'Institut [16] en sa prétendue qualité d'exécuteur testamentaire pour défaut de qualité et de droit d'agir ;

sur l'appel principal de l'Institut [16],

- débouter l'Institut [16] de sa demande de réformation du jugement du 27 octobre 2020, et de toutes ses demandes d'annulation du testament, et demandes subséquentes d'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession et désignation d'un notaire, de condamnation de Mmes [A] au paiement au profit de l'Institut [16] des sommes au titre d'intérêts au taux légal, d'article 700 du code de procédure civile, et de condamnation aux dépens, et plus généralement de toutes ses demandes à l'encontre de Mmes [A],

en conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 27 octobre 2020 en ses dispositions suivantes :

* déclare irrecevable la demande en nullité du testament du 28 juillet 2015,

* rejette les demandes de l'Institut [16] tendant :

>au partage de la succession de [P] [N] ;

>à la condamnation de Mmes [D] [N] épouse [A], [G] [A] épouse [I] et [F] [A] veuve [R] au paiement d'une somme égale aux intérêts au taux légal ayant commencé à courir à compter du 12 mars 2016 sur les sommes représentant la succession de [P] [N],

>à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

>condamne l'Institut [16] aux dépens, dont distraction au profit de Me Béatrice Busquère-Beaury,

- juger l'Institut [16] irrecevable à agir en nullité du testament authentique du 28 juillet 2015 pour défaut de qualité à agir,

- juger l'Institut [16] irrecevable en son action pour défaut d'intérêt à agir,

- juger l'Institut [16] irrecevable en toutes ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de Mmes [A],

à titre subsidiaire,

- débouter l'Institut [16] de sa demande de nullité du testament dénuée de tout fondement, tant au titre de sa demande principale pour insanité d'esprit, qu'au titre de sa demande subsidiaire pour man'uvres dolosives,

- débouter l'Institut [16] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,

sur les interventions volontaires à titre accessoire,

- constater que M. [T] [V] et la Fédération [O] et [P] [J] ont été jugés irrecevables en leur intention volontaire accessoire,

- les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

sur l'appel incident de Mmes [A],

- infirmer le jugement en ses dispositions suivantes :

* rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit à agir de Mmes [G] et [F] [A],

* rejette les demandes de Mme [D] [N] tendant à :

>la condamnation de l'Institut [16] à lui payer la somme de 30.000 euros,

>la condamnation de l'Institut [16] à lui payer les intérêts au taux légal du montant de l'actif net de la succession,

>l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* rejette les demandes de [G] [A] et [F] [A] tendant à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant de nouveau de ces chefs,

- juger irrecevable l'Institut [16] en son action à l'encontre de Mmes [G] et [F] [A] pour défaut de droit d'agir de celles-ci, dont la mission de tutrices de feue leur tante [P] [N] a pris fin au décès de leur protégée le [Date décès 5] 2016, conformément à l'article 443 du code de procédure civile, et n'ayant pas la qualité d'héritière de celle-ci, Mme [D] [N] étant seule héritière légataire universelle conformément à l'acte de notoriété du 10 mars 2016,

en conséquence,

- mettre hors de cause Mmes [G] et [F] [A], ès-qualités d'anciennes tutrices de feue [P] [N],

- débouter l'Institut [16] de toutes demandes formulées à leur encontre,

- condamner l'Institut [16] à payer à Mme [D] [N], ès-qualités de légataire universelle, la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral, en application de l'article 1382 (ancien) du code civil,

- condamner l'Institut [16] à payer à Mme [D] [N] ès-qualités, les intérêts au taux légal du montant de l'actif net de succession à compter de leur assignation en nullité du 4 mai 2016,

- condamner l'Institut [16] à payer à Mmes [G] et [F] [A] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Institut [16] à payer à Mme [D] [N] la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement par Me Béatrice Busquère-Beaury, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 19 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A la suite de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 11 mai 2022 et de l'arrêt rendu le 11 octobre 2023 sur déféré de cette ordonnance, le présent litige pendant devant la cour n'oppose plus que l'[16], d'une part à Mme [D] [N] épouse [A] et Mmes [G] et [F] [A] (Mmes [A]), d'autre part.

Sur la recevabilité à agir de l'[16] en nullité du testament du 28 juillet 2015

Après avoir qualifié de particulier le legs consenti à l'[16] par le testament reçu le 26 juin 1997, et rappelé que la demande en nullité du testament pour insanité d'esprit ou dol étant une nullité relative, elle n'appartient qu'à ses héritiers légaux ou testamentaires ce que n'est pas le légataire particulier, le tribunal a déclaré irrecevable sa demande en nullité du testament reçu le 28 juillet 2015 ; le tribunal a également retenu que le légataire, quelle que soit sa qualité, n'ayant pas avant le décès de droit de propriété sur la chose léguée, lui interdire d'agir en nullité d'un testament révoquant son legs ne portait pas atteinte à son droit de propriété.

L'[16] déclare devant la cour agir en tant que légataire et en tant qu'exécuteur testamentaire.

Devant le tribunal, l'[16] prétendait avoir la qualité de légataire universel par l'effet du cumul du testament reçu le 26 juin 1997 et d'un autre testament en date du 8 mars 2013 par lequel [P] [N] avait institué la Fondation [O] et [P] [J] légataire universel de tous ses biens mobiliers immobiliers à Madagascar ainsi que la totalité de ses actions et parts sociales concernant la société [22], moyen qu'avait rejeté le tribunal au motif que ce testament ne le gratifiait pas mais la fondation précitée. L'[16] ne soutenant plus devant la cour avoir la qualité de légataire universel par l'effet du cumul de ces deux testaments, la cour n'aura pas à se prononcer sur la pertinence de ce moyen.

Le tribunal pour qualifier de particulier le legs consenti par [P] [N] à l'[16], a constaté qu'avait été barré par le testament du 26 juin 1997 le terme « universel » initialement indiqué pour désigner le légataire qu'elle désignait en cas de prédécès de son époux institué par ce même testament légataire universel. Il s'agit du seul terme rayé figurant sur le testament qui apparaît à la lecture de celui-ci et dont fait également foi le renvoi en marge à la fin de cet acte authentique par le notaire qui a reçu l'acte. Sur le testament de [O] [J] reçu le même jour par le même notaire, celui-ci instituait [P] [N] légataire universel et en cas de prédécès de son épouse, l'[16], le terme universel initialement écrit associé à la désignation de celui-ci en tant que légataire est également barré.

En faisant barrer le terme ''universel'' sur son testament alors qu'elle conférait à son époux cette qualité par ce même acte, [P] [N] a manifesté de façon certaine sa volonté de ne pas instituer l'[16] légataire universel, étant de surcroît relevé que cette volonté était également partagée par son époux.

Le tribunal, à juste titre, a retenu que par ce testament l'[16], n'ayant pas une vocation à l'universalité de la succession de la défunte, n'était pas légataire universel et que cet institut n'ayant pas été gratifié d'une quote-part de ses biens, le legs n'avait pas été fait à titre universel.

Le tribunal en a déduit à bon droit que le legs avait été fait à titre particulier puisqu'en application de l'article 1010 du code civil, tout legs qui n'est pas universel ou à titre universel, est à titre particulier.

L'[16] critique le jugement en ce qu'il l'a déclaré irrecevable à agir en nullité du testament du 28 juillet 2015, lui reprochant d'avoir fait une application littérale de la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation selon laquelle seule la personne dont le consentement a été vicié, et après son décès, ses héritiers ou légataires universels disposent du droit d'agir en nullité du testament.

Il soutient que l'application de cette jurisprudence est inadaptée aux particularités des faits de l'espèce.

S'appuyant sur une consultation du professeur [C], l'appelant fait valoir que cette solution jurisprudentielle est contestable et remise en cause par la Doctrine, car elle aboutit à des situations d'une grande iniquité ; que certaines juridictions du fond en font une application nuancée. Cette consultation pointe le résultat choquant provoqué par cette jurisprudence lorsque le testateur laisse pour seul successeur universel, le légataire institué par le testament litigieux au motif que l'action est alors abandonnée au bon vouloir de celui-ci, situation d'autant plus choquante selon l'auteur de cette consultation lorsque la critique est fondée sur le dol ou la violence, l'action ne pouvant alors être exercée que par l'auteur supposé du dol ou de la violence ou à tout le moins par celui qui en bénéficie.

L'auteur de cette consultation ajoute que la justification selon laquelle seuls les successeurs légaux ou testamentaires sont réputés poursuivre la défense des intérêts du défunt ne vaut plus lorsque leurs intérêts personnels sont contraires à ceux du de cujus puisque le conflit d'intérêts les disqualifie pour être les seuls habiles à assurer la protection du défunt ; qu'en matière de testament, l'intérêt du défunt est le respect de ses dernières volontés, entendues comme étant celles réelles et libres. Ainsi, cet auteur estime juste que celui auquel le testament suspecté de nullité préjudicie directement, parce qu'il détruit le précédent testament qui l'instituait, soit recevable à en demander l'annulation et propose d'apporter un tempérament à la solution affirmée par la jurisprudence, dans le cas où le seul successeur universel est le bénéficiaire du testament querellé ; il achève cette consultation en concluant que l'[16] devrait être déclaré recevable dans son action en nullité du testament litigieux, sa qualité de légataire particulier suffisant à lui conférer cette qualité.

L'insanité d'esprit, le dol ou la violence sont de nature à altérer, vicier ou même obérer totalement le consentement d'une personne ; ils sont des cas de nullité de l'acte passé par une personne dont le consentement les a subis. La nullité relative tend à la sauvegarde d'un intérêt privé, lequel dans ces cas de nullité est de protéger la personne dont le consentement n'a plus été libre et éclairé, voire totalement absent.

Destinée à la sauvegarde d'un intérêt privé, l'action en nullité ne peut être exercée de son vivant que par la personne que la loi a entendu protéger.

Ainsi, de son vivant, l'article 414-2 du code civil énonce que l'action en nullité pour insanité d'esprit n'appartient qu'à l'intéressé.

L'article 1131 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 dispose que les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat ; la solution jurisprudentielle selon laquelle l'action en nullité relative est réservée à celui des contractants dont le consentement a été vicié trouve désormais un fondement légal.

Ainsi, quand bien même elle y aurait un intérêt, toute autre personne que celle dont l'intérêt est protégé par la loi, n'a pas qualité à exercer l'action en nullité relative ; après son décès, seuls ceux que la loi a désignés comme continuateur de la personne du défunt ont qualité pour exercer l'action en nullité relative dont ce dernier disposait.

Les héritiers désignés par la loi étant saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt, ils sont, en application de l'article 724 du code civil, les continuateurs de sa personne. Il en est de même également du légataire universel et du légataire à titre universel qui sont tenus en application de l'article 1012 du même code, des dettes et charges de la succession. La loi permet ainsi d'instituer par testament un héritier.

A l'inverse, le légataire particulier, dont le legs ne donne pas vocation à une universalité et n'étant pas tenu aux termes de l'article 1024 du code civil des dettes et charges de la succession, n'est pas le continuateur de la personne du défunt ; il n'a donc pas qualité à exercer l'action en nullité relative dont disposait avant son décès le de cujus. (Civ 1er, 17 février 2010, n°08-21.927).

L'[16], qui n'a jamais été institué par [P] [N] par voie testamentaire légataire universel et qui n'est donc pas son héritier au sens de continuateur de sa personne, n'a pas qualité pour agir en nullité relative du testament du 28 juillet 2015 que ce soit pour insanité d'esprit ou pour dol ou violence ; n'étant pas le continuateur de la personne de la défunte, il ne saurait pas davantage se poser comme le gardien de ses dernières volontés.

Partant, pour les motifs qui précèdent, qui complètent ceux des premiers juges, le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en nullité du testament du 28 juillet 2015 fondée sur l'insanité d'esprit ou sur des man'uvres dolosives, exercée par l'[16] en sa qualité de légataire particulier.

Les intimés soulèvent l'irrecevabilité de la demande de nullité présentée par l'[16] en sa qualité d'exécuteur testamentaire sur le fondement des articles 564 et 565 du code de procédure civile, faisant valoir que le caractère nouveau en appel tient à ce que c'est seulement devant la cour que l'[16] agit sous cette qualité, que le changement de qualité équivaut à un changement de partie, et que le principe du contradictoire justifie cette immutabilité de la qualité en appel.

Mmes [A] opposent au moyen défendu par l'[16] tiré de la jurisprudence selon laquelle en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse, que cette solution jurisprudentielle ne porte pas sur le changement de qualité à agir des parties, et que de surcroît, elle ne peut pas s'appliquer puisque dans l'hypothèse de l'annulation du testament du 28 juillet 2015, il n'y aurait pas d'indivision et donc de partage entre l'[16] et la Fondation [O] et [P] [J], le premier ayant été institué légataire particulier des biens situés en France et en Espagne par le testament du 26 juin 1997 et la seconde légataire des biens situés à Madagascar par le testament du 8 mars 2013.

Contrairement à ce que prétendent Mmes [A], il n'y a pas de changement de qualité de la part de l'[16] puisqu'il conserve celle de légataire particulier sous laquelle il continue de poursuivre la nullité du testament du 28 juillet 2015. Demandant en qualité d'exécuteur testamentaire la nullité de ce testament déjà présentée en tant que légataire, la demande qui tend donc aux mêmes fins que celle présentée en première instance n'est pas nouvelle ; sans qu'il n'y ait lieu de se prononcer sur la pertinence du moyen défendu par l'appelant tiré de la solution jurisprudentielle précitée, la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de la demande en appel est rejetée.

Les intimées soulèvent l'irrecevabilité de l'action de l'[16] en qualité d'exécuteur testamentaire pour défaut de droit d'agir, contestant que celui-ci ait été institué exécuteur testamentaire par le testament du 26 juin 1997 d'une part et par application de l'article 1028 du code civil, la mission de l'exécuteur testamentaire étant de veiller à la bonne exécution du dernier testament efficient, à savoir le testament du 28 juillet 2015 qui au jour de l'exercice de l'action n'avait pas été annulé d'autre part.

En effet, le testament du 26 juin 1997 désigne non pas l'[16] en tant qu'exécuteur testamentaire mais M. [V].

Par ailleurs, même à admettre que le legs consenti à l'[16] par le testament du 26 juin 1997 du fait de la charge lui incombant de transmettre « l'intégralité des biens concernés par ce legs dans les meilleurs délais à l'association de droit malgache reconnue d'utilité publique '' Institut [18] '' ([18]) situé à ['] Madagascar, en vue du financement de ses 'uvres scientifiques humanitaires », aboutissait à le rendre exécuteur testamentaire, le testament à l'exécution duquel doit veiller l'exécuteur testamentaire est le dernier testament efficient, à savoir le testament du 28 juillet 2015 qui au jour de l'exercice de l'action n'est pas annulé et a révoqué toutes les testaments antérieurs.

Sous le couvert d'une mission d'exécuteur testamentaire, en l'absence d'intérêt à agir, l'[16] n'est pas recevable en son action en nullité du testament du 28 juillet 1995.

L'irrecevabilité de l'action en nullité du testament du 28 juillet 2015 de l'[16] sous les qualités de légataire ou d'exécuteur testamentaire conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant au partage de la succession de [P] [N] et en sa demande tendant à faire courir à son profit des intérêts sur l'actif de la succession.

Sur la recevabilité de l'action de l'[16] dirigée à l'encontre de Mmes [G] et [F] [A]

Mmes [F] et [G] [A] qui faisaient valoir que leur mission de tutrice avait pris fin au décès de [P] [N] et qu'elles ne sont pas légataires universelles, ont été déboutées de leur demande de mise hors de cause sur la motivation suivante « certaines demandes formulées par l'[16] ont trait au comportement de Mmes [G] et [F] [A] de sorte qu'elles ont qualité à défendre et ne peuvent être mises hors de cause ».

Devant la cour, Mmes [G] et [F] [A] reprennent les moyens de première instance, précisant que seule [D] [N] est l'unique héritière « légataire universel » de par le testament authentique et que leur qualité éventuelle d'héritières de leur mère relève de l'aléatoire.

L'[16] qui poursuit la confirmation de ce chef du jugement en adopte les motifs.

Par le testament du 28 juillet 2015, [P] [N] a institué « pour légataire universel, (sa) s'ur Mme [D] [N] épouse [A], ou à défaut ses deux filles [F] et [G], ses héritières. ».

D'une part, Mmes [G] et [F] [A], qui sont apparemment les seules héritières de [D] [N], seront amenées à recueillir à son décès la succession de leur mère, qui par l'effet du legs universel qui lui est consenti par le testament du 28 juillet 2015 a vocation à recueillir l'intégralité de la succession de [P] [N].

D'autre part, instituées par défaut légataires universelles, elles sont amenées à recueillir toute la succession de leur tante en cas de renonciation de leur mère au bénéfice de son legs.

La perspective de bénéficier à un titre ou un autre des effets de la succession de [P] [N] en exécution du testament du 28 juillet 2015 leur confère un intérêt à agir en défense.

Partant, pour les motifs qui précèdent qui se substituent à ceux retenus par les premiers juges, le chef du jugement ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit à agir de Mmes [G] et [F] [A] est confirmé.

Sur la demande de dommages-intérêts

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant ouvrir droit à dommages et intérêts qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.

Quel que soit le préjudice qu'a pu subir Mme [D] [N] du fait de la procédure en nullité du testament du 28 juillet 2015, l'exercice de cette action même irrecevable par une personne précédemment désignée en qualité de légataire en vertu d'un précédent testament, ne suffit pas à la rendre abusive.

Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté Mme [D] [N] de sa demande de dommages-intérêts.

Sur la demande au titre de l'intérêt légal

Les intimées n'assoient pas sur un texte réglementaire ou légal leur demande de voir faire courir sur l'actif de la succession les intérêts légaux ; par ailleurs, le fondement de leur demande ne repose pas sur une obligation de somme d'argent portant intérêts ; le tribunal a, de surcroît, relevé que Mme [D] [N] ne justifiait pas ne pas avoir perçu les fruits de l'actif successoral depuis 2016 alors qu'en application de l'article 1006 du code civil, elle a bénéficié de la saisine à compter du décès de sa s'ur, et a, de ce fait, pu appréhender les biens successoraux.

Le jugement est confirmé en ce que les intimées ont été déboutées de leur demande à ce titre;

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.

En application de ce texte, l'[16] qui échoue en ses prétentions supportera les dépens de l'instance.

Par ailleurs, l'avocat des intimées aura en application de l'article 699 du code de procédure civile le droit de recouvrer directement les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu de provision, les intimées en ayant fait la demande.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.

L'[16] partie perdante se verra condamné à payer à Mme [D] [N] la somme de 10 000 €, et à Mme [F] [A] celle de 2 500 € et à Mme [G] [A] la même somme au titre des frais irrépétibles engagés devant la cour. Les chefs du jugement ayant statué sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant le tribunal et sur les dépens de première instance sont confirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et dans les limites de l'appel,

Ajoutant au jugement :

Rejette l'irrecevabilité tenant à son caractère de nouveauté en appel de la demande en nullité du testament du 28 juillet 2015 exercée par l'Institut [16] sous la qualité d'exécuteur testamentaire ;

Déclare irrecevable pour défaut d'intérêt à agir la demande en nullité du testament du 28 juillet 2015 exercée par l'Institut [16] sous la qualité d'exécuteur testamentaire ;

Confirme le jugement en tous ses chefs dévolus à la cour ;

Y ajoutant à nouveau ;

Déboute Mme [D] [N] de sa demande de dommages-intérêts présentée devant la cour d'appel ;

Condamne l'Institut [16] à payer à Mme [D] [N] la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'Institut [16] à payer à Mme [F] [A] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la même somme à Mme [G] [A] ;

Condamne l'Institut [16] aux dépens et dit qu'ils pourront être recouvrés directement par Me Béatrice Busquère-Beaury, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,