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Décisions

CA Riom, ch. com., 25 septembre 2024, n° 23/00889

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Sabarot Agriculture (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubled-Vacheron

Conseillers :

Mme Theuil-Dif, Mme Berger

Avocats :

Me Gutton Perrin, Me Pillonel, Me Rahon, Me Breysse Delabre

TJ Puy-en-Velay, du 9 mai 2023, n° 22/00…

9 mai 2023

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat du 26 décembre 2017, la SCI [D] IV a donné à bail commercial à la SAS Sabarot Agriculture, sur la commune de Siaugues, Sainte-Marie (43300) divers immeubles comprenant :

'- dans un bâtiment de trois niveaux cadastrés section K n°[Cadastre 8] : le premier niveau d'une superficie d'environ 150 m² à usage de bureaux, magasin, sanitaires, vestiaires et réfectoire ; (...)

- un bâtiment ancien avec huit cellules à grains en bois dont sept d'une contenance de 200 quintaux et une de 80 quintaux, cadastré section K n°[Cadastre 7] ;

- un bâtiment plus récent à usage de stockage de grains, comprenant cinq cellules de 700 quintaux, une cellule de 1 600 quintaux, et fosse de réception, cadastré section K n°[Cadastre 7] ;

- quatre silos extérieurs de 1 800 quintaux chacun, cadastré section K n°[Cadastre 7] K ;

- un terrain d'une superficie de 1 800 m² environ à usage de stockage de matériaux cadastré section K n°[Cadastre 1] ;

- un boisseau de chargement, en cours de construction par le bailleur.'

Il s'agissait d'un bail commercial d'une durée de 10 années prenant effet le 26 décembre 2017, avec un loyer annuel de 32 250 euros.

Une clause de majoration de loyer était stipulée comme suit : 'à la réception des travaux, tels que prévus à l'annexe 6, qui auront été effectués par le bailleur avec l'accord préalable du preneur, le loyer annuel de base sera majoré de 10 % du coût total des travaux pendant la durée de dix ans du bail'.

Un dépôt de garantie de 2 690 euros a été payé par la SAS Sabarot Agriculture.

Le 3 juin 2020, une réunion a été organisée entre les parties au contrat de bail, et il ressortait d'un courriel d'un représentant du preneur que celui-ci proposait deux alternatives : soit une baisse du loyer à 25 000 euros annuel pour lui permettre d'investir, soit un maintien du loyer avec engagement du bailleur de faire installer un boisseau de chargement de 50 m3 minimum et d'assumer la rénovation des outils de manutention d'environ 7 000 euros par an.

Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 29 septembre 2020, M. [C] [X], président du Groupe Savarot a écrit à la SCI [D] IV qu'en contrepartie des travaux, notamment l'installation d'un boisseau de chargement, la SAS Sabarot Agriculture avait accepté de renoncer à sa faculté de résiliation et ainsi de s'engager pour une période de location de 10 ans ; que la SCI [D] IV n'avait réalisé aucun des travaux prévus alors qu'il s'agissait d'une condition déterminante et une contrepartie de son engagement de rester dans les lieux pendant une telle durée ; qu'elle souhaitait la rencontrer le plus rapidement possible afin de convenir ensemble des adaptations qui devraient être apportées aux conditions de location.

Un projet d'avenant a été élaboré mais n'a pas été signé par les parties.

Par LRAR du 21 juin 2021, M. [C] [X] de la SAS Sabarot [X] a mis en demeure la SCI [D] IV pour qu'elle répondre de son inexécution contractuelle et qu'elle donne ses intentions pour la suite de l'exécution du contrat de bail.

Le 23 juin 2021, la SCI [D] IV a répondu qu'elle considérait avoir réalisé tous les travaux prévus dans le contrat de bail, sauf l'installation de deux vis de sol pour reprise des cellules.

Le 1er septembre 2021, la SAS Sabarot Agriculture a mandaté un huissier de justice pour qu'il soit signifié la résolution du bail commercial après un préavis de quatre mois, au motif que les travaux stipulés dans le bail n'avaient pas été réalisés.

Par mail du 9 septembre 2021, le conseil de la SCI [D] IV a contesté la résolution anticipée du bail (le courrier n'était reçu que par l'huissier de justice, l'adresse mail utilisée pour transmettre le courrier n'était pas valide et la SAS Sabarot Agriculture n'a pas été destinataire de cette contestation).

La SAS Sabarot Agriculture a ensuite mandaté un huissier de justice pour remettre les clés à la SCI [D] IV. Le gérant de la SCI a refusé cette restitution estimant que le bail était toujours en cours.

Par LRAR du 2 février 2022, la SCI [D] IV a mis en demeure la SAS Sabarot Agriculture de lui régler la somme de 6 767,80 euros correspondant aux termes du loyer de janvier et février 2022, outre indemnités forfaitaires.

Par LRAR du 16 février 2022, le conseil de la SAS Sabarot Agriculture a adressé au bailleur une mise en demeure de restituer le dépôt de garantie de 2 690 euros.

Par acte du 5 mai 2022, la SCI [D] IV a fait assigner la SAS Sabarot Agriculture devant le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay afin de voir :

- dire et juger que la résolution du bail est intervenue de manière infondée par la volonté unilatérale de la SAS Sabarot Agriculture à défaut pour cette société d'avoir mis en demeure le bailleur et en l'absence de faute contractuelle du bailleur ;

- subsidiairement, dire et juger que l'acte de signification de résolution de bail du 1er septembre 2021 est de nul effet ;

- condamner la SAS Sabarot Agriculture à lui payer les sommes de :

> 243 640,80 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux loyers contractuellement dus jusqu'au terme du bail à durée déterminée de 10 ans, sans possibilité de résiliation anticipée du preneur, dans l'hypothèse où la résolution du bail interviendrait au 31 décembre par l'effet de l'acte du 1er septembre 2021 par la volonté unilatérale du preneur ;

> subsidiairement, 13 535,60 euros correspondant aux termes de loyers de janvier à avril 2022 inclus, outre 3 383,90 euros par mois à compter du 1er mai 2022 jusqu'à la date du jugement à intervenir, dans l'hypothèse où le bail continuerait à courir ;

> 4 000 euros au titre des frais irrépétibles, en toute hypothèse ;

- condamner la SAS Sabarot Agriculture aux entiers dépens.

Par jugement du 9 mai 2023, le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a :

- jugé régulière la résiliation du bail commercial en date du 26 décembre 2017, effectuée à l'initiative de la SAS Sabarot Agriculture par acte d'huissier du 1er septembre 2021 avec prise d'effet au 31 décembre 2021 ;

- en conséquence, débouté la SCI [D] IV de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté la SAS Sabarot Agriculture de sa demande reconventionnelle en restitution du dépôt de garantie ;

- condamné la SCI [D] IV aux entiers dépens de l'instance ;

- condamné la SCI [D] IV à payer à la SAS Sabarot Agriculture la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que le jugement était exécutoire par voie de provision.

La SCI [D] IV a interjeté appel du jugement le 6 juin 2023.

Par conclusions déposées et notifiées le 4 juin 2024, l'appelante demande à la cour de :

- réformer, infirmer et/ou annuler le jugement en ce qu'il a :

- jugé régulière la résiliation du bail commercial du 26 décembre 2017, mise en oeuvre par la SAS Sabarot Agriculture le 1er septembre 2021 à effet du 31 décembre 2021 ;

- débouté la SCI [D] IV de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté la SAS Sabarot Agriculture de sa demande reconventionnelle ;

- condamné la SCI [D] IV aux entiers dépens de première instance ;

- condamné la SCI [D] IV à payer à la SAS Sabarot Agriculture la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuant à nouveau :

- prononcer l'irrégularité et /ou l'illégalité de la résolution du bail intervenue de manière infondée par la volonté unilatérale la SAS Sabarot Agriculture, en l'absence de faute contractuelle du bailleur et subsidiairement à défaut pour cette société d'avoir mis en demeure le bailleur d'y remédier ;

- priver de tout effet à son égard l'acte de signification de résolution de bail du 1er septembre 2021;

- condamner la SAS Sabarot Agriculture à lui payer :

> la somme de 243 640,80 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux loyers contractuellement dus jusqu'au terme du bail à durée déterminée de 10 ans, sans possibilité de résiliation anticipée du preneur, dans l'hypothèse où la résolution du bail interviendrait au 31 décembre par l'effet de l'acte du 1er septembre 2021 par la volonté unilatérale du preneur ;

> subsidiairement, la somme de 13 535,60 euros correspondant aux termes de loyers de janvier à avril 2022 inclus, outre 3 383,90 euros par mois augmenté de toutes révisions triennales en vertu de l'article 8 du bail, à compter du 1er mai 2022 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, dans l'hypothèse où le bail continuerait à courir, outre intérêts au taux légal à compter de chaque échéance ;

> infiniment subsidiairement, une indemnité d'occupation de 3 383,90 euros par mois augmentée de toutes révisions triennales qui auraient dû intervenu en vertu de l'article 8 du bail, à compter du 1er janvier 2022 jusqu'à la date de la restitution à intervenir lors de la réalisation d'un état des lieux de sortie à l'initiative de la partie la plus diligente dans l'hypothèse où la résolution du bail interviendrait valablement au 31 décembre par l'effet de l'acte du 1er septembre 2021 ;

> la somme de 9 000 euros au titre des frais irrépétibles, en toute hypothèse ;

- ordonner la capitalisation des intérêts par année entière en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- débouter la SAS Sabarot Agriculture de son appel incident et de toutes ses demandes ;

- condamner la SAS Sabarot Agriculture aux entiers dépens, en ce compris les sommes prévues par les articles R.444-3 et ses annexes, et A.444-31 du code de commerce, portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, ajoutées en sus aux sommes auxquelles ils seront condamnés et laissées entièrement à leur charge, dont recouvrement direct au profit de Me Ladislas Mazur-Champanhac, avocat pour ceux de première instance et de Lexavoue Riom-Clermont pour ceux d'appel, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et notifiées le 22 mai 2024, la SAS Sabarot Agriculture demande à la cour, au visa des articles 1103, 1188, 1217 et 1226 du code civil, de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté par la SCI [D] IV ;

- confirmer le jugement entrepris ;

- constater que le bail commercial a été résilié le 1er septembre 2021 avec effet au 1er janvier 2022 ;

- en conséquence, débouter la SCI [D] IV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, toutes aussi irrecevables que mal fondées ;

- infirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

- à titre reconventionnel, condamner la SCI [D] IV à lui payer la somme de 2 690 euros au titre du dépôt de garantie non restitué ;

- condamner la SCI [D] IV à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI [D] IV au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Rahon.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2024.

MOTIFS

- Sur les obligations contractuelles

Selon l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

La SCI [D] IV soutient que les travaux de construction du boisseau de chargement n'étaient soumis à aucun délai de réalisation triennal et n'étaient déterminants ni de l'engagement de la SAS Sabarot Agriculture à souscrire le bail, ni de la renonciation de la SAS Sabarot Agriculture à la faculté de résiliation triennale ; que la construction du boisseau n'est évoquée au bail que pour justifier que sa durée soit de dix ans, ce qui lui laissait ce délai pour y procéder ; que la clause de majoration du loyer lui donnait en réalité une prime à la célérité : plutôt les travaux de construction du boisseau auraient été achevés, plutôt elle aurait pu bénéficier d'une augmentation de loyer sur les années subsistantes du contrat de bail ; que la renonciation à la faculté de résiliation triennale par la société preneuse est un accord distinct entre les parties ; que le bail ne mentionne aucun délai ni de date butoir, ni de sanction en l'absence de réalisation du boisseau.

La désignation des biens loués incluait en vertu de l'article 2 du contrat : 'un boisseau de chargement, en cours de construction par le bailleur (Annexe 6)'.

Un boisseau, en complément d'une installation de stockage en silo, permet de garantir un chargement rapide des camions en céréales.

L'article 3 de ce même contrat précisait que 'compte tenu des travaux effectués par le bailleur à la demande du preneur, le présent bail est consenti et accepté pour une durée de dix (10) années entières et consécutives'. Il était ensuite indiqué que le preneur n'avait pas de faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale.

L'article 6.4.2 du bail énonçait : 'Conformément aux dispositions de l'article L.145-40-2 du code de commerce, le bailleur communiquera au preneur, lors de la conclusion du présent bail location, puis tous les trois ans, un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel (Annexe 6)'.

Enfin, l'Annexe 6 est rédigée en ces termes :

'Annexe 6 - Travaux à réaliser (article L.145-40-2 du code de commerce)

Etat et budget prévisionnels des travaux à réaliser pour les trois prochaines années : Boisseau de chargement'

Figurait ensuite un devis en date du 14 décembre 2017 de la SARL JPGC La Baume concernant la 'Fourniture d'un boisseau de chargement' pour un montant de 70 639 euros HT.

Ainsi, il ressort des stipulations du bail que les parties avaient contractualisé l'obligation pour la SCI [D] IV, bailleur, de réaliser des travaux d'aménagement du site de Siaugues Sainte-Marie, celui-ci s'étant engagé à réaliser le boisseau de chargement dans un délai de trois ans. La durée du bail s'expliquait par les travaux que devait réaliser le bailleur et en contrepartie, le preneur ne disposait pas de la faculté de résiliation à l'expiration d'une période triennale.

Au surplus, la question de la réalisation du boisseau de chargement a donné lieu à des échanges entre les parties dans le cadre de l'exécution du contrat puisque celles-ci se sont réunies le 3 juin 2020 à ce sujet : des discussions sont intervenues quant aux conséquences sur le loyer de la non réalisation de ces travaux.

En septembre 2020, la SAS Sabarot Agriculture s'est plainte auprès de son bailleur de la non réalisation du boisseau, qui était pour elle 'une condition déterminante et une contrepartie à notre engagement de rester dans les lieux pendant une telle durée'.

Elle justifie par ailleurs que certains transporteurs ont pu refuser de réceptionner la marchandise livrée sur ce site dénué de boisseau de chargement. Dans un courriel du 3 septembre 2021, un représentant du Groupe Multitransports, écrit : 'd'après nos derniers résultats, un de vos sites, en l'occurrence celui de [Localité 9] (43), ressort avec des dysfonctionnements. (...) La vétusté des installations de votre silo ne permet pas un temps de chargement inférieur à 2 heures impactant ainsi nos rentabilités et notre compétitivité (contrairement à vos autres sites étant équipés de boisseaux de chargement)'.

Il ressort des stipulations du contrat et des éléments exposés ci-dessus que la construction du boisseau de chargement était un élément déterminant du consentement de la SAS Sabarot Agriculture, le bailleur devant procéder à son installation dans un délai maximum de trois ans.

- Sur la résiliation du contrat

L'article 1217 du code civil énonce que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- solliciter une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

L'article 1226 prévoit que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

Par LRAR du 29 septembre 2020 adressée à la SCI [D] IV, M. [C] [X] a écrit :

'Messieurs,

aux termes d'un acte en date du 26 décembre 2017, notre société loue sur la commune de [Localité 9] divers immeubles vous appartenant.

Lors de nos discussions qui ont précédé la signature de cet acte, nous avions convenu qu'un certain nombre de travaux devaient être effectués par le bailleur, travaux qui ont été listés dans le cadre des dispositions de l'article L.145-40-2 du code de commerce et annexé au bail.

En contrepartie de ces travaux comportant notamment l'installation d'un boisseau de chargement, nous avions accepté de renoncer à notre faculté de résiliation et ainsi de nous engager pour une période de location de 10 ans, soit du 26 décembre 2017 au 25 décembre 2027.

A ce jour, vous n'avez réalisé aucun des travaux prévus dans ces immeubles, objets du bail.

Or, la réalisation de ces travaux était une condition déterminante et une contrepartie à notre engagement de rester dans les lieux pendant une telle durée.

Dès lors, nous souhaitons vous rencontrer le plus rapidement possible afin de convenir ensemble des adaptations qui devront être apportées aux conditions de location.

Dans l'attente de votre retour.'

L'entête du courrier est au nom de Sabarot Agriculture, et figure en bas de page la mention 'Sabarot Agriculture (...) [Adresse 2] - [Localité 6]' .

Puis par LRAR du 21 juin 2021, ayant pour objet 'mise en demeure', adressée à la SCI [D] IV, M. [C] [X], président écrit :

'Messieurs,

Nous faisons suite à notre précédent courrier en date du 29 septembre 2020, dans lequel nous vous demandions d'effectuer les travaux qui avaient été stipulés dans le bail commercial conclu entre nos sociétés le 26 décembre 2017.

Ce courrier est resté sans réponse.

La réalisation de ces travaux était une condition déterminante à notre engagement de louer ces lieux.

Nous avons par ailleurs envisagé, en contrepartie d'une réduction du loyer dudit bail, de ne pas faire les travaux mis à votre charge dans le cadre du bail rappelé ci-dessus. Un projet d'avenant a d'ailleurs été rédigé prenant en compte cette proposition.

A ce jour nous n'avons aucune réponse à cette dernière proposition.

En conséquence, par la présente, nous vous mettons en demeure de nous apporter une réponse quant à vos intentions, dans un délai de quinze jours.

A défaut, nous vous informons que, conformément aux dispositions de l'article 1226 du code civil dont le deuxième alinéa dispose que 'la mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligations, le créancier sera en droit de résoudre le contrat', nous vous notifierons la résolution du contrat de bail.'

L'entête du courrier est au nom de Sabarot, et figure en bas de page la mention 'Sabarot [X] SAS, [Adresse 2] - [Localité 6]'

sur la mise en demeure

La SCI [D] IV soutient tout d'abord que la mise en demeure dont se prévaut l'intimée, émane de la SAS Sabarot [X], personne morale distincte de la SAS Sabarot Agriculture, qui n'est pas sa cocontractante ; que ce courrier d'un tiers au contrat n'a aucune valeur ni aucun effet juridique.

Or, le contrat de bail commercial a été conclu entre la SCI [D] IV et 'la Société Sabarot Agriculture, société par actions simplifiées à associé unique (...) représentée par Monsieur [C] [X], es-qualité de représentant légal de la société Sabarot [X], Présidente'.

La SAS Sabarot [X] est donc la présidente de la SAS Sabarot Agriculture, et M. [C] [X] est le représentant légal de la SAS Sabarot [X].

Au surplus, le 23 juin 2021, la SCI [D] IV a répondu au courrier du 21 juin 2021, en l'adressant à la société Sabarot Agriculture, à l'attention de M. [C] [X]. Elle n'avait ainsi aucun doute sur la qualité de cocontractant de son interlocuteur, le courrier étant rédigé par M. [C] [X]. La mise en demeure était donc régulière sur ce plan.

La SCI [D] IV soutient ensuite que le seul courrier recommandé du preneur est celui du 29 septembre 2020 où la résolution du contrat n'est pas évoquée ; qu'en outre, s'il était donné un effet juridique au courrier du 21 juin 2021, il ne le met pas en demeure de réaliser les travaux de construction du boisseau, mais de donner une réponse sous quinze jours quant à ses intentions relativement au projet d'avenant.

La teneur des deux courriers était claire : dans celui du 29 septembre 2020, le preneur a énoncé que la réalisation des travaux de construction du boisseau de chargement était une condition déterminante et une contrepartie à son engagement de rester dans les lieux pendant dix ans ; qu'à défaut de leur réalisation, il souhaitait rencontrer le bailleur au plus vite pour convenir ensemble des adaptations devant être apportées aux conditions de location.

Dans le courrier du 21 juin 2021, le preneur a rappelé l'existence de celui du 29 septembre 2020 dans lequel il lui demandait d'effectuer les travaux stipulés dans le bail commercial, courrier resté sans réponse ; il a rappelé avoir envisagé en contrepartie d'une réduction du loyer, de ne pas faire les travaux mis à sa charge, un projet d'avenant ayant été rédigé prenant en compte cette proposition mais étant resté sans réponse de la part du bailleur. En conséquence, le preneur a mis en demeure le bailleur de lui apporter une réponse quant à ses intentions, dans un délai de quinze jours, à défaut de quoi il lui notifierait la résolution du contrat en rappelant les dispositions de l'article 1226 du code civil.

'Apporter une réponse' signifiait clairement exécuter les travaux de construction du boisseau de chargement ou à défaut, réduire le loyer. Un délai a été donné pour cela : quinze jours.

La mise en demeure du 21 juin 2021 répondait ainsi parfaitement aux conditions posées par l'article 1226 du code civil.

sur l'inexécution contractuelle

Le dernier alinéa de l'article 1226 du code civil prévoit que le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution et que le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

Il a été démontré ci-dessus que l'exécution des travaux de construction du boisseau de chargement était une condition déterminante du consentement de la SAS Sabarot Agriculture.

La SCI [D] IV a répondu le 23 juin 2021 'avoir réalisé les travaux stipulés dans le bail commercial du 26 décembre 2017, à l'exception des deux vis de sol pour reprise des cellules', que 'ces travaux ont été confiés en temps et en heure (il y environ 1 an) à l'entreprise Martel Didier à Chaspuzac et à ce jour, rien n'a été réalisé.', et enfin qu'elle relançait immédiatement l'entreprise Martel.

Dans ses écritures, elle soutient que les travaux étaient en cours d'achèvement, la SAS Sabarot Agriculture étant responsable d'un manque d'entretien empêchant la réparation d'une vis sans fin.

A l'appui de cette affirmation, elle produit une attestation du 16 novembre 2021 qui ne répond pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile, d'un dénommé M. [Z] [Y] 'Mécanique Générale' dans laquelle ce dernier écrit 'avoir pris connaissance d'un chantier sur [Localité 9] pour réparation de vis sans fin ; au vu de l'état de celle-ci j'ai demandé un nettoyage avant d'intervenir'.

Alors que les parties étaient en discussion sur ce problème spécifique de construction du boisseau de chargement depuis le début du bail, que la SCI [D] IV a été mise en demeure de s'exécuter, elle ne peut sérieusement se contenter d'affirmer qu'elle a réalisé les travaux stipulés au contrat en s'appuyant sur cette unique attestation qui ne remplit aucune des conditions formelles pour sa validité, et qui en outre ne permet nullement d'établir la construction du boisseau.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que le bailleur n'avait pas respecté son engagement contractuel de construire un boisseau de chargement dans le délai de trois ans suivant la signature du bail, qu'il avait été mis en demeure de le faire, en vain et que c'était régulièrement que la SAS Sabarot Agriculture avait pu signifier, non pas la résolution, mais la résiliation (s'agissant d'un contrat à exécution successive) du bail commercial par acte d'huissier du 1er septembre 2021, avec prise d'effet au 31 décembre 2021. La SCI [D] IV a par conséquent, à juste titre, été déboutée de l'intégralité de ses demandes.

- Sur les conséquences de la résiliation du bail

La SCI [D] IV soutient que dans l'hypothèse où le bail serait considéré comme valablement résilié, la SAS Sabarot Agriculture serait redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'à la restitution des lieux qui interviendrait lors de l'état des lieux de sortie. Elle observe que la SAS Sabarot ne l'a jamais convoquée à un état des lieux de sortie. Elle s'oppose pour la même raison à la restitution du dépôt de garantie.

La SAS Sabarot Agriculture fait valoir que le bailleur a systématiquement refusé la restitution des clés, qu'il est malvenu de réclamer une indemnité d'occupation alors même que la décision de première instance était exécutoire de plein droit ; que l'absence d'état des lieux de sortie est imputable au bailleur ; qu'il appartient à la SCI [D] IV de démontrer que d'éventuelles réparations locatives sont à prélever sur le dépôt de garantie pour s'opposer à sa restitution.

Sur ce,

Le contrat de bail stipulait en page 6 (article 6.1.2) que lors de la restitution des locaux, un état des lieux serait établi conformément à l'article L.145-40-1 du code de commerce.

Cet article prévoit que lors de la prise de possession des locaux par le locataire en cas de conclusion d'un bail (...), un état des lieux est établi contradictoirement et amiablement par le bailleur et le locataire ou par un tiers mandaté par eux.

Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues au premier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.

La SAS Sabarot Agriculture a fait signifier à la SCI [D] IV un acte le 18 janvier 2022 dans lequel il était relaté l'ensemble des faits ayant conduit à la résolution du bail commercial au 31 décembre 2021. Il était ensuite indiqué que 'la société requérante vous a convoqué pour la restitution des clés et l'état des lieux de sortie mais vous n'avez pas jugé utile de vous y rendre', et qu'en conséquence, elle lui restituait les clés du local commercial ; qu'en cas de refus de réceptionner lesdites clés, l'huissier de justice les tiendrait à sa disposition en son étude.

Il résulte du procès-verbal de signification que le représentant de la SCI [D] IV a refusé catégoriquement la restitution des clés tout comme la signification de l'acte.

Suite à la signification du jugement de première instance le 5 juin 2023, un nouveau procès-verbal a été dressé par l'huissier de justice le même jour dans lequel celui-ci certifie s'être transporté au siège social de la SCI [D] IV : le représentant a accepté de recevoir la copie de l'acte de signification du jugement, toutefois pour le surplus, l'huissier a mentionné :

'J'énonce ensuite à M. [W] [D], le dispositif du jugement, lequel a jugé régulière la résiliation du bail commercial en date du 26 septembre 2017, effectuée à l'initiative de la SASU Sabarot Agriculture par acte d'huissier en date du 1er septembre 2021 avec prise d'effet au 31 décembre 2021 et, conformément aux termes de ladite décision, je lui propose de lui remettre sur le champ les clés du local commercial, objet de la résiliation.

M. [W] [D], gérant de la SCI [D] IV m'indique refuser la restitution des clés de ce local commercial, refus que je consigne dans le présent procès-verbal de constat, lui indiquant toutefois que je tiens lesdites clés à la disposition de la SCI [D] IV en mon étude, [Adresse 3] [Localité 4], à charge pour elle de les récupérer.'

La SCI [D] IV a systématiquement refusé la restitution des clés considérant que la résiliation du bail n'était pas régulière. Elle ne peut désormais sérieusement se prévaloir de l'absence de réalisation de l'état des lieux de sortie pour fonder sa demande d'indemnité d'occupation, alors même que le jugement ayant validé la résiliation au 31 décembre 2021, était exécutoire par provision et qu'il appartenait à la partie la plus diligente et y ayant le plus intérêt, de faire établir l'état de lieux de sortie. Par conséquent, la demande en condamnation au titre de l'indemnité d'occupation sera rejetée.

Néanmoins, il en ira de même de la demande reconventionnelle en restitution du dépôt de garantie formée par la SAS Sabarot Agriculture, le premier juge ayant à ce titre, justement énoncé que la restitution du dépôt de garantie supposait qu'un état des lieux de sortie contradictoire permettant d'établir l'existence d'éventuelles dégradations locatives, à l'initiative de la partie la plus diligente, soit dressé préalablement.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant à l'instance, la SCI [D] IV sera condamnée aux dépens d'appel. Leur distraction sera ordonnée au profit de Me Sébastien Rahon conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'appelante sera en outre condamnée à payer à la SAS Sabarot Agriculture une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant :

Déboute la SCI [D] IV de sa demande en condamnation de la SAS Sabarot Agriculture au titre d'une indemnité d'occupation ;

Condamne la SCI [D] IV à payer à la SAS Sabarot Agriculture la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la SCI [D] IV aux dépens d'appel ;

Ordonne la distraction des dépens d'appel au profit de Me Sébastien Rahon, avocat.