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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 25 septembre 2024, n° 23/14955

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/14955

25 septembre 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2024

ARRÊT SUR COMPÉTENCE

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14955 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIG4N

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Juin 2023 - juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris - RG n° 22/00371

APPELANTE

Société BLOM BANK SAL société de droit libanais

immatriculée au registre du commerce de Beyrouth sous le numéro 2464

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2] (Liban)

agissant poursuites et diligences de son président directeur général domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocats plaidants Me Lucie BOCQUILLON et Me Laurent MARTINET du PARTNERSHIPS PAUL HASTINGS (Europe) LLP, avocats au barreau de PARIS, toque : P0177

INTIMÉS

Monsieur [L] [C]

[Adresse 4]

[Adresse 1] (Portugal)

Madame [F] [S] épouse [C]

[Adresse 4]

[Adresse 1] (Portugal)

Représentés par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440

Ayant pour avocat plaidant Me Michel FERRAND de l'AARPI Enthémis, avocat au barreau de PARIS, toque : D2159

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, président de chambre entendu en son rapport et M. Vincent BRAUD, président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président

Mme Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [L] [C] et Mme [F] [S] épouse [C], de nationalité française et demeurant désormais au Portugal, ont ouvert un compte dans les livres de la société de droit libanais Blom Bank Sal le 25 août 1999 alors qu'il étaient domiciliés en Côte d'Ivoire.

Une convention de transfert de compte de Bloominvest vers la société Blom Bank a été proposée au couple qui résidait alors en Espagne et le 21 octobre 2016, un contrat d'ouverture de compte a été ainsi conclu comportant une clause attributive de juridiction en faveur des tribunaux de Beyrouth.

Après que les époux [C] ont demandé, le 20 décembre 2021, le virement de leurs avoirs en compte s'élevant à la somme de 3 173 144,99 euros dans les livres d'une banque portugaise, la banque a clôturé leur compte et procédé à l'émission d'une offre de paiement de leur solde par un chèque de consignation remis à un notaire libanais.

Par acte en date du 22 décembre 2021, la banque a assigné les époux [C] devant le tribunal de Beyrouth aux fins de faire valider la procédure d'offre réelle de consignation, contestée par eux par lettre du 28 décembre 2021.

Les époux [C] ont été autorisés par ordonnance du juge de l'exécution du 16 mars 2022 à procéder à une saisie conservatoire de comptes de la banque et d'action de la banque sur sa filiale française, la société Banque Banorient France.

Par acte en date du 6 janvier 2022, les époux [C] ont assigné la société Blom Bank Sal devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir le paiement du solde de leur compte bancaire.

La société Blom Bank Sal a soulevé l'incompétence des juridictions françaises pour statuer sur le litige et par ordonnance en date du 29 juin 2023, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Paris a rejeté cette exception d'incompétence ainsi que les exceptions de litispendance et de connexité avec le litige poursuivi à Beyrouth ainsi que la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de ce dernier.

La société Blom Bank Sal a interjeté appel par déclaration au greffe en date du 25 septembre 2023 et a été autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance en date du 28 septembre suivant pour l'audience du 5 mars 2024.

L'examen de l'affaire a été renvoyée, par accord entre parties, à l'audience du 18 juin 2024.

Par ses dernières conclusions en date du 2 avril 2024, la société Blom Bank Sal fait valoir :

- à titre principal, que la clause attributive de compétence contenu dans le contrat est licite en vertu de la loi française puisqu'il est de jurisprudence constante qu'au contraire du droit interne qui réserve sa licéité en matière commerciale, la prorogation de compétence internationale est permise lorsqu'elle ne fait pas échec à la compétence territoriale impérative d'une juridiction française, alors que le compte litigieux a été ouvert à [Localité 2] par les époux [C] qui résidaient alors en Côte d'Ivoire,

- qu'elle est en outre valable, les conditions de forme et de fond étant remplies quelle que soit la loi applicable la loi applicable au contrat étant toutefois en l'espèce la loi libanaise selon les articles 3 et 4 du Règlement dit Rome I étant observé que son article 6 relatif aux consommateurs ne s'applique pas dès lors qu'elle ne dirige pas ses activités vers la France ou la Côte d'Ivoire,

- que c'est à tort que l'ordonnance entreprise a considéré que la clause était 'nulle pour cause de potestativité' puisqu'elle ne recèle aucune asymétrie entre les parties au profit de la seule banque, qui, contrairement à ce qui a été décidé ne peut agir où bon lui semble, qu'en tout état de cause l'article 1304-2 du code civil sur lequel elle est fondée est sans rapport avec l'éventuelle potestativité des clauses attributives qui est au demeurant seulement censurée pour l'application de la compétence européenne par le Règlement Bruxelles 1 bis ou la Convention de Lugano, encore la sanction n'est-elle pas la nullité,

- que la dite clause ne constitue pas une clause abusive au sens du droit libanais et n'entre pas dans le champ d'application du droit de la consommation français puisque le litige ne présente aucun lien étroit avec la France au sens de l'article L 212-1 du code de la consommation non plus qu'avec un Etat quelconque de l'Union Européenne, étant observé que la modification du compte en 2016 a constitué une cession du contrat et transfert de compte de Blominvest vers Blom Bank Sal sans faire naître un nouveau rapport contractuel et qu'en tout état de cause, la clause n'est pas abusive en vertu du droit français s'il était jugé applicable,

- que les consorts [C] ont valablement renoncé au privilège de juridiction de l'article 14 du code civil qui n'est pas d'ordre public puisque la clause attributive de compétence aux juridictions de Beyrouth est valable,

- subsidiairement qu'il y a litispendance ou, plus subsidiairement, connexité avec le litige pendant à [Localité 2] et qu'en tout état de cause, il y aurait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de son dénouement de sorte qu'elle demande à la cour de statuer notamment ainsi :

'- INFIRMER l'Ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle a écarté l'application de la clause attributive de juridiction conclue entre les parties et donnant compétence aux tribunaux de Beyrouth ;

Et statuant à nouveau,

- DECLARER le Tribunal judiciaire de Paris incompétent pour juger de la présente affaire ;

- RENVOYER Monsieur [L] [C] et à Madame [F] [S] épouse [C] à mieux se pourvoir devant les tribunaux de Beyrouth ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- ORDONNER le dessaisissement du Tribunal judiciaire de Paris au profit du Tribunal de Première instance de Beyrouth pour litispendance,

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE,

ORDONNER le dessaisissement du Tribunal judiciaire de Paris au profit du Tribunal de Première instance de Beyrouth pour connexité,

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

- SURSEOIR A STATUER jusqu'à ce qu'une décision irrévocable ait été rendue dans le cadre de la procédure pendante devant le Tribunal de Première instance de Beyrouth opposant BLOM BANK SAL à Monsieur [L] [C] et à Madame [F] [S] épouse [C];

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- INFIRMER l'Ordonnance en ce qu'elle a condamné BLOM BANK SAL à payer à Monsieur [L] [C] et à Madame [F] [S] épouse [C] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER Monsieur [L] [C] et Madame [F] [S] épouse [C] à payer à BLOM BANK SAL une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance, d'appel, de cassation et de renvoi, dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Nada SALEH-CHERABIEH, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure'.

Par leurs dernières conclusions en date du 16 mai 2024, M. [L] [C] et Mme [F] [S] épouse [C] poursuivent la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation de la banque à leur payer la somme de 10 000 euros de frais irrépétibles en faisant valoir :

- qu'en vertu de l'article 14 du code civil, ils bénéficient du privilège de juridiction en leur qualité de Français qui s'impose au juge sauf - en dehors de leur renonciation - l'application d'un traité international ou d'un Règlement communautaire ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- qu'ils n'ont pas renoncé à ce privilège puisque la clause conventionnelle attributive de compétence est invalide à raison de son caractère abusif et potestatif puisqu'ils sont des consommateurs, au sens des droits français et libanais, qu'ils résidaient en Espagne lors de la conclusions du contrat comportant la clause attributive en 2016 - qui est l'objet du litige et non pas celui souscrit en 1999 - et désormais au Portugal soit dans un pays de l'Union Européenne,

- qu'en vertu de l'article L 232-1 du code de la consommation, en présence d'un prestataire européen un lien étroit est requis pour bénéficier de la protection, ce qui est le cas dès lors qu'ils ont conclu la convention de 2016 à distance à partir de leur résidence habituelle d'alors en Espagne,

- que la clause attributive est abusive car déséquilibrée en leur défaveur tant en vertu du droit français que libanais,

- qu'elle est également potestative puisque la banque peut agir où bon lui semble, à son gré puisqu'il est stipulé qu'ils renoncent à contester la compétence des juridictions choisies,

- subsidiairement que même si elle était valable, elle ne les priverait pas du privilège de juridiction de l'article 14 du code civil, la renonciation devant résulter d'un volonté certaine inexistante en l'espèce compte tenu de la clause imprécise,

- qu'il n'y a ni litispendance ni connexité ni nécessité de surseoir à statuer compte tenu de la nature du litige pendant à [Localité 2] puisque la procédure intentée par la banque y est manifestement irrecevable et infondée par application de l'article 294 du code des obligations et des contrats libanais qui exige un refus du créancier préalable au recours à la procédure d'offre réelle de consignation et que les jurisprudences françaises et libanaises ne reconnaissent pas la validité et le caractère libératoire de la mise en oeuvre d'une telle procédure.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2024.

MOTIFS

Il résulte des pièces produites et des explications des parties que l'entrée en relation contractuelle entre les parties est intervenue au moyen d'une demande d'ouverture de compte signée le 25 août 1999 alors que les époux [C] demeuraient en Côte d'Ivoire et qu'un transfert des comptes de Blominvest vers Blom Bank Sal est intervenue par convention faisant suite à une 'demande de transfert de compte de Blominvest Bank Sal à Blom Bank Sal' et intitulée' contrat d'ouverture et d'opération de comptes créditeurs' signées le 21 octobre 2016 alors que les époux [C] demeuraient en Espagne, étant observé qu'ils sont domiciliés au Portugal lors de l'introduction du présent litige.

Le contrat d'ouverture de compte du 21 octobre 2016 rédigé en langue anglaise comporte la clause attributive de compétence dont la traduction suivante est proposée :

- « Tout différend ou litige qui opposerait votre banque à nous-mêmes, à quelque titre que ce soit, relève de la compétence des tribunaux de Beyrouth et nous nous abstenons de soulever quelconque exception d'incompétence basée sous motif que notre domicile se situe dans un autre lieu, et nous acceptons d'avance la compétence de tout tribunal choisi par votre banque pour statuer sur tout litige ou action découlant du présent contrat. Nous renonçons par la présente à notre droit de contester la compétence du tribunal que votre banque aura choisi. »

Le règlement no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale s'applique, aux termes du paragraphe premier de son article premier, en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction.

Aux termes de l'article 6, paragraphe premier, dudit règlement, si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe premier, de l'article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25.

Or, la société Blom Bank SAL, partie défenderesse, a son siège au Liban et n'est donc pas domiciliée sur le territoire d'un État membre.

La section IV Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs du règlement du 12 décembre 2012 est applicable dans les conditions énoncées par son article 17:

« 1. En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6 et de l'article 7, point 5) :

« a) lorsqu'il s'agit d'une vente à tempérament d'objets mobiliers corporels ;

« b) lorsqu'il s'agit d'un prêt à tempérament ou d'une autre opération de crédit liés au financement d'une vente de tels objets ; ou

« c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. »

Il n'est pas discuté que les consorts [C] ont contracté pour un usage pouvant être considéré comme étranger à leur activité professionnelle et il est également constant que les parties ne se trouvent pas dans les cas a et b du texte précité.

Au regard de l'alinéa c du texte précité, l'appelante soutient que lors de la conclusion du contrat qu'elle fixe en 1999 alors que ses cocontractants résidaient en Côte d'Ivoire elle ne dirigeait pas ses activités vers l'Espagne, le Portugal ou la France non plus, au demeurant qu'en 2016 lors du transfert du comtpe.

Or, les époux [C] ne prétendent pas et il ne ressort pas plus des pièces produites aux débats que la société Bloom Bank Sal dirigeait ses activités vers l'un de ces pays de l'Union Européenne, aucun élément de cette nature n'étant allégué et le fait que l'une de ses filiales exerce en France, la société Banorient avec laquelle les époux [C] ne prétendent pas avoir eu de contact, ne caractérisant pas cette circonstance eu égard à l'autonomie des personnes morales.

Il doit être ajouté que, quoi qu'il ressort de la jurisprudence de la CJUE que les modalités pratiques d'entrée en contact des parties sont indifférentes à l'appréciation de la circonstance que le défendeur ayant son domicile dans un pays tiers ait dirigé ou non ses activités vers l'un des Etats membres, la banque démontre en l'espèce que, loin d'avoir entendu diriger ses activités vers l'Espagne ou demeuraient les époux [C] au moment de la conclusion du contrat, elle n'a accepté de conclure l'ouverture de compte avec ces derniers qui demeuraient en Côte d'Ivoire lors de l'entrée en relation et, à distance, pour le contrat de 2016 rédigé en langue anglaise contenant la clause attributive de juridiction, qui s'analyse en un avenant.

Dès lors que les époux [C] n'établissent pas que la société Blom Bank Sal dirigeait son activité vers l'un des pays de l'Union au moment de la conclusion des contrats, la compétence n'est pas déterminée par la section IV Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs du règlement du 12 décembre 2012, et ils ne peuvent utilement se prévaloir de l'article 18 dudit règlement sur le contrat de consommation souscrit par un consommateur ensemble son article 19 qui prohibent la dérogation à la compétence du lieu du domicile pour fonder la compétence du tribunal de Paris.

Il doit être ajouté que l'article 18 du Règlement confère, par exception au principe de la compétence du tribunal du lieu de résidence du défendeur, compétence aux juridictions de l'Etat membre dans lequel est domicilié le consommateur partie à un contrat de consommation alors qu'en l'espèce, les époux [C] ont fixé leur domicilié au Portugal et non en France.

En conséquence de ce qui précède, la compétence est réglée par la loi française, conformément à l'article 6 précité et non par la loi libanaise.

Or, les règles de la procédure nationale s'appliquent pour déterminer la licéité de la clause attributive de juridiction invoquée et les clauses prorogeant la compétence internationale sont en principe licites lorsqu'elles ne font pas échec à la compétence territoriale impérative d'une juridiction française et sont invoquées dans un litige de caractère international.

Contrairement à ce que soutiennent les époux [C], il résulte de la simple lecture de la clause reproduite ci-dessus qu'en acceptant de reconnaître que les juridictions de Beyrouth - que l'application du droit processuel interne libanais rend déterminable - et en s'interdisant de la contester au motif de leur domicile établi dans un autre lieu, il ont expressément et sans ambiguïté consenti à renoncer au privilège de juridiction de l'article 14 du code civil qui ne revêt qu'un caractère subsidiaire.

Les époux [C] ne contestent ensuite pas autrement la validité de la clause attributive de juridiction qu'en ce qu'elle serait abusive au regard de l'article R. 212-2, 10o, du code de la consommation, selon lequel, dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéas de l'article L. 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.

Or, l'article L. 232-1 du code de la consommation dispose :

« Nonobstant toute stipulation contraire, le consommateur ne peut être privé de la protection que lui assurent les dispositions prises par un État membre de l'Union européenne en application de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire d'un État membre. »

L'article L. 231-1 du même code dispose :

« Pour l'application des articles L. 232-1, L. 232-2, L. 232-3 et L. 232-4, un lien étroit avec le territoire d'un État membre est réputé établi notamment :

« 1o Si le contrat a été conclu dans l'État membre du lieu de résidence habituelle du consommateur ;

« 2o Si le professionnel dirige son activité vers le territoire de l'État membre où réside le consommateur, sous réserve que le contrat entre dans le cadre de cette activité ;

« 3o Si le contrat a été précédé dans cet État membre d'une offre spécialement faite ou d'une publicité et des actes accomplis par le consommateur nécessaires à la conclusion de ce contrat ;

« 4o Si le contrat a été conclu dans un État membre où le consommateur s'est rendu à la suite d'une proposition de voyage ou de séjour faite, directement ou indirectement, par le vendeur pour l'inciter à conclure ce contrat. »

En l'espèce les contrats en langue anglaise, adressés par la banque aux époux [C] tant en 1999 en Côte d'Ivoire qu'en 2016 à en Espagne, comprennent de très nombreuses références au droit libanais, une annexe aux termes de laquelle les époux [C] ont déclaré être informés que la banque est soumise au règlement libanais du 13 juin 2005 et à ses suites, que le compte et les sous comptes étaient tenus au Liban par la banque Libanaise dépourvue de toute activité en Espagne où elle n'a exercé aucune activité de démarchage ou de publicité, est soumis par la volonté des parties au droit libanais et comporte une clause attributive de juridiction aux tribunaux de Beyrouth, de sorte que la banque établit que les conventions sont, en réalité, dépourvues de lien étroit avec l'Espagne ou, au demeurant, avec l'un quelconque des Etats de l'Union Européenne.

En l'absence de lien étroit entre le contrat et le territoire d'un État membre de l'Union européenne, les époux [C] ne peuventt se prévaloir des dispositions précitées pour s'opposer à l'application de la clause d'élection de for.

La clause de prorogation de compétence désigne donc valablement les tribunaux de Beyrouth, que le droit interne processuel du Liban permet de déterminer.

Au-delà de la constatation que la clause n'entre pas dans la champ d'application des dispositions européennes de protection du consommateur, c'est enfin vainement que les époux [C] allèguent son caractère irrégulier en lui faisant grief de revêtir un caractère 'potestatif' alors que la clause énonce sans ambiguïté la compétence des juridictions de Beyrouth pour connaître des litiges nés de l'exécution du contrat de sorte que la banque, qui n'a pas pris l'initiative de l'action en France mais était défenderesse à l'action intentée par ses clients est fondée à la leur opposer, peu important que, par ailleurs, soit énoncée la défense faite aux époux [C] de contester la compétence d'une autre juridiction qui aurait été saisie par la banque, question hypothétique et non litigieuse.

Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance entreprise doit être infirmée en toutes ses dispositions, les époux [C] condamnés aux dépens, l'équité commandant toutefois de ne pas prononcer de condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

DÉCLARE le tribunal judiciaire de Paris incompétent pour connaître de l'action de M. [L] [C] et Mme [F] [S] épouse [C] et les renvoient à mieux des pourvoir ;

DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [L] [C] et Mme [F] [S] épouse [C] aux entiers dépens qui seront recouvrés comme il est disposé à l'article 699 du code de procédure civile.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT