CA Riom, ch. com., 25 septembre 2024, n° 23/01144
RIOM
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Époux
Défendeur :
Ca Consumer Finance (SA), Inolys (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubled-Vacheron
Conseillers :
Mme Theuil-Dif, Mme Berger
Avocats :
Me Lacquit, Me Teyssier, Me Barge, Me Goncalves
ARRET :
Prononcé publiquement le 25 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 20 juin 2018, Monsieur [K] [O] et Madame [Z] [O] ont conclu un contrat de fourniture et d'installation de panneaux photovoltaïques avec la société Inolys.
Afin de financer cette opération, la société Inolys a fait signer aux contractants une offre de crédit affecté auprès de la SA CA Consumer Finance pour un montant de 31.200 euros remboursable en 168 mois avec un différé de 12 mois.
Le 10 novembre 2021, les époux [O] ont assigné la SA Cofidis et Me [D], liquidateur judiciaire de la société Inolys devant le tribunal de proximité de Riom aux fins, notamment, de voir annuler le contrat principal et le contrat de crédit affecté conclu entre eux et la société Cofidis.
Par jugement du 20 janvier 2022, le tribunal de proximité de Riom a constaté son dessaisissement par l'effet de l'extinction de l'instance uniquement à l'égard de la SA Cofidis, par suite du désistement d'instance et d'action du demandeur. Il a également renvoyé le surplus de l'affaire à l'audience du juge des contentieux de la protection du 3 février 20222.
Par acte d'huissier du 24 novembre 2021, les époux [O] ont fait assigner la SA Consumer Finance devant le juge des contentieux et de la protection aux mêmes fins que celles de l'assignation du 10 novembre 2021.
Par jugement du 8 juin 2023, le tribunal de proximité de Riom a :
- prononcé la nullité du contrat conclu le 20 juin 2018 entre la société Inolys et M. et Mme [O] ;
- constaté l'annulation subséquente du contrat de crédit conclu le 20 juin 2018 entre la SA CA Consumer Finance et M. et Mme [O] ;
- ordonné que les parties soient replacées dans leur état d'origine ;
- condamné en conséquence, M. et Mme [O] à verser à la S.A. CA Consumer Finance la somme de 21.575,88 euros au titre du remboursement du contrat de crédit du 20 juin 2018 arrêtée au mois de novembre 2021 ;
- débouté M. et Mme [O] de leur demande de condamnation de la S.A. CA Consumer Finance à leur restituer les mensualités du crédit du 20 juin 2018 déjà réglées ;
- condamné la S.A. CA Consumer Finance à verser à M. et Mme [O] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la S.A. CA Consumer Finance au paiement des entiers dépens de l'instance ;
- débouté les parties au surplus de leurs demandes ;
- rappelé que ce jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.
Le tribunal a jugé que :
- le bon de commande était soumis au régime des contrats conclus hors établissement ; que certaines informations prévues par l'article L111-1 du code de la consommation étaient absentes voir partielles telles que les caractéristiques essentielles du bien, la puissance de l'installation ou encore la puissance de chaque panneau utilitaire ;
- que le bon de commande étant non-conforme aux exigences prévues était nul.
- que la SA Consumer Finance ne produisait aucun acte de confirmation démontrant que les époux [O] avaient connaissance du vice affectant le bon de commande.
Par déclaration du 13 juillet 2023, enregistrée le 17 juillet 2023, M. et Mme [O] ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 10 avril 2024, ils demandent à la cour :
- de les déclarer recevables et bien fondés en leur appel ;
Y faisant droit ;
- d'infirmer le jugement sus énoncé en ce qu'il les a condamnés à rembourser à la SA Consumer Finance les sommes restant dues au titre du crédit du 20 juin 2018 et déboutés de leur demande de restitution des mensualités déjà réglées.
Statuant à nouveau en fait et en droit de ;
- les dispenser de leur obligation de rembourser le capital emprunté auprès de la société CA Consumer Finance ;
Au contraire :
- de condamner la société CA Consumer Finance à leur restituer les sommes acquittées au titre du remboursement du crédit ;
- de déclarer irrecevable et mal fondée la société CA Consumer Finance en son appel incident ;
- de débouter la société CA Consumer Finance de toutes demandes, fins et conclusions ;
- de condamner la société CA Consumer Finance à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance et d'appel.
Les appelants font valoir que leur préjudice est en lien direct avec les manquements fautifs de la société CA Consumer France puisque l'installation ne leur procurait aucun avantage après la mise en place de celle-ci.
Ils ajoutent que l'ouverture d'une liquidation judiciaire du débiteur ne fait pas obstacle à la poursuite d'une action en nullité ou en résolution d'un contrat de vente et soulignent au fond que le contenu du kit était inconnu, de même que la marque du kit, de ses composants et de leur modèle ; que le bon de commande était dépourvu de formulaire de rétractation de sorte que ces manquements justifient la nullité du contrat.
Ils font également valoir que la société CA Consumer Finance a accepté d'apporter son concours financier à l'opération litigieuse et s'est libérée des fonds malgré la non-conformité de l'installation.
Par conclusions déposées et notifiées le 11 janvier 2024, la SA Consumer France demande à la cour :
- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de proximité de Riom ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
A titre principal,
- de dire et juger que M. et Mme [O] sont irrecevables en leurs demandes en l'absence de déclarations de créance ;
- dire et juger que les conditions de nullité des contrats de vente et de crédit ne sont pas réunies ;
- de dire et juger que M. et Mme [O] ne peuvent plus invoquer la nullité du contrat de vente, et donc du contrat de prêt du fait de l'exécution volontaire des contrats, de sorte que l'action est irrecevable en application de l'article 1338 alinéa 2 du Code civil ;
- de dire et juger que les manquements invoqués au soutien d'une demande de résolution judiciaire du contrat de vente, et donc du contrat de crédit, ne sont pas justifiés et ne constituent en toute hypothèse pas un motif de résolution de contrat ;
- de dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute ;
En conséquence,
- de débouter les époux [O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- de dire et juger que les époux [O] seront tenus d'exécuter les contrats jusqu'au terme.
À titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée,
- de dire et juger que l'absence de faute de l'établissement de crédit laisse perdurer les obligations de restitutions réciproques,
- de condamner solidairement les époux [O] à lui payer la somme de 31.200 euros.
- de débouter les époux [O] de toutes autres demandes, fins et conclusions ;
- de fixer au passif de la liquidation de la société Inolys, représentés par Maître [C] [D], la somme de 12.553,92 euros au titre des intérêts perdus,
À titre infiniment subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée et une faute des établissements de crédit retenue,
- de débouter les époux [O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- de fixer au passif de la liquidation de la société Inolys, représentée par Maître [C]
[D], la somme de 43.753,92 euros au titre du capital et des intérêts perdus ;
En tout état de cause,
- de condamner les époux [O] à lui payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
- de condamner les mêmes aux entiers dépens de l'appel.
Au titre de ses prétentions, elle entend faire valoir que l'absence de déclaration au passif d'une société en liquidation judiciaire interdit à tout créancier d'agir à l'encontre de celle-ci entraînant ainsi l'irrecevabilité de la demande formée à l'encontre du liquidateur.
Elle ajoute que ni l'absence des caractéristiques essentielles de la centrale photovoltaïque ni le bordereau de rétractation en ce qu'il devrait pouvoir être découpé sans amputer le bon de commande ne peut justifier la nullité du contrat. Elle affirme que la simple lecture du bon de commande aurait permis aux contractants d'avoir connaissance de toute éventuelle non-conformité du code de la consommation.
Elle fait également valoir que le moyen selon lequel les revenus produits par la centrale seraient inférieurs au coût du crédit est inopérant puisque ces gains n'étaient pas prévus contractuellement.
La SELARLU [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Inolys, régulièrement assignée à personne morale n'a pas constitué avocat.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2024.
Motivation :
I-Sur la recevabilité des demandes des époux [O] :
1-Suivant les dispositions de l'article L622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Au visa de ces dispositions, la SA Consumer Finance soutient que l'action de M et Mme [O] est irrecevable.
Toutefois la SA Cofidis n'a pas qualité à se prévaloir d'un moyen d'irrecevabilité propre à la société Inolys ou à son liquidateur judiciaire. Par ailleurs, l'action de M. et Mme [O] visant à voir prononcer l'annulation du contrat souscrit avec la société Inolys et par voie subséquente l'annulation du contrat de crédit ne ressort pas de l'article L 622-21 du code de commerce. L'action en nullité du contrat tend en effet à la remise en état des parties en leur état antérieur au contrat et non en une obligation à paiement.
En conséquence, aucune irrecevabilité n'est encourue au regard des dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce. Le jugement sera confirmé sur ce point.
II- Sur la nullité du contrat de vente :
Le tribunal a jugé que le bon de commande était imprécis concernant la description du bien vendu, considérant que :
- la marque n'est qu'une des caractéristiques du bien vendu au même titre que la puissance, la dimension, le poids ou le modèle des panneaux,
- le prix unitaire des panneaux n'est pas précisé.
La société CA Consumer Finance se prévaut d'un certain nombre de décisions de cour d'appel pour solliciter une application stricte des dispositions de l'article L 121-23 du code de la consommation.
Les intimés font valoir que le contenu du « kit » vendu est inconnu de même que la marque de celui-ci, de ses composants et de leur modèle, de sorte qu'ils n'ont pas été en mesure de comparer, dans le délai de rétractation, les équipements et leurs performances ainsi que les services complémentaires par rapport à ceux proposés par d'autres sociétés dans le cadre d'un marché très concurrentiel.
Sur ce :
Le bon de commande souscrit le 20 juin 2018 mentionne que le contrat a été signé à [Localité 8], commune du domicile de M et Mme [O]. La commande est donc consécutive à un démarchage à domicile.
S'agissant d'un contrat conclu hors établissement, il est en conséquence régi par les dispositions des articles L.221-1 et suivants du code de la consommation dans leur version en vigueur à la date du contrat, soit les dispositions du code de la consommation postérieures à l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.
Aux termes de l'article L.221-5, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensive, notamment les informations suivantes :
1° les informations prévues aux articles L.111-1 et L.111-2 ;
2° lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
Les informations de l'article L.111-1 sont notamment les suivantes :
1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service ;
2° le prix du bien ou du service ;
3° en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service (l'article R.111-1 précise que le contrat indique les modalités d'exécution et de livraison du contrat).
Selon l'article L.221-18, le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L.221-23 à L.221-25.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
- de la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L.221-4 ;
- de la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Aux termes de l'article L.221-9, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations mentionnées à l'article L.221-5. [...]. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L.221-5.
Enfin, l'article L.242-1 prévoit que les dispositions de l'article L.221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
Ainsi que l'a relevé le tribunal, l'analyse du bon de commande fait apparaître que certaines informations sont partielles ou absentes.
Le bon de commande mentionne uniquement à la rubrique « détail du matériel et des prestations de service » s'agissant du matériel et de sa pose : « Kit Hybridelec Plus (capteurs solaires = micro onduleurs) de 6 kwc en auto-consommation. Pose en surimposition. Batterie »
Les caractéristiques essentielles d'un bien sont celles qui permettent au consommateur de comparer l'offre qui lui est faite avec des offres concurrentes. Elles correspondent également aux qualités qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
Si la mention d'un prix global sur le bon de commande, et non le prix unitaire de chaque élément constitutif, est suffisante, dès lors que sont indiqués la marque et la puissance de chaque panneau, la marque de l'onduleur, la puissance totale de l'installation, le délai de l'étude de faisabilité ainsi que le délai d'installation, a contrario, l'absence d'information sur le nombre de capteurs, leur puissance (à l'unité) leur modèle, le modèle des micro-onduleurs ne permet pas de considérer que le bon de commande satisfait aux exigences du code de la consommation.
Enfin aucun bordereau de rétractation n'est produit.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
La société CA Consumer Finance avance que la simple lecture du bon de commande permettait aux appelants d'avoir connaissance d'une éventuelle non-conformité au code de la consommation. Elle observe que ceux-ci n'ont pas usé de leur droit de rétractation et ont au contraire : signé l'attestation de fin de travaux, ordonné à la banque de débloquer les fonds, remboursé régulièrement leurs mensualités. Elle en conclut qu'en exécutant volontairement les contrats principaux, les appelants ont couvert toute cause éventuelle de nullité.
M et Mme [O] répliquent que seule l'exécution volontaire en connaissance de cause de la nullité vaut confirmation. Ils font valoir que la reproduction des dispositions impératives du code de la consommation ne permet pas de considérer qu'ils avaient connaissance des vices affectant le contrat étant précisé que le bon de commande ne comportait pas de formulaire de rétractation détachable et qu'en tout état de cause, les conditions générales au verso du bon de commande ne reproduisent pas les dispositions de l'article L 111-1 du code de la consommation.
Sur ce :
Il résulte de l'article 1182 du code civil, que la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat. La confirmation ne peut intervenir qu'après la confirmation du contrat. L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de cause de la nullité vaut confirmation.
La reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1183 du code civil, dans sa rédaction issue l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l'article 9 de cette ordonnance, aux contrats conclus dès son entrée en vigueur. (Cass ère civ, 24 janvier 2024 N° 22-16115).
Par ailleurs l'analyse du bon de commande révèle effectivement que celui-ci ne comporte aucune mention des dispositions du code de la consommation.
En conséquence, M et Mme [O] étant dans l'ignorance du vice affectant le bon de commande n'ont pu couvrir les causes de nullité de celui-ci. C'est donc à juste titre que le tribunal a jugé qu'aucun de leurs agissements postérieurs ne saurait être interprété comme une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
III- Sur les conséquences de la nullité du contrat :
Le tribunal a jugé que l'annulation du contrat principal emportait annulation du contrat de crédit affecté conclu le 20 juin 2018 entre M et Mme [O] et la SA CA Consumer Finance.
Cette dernière ne discute pas ce point mais conteste en revanche les fautes relevées en première instance ayant conduit le tribunal à la priver de son droit à restitution du capital.
Il s'évince des articles L.312-48 et L.312-55 du code de la consommation que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Cass. Civ 1ère 25 novembre 2020, 19-14.908).
Il appartient aussi à la banque prêteuse de vérifier à son initiative la régularité du bon de commande en sollicitant sa communication par le vendeur.
Or, la SA CA Consumer Finance a versé les fonds à la société prestataire alors même que l'examen du bon de commande faisait ressortir une irrégularité manifeste du contrat. Alors qu'elle est un organisme de crédit rompu aux mécanismes de financement de ce type d'installations, elle aurait dû constater que le bon de commande n'était visiblement pas conforme aux dispositions des articles L.221-1 et suivants du code de la consommation.
La SA CA Consumer Finance ne peut s'exonérer de sa responsabilité en affirmant que la signature de fin de travaux et la demande en paiement manifestaient l'intention de M et Mme [O] de couvrir la nullité du contrat dès lors que ceux-ci n'avaient pas connaissance du vice affectant ce contrat.
Toutefois, il appartient aux époux [O] de justifier de l'existence d'un préjudice consécutif à la faute de la banque.
Le tribunal a retenu que ces derniers ne faisaient pas la démonstration d'un préjudice directement en lien avec les fautes de la SA Consumer Finance.
Les appelants soutiennent que l'installation ne fonctionne pas parfaitement sachant que contrairement à son objectif assigné elle n'a pas permis de diminuer leur facture énergétique. Ils rappellent que suivant la simulation établie par la société Inolys leur facture annuelle aurait dû diminuer de 80%.
Ils ajoutent que la vérification de l'installation a permis de mettre en évidence une multitude de non-conformités électriques rendant l'installation dangereuse. Forts de ces recommandations, ils ont dû débrancher l'installation.
La société CA Consumer Finance réplique que les appelants conservent une installation en parfait état de marche ; qu'en tout état de cause le préjudice ne saurait être égal au montant du prêt du seul fait de son annulation ou résolution par ricochet ; que le préjudice résulte tout au plus d'une perte de chance de ne pas contracter.
Sur ce :
Le rendement de l'installation photovoltaïque n'entrant pas dans le champ contractuel il ne peut être soutenu que l'absence d'économie et de baisse de la facture énergétique traduisent un dysfonctionnement de l'installation.
En revanche, le bon de commande et les factures mentionnent la vente d'une batterie. Or le contrôle effectué par l'EURL Rohlion Energie révèle :
- que l'installation a été posée sans validation par la mairie de la demande de travaux : motif dossier incomplet ;
- qu'il a été posé une installation de 6kWc avec batterie alors qu'il a été demandé auprès d'Enedis une installation en autoconsommation de 4.2kWc sans batterie ;
- que la batterie ne possède pas un sélectionneur permettant de la mettre en sécurité et l'ondulateur générant l'alternatif depuis la batterie n'est pas aux normes ;
- que le disjoncteur est sous-dimensionné ;
- qu'en considération des risques du produit il a été convenu de débrancher l'installation et de déconnecter la batterie.
Les époux [O] ne disposent donc pas d'une installation en parfait état de marche.
La société Inolys ayant été placée en liquidation judiciaire ils ne peuvent raisonnablement espérer, en leur qualité de créanciers chirographaires, obtenir la restitution du prix de vente.
Si la seule analyse de la société Rohlion énergie n'est pas suffisante pour faire foi, elle est corroborée par des factures d'électricité qui permettent de constater que les appelants n'ont pas connu de baisse de leur facture énergétique ; qu'ils devront donc engager des frais pour remettre en état cette installation afin qu'elle soit aux normes.
Ainsi le préjudice de M et Mme [O] ne s'analyse pas en une simple perte de chance. En considération des éléments précités, leur préjudice s'évalue aux 2/3 des fonds prêtés, soit à la somme de 20 800 euros.
M. et Mme [O] seront déboutés de leur demande en restitution des mensualités déjà versées et seront condamnés à verser à la SA Consumer Finance la somme de :
(31.200- 9 624.12 euros= 21 575,88) - 20 800 euros= 775.88 euros.
IV ' Sur les autres demandes :
La société SA Consumer Finance demande à la cour de fixer au passif du vendeur la somme de 43 753,92 euros correspondant au montant des financements, conformément à l'article 1241 du code civil.
Cette demande apparaît être une demande nouvelle puisqu'elle n'a pas été présentée en première instance. Elle sera déclarée irrecevable.
La SA Consumer Finance succombant pour l'essentiel de ses prétentions sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des appelants leurs frais de défense.
Me Lacquit, Avocat, sera autorisé à recouvrer les dépens dont elle aurait fait l'avance sans percevoir de provision par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société CA Consumer Finance sera condamnée à leur verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- prononcé la nullité du contrat conclu le 20 juin 2018 entre la société Inolys et M. et Mme [O] ;
- constaté l'annulation subséquente du contrat de crédit conclu le 20 juin 2018 entre la SA CA Consumer Finance et M. et Mme [O] ;
- ordonné que les parties soient replacées dans leur état d'origine ;
- débouté M. et Mme [O] de leur demande de condamnation de la S.A. CA Consumer Finance à leur restituer les mensualités du crédit du 20 juin 2018 déjà réglées ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Condamne M. [K] [O] et Mme [Z] [S] épouse [O] à verser à la SA Consumer Finance France la somme de 775.88 euros au titre du remboursement du contrat de crédit arrêté au mois de novembre 2021 ;
Déclare irrecevable la demande de la SA CA Consumer Finance tendant à voir inscrire au passif de la liquidation de la société Inolys la somme de 43 753,92 euros ;
Condamne la SA CA Consumer Finance à verser à M. [K] [O] et Mme [Z] [S] épouse [O] la somme de 3 .000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA CA Consumer Finance aux dépens de première instance et d'appel ;
Dit que Me Lacquit, Avocat, pourra directement recouvrer les dépens dont elle aurait fait l'avance sans percevoir de provision par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.