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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 25 septembre 2024, n° 23/14830

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/14830

25 septembre 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2024

ARRÊT SUR COMPETENCE

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14830 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIGOD

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Juin 2023 - juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris 9e chambre 3e section - RG n°22/14604

APPELANTE

Société BLOM BANK SAL société de droit libanais

immatriculée au registre du commerce de Beyrouth sous le numéro : 2464

[Adresse 3]

[Adresse 5]

[Localité 2] (Liban)

agissant poursuites et diligences de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant Me Lucie BOCQUILLON et Me Laurent MARTINET du PARTNERSHIPS PAUL HASTINGS (Europe) LLP, avocats au barreau de PARIS, toque : P0177

INTIMÉ

Monsieur [Z] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Ayant pour avocat plaidant Me Michel AMIRDA, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, président de chambre, entendu en son rapport et M. Vincent BRAUD, président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président

Mme Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [Z] [N], de nationalité française et demeurant en France, à [Localité 4], a souscrit une convention de comptes en euros et en dollars dans les livres de la société de droit libanais Blom Bank Sal le 18 janvier 2002, alors qu'il était domicilié au Liban, et ce au sein de l'agence de [Localité 6].

Le 30 août 2019 , la banque a soumis à sa signature un contrat d'ouverture et d'opération de compte créditeur.

Le 13 septembre 2021, la banque l'a informé des restrictions sur les transferts internationaux en raison de la crise financière au Liban et au regard de ses demandes de transfert de fonds figurant sur ses comptes, la société Blom Bank a clôturé son compte épargne le 3 décembre 2021 et mis en oeuvre une procédure d'offre réelle de consignation dans les mains d'un notaire de [Localité 2], confiant à ce dernier trois chèques de montants de 154 576 dollars américains, 89 029,36 euros et 497 314 livres libanaises tirés sur le banque du Liban à l'ordre de M. [N].

Le 9 décembre 2021, la société Blom Bank a initié une procédure judiciaire de validation de ladite offre devant le tribunal de première instance de Beyrouth.

M. [N] a quant à lui été autorisé par ordonnance du juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Paris du 3 décembre 2021 à pratiquer une saisie conservatoire sur les actions détenues par la banque dans le capital social de sa filiale en France, devenue la banque Banorient mais à raison d'une erreur de l'huissier instrumentaire, M. [N] en a donné mainlevée le 4 mai 2022, une instance devant le juge de l'exécution ayant été déclarée éteinte de ce fait le 10 mai 2022.

M. [P] a, à nouveau, été autorisé à procéder à une saisie conservatoire par ordonnance du 22 juin 2022, laquelle a été pratiquée le 29 juin suivant.

Par acte en date du 13 décembre 2022, M. [Z] [P] a assigné la société Blom Bank Sal devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir prononcer la résolution des contrats de livrets, la restitution des sommes y figurant - 232 803,36 euros -, la validation de la saisie conservatoire et l'indemnisation d'un préjudice moral.

La société Blom Bank Sal a soulevé l'incompétence des juridictions françaises pour statuer sur le litige et par ordonnance en date du 29 juin 2023, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Paris a rejeté cette exception d'incompétence, se déclarant compétent pour statuer sur les demandes, a rejeté les autres demandes de la société Blom Bank Sal fondées sur la compétence du tribunal judiciaire de Nanterre, sur la litispendance ou sur la connexité avec le litige pendant à Beyrouth et l'a condamnée à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Blom Bank Sal a interjeté appel par déclaration au greffe en date du 21 septembre 2023, a été autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance en date du 26 septembre 2023 pour l'audience du 5 mars 2024.

La société Blom Bank Sal a assigné M. [Z] [N] par acte en date du 13 octobre 2023 et à la demande de M. [P] à laquelle la banque ne s'est pas opposée, l'examen de affaire a été renvoyée à l'audience du 18 juin 2024.

Par ses dernières conclusions en date du 21 mai 2024, la société Blom Bank Sal fait valoir :

- à titre principal, que la clause attributive de compétence contenu dans le contrat est licite en vertu de la loi française, applicable à son appréciation dès lors qu'elle est la loi du tribunal saisi peu important qu'il ne s'agisse pas du tribunal désigné par la clause,

- qu'en effet, les dispositions du Règlement dit Bruxelles I bis ne sont pas applicable puisque si M. [N] est un consommateur, le contrat n'est pas un contrat de consommation dès alors qu'il a été conclu au Liban, M. [W] s'étant alors domicilié au Liban et que par ailleurs, elle ne dirige pas ses activités vers la France,

- qu'il est de jurisprudence constante qu'au contraire du droit interne qui réserve

sa licéité en matière commerciale, la prorogation de compétence internationale est permise lorsqu'elle ne fait pas échec à la compétence territoriale impérative d'une juridiction française,

- que la clause est en outre valide, les conditions de forme et de fond étant remplies quelle que soit la loi applicable mais la loi applicable au contrat qui est, en l'espèce, la loi libanaise selon les articles 3 et 4 du Règlement dit Rome I étant observé que son article 6 relatif aux consommateurs ne s'applique pas dès lors qu'elle ne dirige pas ses activités vers la France, qu'il résulte de tous les éléments que les parties ont entendu soumettre la convention au droit libanais,

- que le consentement donné à la compétence des tribunaux de Beyrouth est valable au regard du droit français également puisqu'en dépit du défaut de désignation de la juridiction libanaise exacte, celle-ci est déterminable par applicable des règles de procédure civile interne à ce pays,

- qu'elle ne constitue pas une clause abusive, faute que soit caractérisé un lien étroit avec avec la France permettant de rendre applicable les dispositions du droit française sur les clauses abusives en vertu de l'article L232-1 du code de la consommation,

- subsidiairement, que l'ordonnance devrait encore être infirmée en ce qu'elle a reconnu la compétence du tribunal judiciaire de Paris alors que l'application des règles internes de procédure ne permet pas de trouver un critère de compétence la concernant et que M. [P] demeure dans le ressort du tribunal judiciaire de Nanterre,

- que M. [Z] [N] a valablement renoncé au privilège de juridiction de l'article 14 du code civil qui n'est pas d'ordre public puisque la clause attributive de compétence aux juridictions de [Localité 2] est valable,

- plus subsidiairement qu'il y a litispendance ou, très subsidiairement, connexité avec le litige pendant à [Localité 2] et qu'en tout état de cause, il y aurait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de son dénouement de sorte qu'elle demande à la cour de statuer notamment ainsi :

'-A TITRE PRINCIPAL

- INFIRMER l'Ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle a écarté l'application de la clause attributive de juridiction au bénéfice des tribunaux de Beyrouth conclue entre les parties ;

Et statuant à nouveau,

- DECLARER le Tribunal judiciaire de Paris incompétent pour juger de la présente instance ;

- RENVOYER Monsieur [N] à mieux se pourvoir devant les tribunaux de Beyrouth ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

Si par extraordinaire la Cour confirmait l'Ordonnance entreprise en ce qu'elle a écarté l'application de la clause attributive de juridiction et retenu la compétence des juridictions françaises,

- INFIRMER l'Ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions, en notamment en ce qu'elle a déclaré le Tribunal judiciaire de Paris compétent et le Tribunal judiciaire de Nanterre incompétent ;

Et statuant à nouveau,

- DECLARER le Tribunal judiciaire de Paris incompétent pour juger de la présente affaire ;

- RENVOYER l'affaire devant le Tribunal judiciaire de Nanterre ;

- A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE,

Si par extraordinaire la Cour confirmait l'Ordonnance entreprise en ce qu'elle a écarté l'application de la clause attributive de juridiction et retenu la compétence des juridictions françaises en général et la compétence du Tribunal judiciaire de Paris en particulier,

- INFIRMER l'Ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions, en notamment en ce qu'elle rejeté l'exception de litispendance soulevée ;

Et statuant à nouveau,

- ORDONNER le dessaisissement du Tribunal judiciaire de Paris au profit du Tribunal de Première instance de Beyrouth ;

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE,

- INFIRMER l'Ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions, en notamment en ce qu'elle a rejeté l'exception de connexité soulevée ;

Et statuant à nouveau,

- ORDONNER le dessaisissement du Tribunal judiciaire de Paris au profit du Tribunal de Première instance de Beyrouth ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- INFIRMER l'Ordonnance en ce qu'elle a condamné BLOM BANK SAL à payer à Monsieur [N] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER Monsieur [N] à payer à BLOM BANK SAL une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile' ;

Par ses dernières conclusions en date du 23 mai 2024, M. [Z] [P] fait valoir :

- qu'il a assigné la société Blom Bank en vertu de la domiciliation de la banque Banorient qui est sa filiale,

- qu'il était domicilié en France au moment de la conclusions du contrat comme le montre le faisceau d'indices qu'il produit, qu'il exerçait une activité professionnelle continue en France depuis 1999 alors que la banque ne verse quant à elle aucun justificatif d'un autre domicile qui serait le sien au Liban et que la traduction du contrat d'ouverture de compte au Liban qui mentionne une résidence imprécise au Liban est sujette à caution, de sorte qu'il doit être considéré qu'il est domicilié en France,

- que la clause attributive de compétence en faveur des juridictions de Beyrouth est manifestement illégale puisqu'elle ne saurait le priver, en sa qualité de consommateur de son droit de recourir aux juridictions françaises en vertu de l'article R212-2 du code de la consommation et que l'ordonnance a jugé à juste titre que la société Blom Bank dirigeait ses activités vers la France,

- subsidiairement, que le tribunal judiciaire de Nanterre est incompétent puisque le lieu d'implantation de la banque est sis à Paris,

- plus subsidiairement, qu'il n'existe pas de litispendance alors qu'il n'a pas même été averti du litige en cours à Beyrouth, la banque modifiant son adresse en France, que les procédures n'ont en tout état de cause pas le même objet, qu'il n'y a pas identité de cause, et qu'il n'y a pas non plus connexité internationale dès lors que le risque de contrariété de décision n'est pas établi au regard de ce qui précède, de sorte qu'il demande à la cour de :

'A TITRE PRINCIPAL,

- Confirmer l'ordonnance du 29 Juin 2023 en ce qu'elle a dit le Tribunal judiciaire de Paris compétent pour juger de la présente affaire ;

À TITRE SUBSIDIAIRE,

- Confirmer l'ordonnance du 29 Juin 2023 en ce qu'elle a dit le Tribunal judiciaire de Paris territorialement compétent pour juger de la présente affaire ;

À TITRE PLUS SUBSIDIAIRE,

- Confirmer l'ordonnance du 29 Juin 2023 en ce qu'elle a dit que le Tribunal judiciaire de Paris n'a pas été saisi du même litige que celui ultérieurement soumis au Tribunal de Première instance de Beyrouth, et a rejeté la demande de connexité de BLOM BANK

À TITRE TRÈS SUBSIDIAIRE,

- JUGER que la présente action ne présente pas un lien tel avec la procédure pendante devant le Tribunal de Première instance de Beyrouth qu'il existe un risque de contrariété de décisions et qu'il soit ainsi de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble ;

En conséquence,

- Confirmer l'ordonnance du 29 Juin 2023 en ce qu'elle a débouté BLOM BANK SAL de sa demande de dessaisissement du Tribunal judiciaire de Paris au profit du Tribunal de Première instance de Beyrouth ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,

- CONDAMNER BLOM BANK SAL à payer à Monsieur [N] une somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, de première instance et d'appel' ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 28 mai 2024 ;

MOTIFS

Le règlement no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale s'applique, aux termes du paragraphe premier de son article premier, en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction.

Aux termes de l'article 6, paragraphe premier, dudit règlement, si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe premier, de l'article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25.

Or, la société Blom Bank SAL, partie défenderesse, a son siège au Liban et n'est donc pas domiciliée sur le territoire d'un État membre.

La société Blom Bank SAL considère que la compétence est, en l'espèce, réglée par la loi française, et oppose en conséquence à M. [Z] [N] la clause attributive de juridiction stipulée à l'article 10 Compétence des tribunaux du chapitre premier du contrat d'ouverture et d'opérations de comptes créditeur du 30 août 2019 :

« Tout différend ou litige qui opposerait votre banque à nous-même, à quelque titre que ce soit relève de la compétence des tribunaux de Beyrouth, et nous nous abstenons de soulever quelconque exception d'incompétence basée sous motif que notre domicile se situe dans un autre lieu et nous acceptons d'avance la compétence de tout tribunal choisi par votre banque pour statuer sur tout litige ou action découlant du présent contrat, et nous renonçons par la présente à notre droit de contester la compétence du tribunal que votre banque aura choisi. »

M. [Z] [N] se prévaut pour sa part des dispositions des articles 17 à 19 de la section IV Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs du règlement susdit, et conteste sur ce fondement la validité de la clause attributive de juridiction.

La section IV Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs du règlement du 12 décembre 2012 est applicable dans les conditions énoncées par son article 17 :

« 1. En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6 et de l'article 7, point 5) :

« a) lorsqu'il s'agit d'une vente à tempérament d'objets mobiliers corporels ;

« b) lorsqu'il s'agit d'un prêt à tempérament ou d'une autre opération de crédit liés au financement d'une vente de tels objets ; ou

« c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. »

Il n'est pas discuté que M. [Z] [N] a contracté pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle. Il est également constant que les parties ne se trouvent pas dans les cas a et b du texte précité.

Au regard de l'alinéa c du texte précité, l'appelante soutient que lors de la conclusion du contrat, M. [Z] [N] n'avait pas son domicile sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne, parce qu'il était domicilié au Liban et qu'en tout état de cause elle ne dirigeait pas ses activités vers la France. L'intimé prétend qu'il avait son domicile en France et que la Blom Bank SAL dirigeait ses activités vers la France puisqu'elle y possédait une filiale.

En application de l'article 62, paragraphe premier, du règlement du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, pour déterminer si une partie a un domicile sur le territoire de l'État membre dont les juridictions sont saisies, le juge applique sa loi interne.

Afin de justifier de son domicile en France au jour de l'ouverture du compte le 18 janvier 2002, [Z] [N] produit ses avis de taxe d'habitation de 2001 et de 2002, une attestation d'emploi en France au sein de la société Bouygues Télecom couvrant la période 1999-2023, la justification de paiement de facture d'eau et d'énergie et une attestation d'inscription sur les listes électorales de la commune de [Localité 4] à compter du 3 octobre 2001, de sorte que la réalité de son domicile établi en France est démontrée contrairement à ce que prétend la banque, même s'il s'est domicilié, dans la convention d'ouverture de compte du 18 janvier 2002, au Liban, les critiques de la traduction de cette pièce n'étant pas étayée par lui.

Mais, la compétence fondée sur le Règlement exige, en outre, que l'activité de la partie ait été dirigée vers l'Etat membre où est domicilié le consommateur.

Or, le fait que la Blom Bank SAL ait une filiale en France, avec laquelle M. [P] ne prétend pas avoir été en contact, ne caractérise pas, eu égard à l'autonomie des personnes morales, cette circonstance et l'ensemble des autres éléments des contrats tant du 18 janvier 2002 que du 30 août 2019 - ce dernier contenant la clause attributive litigieuse - n'établissent pas que la banque dirigeait ses activités vers la France, M. [P] n'invoquant que l'existence d'une filiale, et ce, alors qu'il a conclu les conventions au Liban, en langue arabe, que la seconde convention stipulait qu'il ne serait pas destinataire des notifications et courriers mais qu'il les solliciterait d'une agence, qu'elles avaient pour objet l'investissement de sommes au Liban, que la Blom Bank SAL n'opère qu'au Liban, qu'il n'est pas allégué qu'elle a sollicité M. [B] en France non plus qu'elle n'aurait recherché une clientèle en France.

Dès lors que M. [Z] [N] n'établit pas que la société Blom Bank Sal dirigeait son activité vers la France moment de la conclusion des contrats, la compétence n'est pas déterminée par la section IV Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs du règlement du 12 décembre 2012, et il ne peut utilement se prévaloir de l'article 18, paragraphe premier, dudit règlement pour fonder la compétence du tribunal de Paris. Par suite, la compétence est réglée par la loi française, conformément à l'article 6 précité.

L'appelante en déduit à raison que seules les règles de procédure nationales s'appliquent pour déterminer la licéité de la clause attributive de juridiction qu'elle invoque.

Les clauses prorogeant la compétence internationale sont en principe licites lorsqu'elles ne font pas échec à la compétence territoriale impérative d'une juridiction française et sont invoquées dans un litige de caractère international.

M. [Z] [N] ne conteste pas autrement la validité de la clause attributive de juridiction qu'en ce qu'elle serait abusive au regard de l'article R. 212-2, 10o, du code de la consommation, selon lequel, dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéas de l'article L. 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.

Or, l'article L. 232-1 du code de la consommation dispose :

« Nonobstant toute stipulation contraire, le consommateur ne peut être privé de la protection que lui assurent les dispositions prises par un État membre de l'Union européenne en application de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire d'un État membre. »

L'article L. 231-1 du même code dispose :

« Pour l'application des articles L. 232-1, L. 232-2, L. 232-3 et L. 232-4, un lien étroit avec le territoire d'un État membre est réputé établi notamment :

« 1o Si le contrat a été conclu dans l'État membre du lieu de résidence habituelle du consommateur ;

« 2o Si le professionnel dirige son activité vers le territoire de l'État membre où réside le consommateur, sous réserve que le contrat entre dans le cadre de cette activité ;

« 3o Si le contrat a été précédé dans cet État membre d'une offre spécialement faite ou d'une publicité et des actes accomplis par le consommateur nécessaires à la conclusion de ce contrat ;

« 4o Si le contrat a été conclu dans un État membre où le consommateur s'est rendu à la suite d'une proposition de voyage ou de séjour faite, directement ou indirectement, par le vendeur pour l'inciter à conclure ce contrat. »

En l'espèce, le contrat contenant la clause litigieuse n'est pas la demande d'ouverture de compte du 18 janvier 2002, où [Z] [N] se domicilie au Liban, mais le contrat d'ouverture et d'opérations de comptes créditeur du 30 août 2019, où il se domicilie à [Localité 4], en France.

Pour établir un lien étroit entre ce contrat et le territoire d'un État membre, M. [Z] [N] n'allègue ni ne démontre que ce contrat, rédigé en arabe, ait été conclu en France, ni qu'il ait été précédé en France d'une offre spécialement faite ou d'une publicité et des actes accomplis par le consommateur nécessaires à la conclusion de ce contrat, ni qu'il ait été conclu dans un État membre où le consommateur s'est rendu à la suite d'une proposition de voyage ou de séjour faite, directement ou indirectement, par le vendeur pour l'inciter à conclure ce contrat.

Mais, s'appropriant les motifs de l'ordonnance attaquée, l'intimé estime, au regard du tertio de l'article L. 231-1 précité, que la société Blom Bank SAL dirigeait son activité vers la France où il résidait, parce qu'elle y avait une société, la banque Banorient France.

Or comme cela résulte de ce qui précède, le seul fait que la société Blom Bank SAL ait possédé une filiale française, la société Banorient France, ne suffit pas à prouver qu'elle ait dirigé vers la France son activité, dans le cadre de laquelle entrait le contrat du 30 août 2019, alors que :

- la société Banorient France est une personne morale distincte, dépourvue du pouvoir de représenter sa société mère (pièce no 8 de l'intimé : statuts de Banorient) ;

- le contrat du 30 août 2019 est afférent à un compte précédemment ouvert au Liban, alors que M. [Z] [N] s'y était domicilié.

En l'absence de lien étroit entre le contrat du 30 août 2019 et le territoire d'un État membre de l'Union européenne, M. [Z] [N] ne peut se prévaloir des dispositions précitées de l'article R. 212-2 du code de la consommation pour s'opposer à l'application de la clause d'élection de for.

La clause de prorogation de compétence désigne donc valablement les tribunaux de Beyrouth, que le droit interne du Liban permet de déterminer. L'ordonnance attaquée doit être infirmée en conséquence, M. [P] condamné aux dépens, l'équité commandant de ne pas prononcer de condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

DÉCLARE le tribunal judiciaire de Paris incompétent pour connaître de l'action de M. [Z] [P] et le renvoie à mieux des pourvoir ;

DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [Z] [P] aux entiers dépens de la qui seront recouvrés par Maître François Teytaud, comme il est disposé à l'article 699 du code de procédure civile.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT