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Décisions

CA Grenoble, 1re ch., 24 septembre 2024, n° 23/00014

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/00014

23 septembre 2024

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Dans le cadre d'une vente hors établissement et suivant bon de commande du 21 juin 2017, les époux [D] [N]/[R] [G] ont conclu avec la société Ecorenove exerçant sous l'enseigne Habitat EnR un contrat de fourniture et pose d'un système aéro-volt composé de 10 panneaux aérothermiques moyennant le prix de 29.800€.

Pour le financement de ce bien, la société CETELEM au droit de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance leur a consenti, le même jour, un crédit accessoire d'un même montant en capital.

Suivant exploits d'huissier des 3 et 4 mai 2021, les époux [G] ont fait citer la SELARL Jérôme Allais en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecorenove et la société BNP Paribas Personal Finance en nullité et, à défaut, en résolution du contrat de vente et du contrat de crédit affecté.

Par jugement du 8 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Valence a débouté les époux [G] de l'ensemble de leurs prétentions, dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure et les a condamnés aux dépens de l'instance.

Suivant déclaration du 22 décembre 2022, M. et Mme [G] ont relevé appel de cette décision.

Par conclusions récapitulatives du 16 mars 2023, M. et Mme [G] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

les déclarer recevables,

prononcer la nullité, à défaut la résolution, des contrats de vente et de crédit,

leur donner acte de ce qu'ils sont libérés de toutes obligations à l'égard de la banque,

condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur restituer l'intégralité des sommes indument perçues,

condamner solidairement la société Ecorenove et la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer la somme de 2.000€ en réparation de leur préjudice, outre la somme de 4.500€ d'indemnité de procédure,

fixer au passif de la société Ecorenove les sommes mises à sa charge.

Ils exposent que :

le contrat principal est un contrat d'achat couplé de biens et de services,

l'absence de mention sur la possibilité de recourir à un médiateur fait encourir la nullité du bon de commande,

le bon de commande indique à tort que le délai de rétractation court à compter de la signature du bon de commande,

il n'est démontré aucune confirmation de leur part du contrat nul puisqu'ils ne sont pas professionnels du droit de la consommation,

ils n'avaient aucune connaissance des vices affectant le contrat,

la nullité du contrat de vente entraîne la nullité du contrat de crédit,

au surplus, le contrat de crédit est nul en lui-même,

à défaut, les contrats seront résolus puisque l'installation ne fonctionne pas,

ils ont obtenu le remplacement du matériel défectueux lequel n'a pas davantage fonctionné,

ils ont adressés deux mails de réclamation les 8 et 29 octobre 2019 auxquels il n'a pas été répondu,

la banque a commis diverses fautes la privant de son droit à restitution du capital emprunté,

elle a libéré les fonds sans disposer d'une attestation de fins de travaux,

la banque s'est abstenue, avant de verser les fonds empruntés, de vérifier la régularité du contrat principal,

ils se retrouvent propriétaires d'une installation ne fonctionne pas,

la procédure collective du vendeur leur porte nécessairement préjudice au regard de l'impossibilité de recouvrer le prix de vente.

Au dernier état de ses écritures en date du 22 mars 2023, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

à titre principal, confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

subsidiairement en cas d'annulation ou de résolution des contrats de vente et de crédit,

condamner les époux [G] à lui payer le capital emprunté augmenté des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2017, date de déblocage des fonds, outre capitalisation, déduction faite des mensualités acquittées,

condamner la société Ecorenove à relever et garantir les époux [G],

en toutes hypothèses, condamner solidairement M. et Mme [G] à lui payer une indemnité de procédure de 4.500€, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance avec distraction.

Elle fait valoir que :

les dispositions du code de la consommation ont été parfaitement respectées,

même si le contrat principal contenait quelques irrégularités irrégularités formelles, en tout état de cause, elles ont été couvertes par les époux [G],

les emprunteurs ont accepté, depuis plus de 4 années, l'installation,

il n'est nullement démontré que l'installation ne fonctionne pas,

elle n'a commis aucune faute dans le déblocage des fonds,

aucune rentabilité n'a été contractualisée,

l'attitude des époux [G] est de parfaite mauvaise foi.

La SELARL Allais ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Ecorenove, citée le 22 mars 2023 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

La décision sera réputée contradictoire.

La clôture de la procédure est intervenue le 16 janvier 2024.

MOTIFS

sur l'annulation des contrats de vente et de crédit

Il n'est pas contesté que M. et Mme [G] ont été démarchés pour la conclusion du contrat principal de fourniture et pose.

Ainsi, les dispositions du code de la consommation sur la vente hors établissement sont applicables.

L'article L.111-1 du code de la consommation dans sa version applicable au 1er juillet 2016 énumère les mentions que les contrats conclus doivent comporter à peine de nullité conformément à l'article L.242-1 de ce code en vigueur à partir de la même date.

L'article L.221-5 du même code instauré par la même ordonnance prévoit une information pré-contractuelle.

Enfin, l'article L.221-18 prévoit un droit de rétractation de 14 jours dont le délai court à compter de la date de conclusion du contrat pour les contrats de prestations de service et à compter de la réception du bien pour les contrats de vente.

Le contrat principal conclu avec la société Ecorenove ne respecte pas les dispositions de l'article L 111-1 et encourt la nullité au regard du défaut des caractéristiques essentielles des biens dans le bon de commande en ce qu'il n'est pas indiqué la marque (4 marques visées), les dimensions, le prix unitaire du matériel ni la méthode de pose par incorporation ou superposition (les deux techniques étant visées) ni encore des délais de livraison suffisamment précis.

En outre, le contrat de vente, au regard du défaut de communication des coordonnées de l'assureur de la société Ecorenove, ne respecte pas les dispositions de l'article L 111-2 mettant à la charge du professionnel l'obligation de communiquer au consommateur de façon lisible et compréhensible les informations complémentaires à son activité de prestataire de service, notamment l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui.

Ainsi, la nullité du bon de commande est également encourue de ce chef.

La possibilité du recours au médiateur fait également défaut.

Enfin, le contrat de fourniture et pose d'une centrale photovoltaïque impliquant la livraison de divers matériels s'analyse comme une convention mixte de vente avec prestations de service faisant partir le délai de rétractation de 14 jours à compter de la livraison du matériel photovoltaïque.

Il ressort de l'examen du bon de commande que le bordereau de rétractation mentionne uniquement comme point de départ la date de conclusion du contrat, de sorte que ledit bordereau est irrégulier.

La violation du formalisme prescrit par les articles L.111-1 et suivants du code de la consommation a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché et est sanctionnée par une nullité relative, à laquelle celui-ci peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier.

La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit être caractérisée par la connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger.

En l'espèce, il n'est nullement démontré que M. et Mme [G], consommateurs profanes, aient eu conscience, lors de la signature des contrats et de l'attestation d'installation, des irrégularités les entachant.

A cet égard, les références erronées aux dispositions légales lesquelles étaient abrogées à la date de conclusion du contrat, n'ont pas permis aux époux [G] d'avoir connaissance des dispositions du code de la consommation applicables, lesquelles en tout état de cause, si elles étaient correctes auraient été insuffisantes à caractériser la connaissance du vice.

Les époux [G] n'ont donc pas reçu l'information complète due aux consommateurs.

En conséquence, c'est à tort que le tribunal a refusé d'annuler le contrat principal conclu avec la société Ecorenove pour violation des dispositions susvisées du code de la consommation.

Le jugement déféré sera donc infirmé.

Les contrats de vente et de crédit étant, aux termes de l'article L.311-21 du code de la consommation, interdépendants, l'annulation du contrat principal entraîne l'annulation du contrat de prêt subséquent.

Le jugement déféré sera également infirmé sur ce point.

Enfin, il convient de mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société Ecorenove l'enlèvement de la centrale aérothermique et la remise en état des lieux.

sur la demande en paiement de la société BNP Paribas Personal Finance

L'annulation d'un contrat de prêt emporte l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté, sauf à démontrer le déblocage fautif des fonds par l'organisme financier ainsi que le préjudice subi par l'emprunteur.

Pour justifier le déblocage des fonds intervenu selon elle le 28 juillet 2017, la banque verse une fiche d'installation du 13 juillet 2017 particulièrement lapidaire.

Ainsi, il n'est pas possible de vérifier si le raccordement et la mise en service de la centrale aérothermique étaient effectifs à la date du déblocage des fonds, ce qui semble peu probable seul un délai d'un mois s'étant écoulé depuis la signature du bon de commande, insuffisant pour mener à terme les diverses démarches nécessaires.

De surcroît, la banque a financé un contrat de vente nul, ce dont elle pouvait facilement se convaincre à sa seule lecture.

Néanmoins, ces diverses fautes de la banque ne suffisent pas à la priver de la restitution du capital emprunté, l'acquéreur devant également justifier de l'existence d'un préjudice.

En l'espèce, l'impossibilité de restitution du prix de vente du fait du prononcé de la liquidation judiciaire de la société Ecorenove prive les emprunteurs, M. et Mme [G], de la contrepartie de la restitution du bien vendu et constitue un préjudice en lien de causalité avec la faute de la banque qui s'est abstenue de vérifier la régularité formelle du contrat principal avant de débloquer les fonds.

Par voie de conséquence, il convient de priver la société BNP Paribas Personal Finance de son droit à restitution du capital emprunté et de la condamner à payer à M. et Mme [G] les mensualités du prêt par eux acquittées.

De ce fait, il convient de rejeter la demande de la société BNP Paribas Personal Finance de voir condamner le vendeur à relever et garantir les emprunteurs, demande à titre surabondant irrecevable du fait du prononcé de la liquidation judiciaire de la société Ecorenove.

sur la demande des époux [G] en dommages-intérêts

En l'absence de démonstration du préjudice allégué, il convient de débouter les époux [G] de ce chef de demande.

sur les mesures accessoires

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, les entiers dépens de la procédure seront supportés par la société BNP Paribas Personal Finance.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Prononce l'annulation du contrat de vente conclu le 21 juin 2017 par M. [R] [G] et Mme [D] [N] épouse [G] avec la société Ecorenove,

Constate l'annulation du contrat de crédit conclu par M. [R] [G] et Mme [D] [N] épouse [G] avec la société CETELEM le 21 juin 2017,

Met à la charge de la SELARL Allais ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Ecorenove l'enlèvement du matériel installé et la remise en état de l'immeuble de M. [R] [G] et Mme [D] [N] épouse [G],

Dit que la société BNP Paribas Personal Finance est privée de son droit à restitution du capital emprunté,

Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses prétentions,

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [R] [G] et Mme [D] [N] épouse [G] le montant des mensualités du crédit par eux acquittées,

Déboute M. [R] [G] et Mme [D] [N] épouse [G] de leur demande en dommages-intérêts pour préjudice moral,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens de la procédure tant de première instance qu'en cause d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.