Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 8, 25 septembre 2024, n° 18/12650
PARIS
Arrêt
Autre
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2024
(n° , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12650 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6WOL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F16/00393
APPELANT
Monsieur [M] [K]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
INTIMES ET INTERVENANTS
SAS SPIE BATIGNOLLES
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Sabine ANGELY-MANCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0492
AGS CGEA ILE DE FRANCE EST
pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean-Charles GANCIA, avocat au barreau de PARIS, toque : T07
Maître [S] [J], mandataire judiciaire domicilié [Adresse 1] à [Localité 10] nommé en remplacement de Maître [M] [T], SMJ ' Société de Mandataires Judiciaires,
ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés ARCANE, GREEN BATIMENT SERVICES, SP RENOVATION, SESINI LONGHI et TROUVE LECLAIRE
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
SELARL JSA, prise en la personne de Maître [R], société de mandataire judiciaire domicilié [Adresse 4] à [Localité 11] nommé en remplacement de Maître [T], SMJ ' Société de Mandataires Judiciaires,
ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GREEN BATIMENT
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre
Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre
Madame Sandrine MOISAN, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nathalie FRENOY, présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Figen HOKE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Figen HOKE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [M] [K] a travaillé au sein de la société Green Bâtiment Services (GBS) dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, bénéficiant d'une ancienneté remontant au 9 septembre 1982.
Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de contrôleur de gestion.
***
En 2007, la société Spie Batignolles, intervenant dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, a fait l'acquisition de la société Groupe SPR, connue sur le marché de l'aménagement intérieur, société dont faisaient partie depuis 1987 la société Maison Leclaire et la société Trouvé Entreprise, devenues par fusion, à la suite du rachat, la société Trouvé Leclaire (positionnée notamment sur le marché de la finition, des travaux de prestige et des travaux de rénovation traditionnelle du patrimoine ancien).
La société Spie Batignolles, société-mère par ailleurs des sociétés Arcane Entreprise (exerçant une activité de peinture et de rénovation), SP Rénovation (exerçant une activité d'isolation et d'optimisation thermique), Sesini & Longhy (exerçant une activité de rénovation de bâtiments) et Laurent & Fontix (ayant fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine à cette dernière en janvier 2014), a constitué un 'pôle peinture' composé de toutes ces sociétés, chacune d'elles intervenant sur son secteur d'activité plus spécifique.
Par acte du 24 mai 2013, la société Groupe SPR a cédé les sociétés Trouvé Leclaire, SP Rénovation, Sesini & Longhy, Arcane Entreprise - constituant ce ' pôle peinture'- à la société Green Bâtiment, société du groupe Green Recovery, spécialisé dans la reprise de sociétés.
Le 29 octobre 2013, la société Green Bâtiment Services a été créée pour centraliser les activités support des filiales du groupe.
Le 21 novembre 2014, une déclaration de cessation des paiements a été faite pour chacune des sociétés du groupe, qui ont été placées en redressement judiciaire le 1er décembre suivant.
Le tribunal de commerce de Créteil a prononcé, le 18 février 2015, leur liquidation judiciaire.
Pour les salariés de ces sociétés, a été mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel, après un premier refus motivé par le non-respect des règles d'information et de consultation, a été homologué par la DIRECCTE le 2 mars 2015.
Le mandataire liquidateur a proposé au salarié un contrat de sécurisation professionnelle, auquel l'intéressé a adhéré. La relation de travail a pris fin dans ce cadre le 23 mars 2015.
Contestant la rupture de son contrat de travail intervenue, selon lui, en conséquence de la fraude commise par les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR cherchant, sous couvert d'une démarche de réorientation de leurs activités, à faire l'économie d'un plan de sauvegarde de l'emploi coûteux, tout en se débarrassant de salariés ayant une grande ancienneté, Monsieur [K], comme une centaine d'autres salariés des sociétés liquidées, a saisi le 3 décembre 2015 le conseil de prud'hommes de Créteil qui, par jugement du 18 septembre 2018 :
- a déclaré recevable la demande in limine litis formulée à la barre par la SAS Green Batiment,
en conséquence
- s'est déclaré incompétent ratione materiae et a renvoyé conformément à l'article 96 du code de procédure civile, Monsieur [M] [K] à mieux se pourvoir devant le Tribunal de grande instance de Versailles, siège de la SAS Green Batiment,
- a prononcé la mise hors de cause de la SAS Green Batiment,
- a déclaré recevable la demande in limine litis formulée à la barre par la SA Groupe SPR,
en conséquence
- s'est déclaré incompétent ratione materiae et a renvoyé conformément à l'article 96 du code de procédure civile, Monsieur [M] [K] à mieux se pourvoir devant le Tribunal de grande instance de Créteil, siège de la SA Groupe SPR,
- a déclaré recevable la demande in limine litis formulée à la barre par la SA SPIE Batignolles,
en conséquence
- a prononcé la mise hors de cause de la SA SPIE Batignolles,
- a déclaré irrecevable la demande in limine litis formulée à la barre par AGS CGEA ILE DE FRANCE EST ,
en conséquence
- s'est déclaré compétent ratione materiae en matière du contrôle du respect de l'obligation de reclassement découlant d'un plan de sauvegarde de l'emploi,
- a déclaré recevable sur la forme la demande de sursis à statuer non plaidée in limine litis à la barre par la SA Groupe SPR mais soutenue sans ses écritures,
en conséquence
- sur le fond a décidé de ne pas surseoir à statuer en attendant l'éventualité d'une décision du Tribunal de commerce de Paris,
- n'a pas fait droit à la demande de l'AGS CGEA ILE DE FRANCE EST de déclarer irrecevables les demandes en application des articles L.622-21 et L.625-6 du code de commerce ,
- a débouté Monsieur [M] [K] de l'ensemble de ses demandes,
- a débouté les sociétés SAS Green Batiment, SA SPIE Batignolles, SA Groupe SPR de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge de Monsieur [M] [K].
Par déclaration du 25 octobre 2018, le salarié a interjeté appel de ce jugement.
Dans l'intervalle, le 30 avril 2018, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Green Bâtiment, qui n'avait jusque-là pas fait l'objet d'une procédure collective, eu égard aux résultats attendus de l'action en responsabilité contre les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR qu'elle avait entamée.
***
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 22 novembre 2022, Monsieur [K] demande à la cour de :
' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de la société Green Bâtiment de sursis à statuer dans l'attente de l'éventuelle décision du tribunal de commerce de Paris,
' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de l'AGS CGEA d'Ile de France d'incompétence partielle au profit du tribunal administratif,
' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de l'AGS CGEA d'Ile de France d'irrecevabilité des demandes formulées par le concluant,
' infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le demandeur de l'ensemble de ses demandes,
statuant à nouveau,
' d'ordonner
à titre principal: sur les demandes au titre du préjudice subi du fait de la perte d'emploi au regard du non-respect de l'engagement pris dans les Plans de Sauvegarde de l'Emploi concernant les reclassements externes
- la condamnation de la société GBS à lui verser la somme de177 912 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi au regard des référents établis pour l'ensemble des demandeurs,
- la condamnation de la société GBS à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-portabilité de la prévoyance et de la mutuelle,
- la fixation de ces sommes au passif de la liquidation et la condamnation de l'AGS ' CGEA d'IDF Est à garantir les condamnations, en rendant le jugement opposable à ce dernier,
- le règlement des condamnations et la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification de la décision à intervenir,
à titre subsidiaire sur la demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
- la condamnation de la société GBS à lui verser la somme de 177 912 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, au regard des référents établis pour l'ensemble des demandeurs,
- la condamnation de la société GBS à lui verser (M.[K] ayant adhéré au CSP) la somme de 14'826 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu'à 1482 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
- la condamnation de la société GBS à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-portabilité de la prévoyance et de la mutuelle,
- la fixation de ces sommes au passif de la liquidation et la condamnation de l'AGS ' CGEA IDF Est à garantir les condamnations, en rendant le jugement opposable à ce dernier,
- le règlement des condamnations et la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification de la décision à intervenir.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2022, la société Spie Batignolles demande à la cour de :
à titre principal
- déclarer irrecevables les demandes de l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est à l'encontre de la société Spie Batignolles,
très subsidiairement
vu l'article 1382 ancien, 1240 nouveau du Code civil
- débouter l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est de toutes ses demandes à l'encontre de la société Spie Batignolles,
en tout état de cause
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il prononce la mise hors de cause de la société Spie Batignolles,
- condamner l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est à lui payer la somme de 100 euros à titre d'indemnité pour procédure abusive, ainsi que la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'appelant à payer à la société Spie Batignolles la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'appelant, subsidiairement tout succombant, aux dépens, qui seront recouvrés par Me Sabine Angély-Manceau, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2022, la société Groupe SPR demande à la cour de :
vu l'arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 14 décembre 2020 qui 'déclare irrecevable l'appel formé le 25 octobre 2018 en ce qu'il est dirigé contre la société Groupe SPR',
vu les articles 550 et 914 du code de procédure civile,
vu les articles L.622-20 et L.641-4 du code de commerce,
- déclarer que la cour est dessaisie de l'appel en ce qu'il est dirigé contre la société Groupe SPR,
y ajoutant
à titre principal
- déclarer irrecevables les demandes de l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Est contre la concluante,
à titre subsidiaire
- débouter l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est de toutes ses demandes contre la concluante,
en tout état de cause
- condamner l'appelant à payer à la société Groupe SPR la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est à payer à la société Groupe SPR la somme de 100 euros en dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du Code civil,
- condamner l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est à payer à la société Groupe SPR la somme de 100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner l'appelant, subsidiairement tout succombant, aux dépens, qui seront recouvrés par Me Sabine Angély-Manceau, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 18 novembre 2022, Maître [J], mandataire judiciaire nommé en remplacement de la selarl SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Arcane, Green Bâtiment Services, SP Rénovation, Sesini & Longhi, Trouvé Leclaire, et la selarl JSA, prise en la personne de Maître [R], en remplacement de la selarl SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Green Bâtiment demandent à la cour de:
à titre principal
1) sur le caractère justifié de la rupture pour motif économique des contrats de travail des salariés non protégés :
- déclarer irrecevable toute demande de Monsieur [K] visant à obtenir la condamnation de la société Trouvé Leclaire à lui verser des dommages-intérêts en vertu de l'article L.622-21 du code de commerce,
- déclarer irrecevable toute contestation du salarié à l'encontre des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi,
- dire que la rupture pour motif économique des contrats de travail du salarié était bien fondée et de le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes afférentes,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 18 septembre 2018 en ce qu'il a débouté le salarié de la contestation de son licenciement,
2) sur les demandes de dommages-intérêts pour non-portabilité des droits à prévoyance et frais de santé
- constater que le salarié n'apporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre,
3) à titre subsidiaire, sur la disproportion des dommages-intérêts réclamés par le salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
si la Cour devait par extraordinaire considérer que le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse, il lui est demandé d'ajuster cette demande individuelle de fixation au passif à de plus justes proportions en prenant en compte les éléments versés par le salarié au débat ainsi que le référentiel indicatif prévu par l'article R. 1235-22 du code du travail le cas échéant, soit 16 mois de salaire maximum représentant la somme de 98 840 euros,
en tout état de cause
- condamner le salarié à verser à Maître [J] ès qualités une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le salarié aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 novembre 2022, l'AGS CGEA d'Ile de France Est demande à la cour :
à titre liminaire,
vu l'article L.1235-7-1 du code du travail,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour trancher l'ensemble des demandes présentées par le salarié,
- de se déclarer incompétente pour trancher toute demande découlant de la contestation du contenu du Plan de Sauvegarde de l'Emploi homologué par la DIRECCTE au profit du juge administratif,
- d'inviter le salarié à mieux se pourvoir,
en tout état de cause
vu la décision d'homologation du PSE et le principe d'autorité de la chose décidée par l'administration,
- de dire et juger irrecevable toute demande découlant de la contestation du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi homologué par la DIRECCTE au profit du juge administratif,
vu les articles L.622-21 et L.625-6 du code de commerce,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de condamnation à l'encontre d'une société en procédure collective,
- de dire irrecevables les demandes de condamnation à l'encontre des sociétés Trouvé Leclaire et Green Bâtiment,
vu l'article L.3253-6 du code du travail,
- de dire et juger les demandes à l'encontre de la société Green Bâtiment inopposables à l'AGS,
sur les demandes :
- de donner acte à l'AGS qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour s'agissant de la matérialité des faits invoqués par les salariés,
dans l'hypothèse où la Cour retient la responsabilité civile des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR :
vu l'article 1240 du Code civil,
- de dire et juger que les demandes fondées sur la responsabilité des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR sont inopposables à la liquidation de la société Trouvé Leclaire ainsi qu'à l'AGS,
- de condamner solidairement les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR à verser à l'AGS la somme de 11 075 763,52 euros,
sur le licenciement :
vu l'article L. 1233-3 du code travail,
vu les articles L. 640-1 et suivants du code de commerce,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que le licenciement repose sur un motif économique incontestable,
- de constater que l'argumentaire tendant à critiquer le respect de l'obligation de reclassement par l'employeur est irrecevable,
- de débouter le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre subsidiaire,
- de constater que cet argumentaire ne peut conduire qu'à l'octroi de dommages-intérêts, sans remettre en cause le licenciement,
- de ramener les demandes du salarié à de plus justes proportions,
à titre infiniment subsidiaire,
vu les articles L.1235-1 et 3 du code du travail,
- de débouter le salarié du surplus de sa demande faute de justifier de son préjudice,
- de débouter le salarié de sa demande de préavis et congés payés afférents,
à titre subsidiaire
- de dire que le CSP est remis en cause dans l'ensemble de ses effets erga omnes,
- de confirmer le jugement entrepris et débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de maintien de la prévoyance,
sur la garantie
- de dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,
- de dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,
vu les articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,
- de dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage mentionnés à ces articles,
- de statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 janvier 2023. Lors de l'audience de plaidoiries du 26 janvier 2023, les parties ont souhaité se rapprocher dans le cadre d'une médiation, laquelle a échoué pour l'appelant, comme indiqué à l'audience de renvoi du 29 février 2024.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur l'irrecevabilité de l'appel :
Il convient de rappeler que l'appel du salarié a été déclaré irrecevable à l'encontre de la société Groupe SPR, par arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 décembre 2020.
La Cour n'est donc pas saisie de demandes de la part du salarié à l'encontre de la société Groupe SPR.
Sur le sursis à statuer :
Le salarié sollicite que la demande de sursis à statuer formulée en première instance par la société Spie Batignolles et la société Groupe SPR, dans l'attente de la décision du tribunal de commerce de Paris, saisi par la société Green Bâtiment, soit rejetée.
Cette demande n'est plus soutenue en cause d'appel par les sociétés intimées ; il convient donc de confirmer le jugement entrepris qui a décidé de ne pas surseoir à statuer.
Sur la demande d'indemnisation pour perte d'emploi :
L'appelant sollicite la condamnation de la société Green Bâtiment Services (GBS), son employeur, à lui verser des dommages-intérêts pour perte d'emploi, sur le fondement du non-respect de son obligation de reclassement.
Il fait valoir qu'il a sollicité la condamnation, mais également la fixation de diverses sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société ayant été son employeur.
Invoquant l'article L.1233-4 du code du travail dont il résulte que le conseil de prud'hommes est compétent ratione materiae en matière de contrôle de l'obligation individuelle de reclassement, il conclut au rejet de la fin de non-recevoir soulevée.
Le CGEA d'Ile de France Est sollicite d'une part, que soit constatée l'irrecevabilité des demandes de condamnation à l'encontre des sociétés liquidées, en invoquant les dispositions des articles L.622-21 et L.625-6 du code de commerce et l'irrecevabilité des demandes critiquant le PSE, au regard du principe de l'autorité de la chose décidée.
Il souligne d'autre part, la validation définitive du Plan de Sauvegarde de l'Emploi et son contenu, soulève l'incompétence de la juridiction saisie au profit du tribunal administratif pour toute question relative à son contenu, homologué par la DIRECCTE, et enfin l'autorité de la chose jugée par le Tribunal de commerce qui a prononcé la liquidation judiciaire de la société, ayant donné lieu au licenciement.
Sur l'irrecevabilité de la demande de condamnation :
Selon l'article L.622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
De même, les dispositions de l'article L.641-9 du code de commerce et celles des articles
L. 3253-20 et L. 3253-21 du code du travail permettent seulement au salarié de demander que les créances salariales dont il se prévaut soient inscrites sur le relevé dressé par le mandataire judiciaire afin d'entraîner l'obligation pour les institutions de garantie des salaires de verser, selon la procédure légale, les sommes litigieuses entre les mains de celui-ci.
Si, en l'espèce, le salarié sollicite la condamnation de son employeur à lui verser des dommages-intérêts pour perte d'emploi, il formule ensuite une demande de fixation au passif de la liquidation.
L'irrecevabilité soulevée ne saurait donc prospérer.
Sur la séparation des pouvoirs :
L'argumentaire du CGEA d'Ile de France Est ne saurait valoir en l'espèce, à défaut de Plan de Sauvegarde de l'Emploi mis en place au sein de la société GBS.
Il convient en outre de constater que les parties ne contestent pas le motif économique du licenciement de l'espèce. Le salarié conteste en revanche l'obligation de l'employeur au titre du reclassement soumise aux dispositions de l'article L.1233-4 du code du travail.
Sur le fond :
Rappelant que l'obligation de recherche de reclassement nécessite un examen particulier de la situation de chaque salarié, l'appelant fait valoir que le mandataire liquidateur n'a pas respecté l'obligation de moyens renforcée qui pesait sur lui à ce sujet puisqu'il a exclu arbitrairement des sociétés appartenant au périmètre réduit et incomplet du groupe qu'il avait retenu, que le périmètre de reclassement aurait dû être élargi au groupe Green Recovery et à ses filiales, que les solutions de reclassement identifiées dès le 25 février 2015, date de consultation du comité d'entreprise, ne lui ont pas été proposées de façon personnalisée et précise et que ce manquement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Le mandataire liquidateur affirme avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement et fait état de son impossibilité de reclasser le salarié, malgré ses démarches sérieuses au sein du périmètre applicable. Par ailleurs, il rappelle que le reclassement dit « externe », réalisé par le recrutement du salarié par une autre entreprise, n'est pas de nature à permettre à l'employeur de justifier qu'il a satisfait à son obligation de reclassement, ni à remettre en cause la validité du licenciement. Il insiste sur le caractère facultatif et curatif des propositions de reclassement externe et considère qu'aucun grief ne peut lui être fait dans la mesure où ces propositions ne sont enfermées dans aucun formalisme légal.
Selon l'article L.1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'
Le mandataire liquidateur, dans la lettre de licenciement adressée à Monsieur [K], indique avoir, 'afin d'éviter votre licenciement','préalablement mis en 'uvre tous les moyens dont je dispose pour rechercher des postes de reclassement'; cependant, il n'en justifie nullement, ni au niveau d'études menées pour trouver une solution pour ce salarié - disposant de compétences utiles quelle que soit l'activité de l'entreprise, en sa qualité de contrôleur de gestion-, ni au titre de propositions écrites et personnalisées qui n'ont pas été faites, alors que dans le groupe auquel la société GBS appartenait, la société Sesini & Longhy a fait l'objet d'un plan de cession partiel avec reprise de salariés et que des réembauches ont eu lieu.
Nonobstant le délai bref imparti au liquidateur pour effectuer ses recherches, il y a lieu de constater que celui-ci ne démontre pas avoir exécuté loyalement son obligation de recherche de reclassement.
En conséquence, le licenciement de l'appelant doit être jugé sans cause réelle et sérieuse,
Eu égard aux éléments de préjudice démontrés par le salarié du fait de cette perte d'emploi injustifiée, à ses conséquences financières et en termes de carrière professionnelle compte tenu de son âge (57 ans ) et de son ancienneté (32 ans) au jour de la rupture de son contrat de travail, il convient d'accueillir sa demande d'indemnisation à hauteur de 50 000 euros, somme devant être fixée au passif de la société GBS.
Sur la portabilité des droits en matière de santé et de prévoyance :
L'appelant affirme avoir appris par l'organisme de mutuelle plusieurs mois après la rupture que les démarches n'avaient pas été effectuées pour assurer la portabilité des droits en matière de santé et de prévoyance en violation des dispositions légales. Il soutient que plusieurs salariés ont avancé des frais de santé qui n'ont jamais été remboursés. Il réclame une indemnisation à hauteur de 1 000 € à ce titre.
Le mandataire liquidateur soutient pour sa part avoir accompli les démarches pour que les garanties soient maintenues, alors que l'assureur a manqué, selon lui, à ses obligations en rompant la portabilité sous prétexte d'un défaut de paiement, nonobstant la Loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l'emploi qui prévoit le financement de la portabilité par mutualisation.
Il fait valoir que le salarié, à qui il appartient de justifier du préjudice qu'il invoque, ne démontre pas qu'il a subi un dommage réparable « forfaitairement », à défaut de fournir des pièces au sujet des frais médicaux prétendument réglés et non remboursés, de leur caractère remboursable en fonction du régime applicable, du montant de la quote-part qui aurait été prise en charge par la mutuelle et qui ne l'a pas été, déduction faite des remboursements de la sécurité sociale.
Le CGEA d'Ile de France Est fait valoir que le salarié ne verse aux débats aucun justificatif de refus de prise en charge, refus qui pourrait être en tout état de cause légitime après des licenciements entre mars et mai 2015 en fonction de la date de souscription du contrat et de sa résiliation ou non compte tenu de la liquidation judiciaire. Il conclut au rejet de la demande de ce chef.
La demande d'indemnisation de l'espèce suppose, pour être accueillie, la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux.
Sans même analyser la faute invoquée, il convient de constater que l'appelant fait état d' un préjudice, sans en démontrer la nature, ni le montant, ni même le principe, aucun justificatif de dépenses de santé restées à tort à sa charge n'étant produit.
La demande doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.
Il doit en aller ainsi, également, de la demande subsidiaire présentée sur le même fondement et tendant aux mêmes fins.
Sur la mise hors de cause :
La société Spie Batignolles sollicite sa mise hors de cause, se disant étrangère à la cession du capital des sociétés constituant le 'pôle peinture' dans lesquelles elle n'a tenu aucune participation, même minoritaire.
Le salarié ne formule aucune demande à l'encontre de la société Spie Batignolles.
En revanche, le CGEA d'Ile de France Est présente une demande de condamnation solidaire à l'encontre de la société Spie Batignolles et de la société Groupe SPR, soutenant que, même en l'absence de co-emploi, une société tierce ayant pris des décisions dommageables pour la société employeur peut être condamnée sur le terrain de la responsabilité extra-contractuelle, si par sa faute ou sa légèreté blâmable, elle a contribué à la disparition d'emplois. Il estime que la demande présentée, qui n'entre pas dans le champ de sa garantie, peut être dirigée à l'encontre de ces sociétés du fait de leur responsabilité dans le licenciement de l'appelant.
Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Alors qu'en l'espèce, une fraude est invoquée ayant abouti à la procédure collective ouverte à l'encontre de la société GBS notamment, société du ' pôle peinture' cédé en 2013 et partant, au licenciement de l'appelant, et que le processus d'externalisation des activités peinture a supposé l'intervention de la société Spie Batignolles, à l'origine de la création dudit pôle, la responsabilité extra-contractuelle de cette dernière peut être en jeu; sa demande de mise hors de cause doit être rejetée, par infirmation du jugement entrepris.
Sur l'irrecevabilité de la demande de l'AGS :
Le CGEA d'Ile de France Est sollicite qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour s'agissant de la matérialité des faits invoqués par le salarié, et dans l'hypothèse où la cour retient la responsabilité civile des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR, vu l'article 1240 du Code civil, lui demande de condamner solidairement les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR à lui verser la somme de 11'075'763,52 euros.
Par note en délibéré du 30 juillet 2024, il a ramené sa demande à la somme globale de 9 117 256,56 euros.
Il considère sa demande parfaitement recevable, puisque formulée dans le cadre de ses premières écritures et dans le délai pour interjeter appel incident, invoque au surplus le principe de l'unicité de l'instance autorisant les demandes nouvelles en cause d'appel et fait valoir que son argumentaire n'est pas contradictoire, l'avance effectuée étant injustifiée si la faute des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR invoquée par le salarié est reconnue.
La société Groupe SPR considère que le CGEA, n'ayant pas formé appel principal, ni incident du jugement du conseil de prud'hommes qui s'est déclaré incompétent ratione materiae, est irrecevable en cette demande de condamnation.
La société Spie Batignolles et la société Groupe SPR soutiennent en outre que cette demande est nouvelle en cause d'appel, qu'aucun fait nouveau n'est invoqué, ni aucune compensation, que le moyen tiré de l'unicité de l'instance est inopérant puisque la juridiction prud'homale est incompétente pour statuer sur les demandes présentées contre les sociétés intimées, et que cette demande se heurte au défaut de qualité de son auteur à agir en dommages-intérêts pour des fautes commises à l'égard de tiers. Elles font état de ce que seul le liquidateur judiciaire a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, la demande du CGEA étant au surplus contradictoire avec celle consistant à lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour s'agissant de la matérialité des faits invoqués par le salarié.
La société Spie Batignolles invoque en outre que le CGEA n'a pas formé appel incident de la disposition du jugement qui a prononcé sa mise hors de cause.
Selon l'article 550 du code de procédure civile, 'sous réserve des articles 905-2, 909 et 910, l'appel incident ou l'appel provoqué peut être formé, en tout état de cause, alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal. Dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l'appel principal n'est pas lui-même recevable ou s'il est caduc.'
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il n'est pas contestable que les premières conclusions du CGEA contenaient, à l'exclusion de toute autre, les demandes d'infirmation suivantes :
'Vu l'article L. 1235-7-1 du code du travail,
- infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes de Créteil s'est déclaré compétent pour trancher l'ensemble des demandes présentées par Monsieur [K]
[...]
Vu les articles L.622-21 et 625-6 du code de commerce,
- infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes de Créteil a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de condamnation à l'encontre d'une société en procédure collective [...]'
Il n'apparaît donc pas que le CGEA ait interjeté appel, même incident, à l'encontre de la disposition du jugement d' incompétence matérielle pour connaître des demandes du salarié à l'encontre de la société Groupe SPR.
La lecture des premières conclusions du CGEA ne permet pas de retenir qu'un appel incident ait été interjeté à l'encontre de la disposition du jugement de première instance prononçant la mise hors de cause de la société Spie Batignolles.
Les demandes présentées par le CGEA à l'encontre de ces deux sociétés sont donc irrecevables.
Sur i'indemnité compensatrice de préavis :
L'appelant sollicite, à titre subsidiaire, une indemnité compensatrice de préavis, ainsi que les congés payés y afférents.
Le CGEA d'Ile-de-France Est soutient que le salarié, qui a accepté le contrat de sécurisation professionnelle - lequel a produit son plein effet - ne saurait réclamer une indemnité compensatrice de préavis, et conclut au rejet de la demande.
En application de l'article L. 1233-67 du code du travail, la rupture du contrat de travail, résultant de l'adhésion au CSP, ne comporte ni préavis, ni indemnité compensatrice de préavis.
En application des articles L. 1233-67 et L. 1233-68-10º b du même code, en cas d'adhésion au CSP, l'employeur verse à Pôle Emploi une contribution spécifique correspondant à l'indemnité de préavis dans la limite de trois mois de salaire majoré de l'ensemble des cotisations et contributions obligatoires afférentes.
En application de l'article L. 3253-8-3º du même code, l'AGS garantit cette contribution et la règle à Pôle-emploi.
Dans la mesure où le contrat de sécurisation professionnelle auquel l'appelant a adhéré n'est pas critiqué en son application, où les avances faites à ce titre par l'AGS ne sont pas contestées et où aucun solde de ce qu'aurait été l'indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement n'est réclamé, alors que le caractère économique de la rupture n'est pas contesté, il convient de rejeter la demande.
Sur les autres demandes :
La cour n'a pas à statuer sur les demandes de constat, de donner acte ou de prendre acte qui ne correspondent pas à des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, précises, exécutables ou exécutoires.
Le CGEA sollicite par ailleurs que les prétentions contre la société Green Bâtiment lui soient déclarées inopposables.
Cette demande, qui ne concerne pas l'appelant, salarié de Green Bâtiment Services, entité distincte de Green Bâtiment, ne saurait prospérer.
Le CGEA soutient également que les demandes fondées sur la responsabilité des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR sont inopposables à la liquidation de la société Trouvé Leclaire ainsi qu'à l'AGS; cependant, l'appelant est salarié de GBS et ne formule aucune demande fondée sur la responsabilité de la société Spie Batignolles. En outre, son appel a été déclaré irrecevable à l'encontre de la société Groupe SPR.
Ce moyen d' irrecevabilité doit donc être rejeté.
Sur la procédure abusive :
La société Spie Batignolles sollicite la condamnation du CGEA d'Ile de France Est à lui payer la somme de 100 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil.
La société Groupe SPR formule une prétention similaire, sur le même fondement, à hauteur de la même somme.
L'exercice d'une action en justice ou d'un recours constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts que s'il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, aucun élément n'est produit permettant de caractériser un abus de la part du CGEA. Les demandes doivent donc être rejetées.
Sur la garantie de l'AGS :
Il convient de rappeler que l'obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail, dans les limites du plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire.
Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l'AGS- CGEA d'Ile de France Est.
Sur la remise de documents :
La remise d'une attestation Pôle Emploi (France Travail) et d'un certificat de travail conformes à la teneur du présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance du représentant de la société GBS n'étant versé au débat.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Par infirmation du jugement entrepris, les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de la liquidation judiciaire de la société GBS, représentée par le mandataire liquidateur, ès qualités.
Par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire devant la chambre sociale d'une cour d'appel puisque les parties peuvent également y être représentées par un défenseur syndical, il ne saurait y avoir distraction des dépens au profit de l'avocat des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR.
L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de rejeter les demandes présentées par les autres parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Statuant publiquement, dans les limites de l'appel,
INFIRME le jugement de première instance, sauf en ce qu'il s'est déclaré compétent pour contrôler le respect de l'obligation de reclassement, n'a pas fait droit à la demande de sursis à statuer, a constaté la recevabilité des demandes en application des articles L.622-21 et L. 625-6 du code de commerce, a rejeté la demande du salarié au titre de la non-portabilité de la mutuelle, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, et les demandes des sociétés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dispositions qui sont confirmées,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
CONSTATE l'irrecevabilité des critiques de Monsieur [M] [K] relatives à l'obligation de reclassement, au périmètre de reclassement et au licenciement mais la recevabilité de ses critiques relatives à la mise en oeuvre des mesures contenues dans le Plan de Sauvegarde de l'Emploi,
FIXE au passif de la société Green Bâtiment Services la créance de Monsieur [M] [K] à hauteur de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d'emploi,
DIT la présente décision opposable au CGEA-AGS d'Ile de France Est,
DIT que l'AGS devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, dans les limites du plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire,
ORDONNE la remise par le représentant de la société Green Bâtiment Services à Monsieur [M] [K] d'une attestation Pôle Emploi (France Travail), d'un certificat de travail conformes à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans le mois suivant son prononcé,
CONSTATE l'irrecevabilité des demandes du CGEA à l'encontre des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,
LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de la liquidation judiciaire de la société Green Bâtiment Services, représentée par son mandataire liquidateur.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2024
(n° , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12650 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6WOL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F16/00393
APPELANT
Monsieur [M] [K]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
INTIMES ET INTERVENANTS
SAS SPIE BATIGNOLLES
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Sabine ANGELY-MANCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0492
AGS CGEA ILE DE FRANCE EST
pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean-Charles GANCIA, avocat au barreau de PARIS, toque : T07
Maître [S] [J], mandataire judiciaire domicilié [Adresse 1] à [Localité 10] nommé en remplacement de Maître [M] [T], SMJ ' Société de Mandataires Judiciaires,
ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés ARCANE, GREEN BATIMENT SERVICES, SP RENOVATION, SESINI LONGHI et TROUVE LECLAIRE
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
SELARL JSA, prise en la personne de Maître [R], société de mandataire judiciaire domicilié [Adresse 4] à [Localité 11] nommé en remplacement de Maître [T], SMJ ' Société de Mandataires Judiciaires,
ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GREEN BATIMENT
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre
Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre
Madame Sandrine MOISAN, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nathalie FRENOY, présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Figen HOKE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Figen HOKE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [M] [K] a travaillé au sein de la société Green Bâtiment Services (GBS) dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, bénéficiant d'une ancienneté remontant au 9 septembre 1982.
Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de contrôleur de gestion.
***
En 2007, la société Spie Batignolles, intervenant dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, a fait l'acquisition de la société Groupe SPR, connue sur le marché de l'aménagement intérieur, société dont faisaient partie depuis 1987 la société Maison Leclaire et la société Trouvé Entreprise, devenues par fusion, à la suite du rachat, la société Trouvé Leclaire (positionnée notamment sur le marché de la finition, des travaux de prestige et des travaux de rénovation traditionnelle du patrimoine ancien).
La société Spie Batignolles, société-mère par ailleurs des sociétés Arcane Entreprise (exerçant une activité de peinture et de rénovation), SP Rénovation (exerçant une activité d'isolation et d'optimisation thermique), Sesini & Longhy (exerçant une activité de rénovation de bâtiments) et Laurent & Fontix (ayant fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine à cette dernière en janvier 2014), a constitué un 'pôle peinture' composé de toutes ces sociétés, chacune d'elles intervenant sur son secteur d'activité plus spécifique.
Par acte du 24 mai 2013, la société Groupe SPR a cédé les sociétés Trouvé Leclaire, SP Rénovation, Sesini & Longhy, Arcane Entreprise - constituant ce ' pôle peinture'- à la société Green Bâtiment, société du groupe Green Recovery, spécialisé dans la reprise de sociétés.
Le 29 octobre 2013, la société Green Bâtiment Services a été créée pour centraliser les activités support des filiales du groupe.
Le 21 novembre 2014, une déclaration de cessation des paiements a été faite pour chacune des sociétés du groupe, qui ont été placées en redressement judiciaire le 1er décembre suivant.
Le tribunal de commerce de Créteil a prononcé, le 18 février 2015, leur liquidation judiciaire.
Pour les salariés de ces sociétés, a été mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel, après un premier refus motivé par le non-respect des règles d'information et de consultation, a été homologué par la DIRECCTE le 2 mars 2015.
Le mandataire liquidateur a proposé au salarié un contrat de sécurisation professionnelle, auquel l'intéressé a adhéré. La relation de travail a pris fin dans ce cadre le 23 mars 2015.
Contestant la rupture de son contrat de travail intervenue, selon lui, en conséquence de la fraude commise par les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR cherchant, sous couvert d'une démarche de réorientation de leurs activités, à faire l'économie d'un plan de sauvegarde de l'emploi coûteux, tout en se débarrassant de salariés ayant une grande ancienneté, Monsieur [K], comme une centaine d'autres salariés des sociétés liquidées, a saisi le 3 décembre 2015 le conseil de prud'hommes de Créteil qui, par jugement du 18 septembre 2018 :
- a déclaré recevable la demande in limine litis formulée à la barre par la SAS Green Batiment,
en conséquence
- s'est déclaré incompétent ratione materiae et a renvoyé conformément à l'article 96 du code de procédure civile, Monsieur [M] [K] à mieux se pourvoir devant le Tribunal de grande instance de Versailles, siège de la SAS Green Batiment,
- a prononcé la mise hors de cause de la SAS Green Batiment,
- a déclaré recevable la demande in limine litis formulée à la barre par la SA Groupe SPR,
en conséquence
- s'est déclaré incompétent ratione materiae et a renvoyé conformément à l'article 96 du code de procédure civile, Monsieur [M] [K] à mieux se pourvoir devant le Tribunal de grande instance de Créteil, siège de la SA Groupe SPR,
- a déclaré recevable la demande in limine litis formulée à la barre par la SA SPIE Batignolles,
en conséquence
- a prononcé la mise hors de cause de la SA SPIE Batignolles,
- a déclaré irrecevable la demande in limine litis formulée à la barre par AGS CGEA ILE DE FRANCE EST ,
en conséquence
- s'est déclaré compétent ratione materiae en matière du contrôle du respect de l'obligation de reclassement découlant d'un plan de sauvegarde de l'emploi,
- a déclaré recevable sur la forme la demande de sursis à statuer non plaidée in limine litis à la barre par la SA Groupe SPR mais soutenue sans ses écritures,
en conséquence
- sur le fond a décidé de ne pas surseoir à statuer en attendant l'éventualité d'une décision du Tribunal de commerce de Paris,
- n'a pas fait droit à la demande de l'AGS CGEA ILE DE FRANCE EST de déclarer irrecevables les demandes en application des articles L.622-21 et L.625-6 du code de commerce ,
- a débouté Monsieur [M] [K] de l'ensemble de ses demandes,
- a débouté les sociétés SAS Green Batiment, SA SPIE Batignolles, SA Groupe SPR de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge de Monsieur [M] [K].
Par déclaration du 25 octobre 2018, le salarié a interjeté appel de ce jugement.
Dans l'intervalle, le 30 avril 2018, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Green Bâtiment, qui n'avait jusque-là pas fait l'objet d'une procédure collective, eu égard aux résultats attendus de l'action en responsabilité contre les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR qu'elle avait entamée.
***
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 22 novembre 2022, Monsieur [K] demande à la cour de :
' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de la société Green Bâtiment de sursis à statuer dans l'attente de l'éventuelle décision du tribunal de commerce de Paris,
' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de l'AGS CGEA d'Ile de France d'incompétence partielle au profit du tribunal administratif,
' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de l'AGS CGEA d'Ile de France d'irrecevabilité des demandes formulées par le concluant,
' infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le demandeur de l'ensemble de ses demandes,
statuant à nouveau,
' d'ordonner
à titre principal: sur les demandes au titre du préjudice subi du fait de la perte d'emploi au regard du non-respect de l'engagement pris dans les Plans de Sauvegarde de l'Emploi concernant les reclassements externes
- la condamnation de la société GBS à lui verser la somme de177 912 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi au regard des référents établis pour l'ensemble des demandeurs,
- la condamnation de la société GBS à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-portabilité de la prévoyance et de la mutuelle,
- la fixation de ces sommes au passif de la liquidation et la condamnation de l'AGS ' CGEA d'IDF Est à garantir les condamnations, en rendant le jugement opposable à ce dernier,
- le règlement des condamnations et la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification de la décision à intervenir,
à titre subsidiaire sur la demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
- la condamnation de la société GBS à lui verser la somme de 177 912 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, au regard des référents établis pour l'ensemble des demandeurs,
- la condamnation de la société GBS à lui verser (M.[K] ayant adhéré au CSP) la somme de 14'826 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu'à 1482 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
- la condamnation de la société GBS à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-portabilité de la prévoyance et de la mutuelle,
- la fixation de ces sommes au passif de la liquidation et la condamnation de l'AGS ' CGEA IDF Est à garantir les condamnations, en rendant le jugement opposable à ce dernier,
- le règlement des condamnations et la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification de la décision à intervenir.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2022, la société Spie Batignolles demande à la cour de :
à titre principal
- déclarer irrecevables les demandes de l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est à l'encontre de la société Spie Batignolles,
très subsidiairement
vu l'article 1382 ancien, 1240 nouveau du Code civil
- débouter l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est de toutes ses demandes à l'encontre de la société Spie Batignolles,
en tout état de cause
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il prononce la mise hors de cause de la société Spie Batignolles,
- condamner l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est à lui payer la somme de 100 euros à titre d'indemnité pour procédure abusive, ainsi que la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'appelant à payer à la société Spie Batignolles la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'appelant, subsidiairement tout succombant, aux dépens, qui seront recouvrés par Me Sabine Angély-Manceau, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2022, la société Groupe SPR demande à la cour de :
vu l'arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 14 décembre 2020 qui 'déclare irrecevable l'appel formé le 25 octobre 2018 en ce qu'il est dirigé contre la société Groupe SPR',
vu les articles 550 et 914 du code de procédure civile,
vu les articles L.622-20 et L.641-4 du code de commerce,
- déclarer que la cour est dessaisie de l'appel en ce qu'il est dirigé contre la société Groupe SPR,
y ajoutant
à titre principal
- déclarer irrecevables les demandes de l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Est contre la concluante,
à titre subsidiaire
- débouter l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est de toutes ses demandes contre la concluante,
en tout état de cause
- condamner l'appelant à payer à la société Groupe SPR la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est à payer à la société Groupe SPR la somme de 100 euros en dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du Code civil,
- condamner l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est à payer à la société Groupe SPR la somme de 100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner l'appelant, subsidiairement tout succombant, aux dépens, qui seront recouvrés par Me Sabine Angély-Manceau, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 18 novembre 2022, Maître [J], mandataire judiciaire nommé en remplacement de la selarl SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Arcane, Green Bâtiment Services, SP Rénovation, Sesini & Longhi, Trouvé Leclaire, et la selarl JSA, prise en la personne de Maître [R], en remplacement de la selarl SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Green Bâtiment demandent à la cour de:
à titre principal
1) sur le caractère justifié de la rupture pour motif économique des contrats de travail des salariés non protégés :
- déclarer irrecevable toute demande de Monsieur [K] visant à obtenir la condamnation de la société Trouvé Leclaire à lui verser des dommages-intérêts en vertu de l'article L.622-21 du code de commerce,
- déclarer irrecevable toute contestation du salarié à l'encontre des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi,
- dire que la rupture pour motif économique des contrats de travail du salarié était bien fondée et de le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes afférentes,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 18 septembre 2018 en ce qu'il a débouté le salarié de la contestation de son licenciement,
2) sur les demandes de dommages-intérêts pour non-portabilité des droits à prévoyance et frais de santé
- constater que le salarié n'apporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre,
3) à titre subsidiaire, sur la disproportion des dommages-intérêts réclamés par le salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
si la Cour devait par extraordinaire considérer que le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse, il lui est demandé d'ajuster cette demande individuelle de fixation au passif à de plus justes proportions en prenant en compte les éléments versés par le salarié au débat ainsi que le référentiel indicatif prévu par l'article R. 1235-22 du code du travail le cas échéant, soit 16 mois de salaire maximum représentant la somme de 98 840 euros,
en tout état de cause
- condamner le salarié à verser à Maître [J] ès qualités une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le salarié aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 novembre 2022, l'AGS CGEA d'Ile de France Est demande à la cour :
à titre liminaire,
vu l'article L.1235-7-1 du code du travail,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour trancher l'ensemble des demandes présentées par le salarié,
- de se déclarer incompétente pour trancher toute demande découlant de la contestation du contenu du Plan de Sauvegarde de l'Emploi homologué par la DIRECCTE au profit du juge administratif,
- d'inviter le salarié à mieux se pourvoir,
en tout état de cause
vu la décision d'homologation du PSE et le principe d'autorité de la chose décidée par l'administration,
- de dire et juger irrecevable toute demande découlant de la contestation du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi homologué par la DIRECCTE au profit du juge administratif,
vu les articles L.622-21 et L.625-6 du code de commerce,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de condamnation à l'encontre d'une société en procédure collective,
- de dire irrecevables les demandes de condamnation à l'encontre des sociétés Trouvé Leclaire et Green Bâtiment,
vu l'article L.3253-6 du code du travail,
- de dire et juger les demandes à l'encontre de la société Green Bâtiment inopposables à l'AGS,
sur les demandes :
- de donner acte à l'AGS qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour s'agissant de la matérialité des faits invoqués par les salariés,
dans l'hypothèse où la Cour retient la responsabilité civile des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR :
vu l'article 1240 du Code civil,
- de dire et juger que les demandes fondées sur la responsabilité des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR sont inopposables à la liquidation de la société Trouvé Leclaire ainsi qu'à l'AGS,
- de condamner solidairement les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR à verser à l'AGS la somme de 11 075 763,52 euros,
sur le licenciement :
vu l'article L. 1233-3 du code travail,
vu les articles L. 640-1 et suivants du code de commerce,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que le licenciement repose sur un motif économique incontestable,
- de constater que l'argumentaire tendant à critiquer le respect de l'obligation de reclassement par l'employeur est irrecevable,
- de débouter le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre subsidiaire,
- de constater que cet argumentaire ne peut conduire qu'à l'octroi de dommages-intérêts, sans remettre en cause le licenciement,
- de ramener les demandes du salarié à de plus justes proportions,
à titre infiniment subsidiaire,
vu les articles L.1235-1 et 3 du code du travail,
- de débouter le salarié du surplus de sa demande faute de justifier de son préjudice,
- de débouter le salarié de sa demande de préavis et congés payés afférents,
à titre subsidiaire
- de dire que le CSP est remis en cause dans l'ensemble de ses effets erga omnes,
- de confirmer le jugement entrepris et débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de maintien de la prévoyance,
sur la garantie
- de dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,
- de dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,
vu les articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,
- de dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage mentionnés à ces articles,
- de statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 janvier 2023. Lors de l'audience de plaidoiries du 26 janvier 2023, les parties ont souhaité se rapprocher dans le cadre d'une médiation, laquelle a échoué pour l'appelant, comme indiqué à l'audience de renvoi du 29 février 2024.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur l'irrecevabilité de l'appel :
Il convient de rappeler que l'appel du salarié a été déclaré irrecevable à l'encontre de la société Groupe SPR, par arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 décembre 2020.
La Cour n'est donc pas saisie de demandes de la part du salarié à l'encontre de la société Groupe SPR.
Sur le sursis à statuer :
Le salarié sollicite que la demande de sursis à statuer formulée en première instance par la société Spie Batignolles et la société Groupe SPR, dans l'attente de la décision du tribunal de commerce de Paris, saisi par la société Green Bâtiment, soit rejetée.
Cette demande n'est plus soutenue en cause d'appel par les sociétés intimées ; il convient donc de confirmer le jugement entrepris qui a décidé de ne pas surseoir à statuer.
Sur la demande d'indemnisation pour perte d'emploi :
L'appelant sollicite la condamnation de la société Green Bâtiment Services (GBS), son employeur, à lui verser des dommages-intérêts pour perte d'emploi, sur le fondement du non-respect de son obligation de reclassement.
Il fait valoir qu'il a sollicité la condamnation, mais également la fixation de diverses sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société ayant été son employeur.
Invoquant l'article L.1233-4 du code du travail dont il résulte que le conseil de prud'hommes est compétent ratione materiae en matière de contrôle de l'obligation individuelle de reclassement, il conclut au rejet de la fin de non-recevoir soulevée.
Le CGEA d'Ile de France Est sollicite d'une part, que soit constatée l'irrecevabilité des demandes de condamnation à l'encontre des sociétés liquidées, en invoquant les dispositions des articles L.622-21 et L.625-6 du code de commerce et l'irrecevabilité des demandes critiquant le PSE, au regard du principe de l'autorité de la chose décidée.
Il souligne d'autre part, la validation définitive du Plan de Sauvegarde de l'Emploi et son contenu, soulève l'incompétence de la juridiction saisie au profit du tribunal administratif pour toute question relative à son contenu, homologué par la DIRECCTE, et enfin l'autorité de la chose jugée par le Tribunal de commerce qui a prononcé la liquidation judiciaire de la société, ayant donné lieu au licenciement.
Sur l'irrecevabilité de la demande de condamnation :
Selon l'article L.622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
De même, les dispositions de l'article L.641-9 du code de commerce et celles des articles
L. 3253-20 et L. 3253-21 du code du travail permettent seulement au salarié de demander que les créances salariales dont il se prévaut soient inscrites sur le relevé dressé par le mandataire judiciaire afin d'entraîner l'obligation pour les institutions de garantie des salaires de verser, selon la procédure légale, les sommes litigieuses entre les mains de celui-ci.
Si, en l'espèce, le salarié sollicite la condamnation de son employeur à lui verser des dommages-intérêts pour perte d'emploi, il formule ensuite une demande de fixation au passif de la liquidation.
L'irrecevabilité soulevée ne saurait donc prospérer.
Sur la séparation des pouvoirs :
L'argumentaire du CGEA d'Ile de France Est ne saurait valoir en l'espèce, à défaut de Plan de Sauvegarde de l'Emploi mis en place au sein de la société GBS.
Il convient en outre de constater que les parties ne contestent pas le motif économique du licenciement de l'espèce. Le salarié conteste en revanche l'obligation de l'employeur au titre du reclassement soumise aux dispositions de l'article L.1233-4 du code du travail.
Sur le fond :
Rappelant que l'obligation de recherche de reclassement nécessite un examen particulier de la situation de chaque salarié, l'appelant fait valoir que le mandataire liquidateur n'a pas respecté l'obligation de moyens renforcée qui pesait sur lui à ce sujet puisqu'il a exclu arbitrairement des sociétés appartenant au périmètre réduit et incomplet du groupe qu'il avait retenu, que le périmètre de reclassement aurait dû être élargi au groupe Green Recovery et à ses filiales, que les solutions de reclassement identifiées dès le 25 février 2015, date de consultation du comité d'entreprise, ne lui ont pas été proposées de façon personnalisée et précise et que ce manquement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Le mandataire liquidateur affirme avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement et fait état de son impossibilité de reclasser le salarié, malgré ses démarches sérieuses au sein du périmètre applicable. Par ailleurs, il rappelle que le reclassement dit « externe », réalisé par le recrutement du salarié par une autre entreprise, n'est pas de nature à permettre à l'employeur de justifier qu'il a satisfait à son obligation de reclassement, ni à remettre en cause la validité du licenciement. Il insiste sur le caractère facultatif et curatif des propositions de reclassement externe et considère qu'aucun grief ne peut lui être fait dans la mesure où ces propositions ne sont enfermées dans aucun formalisme légal.
Selon l'article L.1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'
Le mandataire liquidateur, dans la lettre de licenciement adressée à Monsieur [K], indique avoir, 'afin d'éviter votre licenciement','préalablement mis en 'uvre tous les moyens dont je dispose pour rechercher des postes de reclassement'; cependant, il n'en justifie nullement, ni au niveau d'études menées pour trouver une solution pour ce salarié - disposant de compétences utiles quelle que soit l'activité de l'entreprise, en sa qualité de contrôleur de gestion-, ni au titre de propositions écrites et personnalisées qui n'ont pas été faites, alors que dans le groupe auquel la société GBS appartenait, la société Sesini & Longhy a fait l'objet d'un plan de cession partiel avec reprise de salariés et que des réembauches ont eu lieu.
Nonobstant le délai bref imparti au liquidateur pour effectuer ses recherches, il y a lieu de constater que celui-ci ne démontre pas avoir exécuté loyalement son obligation de recherche de reclassement.
En conséquence, le licenciement de l'appelant doit être jugé sans cause réelle et sérieuse,
Eu égard aux éléments de préjudice démontrés par le salarié du fait de cette perte d'emploi injustifiée, à ses conséquences financières et en termes de carrière professionnelle compte tenu de son âge (57 ans ) et de son ancienneté (32 ans) au jour de la rupture de son contrat de travail, il convient d'accueillir sa demande d'indemnisation à hauteur de 50 000 euros, somme devant être fixée au passif de la société GBS.
Sur la portabilité des droits en matière de santé et de prévoyance :
L'appelant affirme avoir appris par l'organisme de mutuelle plusieurs mois après la rupture que les démarches n'avaient pas été effectuées pour assurer la portabilité des droits en matière de santé et de prévoyance en violation des dispositions légales. Il soutient que plusieurs salariés ont avancé des frais de santé qui n'ont jamais été remboursés. Il réclame une indemnisation à hauteur de 1 000 € à ce titre.
Le mandataire liquidateur soutient pour sa part avoir accompli les démarches pour que les garanties soient maintenues, alors que l'assureur a manqué, selon lui, à ses obligations en rompant la portabilité sous prétexte d'un défaut de paiement, nonobstant la Loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l'emploi qui prévoit le financement de la portabilité par mutualisation.
Il fait valoir que le salarié, à qui il appartient de justifier du préjudice qu'il invoque, ne démontre pas qu'il a subi un dommage réparable « forfaitairement », à défaut de fournir des pièces au sujet des frais médicaux prétendument réglés et non remboursés, de leur caractère remboursable en fonction du régime applicable, du montant de la quote-part qui aurait été prise en charge par la mutuelle et qui ne l'a pas été, déduction faite des remboursements de la sécurité sociale.
Le CGEA d'Ile de France Est fait valoir que le salarié ne verse aux débats aucun justificatif de refus de prise en charge, refus qui pourrait être en tout état de cause légitime après des licenciements entre mars et mai 2015 en fonction de la date de souscription du contrat et de sa résiliation ou non compte tenu de la liquidation judiciaire. Il conclut au rejet de la demande de ce chef.
La demande d'indemnisation de l'espèce suppose, pour être accueillie, la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux.
Sans même analyser la faute invoquée, il convient de constater que l'appelant fait état d' un préjudice, sans en démontrer la nature, ni le montant, ni même le principe, aucun justificatif de dépenses de santé restées à tort à sa charge n'étant produit.
La demande doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.
Il doit en aller ainsi, également, de la demande subsidiaire présentée sur le même fondement et tendant aux mêmes fins.
Sur la mise hors de cause :
La société Spie Batignolles sollicite sa mise hors de cause, se disant étrangère à la cession du capital des sociétés constituant le 'pôle peinture' dans lesquelles elle n'a tenu aucune participation, même minoritaire.
Le salarié ne formule aucune demande à l'encontre de la société Spie Batignolles.
En revanche, le CGEA d'Ile de France Est présente une demande de condamnation solidaire à l'encontre de la société Spie Batignolles et de la société Groupe SPR, soutenant que, même en l'absence de co-emploi, une société tierce ayant pris des décisions dommageables pour la société employeur peut être condamnée sur le terrain de la responsabilité extra-contractuelle, si par sa faute ou sa légèreté blâmable, elle a contribué à la disparition d'emplois. Il estime que la demande présentée, qui n'entre pas dans le champ de sa garantie, peut être dirigée à l'encontre de ces sociétés du fait de leur responsabilité dans le licenciement de l'appelant.
Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Alors qu'en l'espèce, une fraude est invoquée ayant abouti à la procédure collective ouverte à l'encontre de la société GBS notamment, société du ' pôle peinture' cédé en 2013 et partant, au licenciement de l'appelant, et que le processus d'externalisation des activités peinture a supposé l'intervention de la société Spie Batignolles, à l'origine de la création dudit pôle, la responsabilité extra-contractuelle de cette dernière peut être en jeu; sa demande de mise hors de cause doit être rejetée, par infirmation du jugement entrepris.
Sur l'irrecevabilité de la demande de l'AGS :
Le CGEA d'Ile de France Est sollicite qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour s'agissant de la matérialité des faits invoqués par le salarié, et dans l'hypothèse où la cour retient la responsabilité civile des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR, vu l'article 1240 du Code civil, lui demande de condamner solidairement les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR à lui verser la somme de 11'075'763,52 euros.
Par note en délibéré du 30 juillet 2024, il a ramené sa demande à la somme globale de 9 117 256,56 euros.
Il considère sa demande parfaitement recevable, puisque formulée dans le cadre de ses premières écritures et dans le délai pour interjeter appel incident, invoque au surplus le principe de l'unicité de l'instance autorisant les demandes nouvelles en cause d'appel et fait valoir que son argumentaire n'est pas contradictoire, l'avance effectuée étant injustifiée si la faute des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR invoquée par le salarié est reconnue.
La société Groupe SPR considère que le CGEA, n'ayant pas formé appel principal, ni incident du jugement du conseil de prud'hommes qui s'est déclaré incompétent ratione materiae, est irrecevable en cette demande de condamnation.
La société Spie Batignolles et la société Groupe SPR soutiennent en outre que cette demande est nouvelle en cause d'appel, qu'aucun fait nouveau n'est invoqué, ni aucune compensation, que le moyen tiré de l'unicité de l'instance est inopérant puisque la juridiction prud'homale est incompétente pour statuer sur les demandes présentées contre les sociétés intimées, et que cette demande se heurte au défaut de qualité de son auteur à agir en dommages-intérêts pour des fautes commises à l'égard de tiers. Elles font état de ce que seul le liquidateur judiciaire a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, la demande du CGEA étant au surplus contradictoire avec celle consistant à lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour s'agissant de la matérialité des faits invoqués par le salarié.
La société Spie Batignolles invoque en outre que le CGEA n'a pas formé appel incident de la disposition du jugement qui a prononcé sa mise hors de cause.
Selon l'article 550 du code de procédure civile, 'sous réserve des articles 905-2, 909 et 910, l'appel incident ou l'appel provoqué peut être formé, en tout état de cause, alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal. Dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l'appel principal n'est pas lui-même recevable ou s'il est caduc.'
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il n'est pas contestable que les premières conclusions du CGEA contenaient, à l'exclusion de toute autre, les demandes d'infirmation suivantes :
'Vu l'article L. 1235-7-1 du code du travail,
- infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes de Créteil s'est déclaré compétent pour trancher l'ensemble des demandes présentées par Monsieur [K]
[...]
Vu les articles L.622-21 et 625-6 du code de commerce,
- infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes de Créteil a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de condamnation à l'encontre d'une société en procédure collective [...]'
Il n'apparaît donc pas que le CGEA ait interjeté appel, même incident, à l'encontre de la disposition du jugement d' incompétence matérielle pour connaître des demandes du salarié à l'encontre de la société Groupe SPR.
La lecture des premières conclusions du CGEA ne permet pas de retenir qu'un appel incident ait été interjeté à l'encontre de la disposition du jugement de première instance prononçant la mise hors de cause de la société Spie Batignolles.
Les demandes présentées par le CGEA à l'encontre de ces deux sociétés sont donc irrecevables.
Sur i'indemnité compensatrice de préavis :
L'appelant sollicite, à titre subsidiaire, une indemnité compensatrice de préavis, ainsi que les congés payés y afférents.
Le CGEA d'Ile-de-France Est soutient que le salarié, qui a accepté le contrat de sécurisation professionnelle - lequel a produit son plein effet - ne saurait réclamer une indemnité compensatrice de préavis, et conclut au rejet de la demande.
En application de l'article L. 1233-67 du code du travail, la rupture du contrat de travail, résultant de l'adhésion au CSP, ne comporte ni préavis, ni indemnité compensatrice de préavis.
En application des articles L. 1233-67 et L. 1233-68-10º b du même code, en cas d'adhésion au CSP, l'employeur verse à Pôle Emploi une contribution spécifique correspondant à l'indemnité de préavis dans la limite de trois mois de salaire majoré de l'ensemble des cotisations et contributions obligatoires afférentes.
En application de l'article L. 3253-8-3º du même code, l'AGS garantit cette contribution et la règle à Pôle-emploi.
Dans la mesure où le contrat de sécurisation professionnelle auquel l'appelant a adhéré n'est pas critiqué en son application, où les avances faites à ce titre par l'AGS ne sont pas contestées et où aucun solde de ce qu'aurait été l'indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement n'est réclamé, alors que le caractère économique de la rupture n'est pas contesté, il convient de rejeter la demande.
Sur les autres demandes :
La cour n'a pas à statuer sur les demandes de constat, de donner acte ou de prendre acte qui ne correspondent pas à des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, précises, exécutables ou exécutoires.
Le CGEA sollicite par ailleurs que les prétentions contre la société Green Bâtiment lui soient déclarées inopposables.
Cette demande, qui ne concerne pas l'appelant, salarié de Green Bâtiment Services, entité distincte de Green Bâtiment, ne saurait prospérer.
Le CGEA soutient également que les demandes fondées sur la responsabilité des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR sont inopposables à la liquidation de la société Trouvé Leclaire ainsi qu'à l'AGS; cependant, l'appelant est salarié de GBS et ne formule aucune demande fondée sur la responsabilité de la société Spie Batignolles. En outre, son appel a été déclaré irrecevable à l'encontre de la société Groupe SPR.
Ce moyen d' irrecevabilité doit donc être rejeté.
Sur la procédure abusive :
La société Spie Batignolles sollicite la condamnation du CGEA d'Ile de France Est à lui payer la somme de 100 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil.
La société Groupe SPR formule une prétention similaire, sur le même fondement, à hauteur de la même somme.
L'exercice d'une action en justice ou d'un recours constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts que s'il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, aucun élément n'est produit permettant de caractériser un abus de la part du CGEA. Les demandes doivent donc être rejetées.
Sur la garantie de l'AGS :
Il convient de rappeler que l'obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail, dans les limites du plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire.
Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l'AGS- CGEA d'Ile de France Est.
Sur la remise de documents :
La remise d'une attestation Pôle Emploi (France Travail) et d'un certificat de travail conformes à la teneur du présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance du représentant de la société GBS n'étant versé au débat.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Par infirmation du jugement entrepris, les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de la liquidation judiciaire de la société GBS, représentée par le mandataire liquidateur, ès qualités.
Par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire devant la chambre sociale d'une cour d'appel puisque les parties peuvent également y être représentées par un défenseur syndical, il ne saurait y avoir distraction des dépens au profit de l'avocat des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR.
L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de rejeter les demandes présentées par les autres parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Statuant publiquement, dans les limites de l'appel,
INFIRME le jugement de première instance, sauf en ce qu'il s'est déclaré compétent pour contrôler le respect de l'obligation de reclassement, n'a pas fait droit à la demande de sursis à statuer, a constaté la recevabilité des demandes en application des articles L.622-21 et L. 625-6 du code de commerce, a rejeté la demande du salarié au titre de la non-portabilité de la mutuelle, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, et les demandes des sociétés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dispositions qui sont confirmées,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
CONSTATE l'irrecevabilité des critiques de Monsieur [M] [K] relatives à l'obligation de reclassement, au périmètre de reclassement et au licenciement mais la recevabilité de ses critiques relatives à la mise en oeuvre des mesures contenues dans le Plan de Sauvegarde de l'Emploi,
FIXE au passif de la société Green Bâtiment Services la créance de Monsieur [M] [K] à hauteur de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d'emploi,
DIT la présente décision opposable au CGEA-AGS d'Ile de France Est,
DIT que l'AGS devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, dans les limites du plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire,
ORDONNE la remise par le représentant de la société Green Bâtiment Services à Monsieur [M] [K] d'une attestation Pôle Emploi (France Travail), d'un certificat de travail conformes à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans le mois suivant son prononcé,
CONSTATE l'irrecevabilité des demandes du CGEA à l'encontre des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,
LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de la liquidation judiciaire de la société Green Bâtiment Services, représentée par son mandataire liquidateur.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE