Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 8, 25 septembre 2024, n° 18/12048
PARIS
Arrêt
Autre
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12048 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6UNB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F16/00173
APPELANT
Monsieur [H] [I]
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représenté par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
INTIMES ET INTERVENANTS
SAS SPIE BATIGNOLLES
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Sabine ANGELY-MANCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0492
AGS CGEA ILE DE FRANCE EST
pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean-Charles GANCIA, avocat au barreau de PARIS, toque : T07
Maître [X] [F], mandataire judiciaire domicilié [Adresse 1] à [Localité 11] nommé en remplacement de Maître [U] [S], SMJ ' Société de Mandataires Judiciaires,
ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés ARCANE, GREEN BATIMENT SERVICES, SP RENOVATION, SESINI LONGHI et TROUVE LECLAIRE
[Adresse 5]
[Localité 10]
Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
SELARL JSA, prise en la personne de Maître [R], société de mandataire judiciaire domicilié [Adresse 3] à [Localité 12] nommé en remplacement de Maître [S], SMJ ' Société de Mandataires Judiciaires,
ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GREEN BATIMENT
[Adresse 5]
[Localité 10]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre
Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre
Madame Sandrine MOISAN, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nathalie FRENOY, présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Figen HOKE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Figen HOKE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [H] [I] a travaillé au sein de la société - devenue - Trouvé Leclaire dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, bénéficiant d'une ancienneté remontant au 1er juillet 1992.
Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de directeur.
Son contrat de travail a été suspendu à compter du 27 janvier 2014 pour cause de maladie.
***
En 2007, la société Spie Batignolles, intervenant dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, a fait l'acquisition de la société Groupe SPR, connue sur le marché de l'aménagement intérieur, société dont faisaient partie depuis 1987 la société Maison Leclaire et la société Trouvé Entreprise, devenues par fusion, à la suite du rachat, la société Trouvé Leclaire (positionnée notamment sur le marché de la finition, des travaux de prestige et des travaux de rénovation traditionnelle du patrimoine ancien).
La société Spie Batignolles, société-mère par ailleurs des sociétés Arcane Entreprise (exerçant une activité de peinture et de rénovation), SP Rénovation (exerçant une activité d'isolation et d'optimisation thermique), Sesini & Longhy (exerçant une activité de rénovation de bâtiments) et Laurent & Fontix (ayant fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine à cette dernière en janvier 2014), a constitué un 'pôle peinture' composé de toutes ces sociétés, chacune d'elles intervenant sur son secteur d'activité plus spécifique.
Par acte du 24 mai 2013, la société Groupe SPR a cédé les sociétés Trouvé Leclaire, SP Rénovation, Sesini & Longhy, Arcane Entreprise - constituant ce ' pôle peinture'- à la société Green Bâtiment, société du groupe Green Recovery, spécialisé dans la reprise de sociétés.
Le 29 octobre 2013, la société Green Bâtiment Services a été créée pour centraliser les activités support des filiales du groupe.
Le 21 novembre 2014, une déclaration de cessation des paiements a été faite pour chacune des sociétés du groupe, qui ont été placées en redressement judiciaire le 1er décembre suivant.
Le tribunal de commerce de Créteil a prononcé, le 18 février 2015, leur liquidation judiciaire.
Pour les salariés de ces sociétés, a été mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel, après un premier refus motivé par le non-respect des règles d'information et de consultation, a été homologué par la DIRECCTE le 2 mars 2015.
Le mandataire liquidateur a notifié à l'appelant son licenciement pour motif économique par courrier du 6 mars 2015. La relation de travail a pris fin le 8 mars 2015.
Contestant son licenciement, intervenu, selon lui, en conséquence de la fraude commise par les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR cherchant, sous couvert d'une démarche de réorientation de leurs activités, à faire l'économie d'un plan de sauvegarde de l'emploi coûteux, tout en se débarrassant de salariés ayant une grande ancienneté, Monsieur [I], comme une centaine d'autres salariés des sociétés liquidées, a saisi le 3 décembre 2015 le conseil de prud'hommes de Créteil qui, par jugement du 18 septembre 2018 :
- a déclaré recevable la demande in limine litis formulée à la barre par la société Green Bâtiment,
- s'est déclaré incompétent ratione materiae et a renvoyé conformément à l'article 96 du code de procédure civile le salarié à mieux se pourvoir devant le tribunal de grande instance de Versailles, siège de la société Green Bâtiment,
- a prononcé la mise hors de cause de la société Green Bâtiment,
- a déclaré recevable la demande in limine litis formulée à la barre par la société Groupe SPR,
- s'est déclaré incompétent ratione materiae et a renvoyé conformément à l'article 96 du code de procédure civile le salarié à mieux se pourvoir devant le tribunal de grande instance de Créteil, siège de la société Groupe SPR,
- a déclaré recevable la demande in limine litis formulée à la barre par la société Spie Batignolles,
- a prononcé la mise hors de cause de la société Spie Batignolles,
- a déclaré irrecevable la demande in limine litis formulée par l'AGS CGEA d' Ile-de-France Est,
- s'est déclaré compétent ratione materiae en matière du contrôle du respect de l'obligation de reclassement découlant d'un plan de sauvegarde de l'emploi,
- a déclaré recevable sur la forme la demande de sursis à statuer non plaidée in limine litis à la barre par la société Groupe SPR mais soutenue dans ses écritures,
- sur le fond, a décidé de ne pas surseoir à statuer en attendant l'éventualité d'une décision du tribunal de commerce de Paris,
- n'a pas fait droit à la demande de l'AGS CGEA d'Ile-de-France Est de déclarer irrecevables les demandes en application des articles L.622-21 et L.625-6 du code de commerce,
- a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes,
- a débouté les sociétés Green Bâtiment, Spie Batignolles, Groupe SPR de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge du salarié.
Par déclaration du 25 octobre 2018, le salarié a interjeté appel de ce jugement.
Dans l'intervalle, le 30 avril 2018, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Green Bâtiment, qui n'avait jusque-là pas fait l'objet d'une procédure collective, eu égard aux résultats attendus de l'action en responsabilité contre les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR qu'elle avait entamée.
***
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2022, Monsieur [I] demande à la cour de :
' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de la société Green Bâtiment de sursis à statuer dans l'attente de l'éventuelle décision du tribunal de commerce de Paris,
' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de l'AGS CGEA d'Ile de France d'incompétence partielle au profit du tribunal administratif,
' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de l'AGS CGEA d'Ile de France d'irrecevabilité des demandes formulées par le concluant,
' infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le demandeur de l'ensemble de ses demandes,
statuant à nouveau,
' d'ordonner
A. à titre principal sur la demande au titre du non-respect de l'engagement pris dans le PSE concernant les reclassements externes et le préjudice subi du fait de la perte d'emploi et au titre de la non- portabilité de la mutuelle et de la prévoyance
- la condamnation de la société Trouvé Leclaire à lui verser la somme de 225'180 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi,
- la condamnation de la société Trouvé Leclaire à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-portabilité de la prévoyance et de la mutuelle,
- la fixation de ces sommes au passif de la liquidation et la condamnation de l'AGS ' CGEA d'IDF Est à garantir les condamnations, en rendant le jugement opposable à ce dernier,
- le règlement des condamnations et la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification de la décision à intervenir,
B. à titre subsidiaire sur la demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de la non-portabilité de la mutuelle et de la prévoyance,
- la condamnation de la société Trouvé Leclaire à lui verser la somme de 225'180 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la condamnation de la société Trouvé Leclaire à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-portabilité de la prévoyance et de la mutuelle,
- la fixation de ces sommes au passif de la liquidation et la condamnation de l'AGS ' CGEA IDF Est à garantir les condamnations, en rendant le jugement opposable à ce dernier,
- le règlement des condamnations et la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification de la décision à intervenir.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2022, la société Spie Batignolles demande à la cour de :
à titre principal
- déclarer irrecevables les demandes de l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est à l'encontre de la société Spie Batignolles,
très subsidiairement
vu l'article 1382 ancien, 1240 nouveau du Code civil
- débouter l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est de toutes ses demandes à l'encontre de la société Spie Batignolles,
en tout état de cause
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il prononce la mise hors de cause de la société Spie Batignolles,
- condamné l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est à lui payer la somme de 100 euros à titre d'indemnité pour procédure abusive, ainsi que la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'appelant à payer à la société Spie Batignolles la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'appelant, subsidiairement tout succombant, aux dépens, qui seront recouvrés par Me Sabine Angély-Manceau, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2022, la société Groupe SPR demande à la cour de:
vu l'arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 14 décembre 2020 qui 'déclare irrecevable l'appel formé le 25 octobre 2018 en ce qu'il est dirigé contre la société Groupe SPR',
vu les articles 550 et 914 du code de procédure civile,
vu les articles L.622-20 et L.641-4 du code de commerce,
- déclarer que la cour est dessaisie de l'appel en ce qu'il est dirigé contre la société Groupe SPR,
y ajoutant
à titre principal
- déclarer irrecevables les demandes de l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Est contre la concluante,
à titre subsidiaire
- débouter l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est de toutes ses demandes contre la concluante,
en tout état de cause
- condamner l'appelant à payer à la société Groupe SPR la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Unedic délégation AGS CGEA d' IDF Est à payer à la société Groupe SPR la somme de 100 euros en dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du Code civil,
- condamner l'Unedic délégation AGS CGEAd' IDF Est à payer à la société Groupe SPR la somme de 100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner l'appelant, subsidiairement tout succombant, aux dépens, qui seront recouvrés par Me Sabine Angély-Manceau, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 18 novembre 2022, Maître [F], mandataire judiciaire nommé en remplacement de la selarl SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Arcane, Green Bâtiment Services, SP Rénovation, Sesini & Longhi, Trouvé Leclaire, et la selarl JSA, prise en la personne de Maître [R], en remplacement de la selarl SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Green Bâtiment demandent à la cour de:
à titre principal
1) sur le caractère justifié de la rupture pour motif économique des contrats de travail des salariés non protégés :
- déclarer irrecevable toute demande de Monsieur [I] visant à obtenir la condamnation de la société Trouvé Leclaire à lui verser des dommages-intérêts en vertu de l'article L.622-21 du code de commerce,
- déclarer irrecevable toute contestation du salarié à l'encontre des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi,
- dire que la rupture pour motif économique des contrats de travail du salarié était bien fondée et de le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes afférentes,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 18 septembre 2018 en ce qu'il a débouté le salarié de la contestation de son licenciement,
2) sur les demandes de dommages-intérêts pour non-portabilité des droits à prévoyance et frais de santé
- constater que le salarié n'apporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre,
3) à titre subsidiaire, sur la disproportion des dommages-intérêts réclamés par le salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
si la Cour devait par extraordinaire considérer que le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse, il lui est demandé d'ajuster cette demande individuelle de fixation au passif à de plus justes proportions en prenant en compte les éléments versés par le salarié au débat ainsi que le référentiel indicatif prévu par l'article R. 1235-22 du code du travail le cas échéant, soit 16 mois de salaire maximum représentant la somme de 120'096 euros,
en tout état de cause
- condamner le salarié à verser à Maître [F] ès qualités une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le salarié aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 novembre 2022, l'AGS CGEA d'Ile de France Est demande à la cour :
à titre liminaire,
vu l'article L.1235-7-1 du code du travail,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour trancher l'ensemble des demandes présentées par le salarié,
- de se déclarer incompétente pour trancher toute demande découlant de la contestation du contenu du Plan de Sauvegarde de l'Emploi homologué par la DIRECCTE au profit du juge administratif,
- d'inviter le salarié à mieux se pourvoir,
en tout état de cause
vu la décision d'homologation du PSE et le principe d'autorité de la chose décidée par l'administration,
- de dire et juger irrecevable toute demande découlant de la contestation du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi homologué par la DIRECCTE au profit du juge administratif,
vu les articles L.622-21 et L.625-6 du code de commerce,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de condamnation à l'encontre d'une société en procédure collective,
- de dire irrecevables les demandes de condamnation à l'encontre des sociétés Trouvé Leclaire et Green Bâtiment,
vu l'article L.3253-6 du code du travail,
- de dire et juger les demandes à l'encontre de la société Green Bâtiment inopposables à l'AGS,
sur les demandes :
- de donner acte à l'AGS qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour s'agissant de la matérialité des faits invoqués par les salariés,
dans l'hypothèse où la Cour retient la responsabilité civile des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR :
vu l'article 1240 du Code civil,
- de dire et juger que les demandes fondées sur la responsabilité des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR sont inopposables à la liquidation de la société Trouvé Leclaire ainsi qu'à l'AGS,
- de condamner solidairement les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR à verser à l'AGS la somme de 11 075 763,52 euros,
sur le licenciement :
vu l'article L. 1233-3 du code travail,
vu les articles L. 640-1 et suivants du code de commerce,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que le licenciement repose sur un motif économique incontestable,
- de constater que l'argumentaire tendant à critiquer le respect de l'obligation de reclassement par l'employeur est irrecevable,
- de débouter le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre subsidiaire,
- de constater que cet argumentaire ne peut conduire qu'à l'octroi de dommages-intérêts, sans remettre en cause le licenciement,
- de ramener les demandes du salarié à de plus justes proportions,
à titre infiniment subsidiaire,
vu les articles L.1235-1 et 3 du code du travail,
- de débouter le salarié du surplus de sa demande faute de justifier de son préjudice,
- de confirmer le jugement entrepris et débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de maintien de la prévoyance,
- confirmer le jugement entrepris et débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de réponse à la demande de communication des critères d'ordre ayant présidé au licenciement en l'absence de mise en place de critères d'ordre,
sur la garantie
- de dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,
- de dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,
vu les articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,
- de dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage mentionnés à ces articles,
- de statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 janvier 2023. Lors de l'audience de plaidoiries du 26 janvier 2023, les parties ont souhaité se rapprocher dans le cadre d'une médiation, laquelle a échoué pour l'appelant, comme indiqué à l'audience de renvoi du 29 février 2024.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur l'irrecevabilité de l'appel :
Il convient de rappeler que l'appel du salarié a été déclaré irrecevable à l'encontre de la société Groupe SPR, par arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 décembre 2020.
La Cour n'est donc pas saisie de demandes de la part du salarié à l'encontre de la société Groupe SPR.
Sur le sursis à statuer :
Le salarié sollicite que la demande de sursis à statuer formulée en première instance par la société Spie Batignolles et la société Groupe SPR, dans l'attente de la décision du tribunal de commerce de Paris, saisi par la société Green Bâtiment, soit rejetée.
Cette demande n'est plus soutenue en cause d'appel par les sociétés intimées; il convient donc de confirmer le jugement entrepris qui a décidé de ne pas surseoir à statuer.
Sur la demande d'indemnisation pour perte d'emploi :
L'appelant sollicite la condamnation de la société Trouvé Leclaire, son employeur, à lui verser des dommages-intérêts pour perte d'emploi, sur le fondement du non-respect de l'engagement pris dans le Plan de Sauvegarde de l'Emploi concernant le reclassement externe.
Il fait valoir qu'il a sollicité la condamnation, mais également la fixation de diverses sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société ayant été son employeur.
Par ailleurs, il souligne qu'il ne critique pas la teneur du PSE mais bien le non-respect par son employeur de son obligation de reclassement. Invoquant l'article L.1233-4 du code du travail dont il résulte que le conseil de prud'hommes est compétent ratione materiae en matière de contrôle de l'obligation individuelle de reclassement, il conclut au rejet de la fin de non-recevoir soulevée.
Le CGEA d'Ile de France Est sollicite d'une part, que soit constatée l'irrecevabilité des demandes de condamnation à l'encontre des sociétés liquidées, en invoquant les dispositions des articles L.622-21 et L.625-6 du code de commerce.
Il souligne d'autre part, la validation définitive du Plan de Sauvegarde de l'Emploi et son contenu, soulève l'incompétence de la juridiction saisie au profit du tribunal administratif pour toute question relative à son contenu, homologué par la DIRECCTE. Il considère que le salarié ne peut critiquer les mesures de reclassement, ni les critères d'ordre retenus dans le document unilatéral, pas plus que le périmètre de reclassement, la cour ne pouvant le cas échéant que trancher la contestation relative d'une part, à l'application de chacune des mesures du PSE et d'autre part, à la mise en oeuvre des critères d'ordre des licenciements, par application du principe de séparation des pouvoirs.
Enfin, il soulève l'irrecevabilité des demandes critiquant le PSE, au regard du principe de l'autorité de la chose décidée.
Le mandataire liquidateur fait valoir que la décision d'homologation du PSE, n'ayant pas été contestée, ne peut être remise en cause, a fortiori devant le juge judiciaire.
Sur l'irrecevabilité de la demande de condamnation :
Selon l'article L.622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
De même, les dispositions de l'article L.641-9 du code de commerce et celles des articles
L. 3253-20 et L. 3253-21 du code du travail permettent seulement au salarié de demander que les créances salariales dont il se prévaut soient inscrites sur le relevé dressé par le mandataire judiciaire afin d'entraîner l'obligation pour les institutions de garantie des salaires de verser, selon la procédure légale, les sommes litigieuses entre les mains de celui-ci.
Si, en l'espèce, le salarié sollicite la condamnation de son employeur à lui verser des dommages-intérêts pour perte d'emploi, il formule ensuite une demande de fixation au passif de la liquidation.
L'irrecevabilité soulevée ne saurait donc prospérer.
Sur la séparation des pouvoirs :
Il résulte de l'article L.1235-7-1 du code du travail que, si le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le respect par l'employeur de l'obligation individuelle de reclassement, cette appréciation ne peut méconnaître l'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative ayant homologué le document élaboré par l'employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de reclassement intégré au PSE.
En l'espèce, le Plan de Sauvegarde de l'Emploi, qui a été produit in extenso en cours de délibéré et dans le respect du principe du contradictoire, dans une version qui n'a pas été contestée par les parties, précise les modalités d'information et de consultation des représentants du personnel, le calendrier des licenciements et le nombre de suppressions d'emplois, prévoit la proposition aux salariés d'un contrat de sécurisation professionnelle et constate l'absence de possibilité de reclassement interne.
Eu égard à l'autorité de la chose décidée, les critiques du salarié au sujet du non-respect de l'obligation de reclassement, du contenu du Plan de Sauvegarde de l'Emploi et de l'étendue du périmètre de reclassement ne sauraient donc être prises en considération.
Cependant, l'appelant conteste aussi la mise en oeuvre par le mandataire liquidateur des mesures contenues dans ce Plan de Sauvegarde de l'Emploi et formule à ce titre une demande que l'autorité de la chose décidée ne saurait rendre irrecevable.
Sur le fond :
Rappelant que l'obligation de recherche de reclassement nécessite un examen particulier de la situation de chaque salarié, l'appelant fait valoir que le Plan de Sauvegarde de l'Emploi, prévoyant des mesures de reclassement externe, n'a pas été respecté par le mandataire liquidateur sur qui pesait une obligation de moyens renforcée. Il soutient que ces mesures sont devenues pour lui contraignantes mais qu'il a exclu arbitrairement des sociétés appartenant au périmètre réduit et incomplet du groupe qu'il avait retenu, que le périmètre de reclassement aurait dû être élargi au groupe Green Recovery et à ses filiales, que si de nombreuses solutions de reclassement ont été identifiées dès le 25 février 2015, date de consultation du comité d'entreprise, les offres de poste - tardives- n'ont pas été proposées de façon personnalisée et précise et que ce manquement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Soulevant l'irrecevabilité des critiques du salarié qui tendent en réalité à contester le contenu du Plan de Sauvegarde de l'Emploi homologué par l'autorité administrative, le mandataire liquidateur de la société Trouvé Leclaire affirme avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement en externe, allant même au-delà de son obligation légale. Il rappelle que le reclassement dit « externe », réalisé par le recrutement du salarié par une autre entreprise, n'est pas de nature à permettre à l'employeur de justifier qu'il a satisfait à son obligation de reclassement, ni à remettre en cause la validité du licenciement. Il insiste sur le caractère facultatif et curatif des propositions de reclassement externe et considère qu'aucun grief ne peut lui être fait dans la mesure où ces propositions ne sont enfermées dans aucun formalisme légal.
Il convient, à titre liminaire, de constater que les parties ne contestent pas le motif économique du licenciement de l'espèce, ni l'obligation de l'employeur au titre du reclassement interne, mais la mise en oeuvre de l'obligation pesant sur l'employeur au titre du reclassement externe, non soumise aux dispositions de l'article L.1233-4 du code du travail, mais devant cependant être loyale et utile.
Il est constant que l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur ne s'étend pas aux entreprises extérieures au groupe dont il relève, sauf convention ou engagement contraire.
L'employeur doit respecter les engagements qu'il a pris lors de la mise en oeuvre du reclassement.
La méconnaissance par lui ou son représentant de son engagement le contraignant à respecter, avant tout licenciement, une procédure destinée à favoriser le reclassement à l'extérieur de l'entreprise, constitue un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et prive la rupture de cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, le Plan de Sauvegarde de l'Emploi prévoit, en plus des mesures telles que contrat de sécurisation professionnelle, compte personnel de formation, aide à la création et reprise d' entreprise, le financement d'une cellule de reclassement pour une durée minimale de 9 mois ( et de 12 mois pour les salariés âgés de plus de 50 ans), outre des mesures de reclassement externe, ainsi formulées :
'Il est précisé que les mesures d'accompagnement tiennent compte des caractéristiques sociales des salariés de la société TROUVE LECLAIRE et notamment des salariés fragilisés: 1 salarié est accidenté du travail, 1 salarié est en maladie professionnelle, 2 salariés sont en longue maladie et 1 salarié est handicapé.
Des mesures d'aide au reclassement externe seront proposées pour les salariés dont le poste est supprimé et qui n'auront pas pu être reclassés en interne.
Le reclassement externe comprend toutes actions destinées à faciliter la reprise d'un emploi dans une société extérieure au Groupe.
Les éventuels licenciements ne pourront être notifiés que postérieurement au prononcé du jugement du Tribunal de commerce.
Par ailleurs, afin de faciliter le reclassement externe du personnel licencié, une action sera réalisée auprès des entreprises tierces situées dans la région dont une liste est en cours d'élaboration et pour laquelle les membres du CE ou le représentant des salariés sont invités à alimenter et compléter cette liste, avec la Direction.
Une offre de reprise portant sur la Société Sesiny & Longhy, présentée par la société ERI, propose un poste de reclassement pour un Chef de chantier, département marchés d'entretiens.
La liste des sociétés sollicitées et leur réponse est indiquée en Annexe.'
Ladite annexe, intitulée 'annexe 1 - suivi des recherches des reclassements au 18 février 2015' contient une liste de sociétés ( avec leurs coordonnées), la nature de la réponse négative ou positive donnée et dans ce dernier cas, l'énoncé des postes proposés en reclassement, à savoir ' compagnons peintres', 'conducteur de travaux peinture- ravalement', 'chargés d'affaires', 'chefs de chantier', 'commerciaux', 'chef d'équipe échafaudeur', mais également 'ingénieur commercial' et 'directeur commercial' notamment.
En outre, dans sa décision d'homologation du document unilatéral relatif au Plan de Sauvegarde de l'Emploi, l'administration a relevé que 'des démarches visant au reclassement externe au niveau des entreprises tierces exerçant dans le même secteur d'activité et dans la région ont été engagées et qu'elles ont pu aboutir à la proposition d'au moins 22 emplois'.
Ayant pris l'engagement dans ce Plan de Sauvegarde de l'Emploi de chercher des reclassements externes, à défaut de toute solution en interne, engagement homologué de surcroît par l'administration le 2 mars 2015, l'employeur ou son représentant était contraint de le respecter, avant tout licenciement.
Or, le mandataire liquidateur ne justifie pas avoir fait, avant le licenciement, une proposition écrite, précise et individualisée à l'appelant - contenant les caractéristiques de l'emploi offert-, après avoir procédé à un examen individuel des possibilités de reclassement externe.
Il n'est pas démenti que les solutions de reclassement identifiées n'ont pas été adressées au salarié autrement qu'annexées à la lettre de licenciement.
Nonobstant le délai bref imparti au liquidateur pour effectuer ses recherches, il y a lieu de constater que celui-ci ne démontre pas avoir exécuté loyalement son obligation découlant du Plan de Sauvegarde de l'Emploi.
En conséquence, le licenciement de l'appelant doit être jugé sans cause réelle et sérieuse,
Eu égard aux éléments de préjudice démontrés par le salarié du fait de cette perte d'emploi injustifiée, à ses conséquences financières et en termes de carrière professionnelle compte tenu de son âge (52 ans) et de son ancienneté (près de 23 ans) au jour de la rupture de son contrat de travail, il convient d'accueillir sa demande d'indemnisation à hauteur de 100 000 euros, somme devant être fixée au passif de la société Trouvé Leclaire.
Sur la portabilité des droits en matière de santé et de prévoyance :
L'appelant affirme avoir appris par l'organisme de mutuelle plusieurs mois après la rupture que les démarches n'avaient pas été effectuées pour assurer la portabilité des droits en matière de santé et de prévoyance en violation des dispositions légales. Il soutient que plusieurs salariés ont avancé des frais de santé qui n'ont jamais été remboursés. Il réclame une indemnisation à hauteur de 1 000 euros à ce titre.
Le mandataire liquidateur soutient pour sa part avoir accompli les démarches pour que les garanties soient maintenues, alors que l'assureur a manqué, selon lui, à ses obligations en rompant la portabilité sous prétexte d'un défaut de paiement, nonobstant la Loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l'emploi qui prévoit le financement de la portabilité par mutualisation.
Il fait valoir que le salarié, à qui il appartient de justifier du préjudice qu'il invoque, ne démontre pas qu'il a subi un dommage réparable « forfaitairement », à défaut de fournir des pièces au sujet des frais médicaux prétendument réglés et non remboursés, de leur caractère remboursable en fonction du régime applicable, du montant de la quote-part qui aurait été prise en charge par la mutuelle et qui ne l'a pas été, déduction faite des remboursements de la sécurité sociale.
Le CGEA d'Ile de France Est fait valoir que le salarié ne verse aux débats aucun justificatif de refus de prise en charge, refus qui pourrait être en tout état de cause légitime après des licenciements entre mars et mai 2015 en fonction de la date de souscription du contrat et de sa résiliation ou non compte tenu de la liquidation judiciaire. Il conclut au rejet de la demande de ce chef.
La demande d'indemnisation de l'espèce suppose, pour être accueillie, la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux.
Sans même analyser la faute invoquée, il convient de constater que l'appelant fait état d' un préjudice, sans en démontrer la nature, ni le montant, ni même le principe, aucun justificatif de dépenses de santé restées à tort à sa charge n'étant produit.
La demande doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.
Il doit en aller ainsi, également, de la demande subsidiaire présentée sur le même fondement et tendant aux mêmes fins.
Sur la mise hors de cause :
La société Spie Batignolles sollicite sa mise hors de cause, se disant étrangère à la cession du capital des sociétés constituant le 'pôle peinture' dans lesquelles elle n'a tenu aucune participation, même minoritaire.
Le salarié ne formule aucune demande à l'encontre de la société Spie Batignolles.
En revanche, le CGEA d'Ile-de-France Est présente une demande de condamnation solidaire à l'encontre de la société Spie Batignolles et de la société Groupe SPR, soutenant que, même en l'absence de co-emploi, une société tierce ayant pris des décisions dommageables pour la société employeur peut être condamnée sur le terrain de la responsabilité extra-contractuelle, si par sa faute ou sa légèreté blâmable, elle a contribué à la disparition d'emplois. Il estime que la demande présentée, qui n'entre pas dans le champ de sa garantie, peut être dirigée à l'encontre de ces sociétés du fait de leur responsabilité dans le licenciement de l'appelant.
Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Alors qu'en l'espèce, une fraude est invoquée ayant abouti à la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Trouvé Leclaire notamment, société du 'pôle peinture' cédé en 2013 et partant, au licenciement de l'appelant, et que le processus d'externalisation des activités peinture a supposé l'intervention de la société Spie Batignolles, à l'origine de la création dudit pôle, la responsabilité extra-contractuelle de cette dernière peut être en jeu; sa demande de mise hors de cause doit être rejetée, par infirmation du jugement entrepris.
Sur l'irrecevabilité de la demande de l'AGS :
Le CGEA d'Ile-de-France Est sollicite qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour s'agissant de la matérialité des faits invoqués par le salarié, et dans l'hypothèse où la cour retient la responsabilité civile des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR, vu l'article 1240 du Code civil, lui demande de condamner solidairement les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR à lui verser la somme de 11'075'763,52 euros.
Par note en délibéré du 30 juillet 2024, il a ramené sa demande à la somme globale de 9 117 256,56 euros.
Le CGEA d'Ile-de-France Est considère sa demande parfaitement recevable, puisque formulée dans le cadre de ses premières écritures et dans le délai pour interjeter appel incident. Il invoque au surplus le principe de l'unicité de l'instance autorisant les demandes nouvelles en cause d'appel et fait valoir que son argumentaire n'est pas contradictoire, l'avance effectuée étant injustifiée si la faute des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR invoquée par le salarié est reconnue.
La société Groupe SPR considère que le CGEA, n'ayant pas formé appel principal, ni incident du jugement du conseil de prud'hommes qui s'est déclaré incompétent ratione materiae, est irrecevable en cette demande de condamnation.
La société Spie Batignolles et la société Groupe SPR soutiennent en outre que cette demande est nouvelle en cause d'appel, qu'aucun fait nouveau n'est invoqué, ni aucune compensation, que le moyen tiré de l'unicité de l'instance est inopérant puisque la juridiction prud'homale est incompétente pour statuer sur les demandes présentées contre les sociétés intimées, et que cette demande se heurte au défaut de qualité de son auteur à agir en dommages-intérêts pour des fautes commises à l'égard de tiers. Elles font état de ce que seul le liquidateur judiciaire a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, la demande du CGEA étant au surplus contradictoire avec celle consistant à lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour s'agissant de la matérialité des faits invoqués par le salarié.
La société Spie Batignolles invoque en outre que le CGEA n'a pas formé appel incident de la disposition du jugement qui a prononcé sa mise hors de cause.
Selon l'article 550 du code de procédure civile, 'sous réserve des articles 905-2, 909 et 910, l'appel incident ou l'appel provoqué peut être formé, en tout état de cause, alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal. Dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l'appel principal n'est pas lui-même recevable ou s'il est caduc.'
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il n'est pas contestable que les premières conclusions du CGEA contenaient, à l'exclusion de toute autre, les demandes d'infirmation suivantes :
'Vu l'article L. 1235-7-1 du code du travail,
- infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes de Créteil s'est déclaré compétent pour trancher l'ensemble des demandes présentées par Monsieur [H] [I] [...]
Vu les articles L.622-21 et 625-6 du code de commerce,
- infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes de Créteil a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de condamnation à l'encontre d'une société en procédure collective [...]
Vu l'article L. 1233-3 du code travail,
Vu les articles L. 640-1 et suivants du Code de commerce,
- confirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes a constaté que le licenciement repose sur un motif économique incontestable [...]
- confirmer le jugement entrepris et débouter Monsieur [H] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de maintien de la prévoyance,
- confirmer le jugement entrepris et débouter Monsieur [H] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de réponse à la demande de communication des critères d'ordre ayant présidé aux licenciements en l'absence de mise en place de critères d'ordre [...]'
Il n'apparaît donc pas que le CGEA ait interjeté appel, même incident, à l'encontre de la disposition du jugement d' incompétence matérielle pour connaître des demandes du salarié à l'encontre de la société Groupe SPR.
La lecture des premières conclusions du CGEA ne permet pas de retenir qu'un appel incident ait été interjeté à l'encontre de la disposition du jugement de première instance prononçant la mise hors de cause de la société Spie Batignolles.
Les demandes présentées par le CGEA à l'encontre de ces deux sociétés sont donc irrecevables.
Sur les autres demandes :
La cour n'a pas à statuer sur les demandes de constat, de donner acte ou de prendre acte qui ne correspondent pas à des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, précises, exécutables ou exécutoires.
Le CGEA sollicite par ailleurs :
- que les demandes contre la société Green Bâtiment lui soient déclarées inopposables,
- que le jugement soit confirmé en ce qu'il déboute le salarié de sa demande d'indemnisation du défaut de réponse sur les critères d'ordre des licenciements.
Ces demandes, qui ne concernent pas l'appelant, ne sauraient prospérer.
Le CGEA soutient également que les demandes fondées sur la responsabilité des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR sont inopposables à la liquidation de la société Trouvé Leclaire ainsi qu'à l'AGS; cependant, l'appelant ne formule aucune demande fondée sur la responsabilité de la société Spie Batignolles et son appel a été déclaré irrecevable à l'encontre de la société Groupe SPR.
Cette irrecevabilité doit donc être rejetée.
Sur la procédure abusive :
La société Spie Batignolles sollicite la condamnation du CGEA d'Ile-de-France Est à lui payer la somme de 100 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil.
La société Groupe SPR formule une prétention similaire, sur le même fondement, à hauteur de la même somme.
L'exercice d'une action en justice ou d'un recours constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts que s'il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, aucun élément n'est produit permettant de caractériser un abus de la part du CGEA. Les demandes doivent donc être rejetées.
Sur la garantie de l'AGS :
Il convient de rappeler que l'obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail, dans les limites du plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire.
Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l'AGS- CGEA d'Ile-de-France Est.
Sur la remise de documents :
La remise d'une attestation Pôle Emploi (France Travail) et d'un certificat de travail conformes à la teneur du présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance du représentant de la société Trouvé Leclaire n'étant versé au débat.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Par infirmation du jugement entrepris, les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de la liquidation judiciaire de la société Trouvé Leclaire, représentée par le mandataire liquidateur, ès qualités.
Par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire devant la chambre sociale d'une cour d'appel puisque les parties peuvent également y être représentées par un défenseur syndical, il ne saurait y avoir distraction des dépens au profit de l'avocat des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR.
L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de rejeter les demandes présentées par les autres parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Statuant publiquement, dans les limites de l'appel,
INFIRME le jugement de première instance, sauf en ce qu'il s'est déclaré compétent pour contrôler le respect de l'obligation de reclassement, n'a pas fait droit à la demande de sursis à statuer, a constaté la recevabilité des demandes en application des articles L.622-21 et L. 625-6 du code de commerce, a rejeté la demande du salarié au titre de la non-portabilité de la mutuelle et les demandes des sociétés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
CONSTATE l'irrecevabilité des critiques de Monsieur [H] [I] relatives à l'obligation de reclassement, au périmètre de reclassement et au licenciement mais la recevabilité de ses critiques relatives à la mise en oeuvre des mesures contenues dans le Plan de Sauvegarde de l'Emploi,
FIXE au passif de la société Trouvé Leclaire la créance de Monsieur [I] à hauteur de la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d'emploi,
DIT la présente décision opposable au CGEA-AGS d'Ile de France Est,
DIT que l'AGS devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, dans les limites du plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire,
ORDONNE la remise par le représentant de la société Trouvé Leclaire à Monsieur [I] d'une attestation Pôle Emploi (France Travail), d'un certificat de travail conformes à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans le mois suivant son prononcé,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,
LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de la liquidation judiciaire de la société Trouvé Leclaire, représentée par son mandataire liquidateur.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12048 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6UNB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F16/00173
APPELANT
Monsieur [H] [I]
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représenté par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
INTIMES ET INTERVENANTS
SAS SPIE BATIGNOLLES
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Sabine ANGELY-MANCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0492
AGS CGEA ILE DE FRANCE EST
pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean-Charles GANCIA, avocat au barreau de PARIS, toque : T07
Maître [X] [F], mandataire judiciaire domicilié [Adresse 1] à [Localité 11] nommé en remplacement de Maître [U] [S], SMJ ' Société de Mandataires Judiciaires,
ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés ARCANE, GREEN BATIMENT SERVICES, SP RENOVATION, SESINI LONGHI et TROUVE LECLAIRE
[Adresse 5]
[Localité 10]
Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
SELARL JSA, prise en la personne de Maître [R], société de mandataire judiciaire domicilié [Adresse 3] à [Localité 12] nommé en remplacement de Maître [S], SMJ ' Société de Mandataires Judiciaires,
ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GREEN BATIMENT
[Adresse 5]
[Localité 10]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre
Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre
Madame Sandrine MOISAN, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nathalie FRENOY, présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Figen HOKE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Figen HOKE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [H] [I] a travaillé au sein de la société - devenue - Trouvé Leclaire dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, bénéficiant d'une ancienneté remontant au 1er juillet 1992.
Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de directeur.
Son contrat de travail a été suspendu à compter du 27 janvier 2014 pour cause de maladie.
***
En 2007, la société Spie Batignolles, intervenant dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, a fait l'acquisition de la société Groupe SPR, connue sur le marché de l'aménagement intérieur, société dont faisaient partie depuis 1987 la société Maison Leclaire et la société Trouvé Entreprise, devenues par fusion, à la suite du rachat, la société Trouvé Leclaire (positionnée notamment sur le marché de la finition, des travaux de prestige et des travaux de rénovation traditionnelle du patrimoine ancien).
La société Spie Batignolles, société-mère par ailleurs des sociétés Arcane Entreprise (exerçant une activité de peinture et de rénovation), SP Rénovation (exerçant une activité d'isolation et d'optimisation thermique), Sesini & Longhy (exerçant une activité de rénovation de bâtiments) et Laurent & Fontix (ayant fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine à cette dernière en janvier 2014), a constitué un 'pôle peinture' composé de toutes ces sociétés, chacune d'elles intervenant sur son secteur d'activité plus spécifique.
Par acte du 24 mai 2013, la société Groupe SPR a cédé les sociétés Trouvé Leclaire, SP Rénovation, Sesini & Longhy, Arcane Entreprise - constituant ce ' pôle peinture'- à la société Green Bâtiment, société du groupe Green Recovery, spécialisé dans la reprise de sociétés.
Le 29 octobre 2013, la société Green Bâtiment Services a été créée pour centraliser les activités support des filiales du groupe.
Le 21 novembre 2014, une déclaration de cessation des paiements a été faite pour chacune des sociétés du groupe, qui ont été placées en redressement judiciaire le 1er décembre suivant.
Le tribunal de commerce de Créteil a prononcé, le 18 février 2015, leur liquidation judiciaire.
Pour les salariés de ces sociétés, a été mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel, après un premier refus motivé par le non-respect des règles d'information et de consultation, a été homologué par la DIRECCTE le 2 mars 2015.
Le mandataire liquidateur a notifié à l'appelant son licenciement pour motif économique par courrier du 6 mars 2015. La relation de travail a pris fin le 8 mars 2015.
Contestant son licenciement, intervenu, selon lui, en conséquence de la fraude commise par les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR cherchant, sous couvert d'une démarche de réorientation de leurs activités, à faire l'économie d'un plan de sauvegarde de l'emploi coûteux, tout en se débarrassant de salariés ayant une grande ancienneté, Monsieur [I], comme une centaine d'autres salariés des sociétés liquidées, a saisi le 3 décembre 2015 le conseil de prud'hommes de Créteil qui, par jugement du 18 septembre 2018 :
- a déclaré recevable la demande in limine litis formulée à la barre par la société Green Bâtiment,
- s'est déclaré incompétent ratione materiae et a renvoyé conformément à l'article 96 du code de procédure civile le salarié à mieux se pourvoir devant le tribunal de grande instance de Versailles, siège de la société Green Bâtiment,
- a prononcé la mise hors de cause de la société Green Bâtiment,
- a déclaré recevable la demande in limine litis formulée à la barre par la société Groupe SPR,
- s'est déclaré incompétent ratione materiae et a renvoyé conformément à l'article 96 du code de procédure civile le salarié à mieux se pourvoir devant le tribunal de grande instance de Créteil, siège de la société Groupe SPR,
- a déclaré recevable la demande in limine litis formulée à la barre par la société Spie Batignolles,
- a prononcé la mise hors de cause de la société Spie Batignolles,
- a déclaré irrecevable la demande in limine litis formulée par l'AGS CGEA d' Ile-de-France Est,
- s'est déclaré compétent ratione materiae en matière du contrôle du respect de l'obligation de reclassement découlant d'un plan de sauvegarde de l'emploi,
- a déclaré recevable sur la forme la demande de sursis à statuer non plaidée in limine litis à la barre par la société Groupe SPR mais soutenue dans ses écritures,
- sur le fond, a décidé de ne pas surseoir à statuer en attendant l'éventualité d'une décision du tribunal de commerce de Paris,
- n'a pas fait droit à la demande de l'AGS CGEA d'Ile-de-France Est de déclarer irrecevables les demandes en application des articles L.622-21 et L.625-6 du code de commerce,
- a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes,
- a débouté les sociétés Green Bâtiment, Spie Batignolles, Groupe SPR de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge du salarié.
Par déclaration du 25 octobre 2018, le salarié a interjeté appel de ce jugement.
Dans l'intervalle, le 30 avril 2018, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Green Bâtiment, qui n'avait jusque-là pas fait l'objet d'une procédure collective, eu égard aux résultats attendus de l'action en responsabilité contre les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR qu'elle avait entamée.
***
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2022, Monsieur [I] demande à la cour de :
' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de la société Green Bâtiment de sursis à statuer dans l'attente de l'éventuelle décision du tribunal de commerce de Paris,
' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de l'AGS CGEA d'Ile de France d'incompétence partielle au profit du tribunal administratif,
' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de l'AGS CGEA d'Ile de France d'irrecevabilité des demandes formulées par le concluant,
' infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le demandeur de l'ensemble de ses demandes,
statuant à nouveau,
' d'ordonner
A. à titre principal sur la demande au titre du non-respect de l'engagement pris dans le PSE concernant les reclassements externes et le préjudice subi du fait de la perte d'emploi et au titre de la non- portabilité de la mutuelle et de la prévoyance
- la condamnation de la société Trouvé Leclaire à lui verser la somme de 225'180 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi,
- la condamnation de la société Trouvé Leclaire à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-portabilité de la prévoyance et de la mutuelle,
- la fixation de ces sommes au passif de la liquidation et la condamnation de l'AGS ' CGEA d'IDF Est à garantir les condamnations, en rendant le jugement opposable à ce dernier,
- le règlement des condamnations et la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification de la décision à intervenir,
B. à titre subsidiaire sur la demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de la non-portabilité de la mutuelle et de la prévoyance,
- la condamnation de la société Trouvé Leclaire à lui verser la somme de 225'180 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la condamnation de la société Trouvé Leclaire à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-portabilité de la prévoyance et de la mutuelle,
- la fixation de ces sommes au passif de la liquidation et la condamnation de l'AGS ' CGEA IDF Est à garantir les condamnations, en rendant le jugement opposable à ce dernier,
- le règlement des condamnations et la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification de la décision à intervenir.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2022, la société Spie Batignolles demande à la cour de :
à titre principal
- déclarer irrecevables les demandes de l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est à l'encontre de la société Spie Batignolles,
très subsidiairement
vu l'article 1382 ancien, 1240 nouveau du Code civil
- débouter l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est de toutes ses demandes à l'encontre de la société Spie Batignolles,
en tout état de cause
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il prononce la mise hors de cause de la société Spie Batignolles,
- condamné l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est à lui payer la somme de 100 euros à titre d'indemnité pour procédure abusive, ainsi que la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'appelant à payer à la société Spie Batignolles la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'appelant, subsidiairement tout succombant, aux dépens, qui seront recouvrés par Me Sabine Angély-Manceau, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2022, la société Groupe SPR demande à la cour de:
vu l'arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 14 décembre 2020 qui 'déclare irrecevable l'appel formé le 25 octobre 2018 en ce qu'il est dirigé contre la société Groupe SPR',
vu les articles 550 et 914 du code de procédure civile,
vu les articles L.622-20 et L.641-4 du code de commerce,
- déclarer que la cour est dessaisie de l'appel en ce qu'il est dirigé contre la société Groupe SPR,
y ajoutant
à titre principal
- déclarer irrecevables les demandes de l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Est contre la concluante,
à titre subsidiaire
- débouter l'Unedic délégation AGS CGEA d'IDF Est de toutes ses demandes contre la concluante,
en tout état de cause
- condamner l'appelant à payer à la société Groupe SPR la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Unedic délégation AGS CGEA d' IDF Est à payer à la société Groupe SPR la somme de 100 euros en dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du Code civil,
- condamner l'Unedic délégation AGS CGEAd' IDF Est à payer à la société Groupe SPR la somme de 100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner l'appelant, subsidiairement tout succombant, aux dépens, qui seront recouvrés par Me Sabine Angély-Manceau, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 18 novembre 2022, Maître [F], mandataire judiciaire nommé en remplacement de la selarl SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Arcane, Green Bâtiment Services, SP Rénovation, Sesini & Longhi, Trouvé Leclaire, et la selarl JSA, prise en la personne de Maître [R], en remplacement de la selarl SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Green Bâtiment demandent à la cour de:
à titre principal
1) sur le caractère justifié de la rupture pour motif économique des contrats de travail des salariés non protégés :
- déclarer irrecevable toute demande de Monsieur [I] visant à obtenir la condamnation de la société Trouvé Leclaire à lui verser des dommages-intérêts en vertu de l'article L.622-21 du code de commerce,
- déclarer irrecevable toute contestation du salarié à l'encontre des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi,
- dire que la rupture pour motif économique des contrats de travail du salarié était bien fondée et de le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes afférentes,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 18 septembre 2018 en ce qu'il a débouté le salarié de la contestation de son licenciement,
2) sur les demandes de dommages-intérêts pour non-portabilité des droits à prévoyance et frais de santé
- constater que le salarié n'apporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre,
3) à titre subsidiaire, sur la disproportion des dommages-intérêts réclamés par le salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
si la Cour devait par extraordinaire considérer que le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse, il lui est demandé d'ajuster cette demande individuelle de fixation au passif à de plus justes proportions en prenant en compte les éléments versés par le salarié au débat ainsi que le référentiel indicatif prévu par l'article R. 1235-22 du code du travail le cas échéant, soit 16 mois de salaire maximum représentant la somme de 120'096 euros,
en tout état de cause
- condamner le salarié à verser à Maître [F] ès qualités une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le salarié aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 novembre 2022, l'AGS CGEA d'Ile de France Est demande à la cour :
à titre liminaire,
vu l'article L.1235-7-1 du code du travail,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour trancher l'ensemble des demandes présentées par le salarié,
- de se déclarer incompétente pour trancher toute demande découlant de la contestation du contenu du Plan de Sauvegarde de l'Emploi homologué par la DIRECCTE au profit du juge administratif,
- d'inviter le salarié à mieux se pourvoir,
en tout état de cause
vu la décision d'homologation du PSE et le principe d'autorité de la chose décidée par l'administration,
- de dire et juger irrecevable toute demande découlant de la contestation du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi homologué par la DIRECCTE au profit du juge administratif,
vu les articles L.622-21 et L.625-6 du code de commerce,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de condamnation à l'encontre d'une société en procédure collective,
- de dire irrecevables les demandes de condamnation à l'encontre des sociétés Trouvé Leclaire et Green Bâtiment,
vu l'article L.3253-6 du code du travail,
- de dire et juger les demandes à l'encontre de la société Green Bâtiment inopposables à l'AGS,
sur les demandes :
- de donner acte à l'AGS qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour s'agissant de la matérialité des faits invoqués par les salariés,
dans l'hypothèse où la Cour retient la responsabilité civile des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR :
vu l'article 1240 du Code civil,
- de dire et juger que les demandes fondées sur la responsabilité des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR sont inopposables à la liquidation de la société Trouvé Leclaire ainsi qu'à l'AGS,
- de condamner solidairement les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR à verser à l'AGS la somme de 11 075 763,52 euros,
sur le licenciement :
vu l'article L. 1233-3 du code travail,
vu les articles L. 640-1 et suivants du code de commerce,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que le licenciement repose sur un motif économique incontestable,
- de constater que l'argumentaire tendant à critiquer le respect de l'obligation de reclassement par l'employeur est irrecevable,
- de débouter le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre subsidiaire,
- de constater que cet argumentaire ne peut conduire qu'à l'octroi de dommages-intérêts, sans remettre en cause le licenciement,
- de ramener les demandes du salarié à de plus justes proportions,
à titre infiniment subsidiaire,
vu les articles L.1235-1 et 3 du code du travail,
- de débouter le salarié du surplus de sa demande faute de justifier de son préjudice,
- de confirmer le jugement entrepris et débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de maintien de la prévoyance,
- confirmer le jugement entrepris et débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de réponse à la demande de communication des critères d'ordre ayant présidé au licenciement en l'absence de mise en place de critères d'ordre,
sur la garantie
- de dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,
- de dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,
vu les articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,
- de dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage mentionnés à ces articles,
- de statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 janvier 2023. Lors de l'audience de plaidoiries du 26 janvier 2023, les parties ont souhaité se rapprocher dans le cadre d'une médiation, laquelle a échoué pour l'appelant, comme indiqué à l'audience de renvoi du 29 février 2024.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur l'irrecevabilité de l'appel :
Il convient de rappeler que l'appel du salarié a été déclaré irrecevable à l'encontre de la société Groupe SPR, par arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 décembre 2020.
La Cour n'est donc pas saisie de demandes de la part du salarié à l'encontre de la société Groupe SPR.
Sur le sursis à statuer :
Le salarié sollicite que la demande de sursis à statuer formulée en première instance par la société Spie Batignolles et la société Groupe SPR, dans l'attente de la décision du tribunal de commerce de Paris, saisi par la société Green Bâtiment, soit rejetée.
Cette demande n'est plus soutenue en cause d'appel par les sociétés intimées; il convient donc de confirmer le jugement entrepris qui a décidé de ne pas surseoir à statuer.
Sur la demande d'indemnisation pour perte d'emploi :
L'appelant sollicite la condamnation de la société Trouvé Leclaire, son employeur, à lui verser des dommages-intérêts pour perte d'emploi, sur le fondement du non-respect de l'engagement pris dans le Plan de Sauvegarde de l'Emploi concernant le reclassement externe.
Il fait valoir qu'il a sollicité la condamnation, mais également la fixation de diverses sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société ayant été son employeur.
Par ailleurs, il souligne qu'il ne critique pas la teneur du PSE mais bien le non-respect par son employeur de son obligation de reclassement. Invoquant l'article L.1233-4 du code du travail dont il résulte que le conseil de prud'hommes est compétent ratione materiae en matière de contrôle de l'obligation individuelle de reclassement, il conclut au rejet de la fin de non-recevoir soulevée.
Le CGEA d'Ile de France Est sollicite d'une part, que soit constatée l'irrecevabilité des demandes de condamnation à l'encontre des sociétés liquidées, en invoquant les dispositions des articles L.622-21 et L.625-6 du code de commerce.
Il souligne d'autre part, la validation définitive du Plan de Sauvegarde de l'Emploi et son contenu, soulève l'incompétence de la juridiction saisie au profit du tribunal administratif pour toute question relative à son contenu, homologué par la DIRECCTE. Il considère que le salarié ne peut critiquer les mesures de reclassement, ni les critères d'ordre retenus dans le document unilatéral, pas plus que le périmètre de reclassement, la cour ne pouvant le cas échéant que trancher la contestation relative d'une part, à l'application de chacune des mesures du PSE et d'autre part, à la mise en oeuvre des critères d'ordre des licenciements, par application du principe de séparation des pouvoirs.
Enfin, il soulève l'irrecevabilité des demandes critiquant le PSE, au regard du principe de l'autorité de la chose décidée.
Le mandataire liquidateur fait valoir que la décision d'homologation du PSE, n'ayant pas été contestée, ne peut être remise en cause, a fortiori devant le juge judiciaire.
Sur l'irrecevabilité de la demande de condamnation :
Selon l'article L.622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
De même, les dispositions de l'article L.641-9 du code de commerce et celles des articles
L. 3253-20 et L. 3253-21 du code du travail permettent seulement au salarié de demander que les créances salariales dont il se prévaut soient inscrites sur le relevé dressé par le mandataire judiciaire afin d'entraîner l'obligation pour les institutions de garantie des salaires de verser, selon la procédure légale, les sommes litigieuses entre les mains de celui-ci.
Si, en l'espèce, le salarié sollicite la condamnation de son employeur à lui verser des dommages-intérêts pour perte d'emploi, il formule ensuite une demande de fixation au passif de la liquidation.
L'irrecevabilité soulevée ne saurait donc prospérer.
Sur la séparation des pouvoirs :
Il résulte de l'article L.1235-7-1 du code du travail que, si le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le respect par l'employeur de l'obligation individuelle de reclassement, cette appréciation ne peut méconnaître l'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative ayant homologué le document élaboré par l'employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de reclassement intégré au PSE.
En l'espèce, le Plan de Sauvegarde de l'Emploi, qui a été produit in extenso en cours de délibéré et dans le respect du principe du contradictoire, dans une version qui n'a pas été contestée par les parties, précise les modalités d'information et de consultation des représentants du personnel, le calendrier des licenciements et le nombre de suppressions d'emplois, prévoit la proposition aux salariés d'un contrat de sécurisation professionnelle et constate l'absence de possibilité de reclassement interne.
Eu égard à l'autorité de la chose décidée, les critiques du salarié au sujet du non-respect de l'obligation de reclassement, du contenu du Plan de Sauvegarde de l'Emploi et de l'étendue du périmètre de reclassement ne sauraient donc être prises en considération.
Cependant, l'appelant conteste aussi la mise en oeuvre par le mandataire liquidateur des mesures contenues dans ce Plan de Sauvegarde de l'Emploi et formule à ce titre une demande que l'autorité de la chose décidée ne saurait rendre irrecevable.
Sur le fond :
Rappelant que l'obligation de recherche de reclassement nécessite un examen particulier de la situation de chaque salarié, l'appelant fait valoir que le Plan de Sauvegarde de l'Emploi, prévoyant des mesures de reclassement externe, n'a pas été respecté par le mandataire liquidateur sur qui pesait une obligation de moyens renforcée. Il soutient que ces mesures sont devenues pour lui contraignantes mais qu'il a exclu arbitrairement des sociétés appartenant au périmètre réduit et incomplet du groupe qu'il avait retenu, que le périmètre de reclassement aurait dû être élargi au groupe Green Recovery et à ses filiales, que si de nombreuses solutions de reclassement ont été identifiées dès le 25 février 2015, date de consultation du comité d'entreprise, les offres de poste - tardives- n'ont pas été proposées de façon personnalisée et précise et que ce manquement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Soulevant l'irrecevabilité des critiques du salarié qui tendent en réalité à contester le contenu du Plan de Sauvegarde de l'Emploi homologué par l'autorité administrative, le mandataire liquidateur de la société Trouvé Leclaire affirme avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement en externe, allant même au-delà de son obligation légale. Il rappelle que le reclassement dit « externe », réalisé par le recrutement du salarié par une autre entreprise, n'est pas de nature à permettre à l'employeur de justifier qu'il a satisfait à son obligation de reclassement, ni à remettre en cause la validité du licenciement. Il insiste sur le caractère facultatif et curatif des propositions de reclassement externe et considère qu'aucun grief ne peut lui être fait dans la mesure où ces propositions ne sont enfermées dans aucun formalisme légal.
Il convient, à titre liminaire, de constater que les parties ne contestent pas le motif économique du licenciement de l'espèce, ni l'obligation de l'employeur au titre du reclassement interne, mais la mise en oeuvre de l'obligation pesant sur l'employeur au titre du reclassement externe, non soumise aux dispositions de l'article L.1233-4 du code du travail, mais devant cependant être loyale et utile.
Il est constant que l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur ne s'étend pas aux entreprises extérieures au groupe dont il relève, sauf convention ou engagement contraire.
L'employeur doit respecter les engagements qu'il a pris lors de la mise en oeuvre du reclassement.
La méconnaissance par lui ou son représentant de son engagement le contraignant à respecter, avant tout licenciement, une procédure destinée à favoriser le reclassement à l'extérieur de l'entreprise, constitue un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et prive la rupture de cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, le Plan de Sauvegarde de l'Emploi prévoit, en plus des mesures telles que contrat de sécurisation professionnelle, compte personnel de formation, aide à la création et reprise d' entreprise, le financement d'une cellule de reclassement pour une durée minimale de 9 mois ( et de 12 mois pour les salariés âgés de plus de 50 ans), outre des mesures de reclassement externe, ainsi formulées :
'Il est précisé que les mesures d'accompagnement tiennent compte des caractéristiques sociales des salariés de la société TROUVE LECLAIRE et notamment des salariés fragilisés: 1 salarié est accidenté du travail, 1 salarié est en maladie professionnelle, 2 salariés sont en longue maladie et 1 salarié est handicapé.
Des mesures d'aide au reclassement externe seront proposées pour les salariés dont le poste est supprimé et qui n'auront pas pu être reclassés en interne.
Le reclassement externe comprend toutes actions destinées à faciliter la reprise d'un emploi dans une société extérieure au Groupe.
Les éventuels licenciements ne pourront être notifiés que postérieurement au prononcé du jugement du Tribunal de commerce.
Par ailleurs, afin de faciliter le reclassement externe du personnel licencié, une action sera réalisée auprès des entreprises tierces situées dans la région dont une liste est en cours d'élaboration et pour laquelle les membres du CE ou le représentant des salariés sont invités à alimenter et compléter cette liste, avec la Direction.
Une offre de reprise portant sur la Société Sesiny & Longhy, présentée par la société ERI, propose un poste de reclassement pour un Chef de chantier, département marchés d'entretiens.
La liste des sociétés sollicitées et leur réponse est indiquée en Annexe.'
Ladite annexe, intitulée 'annexe 1 - suivi des recherches des reclassements au 18 février 2015' contient une liste de sociétés ( avec leurs coordonnées), la nature de la réponse négative ou positive donnée et dans ce dernier cas, l'énoncé des postes proposés en reclassement, à savoir ' compagnons peintres', 'conducteur de travaux peinture- ravalement', 'chargés d'affaires', 'chefs de chantier', 'commerciaux', 'chef d'équipe échafaudeur', mais également 'ingénieur commercial' et 'directeur commercial' notamment.
En outre, dans sa décision d'homologation du document unilatéral relatif au Plan de Sauvegarde de l'Emploi, l'administration a relevé que 'des démarches visant au reclassement externe au niveau des entreprises tierces exerçant dans le même secteur d'activité et dans la région ont été engagées et qu'elles ont pu aboutir à la proposition d'au moins 22 emplois'.
Ayant pris l'engagement dans ce Plan de Sauvegarde de l'Emploi de chercher des reclassements externes, à défaut de toute solution en interne, engagement homologué de surcroît par l'administration le 2 mars 2015, l'employeur ou son représentant était contraint de le respecter, avant tout licenciement.
Or, le mandataire liquidateur ne justifie pas avoir fait, avant le licenciement, une proposition écrite, précise et individualisée à l'appelant - contenant les caractéristiques de l'emploi offert-, après avoir procédé à un examen individuel des possibilités de reclassement externe.
Il n'est pas démenti que les solutions de reclassement identifiées n'ont pas été adressées au salarié autrement qu'annexées à la lettre de licenciement.
Nonobstant le délai bref imparti au liquidateur pour effectuer ses recherches, il y a lieu de constater que celui-ci ne démontre pas avoir exécuté loyalement son obligation découlant du Plan de Sauvegarde de l'Emploi.
En conséquence, le licenciement de l'appelant doit être jugé sans cause réelle et sérieuse,
Eu égard aux éléments de préjudice démontrés par le salarié du fait de cette perte d'emploi injustifiée, à ses conséquences financières et en termes de carrière professionnelle compte tenu de son âge (52 ans) et de son ancienneté (près de 23 ans) au jour de la rupture de son contrat de travail, il convient d'accueillir sa demande d'indemnisation à hauteur de 100 000 euros, somme devant être fixée au passif de la société Trouvé Leclaire.
Sur la portabilité des droits en matière de santé et de prévoyance :
L'appelant affirme avoir appris par l'organisme de mutuelle plusieurs mois après la rupture que les démarches n'avaient pas été effectuées pour assurer la portabilité des droits en matière de santé et de prévoyance en violation des dispositions légales. Il soutient que plusieurs salariés ont avancé des frais de santé qui n'ont jamais été remboursés. Il réclame une indemnisation à hauteur de 1 000 euros à ce titre.
Le mandataire liquidateur soutient pour sa part avoir accompli les démarches pour que les garanties soient maintenues, alors que l'assureur a manqué, selon lui, à ses obligations en rompant la portabilité sous prétexte d'un défaut de paiement, nonobstant la Loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l'emploi qui prévoit le financement de la portabilité par mutualisation.
Il fait valoir que le salarié, à qui il appartient de justifier du préjudice qu'il invoque, ne démontre pas qu'il a subi un dommage réparable « forfaitairement », à défaut de fournir des pièces au sujet des frais médicaux prétendument réglés et non remboursés, de leur caractère remboursable en fonction du régime applicable, du montant de la quote-part qui aurait été prise en charge par la mutuelle et qui ne l'a pas été, déduction faite des remboursements de la sécurité sociale.
Le CGEA d'Ile de France Est fait valoir que le salarié ne verse aux débats aucun justificatif de refus de prise en charge, refus qui pourrait être en tout état de cause légitime après des licenciements entre mars et mai 2015 en fonction de la date de souscription du contrat et de sa résiliation ou non compte tenu de la liquidation judiciaire. Il conclut au rejet de la demande de ce chef.
La demande d'indemnisation de l'espèce suppose, pour être accueillie, la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux.
Sans même analyser la faute invoquée, il convient de constater que l'appelant fait état d' un préjudice, sans en démontrer la nature, ni le montant, ni même le principe, aucun justificatif de dépenses de santé restées à tort à sa charge n'étant produit.
La demande doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.
Il doit en aller ainsi, également, de la demande subsidiaire présentée sur le même fondement et tendant aux mêmes fins.
Sur la mise hors de cause :
La société Spie Batignolles sollicite sa mise hors de cause, se disant étrangère à la cession du capital des sociétés constituant le 'pôle peinture' dans lesquelles elle n'a tenu aucune participation, même minoritaire.
Le salarié ne formule aucune demande à l'encontre de la société Spie Batignolles.
En revanche, le CGEA d'Ile-de-France Est présente une demande de condamnation solidaire à l'encontre de la société Spie Batignolles et de la société Groupe SPR, soutenant que, même en l'absence de co-emploi, une société tierce ayant pris des décisions dommageables pour la société employeur peut être condamnée sur le terrain de la responsabilité extra-contractuelle, si par sa faute ou sa légèreté blâmable, elle a contribué à la disparition d'emplois. Il estime que la demande présentée, qui n'entre pas dans le champ de sa garantie, peut être dirigée à l'encontre de ces sociétés du fait de leur responsabilité dans le licenciement de l'appelant.
Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Alors qu'en l'espèce, une fraude est invoquée ayant abouti à la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Trouvé Leclaire notamment, société du 'pôle peinture' cédé en 2013 et partant, au licenciement de l'appelant, et que le processus d'externalisation des activités peinture a supposé l'intervention de la société Spie Batignolles, à l'origine de la création dudit pôle, la responsabilité extra-contractuelle de cette dernière peut être en jeu; sa demande de mise hors de cause doit être rejetée, par infirmation du jugement entrepris.
Sur l'irrecevabilité de la demande de l'AGS :
Le CGEA d'Ile-de-France Est sollicite qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour s'agissant de la matérialité des faits invoqués par le salarié, et dans l'hypothèse où la cour retient la responsabilité civile des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR, vu l'article 1240 du Code civil, lui demande de condamner solidairement les sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR à lui verser la somme de 11'075'763,52 euros.
Par note en délibéré du 30 juillet 2024, il a ramené sa demande à la somme globale de 9 117 256,56 euros.
Le CGEA d'Ile-de-France Est considère sa demande parfaitement recevable, puisque formulée dans le cadre de ses premières écritures et dans le délai pour interjeter appel incident. Il invoque au surplus le principe de l'unicité de l'instance autorisant les demandes nouvelles en cause d'appel et fait valoir que son argumentaire n'est pas contradictoire, l'avance effectuée étant injustifiée si la faute des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR invoquée par le salarié est reconnue.
La société Groupe SPR considère que le CGEA, n'ayant pas formé appel principal, ni incident du jugement du conseil de prud'hommes qui s'est déclaré incompétent ratione materiae, est irrecevable en cette demande de condamnation.
La société Spie Batignolles et la société Groupe SPR soutiennent en outre que cette demande est nouvelle en cause d'appel, qu'aucun fait nouveau n'est invoqué, ni aucune compensation, que le moyen tiré de l'unicité de l'instance est inopérant puisque la juridiction prud'homale est incompétente pour statuer sur les demandes présentées contre les sociétés intimées, et que cette demande se heurte au défaut de qualité de son auteur à agir en dommages-intérêts pour des fautes commises à l'égard de tiers. Elles font état de ce que seul le liquidateur judiciaire a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, la demande du CGEA étant au surplus contradictoire avec celle consistant à lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour s'agissant de la matérialité des faits invoqués par le salarié.
La société Spie Batignolles invoque en outre que le CGEA n'a pas formé appel incident de la disposition du jugement qui a prononcé sa mise hors de cause.
Selon l'article 550 du code de procédure civile, 'sous réserve des articles 905-2, 909 et 910, l'appel incident ou l'appel provoqué peut être formé, en tout état de cause, alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal. Dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l'appel principal n'est pas lui-même recevable ou s'il est caduc.'
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il n'est pas contestable que les premières conclusions du CGEA contenaient, à l'exclusion de toute autre, les demandes d'infirmation suivantes :
'Vu l'article L. 1235-7-1 du code du travail,
- infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes de Créteil s'est déclaré compétent pour trancher l'ensemble des demandes présentées par Monsieur [H] [I] [...]
Vu les articles L.622-21 et 625-6 du code de commerce,
- infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes de Créteil a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de condamnation à l'encontre d'une société en procédure collective [...]
Vu l'article L. 1233-3 du code travail,
Vu les articles L. 640-1 et suivants du Code de commerce,
- confirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes a constaté que le licenciement repose sur un motif économique incontestable [...]
- confirmer le jugement entrepris et débouter Monsieur [H] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de maintien de la prévoyance,
- confirmer le jugement entrepris et débouter Monsieur [H] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de réponse à la demande de communication des critères d'ordre ayant présidé aux licenciements en l'absence de mise en place de critères d'ordre [...]'
Il n'apparaît donc pas que le CGEA ait interjeté appel, même incident, à l'encontre de la disposition du jugement d' incompétence matérielle pour connaître des demandes du salarié à l'encontre de la société Groupe SPR.
La lecture des premières conclusions du CGEA ne permet pas de retenir qu'un appel incident ait été interjeté à l'encontre de la disposition du jugement de première instance prononçant la mise hors de cause de la société Spie Batignolles.
Les demandes présentées par le CGEA à l'encontre de ces deux sociétés sont donc irrecevables.
Sur les autres demandes :
La cour n'a pas à statuer sur les demandes de constat, de donner acte ou de prendre acte qui ne correspondent pas à des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, précises, exécutables ou exécutoires.
Le CGEA sollicite par ailleurs :
- que les demandes contre la société Green Bâtiment lui soient déclarées inopposables,
- que le jugement soit confirmé en ce qu'il déboute le salarié de sa demande d'indemnisation du défaut de réponse sur les critères d'ordre des licenciements.
Ces demandes, qui ne concernent pas l'appelant, ne sauraient prospérer.
Le CGEA soutient également que les demandes fondées sur la responsabilité des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR sont inopposables à la liquidation de la société Trouvé Leclaire ainsi qu'à l'AGS; cependant, l'appelant ne formule aucune demande fondée sur la responsabilité de la société Spie Batignolles et son appel a été déclaré irrecevable à l'encontre de la société Groupe SPR.
Cette irrecevabilité doit donc être rejetée.
Sur la procédure abusive :
La société Spie Batignolles sollicite la condamnation du CGEA d'Ile-de-France Est à lui payer la somme de 100 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil.
La société Groupe SPR formule une prétention similaire, sur le même fondement, à hauteur de la même somme.
L'exercice d'une action en justice ou d'un recours constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts que s'il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, aucun élément n'est produit permettant de caractériser un abus de la part du CGEA. Les demandes doivent donc être rejetées.
Sur la garantie de l'AGS :
Il convient de rappeler que l'obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail, dans les limites du plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire.
Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l'AGS- CGEA d'Ile-de-France Est.
Sur la remise de documents :
La remise d'une attestation Pôle Emploi (France Travail) et d'un certificat de travail conformes à la teneur du présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance du représentant de la société Trouvé Leclaire n'étant versé au débat.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Par infirmation du jugement entrepris, les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de la liquidation judiciaire de la société Trouvé Leclaire, représentée par le mandataire liquidateur, ès qualités.
Par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire devant la chambre sociale d'une cour d'appel puisque les parties peuvent également y être représentées par un défenseur syndical, il ne saurait y avoir distraction des dépens au profit de l'avocat des sociétés Spie Batignolles et Groupe SPR.
L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de rejeter les demandes présentées par les autres parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Statuant publiquement, dans les limites de l'appel,
INFIRME le jugement de première instance, sauf en ce qu'il s'est déclaré compétent pour contrôler le respect de l'obligation de reclassement, n'a pas fait droit à la demande de sursis à statuer, a constaté la recevabilité des demandes en application des articles L.622-21 et L. 625-6 du code de commerce, a rejeté la demande du salarié au titre de la non-portabilité de la mutuelle et les demandes des sociétés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
CONSTATE l'irrecevabilité des critiques de Monsieur [H] [I] relatives à l'obligation de reclassement, au périmètre de reclassement et au licenciement mais la recevabilité de ses critiques relatives à la mise en oeuvre des mesures contenues dans le Plan de Sauvegarde de l'Emploi,
FIXE au passif de la société Trouvé Leclaire la créance de Monsieur [I] à hauteur de la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d'emploi,
DIT la présente décision opposable au CGEA-AGS d'Ile de France Est,
DIT que l'AGS devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, dans les limites du plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire,
ORDONNE la remise par le représentant de la société Trouvé Leclaire à Monsieur [I] d'une attestation Pôle Emploi (France Travail), d'un certificat de travail conformes à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans le mois suivant son prononcé,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,
LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de la liquidation judiciaire de la société Trouvé Leclaire, représentée par son mandataire liquidateur.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE