CA Pau, 1re ch., 25 septembre 2024, n° 23/02884
PAU
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Nolhan (SAS), Slc (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Faure
Conseillers :
Mme de Framond, Mme Blanchard
Avocats :
Me Cocoynacq, Me Macagno
EXPOSE DU LITIGE
[Adresse 8], située [Adresse 1], accède à la [Adresse 13] par l'intermédiaire de [Adresse 9], par un passage encadré par des bars restaurants, dont '[10]' et '[7]', disposant de terrasses donnant sur la [Adresse 13].
Le restaurant '[10]'est exploité par la SAS Nolhan, au sein du lot n°4 de la copropriété [Adresse 9], appartenant à la SCI Beaurivage.
A l'intérieur du passage, le bar '[7]' est exploité par la SAS SLC, au sein du lot n°5 de la copropriété [Adresse 9], appartenant à Madame [C] [V] épouse [F].
Suivant procès-verbaux de constat d'huissier de justice des 13, 21, 22, 23, 27 et 31 décembre 2021, 20 et 25 juillet, 18, 20, 22, 26 août, 29, 30, 31 décembre 2022 et 1er janvier 2023, le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] a fait constater sur le passage menant de la voie publique à [Adresse 8], la présence de stores, enseignes, assises, tables, spots d'éclairage, panneaux posés au sol et clients des établissements.
Par actes de commissaire de justice du 4 avril 2023, le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] a fait assigner Mme [F], la SCI Beaurivage, la SAS Nolhan, la SAS SLC et le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 9] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne aux fins notamment de voir :
- enjoindre à la SAS Nolhan et la SAS SLC de libérer la totalité du passage menant vers la [Adresse 13] et permettant d'accéder à [Adresse 8] de tout obstacle matériel et humain, sous astreinte,
- condamner in solidum la SAS Nolhan, la SAS SLC, Mme [F], la SCI Beaurivage et le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 9] à lui verser une provision de 20 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,
- condamner les mêmes in solidum au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par ordonnance du 4 juillet 2023, le juge des référés a fait injonction aux parties de rencontrer un médiateur.
Par ordonnance réputée contradictoire du 17 octobre 2023 (RG n°23/00169), le juge des référés a :
- fait injonction à la SAS Nolhan et à la SAS SLC d'enlever tout objet fixe ou amovible posé sur sa devanture ou trottoir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance et ce pendant une durée d'un mois,
- condamné la SAS Nolhan et la SAS SLC chacune, à verser au Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné la SAS Nolhan et la SAS SLC aux dépens, non compris le coût des procès-verbaux produits par le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8].
Le juge a retenu, sur le fondement de l'article 31 du code de procédure civile, que le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] a qualité à agir en ce que les parties communes de la résidence portent sur la totalité du sol sur lequel est construite la résidence, et que le passage est commun aux copropriétaires, et a intérêt à agir en vertu d'une servitude de passage qui constitue un accès unique pour les copropriétaires de [Adresse 8].
Sur le fondement de l'article 331 du code de procédure civile, le local exploité par la SAS Nolhan étant situé au sein de [Adresse 9] et à proximité directe de [Adresse 8], l'action peut avoir des conséquences sur la copropriété de [Adresse 9] de sorte qu'elle ne saurait être mise hors de cause.
La demande de poursuite de la médiation est rejetée sur le fondement des articles 127 et suivant du code de procédure civile, dès lors que l'accord sur le principe de la médiation n'a pas été signé par toutes les parties, et que le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] et Mme [F] s'y opposent.
En l'absence de contestation de la servitude de passage depuis la convention l'ayant créée, cette servitude étant le seul moyen d'entrer et sortir de [Adresse 8], et au vu du bail commercial signé par la SAS SLC lui interdisant d'exploiter son commerce sur le trottoir, le juge a retenu que l'installation de matériels fixes ou amovibles sur les trottoirs et le long des commerces exploités par la SAS Nolhan et la SAS SLC constituaient un trouble anormal de voisinage et un trouble manifestement illicite sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile.
Le juge des référés s'est dit incompétent pour se prononcer sur la responsabilité des parties et pour déterminer le préjudice et le lien de causalité avec les défendeurs, de sorte qu'il a rejeté la demande de provision sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile.
Concernant la demande d'amende civile, le juge a retenu, sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile qu'aucune action dilatoire ou abusive n'est caractérisée, et que le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] justifie d'un intérêt à agir.
Par déclaration du 31 octobre 2023 (RG n°23/2884), la SAS Nolhan et la SAS SLC ont relevé appel, intimant uniquement le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8], et critiquant l'ordonnance en toutes ses dispositions.
Suivant avis de fixation adressé par le greffe de la cour, l'affaire a été fixée selon les modalités prévues aux articles 905 et suivants du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 juin 2024, la SAS Nolhan et la SAS SLC, appelantes, entendent voir la cour :
- réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions,
In limine litis,
- dire irrecevable l'action dirigée par le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] à son encontre,
- rejeter des débats la pièce n°15 communiquée tardivement par le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8],
Au fond,
- constater l'absence de titre juridique permettant de déterminer l'existence d'une servitude, de déterminer les identités des propriétaires des fonds dominants et le fonds servant, de déterminer l'assiette de la servitude,
- constater l'absence d'entrave à l'exercice de la servitude alléguée, l'absence de trouble anormal de voisinage imputable à la SAS Nolhan et la SAS SLC, l'absence de trouble manifestement illicite et l'absence de dommage imminent,
- débouter le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] à payer à chacune une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, au visa des articles 122 et 835 du code de procédure civile :
- que le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] n'a pas d'intérêt à agir dès lors qu'il mentionne un passage cadastré Section [Cadastre 2], qui appartiendrait à [Adresse 9], et fait référence à une convention du 28 novembre 1970 sans produire le justificatif de sa publication qui la rendrait opposable aux tiers et le relevé hypothécaire qui justifierait de l'assiette de la servitude et les propriétaires des fonds servants et dominants, de sorte qu'il ne justifie d'aucun titre ou acte qui instituerait une servitude conventionnelle à son profit, d'autant que le cadastre concernant la parcelle [Cadastre 2] mentionne une renonciation à la servitude de passage par le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 9] devenue [Adresse 8],
- que le fait pour le juge d'avoir accordé la qualité à agir au Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] à titre de présomption tout en renvoyant au juge du fond la charge de trancher cette question démontre qu'il existe une contestation sérieuse sur son titre et sa qualité à agir,
- que l'action du Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] n'est pas fondée juridiquement dès lors que les deux sociétés appelantes ont la qualité de tiers à l'instance en cours et qu'il ne saurait leur être opposé une convention de voisinage sujette à examen au fond et dont il n'est pas justifié de l'effectivité et de la publication pour la rendre opposable aux tiers,
- que le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] ne justifie d'aucun titre lui permettant de se dire bénéficiaire d'une servitude de passage alors que la convention annexée à un acte notarié prévoit une servitude 'pour l'accès au lot n°7', que l'article I de la convention vise une servitude de passage au profit de Mme [Y], et que celle-ci reconnaît une servitude à l'article II pour les deux entrées principales de l'immeuble 26 et les entrées privatives des magasins, et que le règlement de copropriété ne fait pas état d'une servitude,
- que le juge des référés a excédé sa compétence en statuant sur des demandes relevant de l'examen au fond des actes produits par le Syndicat des copropriétaires, en l'absence de trouble manifestement illicite et en présence de demandes se heurtant à des contestations sérieuses,
- que si le Syndicat des copropriétaires bénéficie d'une servitude de passage, il n'est pas pour autant propriétaire du fonds de l'assiette de la servitude et n'en a pas de droit exclusif d'usage et de jouissance, le propriétaire du fonds dominant demeurant libre de se servir du passage et d'en aménager l'assiette,
- que le Syndicat des copropriétaires n'a jamais été entravé dans son droit de passage, en ce qu'elles ont toujours laissé aux usagers de [Adresse 8] tout loisir de circuler et de passer ; la présence ponctuelle de barrière de police ne saurait leur être imputée,
- que la pièce 15 produite par le Syndicat des copropriétaires a été communiquée tardivement alors qu'elle existe depuis deux mois avant sa production au débat,
- qu'aucun trouble ne leur est imputable dès lors que les contraventions qu'elles auraient commises à des règles de droit, les plaçant en situation d'illicéité n'a rien d'évident et supposerait la saisine du juge du fond, d'autant que la ville de [Localité 4] décide de la piétonisation de la [Adresse 13] à plusieurs périodes de l'année, et autorise la SAS Nolhan à occuper le domaine public, dont le trottoir, pour exploiter sa terrasse,
- que le trouble anormal de voisinage doit trouver son origine dans l'immeuble et ne saurait être constitué par les passants, en ce qu'elles ne sauraient être responsables pour autrui et ainsi responsables des déambulations des usagers des restaurants et bars situés dans le quartier,
- qu'il n'existe aucun dommage imminent, en ce que les éléments installés n'ont jamais causé de dommage, entravé le passage ou empêché l'exercice de la servitude de passage,
- que le juge a statué ultra petita dès lors qu'il n'était pas demandé le démantèlement des éléments non amovibles, et que la mesure qu'il a ordonnée est disproportionnée en présence de situations passées, de longue date pour certaines,
- que contrairement au Syndicat des copropriétaires, elles ont eu la volonté de mettre en oeuvre un processus de règlement amiable.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 juin 2024, le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8], intimé et appelant incident, entend voir la cour :
Vu l'article 835 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions des parties appelantes
Vu les pièces versées aux débats,
- confirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Bayonne le 17 octobre 2023 en ce que celle-ci a :
- fait injonction à la SAS NOLHAN et la SAS SLC d'enlever tout objet fixe ou amovible posé sur sa devanture ou trottoir sous astreinte ;
- Déclaré le syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] recevable et bien fondé en son assignation ;
- condamné la SAS NOLHAN et la SAS chacune à verser au Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Bayonne le 17 octobre 2023 en ce que celle-ci a :
- fixé le montant de l'astreinte à 500 euros par jour de retard, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance du 17 octobre 2023 et ce pendant une durée d'un mois ;
- rejeté la demande de provision à valoir sur la réparation des préjudices du syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] ;
- rejeté la demande d'injonction à l'encontre de la SAS NOLHAN et la SAS SLC de libérer la totalité du passage (trottoirs inclus) de tout obstacle humain menant vers la [Adresse 13] et permettant d'accéder à [Adresse 8] ;
Et, statuant à nouveau :
- Débouter les sociétés SAS NOLHAN et SAS SLC de l'ensemble de leurs demandes, fins ou prétentions plus amples ou contraires, en ce compris leur demande de rejet des débats de la pièce communiquée n°15 du Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] ;
- condamner in solidum la SARL NOLHAN et la SAS SLC à verser une provision de 20.000 euros au syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] à valoir sur la réparation de ses préjudices
- enjoindre pour une durée indéterminée sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée à compter du lendemain de la signification de l'ordonnance à intervenir à la SAS NOLHAN et à la SAS SLC à libérer la totalité du passage (trottoirs inclus) venant de la [Adresse 13] et permettant d'accéder à [Adresse 8] de tout obstacle matériel et humain ;
- enjoindre pour une durée indéterminée sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée à compter du lendemain de la signification de l'ordonnance à intervenir à la SAS NOLHAN et à la SAS SLC de ne pas servir ou de laisser consommer leurs clients dans le passage venant de la [Adresse 13] et permettant d'accéder à [Adresse 8] ;
En tout état de cause :
- condamner in solidum la SAS NOLHAN et la SAS SLC au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit du syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] outre les entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier engagés pour les 16 constats effectués.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir, au visa de l'article 835 du code de procédure civile :
- qu'il dispose d'un intérêt à agir dès lors qu'il a vocation à administrer les parties communes de la résidence et à veiller au respect du règlement de copropriété, et qu'en l'espèce les copropriétaires ne peuvent accéder à la cour desservant la résidence, le passage étant entravé par les appelantes, et alors que ce passage est le seul accès qui permet d'accéder à la cour de la résidence depuis la voie publique,
- que la servitude de passage résulte d'une convention du 28 novembre 1970 déposée chez notaire le 4 décembre 1970, conclue entre la propriétaire de l'hôtel [6] devenu [Adresse 9] et le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8], qui a été publiée aux hypothèques le 30 décembre 1970, et qui est visée au cadastre et au règlement de copropriété de [Adresse 8], qui s'impose en toutes ses dispositions,
- que le fait que la ville de [Localité 4] ait consenti à la SAS Nolhan une autorisation d'occuper le domaine public n'a pas d'incidence sur la servitude de passage, qui concerne le domaine privé de [Adresse 9] ; que l'autorisation est délivrée sous réserve du droit des tiers, d'autant qu'aucun plan ne permet de déterminer précisément l'assiette de cette autorisation,
- que le trouble manifestement illicite est caractérisé par la violation de la servitude de passage conventionnelle, entraînant l'impossibilité pour les copropriétaires de [Adresse 8] d'accéder à leur domicile ou à la voie publique,
- que la convention du 4 décembre 1970 est opposable aux tiers en ce qu'elle comporte le tampon des services de l'enregistrement, et que le relevé de l'état hypothécaire de [Adresse 9] vise la convention et sa publication,
- que 'l'acte de renonciation' à la servitude du 4 mai 1971 ne remet pas en cause la servitude, mais permet uniquement le dépôt du règlement de copropriété de [Adresse 8],
- que la violation du droit de passage par les clients de la SAS Nolhan et de la SAS SLC constitue un trouble qui excède manifestement les inconvénients normaux du voisinage, en ce que la présence de la clientèle perturbe fortement l'accès à [Adresse 8], de manière continue,
- que Mme [F], bailleresse de la SAS SLC a précisé que son bail commercial ne prévoyait pas une exploitation du commerce sur le trottoir,
- que le trouble est persistant et les préjudices importants, ce qui justifie le prononcé d'une astreinte dont le montant doit être dissuasif pour les exploitants des commerces.
L'affaire a été retenue à l'audience du 19 juin 2024 pour y être plaidée.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'action du syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] :
Le 4 décembre 1970, a été déposée devant Me [I], notaire à [Localité 4], une convention du 28 novembre 1970 portant notamment servitude de passage consentie par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé à [Adresse 1] au profit de Mme [Y], propriétaire de l'hôtel [6] sur la chaussée du passage couvert donnant de la [Adresse 13] à l'hôtel [6], sur la partie dudit passage à l'aplomb de la voûte. Par ailleurs, Mme [Y] a reconnu une servitude de passage pour les deux entrées principales de l'immeuble [Adresse 1] et les entrées privatives des magasins situés à la suite, appartenant actuellement à Mme [V] et [H]. Ce dépôt a été publié à la conservation des hypothèques le 30 décembre 1970.
Le 4 mai 1971, il a été déposé chez le même notaire l'état descriptif de division et le règlement de copropriété établi par le géomètre concernant l'immeuble situé [Adresse 1] dénommé [Adresse 8] auquel on accède par un passage situé au rez-de-chaussée entre les deux ailles du bâtiment connu sous le nom de copropriété [Adresse 9], cet immeuble [Adresse 8] étant cadastré section [Cadastre 5] et [Cadastre 3].
Cet état descriptif de division mentionne que 'la propriété est limitée à l'Est par la [Adresse 13] à laquelle on accède par une servitude de passage sur la propriété dénommée 'copropriété [Adresse 9]' ... cet immeuble profite de la servitude de passage la plus étendue sur le passage donnant accès à la [Adresse 13] d'une largeur de 4 m. Ce passage figure au plan cadastral sous le [Cadastre 2] et appartient à l'immeuble propriété du syndicat des copropriétaires de la résidence du 26 rue Gambetta copropriété Amelia'
Il était précisé que le passage couvert donnant accès à la copropriété sera limité par un système de fermeture amovible (chaîne ou barrière).
Sur le relevé du service de la publicité foncière, il est indiqué que le 2 juin 1971 a été publié l'acte du 4 mai 1971, celui-ci portant renonciation à la servitude de passage au profit de l'immeuble [Cadastre 5] et [Cadastre 3] par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 9].
Aussi, compte tenu de ces éléments, le syndicat des copropriétaires [Adresse 8] est bien bénéficiaire d'une servitude de passage depuis la [Adresse 13] pusique la servitude de passage lui a été transféré par la copropriété [Adresse 9] et a donc qualité à agir pour faire valoir un trouble dans l'exercice de ce passage.
L'ordonnance sera donc complétée sur ce point dès lors qu'elle n'a pas mentionné dans son dispositif que l'action du syndicat des copropriétaires de la résidence était recevable.
Sur l'existence d'un trouble illicite :
Le rejet de la pièce 15 des débats de la première instance est devenu sans objet, celle-ci étant soumise au débat contradictoire en appel.
L'article 835 du code de procédure civile dispose que le juge des référés, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Comme retenu ci-dessus, le syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] bénéficie d'une servitude de passage pour accéder à la [Adresse 13]. Eu égard aux clichés photographiques en annexe des nombreux constats d'huissier produits aux débats, il est constant que ce passage est bordé par deux bars restaurants [11] et [10], outre un bar à viandes de l'enseigne [7]. Cette servitude de passage est opposable à ces tiers dès lors qu'elle a été publiée.
Il résulte des nombreux constats d'huissier produits aux débats dont les opérations sont intervenues à plusieurs reprises en 2021, 2022 et 2023 et 2024 que le passage est occupé par des chaises et des tables des bars et que des clients y sont assis et consomment; qu'un totem publicitaire au nom du bar à viandes est installé sur le trottoir du passage; qu'un store est déployé sur toute la longueur du passage (23 décembre 2021, 13 avril 2024). L'emplacement de ces éléments entrave la libre circulation des véhicules voulant accéder à [Adresse 8] par ce seul passage.
Le développement du secteur piétonnier et la pose intermittente de barrières de police relevant de la ville de [Localité 4] n'a aucune incidence sur le présent litige dès lors que [Adresse 8] est titulaire d'une servitude de passage y compris par le moyen d'un véhicule à moteur permettant l'accès des copropriétaires en véhicule à leur domicile et que l'accès en véhicule des riverains est autorisé même en période de zone piétonne, eu égard à l'information du maire de [Localité 4] du 23 mai 2022.
Le trouble est manifestement illicite dès lors que le passage d'une largeur de 4 m doit être libre de tout élément comme l'a retenu à juste titre le premier juge et qu'il appartient aux sociétés exploitantes de saisir le juge du fond pour apprécier l'exacte étendue de l'assiette de la servitude de passage si elles la contestent, étant rappelé que le juge des référés peut retenir un trouble manifestement illicite même en présence d'une contestation sérieuse.
La mesure de remise en état pour faire cesser le trouble est donc l'enlèvement de tous ces éléments qui relèvent de l'exploitation de ces bars restaurants.
Cependant les modalités de la remise en état telles que prévues par le juge des référés ne ne sont pas opportunes.
Il avait été demandé de libérer le passage de tout obstacle matériel et humain. Il a été ordonné l'enlèvement de tout objet fixe ou amovible posé sur la devanture ou le trottoir. Cela ne dépasse pas la demande comme le prétendent à tort les deux sociétés exploitantes puisqu'il s'agit d'enlever tout obstacle matériel qu'il soit fixe ou pas mais il ne sera ordonné que l'enlèvement de tout objet matériel.
Cependant , il ne peut être fait droit à la demande de libérer le passage de tout obstacle humain, les piétons étant libres de circuler dans ce passage qui n'est pas privatif et qui est ouvert sur la voie publique. Il sera simplement fait défense aux sociétés exploitantes de servir et de laisser consommer des clients sur le trottoir, dès lors que cela favorise des débordements sur la chaussée du passage, portant atteinte à la libre circulation des véhicules.
L'astreinte ne pourra être ordonnée par jour de retard ce qui n'est pas opportun pour être dissuasive, et sera prévue par infraction constatée à hauteur de 1.000 €.
Sur la demande de provision :
Il n'est pas dans le pouvoir juridictionnel du juge des référés de déterminer une obligation à réparation dans le cadre d'une responsabilité délictuelle même sans faute.
Aussi, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de provision.
Sur les mesures accessoires :
Celles-ci relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées, les sociétés exploitantes succombant en appel, y compris sur les frais de constat d'huissier qui relèvent des frais irrépétibles et non des dépens.
L'équité commande d'allouer au syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
- condamné la SAS Nolhan et la SAS SLC chacune, à verser au Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté le syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] de sa demande de provision,
- condamné la SAS Nolhan et la SAS SLC aux dépens, non compris le coût des procès-verbaux produits par le Syndicat des copropriétaires de [Adresse 8]
INFIRME pour le surplus des dispositions soumises à la cour :
statuant à nouveau et y ajoutant :
DECLARE recevable l'action du syndicat des copropriétaires de [Adresse 8],
FAIT INJONCTION à la SAS Nolhan et la SAS SLC d'enlever tout objet matériel posé sur la devanture ou le trottoir, sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée, à compter du lendemain de la signification du présent arrêt,
FAIT INJONCTION à la SAS Nolhan et la SAS SLC de ne pas servir ou laisser consommer les clients sur le trottoir sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée, à compter du lendemain de la signification du présent arrêt,
CONDAMNE in solidum la SAS Nolhan et la SAS SLC à payer au syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum la SAS Nolhan et la SAS SLC aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par M. CHARRASSIER-CAHOURS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.