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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 25 septembre 2024, n° 23/12884

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 23/12884

25 septembre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 25 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/ 182

Rôle N° RG 23/12884 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMA5O

S.A.R.L. NOUVELLE VIGNA MEDITERRANEE

C/

S.A.S. INTERIM BTP

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-françois JOURDAN

Me Paul-victor BONAN

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 12 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2019R00039.

APPELANTE

La S.A.R.L. NOUVELLE VIGNA MEDITERRANEE,

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège sis [Adresse 1]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Jean philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

La SASU INTERIM BTP,

prise en la personne de sons représentant légal

dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée par Me Paul-victor BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Elisabeth BEDROSSIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marielle JAMET

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2024,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Mme Elodie BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SA Interim BTP et la SARL Société Nouvelle Vigna Méditerranée sont liées par une convention commerciale du 31 janvier 2019 par laquelle la SA Interim BTP met temporairement à la disposition de la SARL Société Nouvelle Vigna Méditerranée des salariés et établit a posteriori une facturation horaire de l'intervention de ces salariés.

Par mise en demeure en date du 18 mars 2019 la SA Interim BTP a sollicité le paiement auprès de la SARL Société Nouvelle Vigna Méditerranée de la somme de 191 580,50 euros correspondant à quarante-trois factures émises entre les mois de septembre 2018 et mars 2019, outre pénalités de retard et dommages-intérêts.

Invoquant l'absence de règlement, la SA Interim BTP a saisi le président du tribunal de commerce de Toulon d'une assignation en référé le 26 mars 2019 à l'effet d'obtenir à titre principal le paiement de la somme de 191 580,50 euros.

Par ordonnance en date du 12 juin 2019 le tribunal de commerce de Toulon, statuant en référé, a :

- condamné la SARL Société Nouvelle Vigna Méditerranée à payer à la « SAS Interim BTP » (sic) la somme de 191 580,50 euros à titre provisionnel,

- condamné la SARL Société Nouvelle Vigna Méditerranée au paiement de la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la SARL Société Nouvelle Vigna Méditerranée aux entiers dépens,

- constaté que l'exécution provisoire est de droit

-------

Par déclaration enregistrée le 5 juillet 2019 la SARL Société Nouvelle Vigna Méditerranée a interjeté appel de l'ordonnance.

Par jugement en date du 20 juillet 2020 le tribunal de commerce de Fréjus a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Nouvelle Vigna Méditerranée.

Par arrêt du 24 juin 2021 la présente cour a prononcé la radiation de l'instance et dit qu'elle ne serait rétablie que sur justification de l'accomplissement de la diligence omise.

Le 12 octobre 2021 la société Nouvelle Vigna Méditerranée a fait l'objet d'une décision d'homologation de son plan de redressement et elle a notifié le 11 octobre 2023 des conclusions aux fins de reprise d'instance.

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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 24 mai 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Nouvelle Vigna Méditerranée (Sarl) demande à la cour de :

Vu les articles 1103 et 1231-1 du Code civil,

Vu les dispositions de l'article 369 du Code de Procédure Civile,

Vu les dispositions des articles L 622-21 et L.622-22 du code de commerce,

- Constater que l'instance et la péremption ont été interrompues par la survenance de la procédure Collective de la Société Nouvelle Vigna Méditerranée et que les conclusions aux fins de réenrôlèrent sont intervenues dans les deux ans de l'homologation du plan de continuation.

- Infirmer l'Ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la SARL Nouvelle Vigna Méditerranée au paiement d'une somme de 191.580,50 €, outre 2.000,00 € au titre des frais irrépétibles, aucune demande de condamnation au titre d'une créance antérieure à la procédure n'étant recevable et aucune fixation au passif n'étant possible en référé.

- Déclarer irrecevable toute demande de la Société Interim BTP aux fins de condamnation, même provisionnelle ou de fixation au passif en l'état de l'ouverture de la procédure collective de la société Nouvelle Vigna Méditerranée et du caractère antérieur à celle-ci des créances dont se prévaut la Société Interim BTP.

- Condamner la SASU Interim BTP au paiement d'une somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts, pour avoir dissimulé au premier juge les paiements intervenus.

- Condamner la SASU Interim BTP au paiement d'une somme de 3.000,00 € au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

Au soutien de son appel la société Nouvelle Vigna Méditerranée fait valoir que :

- la procédure a été interrompue par l'ouverture de la procédure collective ; la péremption a également été interrompue et n'a recommencé à courir qu'à compter de la date d'homologation du plan de continuation soit le 12 octobre 2021,

- au visa de l'article L.622-21 du code de commerce aucune condamnation ne peut intervenir à son égard pour une créance antérieure au jugement d'ouverture ; la fixation au passif n'a pas lieu d'être s'agissant d'une action en référé, et le juge des référés n'a pas le pouvoir de fixer une créance au passif

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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 15 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Interim BTP (SA) demande à la cour de :

Vu l'article 873, alinéa 2, du Code de procédure civile,

Confirmer la décision dont appel

Débouter la SARL Société Nouvelle Vigna Méditerranée de toutes ses demandes.

Condamner la SARL Société Nouvelle Vigna Méditerranée à verser à la Société Interim BTP la somme de 42.378,15 € à titre provisionnel, et subsidiairement fixer la créance de la concluante dans le passif de la procédure collective de la SARL Société Nouvelle Vigna Méditerranée ouverte le 20 juillet 2020 à la somme de 42.378,15 €.

Condamner la SARL Société Nouvelle Vigna Méditerranée à verser à la Société Interim BTP la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du CPC en première instance et la somme de 2.000 € en cause d'appel.

Condamner la SARL SOCIETE Nouvelle Vigna Méditerranée aux dépens.

La société BTP Interim soutient en réponse que :

- elle démontre le bien-fondé de ses demandes au regard des pièces communiquées devant le président du tribunal de commerce,

- en l'état des versements effectués par la société Nouvelle Vigna Méditerranée sa créance actualisée s'élève à la somme de 42 378,15 euros

MOTIFS

Sur la demande provisionnelle en paiement :

En application des articles L.622-21, R.622-20 et 622-22 du code de commerce le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Les instances tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Néanmoins, l'instance en cours, interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance et appelé en la cause les organes de la procédure collective, est celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance. Tel n'est pas le cas de l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, de sorte que la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire (Com., 6 octobre 2009, n°08-12.416).

Pour autant, l'arrêt des poursuites individuelles s'applique. Il en résulte que la décision sur la créance appartenant au seul juge-commissaire, le juge des référés ne peut accueillir la demande de provision.

Ainsi, si la procédure collective est ouverte au cours de l'instance d'appel, après une décision du premier juge allouant une provision, la cour d'appel doit infirmer l'ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L.622-21 code de commerce (Com., 19 septembre 2018, n°17-13.210).

En l'espèce, la société Nouvelle Vigna Méditerranée a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 20 juillet 2020, soit pendant le cours de l'instance d'appel à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge des référés.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance déférée et de juger n'y avoir lieu à référé concernant la demande en paiement formée par la SA BTP Interim.

Sur la demande de dommages et intérêts :

En application des articles 484 et suivants du code de procédure civile le juge des référés n'a pas compétence pour prononcer des condamnations à des dommages et intérêts, sauf à statuer sur le dommage causé par le comportement abusif de l'une des parties dans le développement procédural dont elle a eu à connaître.

En l'espèce, la société Nouvelle Vigna Méditerranée fait grief à la SA BTP Interim d'avoir dissimulé à la juridiction les paiements intervenus au bénéfice du créancier et sollicite à ce titre l'octroi d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Pour autant, la société Nouvelle Vigna Méditerranée n'explicite pas le fondement de sa demande, ni en droit ni en fait, se contentant d'affirmer que la SA BTP Interim aurait dissimulé des paiements sans en justifier, de sorte qu'il y a lieu de la débouter de ce chef.

Sur les frais et dépens :

L'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais et dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance rendue le 12 juin 2019 par le tribunal de commerce de Toulon,

Dit n'y avoir lieu à référé concernant la demande en paiement formée par la SA BTP Interim,

Déboute la société Nouvelle Vigna Méditerranée de sa demande de dommages et intérêts,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,