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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 25 septembre 2024, n° 23/15382

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Société 3 Chic (SRL SEMPLIFICATA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gerard

Conseillers :

Mme Combrie, Mme Vincent

Avocats :

Me Sider, Me Tollinchi

TJ Aix-en-Provence, du 8 nov. 2023, n° 2…

8 novembre 2023

EXPOSE DU LITIGE

Le 27 novembre 2022, M. [P] [S] a déposé la demande d'enregistrement n° 22 4916566, portant sur la marque semi-figurative Ose !

Le 14 février 2023, la société 3 Chic Srl Semplificata, société de droit italien, a formé opposition à l'enregistrement de cette marque sur la base de la marque dénommée Oseree déposée et enregistrée le 10 octobre 2018 sous le n° 0179667188, invoquant un risque de confusion dans l'esprit du public.

Par décision du 8 novembre 2023, le directeur général de l'Institut [3] ([3]), relevant que les produits de la demande d'enregistrement étaient identiques et similaires à ceux invoqués de la marque antérieure, et en raison de la proximité des signes, a reconnu l'opposition partiellement justifiée et a, en conséquence, rejeté en partie la demande d'enregistrement contestée pour les produits suivants : «articles chaussants ; bonneterie ; ceintures (habillement) ; chapellerie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage ; chaussures de ski ; chaussures de sport ; chemises ; cravates ; foulards ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; sous-vêtements ; vêtements ; vêtements en cuir».

Par acte du 13 décembre 2023 M. [P] [S] a formé un recours en annulation devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence à l'encontre de cette décision.

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Par mémoire communiqué par voie dématérialisée le 11 mars 2024, auquel il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [P] [S] demande à la cour de :

- constater que les produits et services de la classe 25 de la marque française Ose ! et ceux de la marque italienne Oseree ne sont pas identiques ni similaires ;

- constater que les produits et services de la classe 25 de la marque française Ose ! et ceux de la marque italienne Oseree s'adressent à un public très différent ;

- juger en conséquence qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les deux signes pour l'intégralité des produits en cause ;

- constater que l'enregistrement de la marque Ose ! ne s'inscrit nullement dans une imitation quelconque de la marque Oseree au regard de l'absence de similarité visuelle, auditive, phonétique, intellectuelle et conceptuelle entre les deux signes ;

- constater que l'appréciation globale des marques Ose ! et Oseree ne peut révéler une croyance d'une marque similaire en raison d'une prétendue déclinaison à laquelle le public lui-même devrait songer entre Ose ! et Oseree, l'absence de ressemblances entre les deux signes pour le public est manifeste ;

- juger en conséquence que l'enregistrement de la marque Ose ! n°4916566 ne peut constituer une imitation de la marque Oseree n°01796188 ne créant d'aucune manière, un risque de confusion dans l'esprit du consommateur ;

- annuler la décision du directeur général de l'Institut [3] en ce qu'il a accueilli favorablement l'opposition et rejeté l'enregistrement de la marque Ose !,

- dire que la demande d'opposition de la société 3 Chic Srl Semplificata doit être rejetée ;

- condamner le succombant au paiement des entiers dépens et à la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles.

Au visa de l'article L713-2, L713-3 du code de la propriété intellectuelle, elle fait valoir que :

- les produits en cause ne présentent pas les mêmes caractéristiques et ne s'adressent pas au même public, s'agissant pour la marque litigieuse d'une ligne de vêtements quotidiens, au prix accessible, pour un public homme/femme/enfant ;

- le terme de la marque italienne Oseree n'est pas signifiant, s'agissant d'un vocable qui, dans l'esprit du public est dépourvu de toute référence possible pour le comprendre que ce soit par une image, un message ou un signal compréhensible ou intelligible ; à ce titre, aucune déclinaison du verbe oser n'a été déposée ;

- aucune similitude phonétique ou visuelle n'existe entre les deux marques ;

- s'agissant de la comparaison globale des signes, la société 3 Chic Srl Semplificata ne peut s'approprier un droit sur le mot « Ose », lequel ne lui appartient pas en l'absence de tout dépôt, l'élément commun étant, en tout état de cause, faiblement distinctif et non dominant.

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Par mémoire communiqué par voie dématérialisée le 19 avril 2024, auquel il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société 3 Chic Srl Semplificata demande à la cour de :

- déclarer M. [P] [S] mal fondé en son recours à toutes fins qu'il comporte et le débouter de ses demandes, fins et moyens ;

- confirmer en conséquence la décision du directeur général de l'Institut [3] ([3]) du 8 novembre 2023 en ce qu'elle a accueilli favorablement l'opposition et rejeté l'enregistrement sollicité de la marque semi-figurative Ose ! n°22 4916566 pour les produits qu'elle désignait en classe 25 en toutes ses dispositions ;

- en conséquence, juger que le signe objet de la demande d'enregistrement n°22 4916566 portant sur la marque semi-figurative Ose ! et le signe comportant la marque de l'Union Européenne portant sur la dénomination Osérée n°17967188 présentent de fortes ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles de nature à générer un risque de confusion dans l'esprit du public ;

- juger que les produits de la classe 25 de la demande d'enregistrement n°22 4916566 portant sur la marque semi-figurative Ose ! et ceux couverts par la marque de l'Union Européenne portant sur la dénomination Osérée n°17967188 sont identiques, ou à tout le moins similaires ;

- juger en conséquence qu'en raison de la similitude des signes en présence et de l'identité et de la forte similarité des produits en cause, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public entre la demande d'enregistrement n°22 4916566 et la marque de l'Union Européenne portant sur la dénomination Osérée n°17967188 ;

- en toutes hypothèses, condamner M. [P] [S] à lui payer la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [P] [S] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Karine Tollinchi, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au visa des articles L713-1 et L713-2 du code de la propriété intellectuelle, elle réplique que :

- l'opposition est justifiée en raison de la similitude des signes en cause ; le signe objet de la demande d'enregistrement contestée reprend l'élément distinctif dominant de la marque antérieure, de sorte que les signes, pris dans leur globalité, présentent de fortes ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles de nature à générer un risque de confusion ou un risque d'association ; le terme Ose, placé en position d'attaque, est parfaitement arbitraire et distinctif au regard des produits en cause et renforce la ressemblances des signes en cause, lesquels présentent des similitudes visuelles dans leur composition, leur structure et leur apparence générale du fait de l'élément commun identique « Ose » et du caractère accessoire du suffixe « Ree », des similitudes phonétiques, et des similitudes conceptuelles ;

- les produits de la demande d'enregistrement contestée en classe 25 sont identiques ou à tout le moins similaires aux produits protégés par la marque antérieure invoquée ; la comparaison des produits ou services en présence s'effectue uniquement en fonction des produits ou services et des signes tels que déposés, indépendamment de leurs conditions d'exploitation réelles ou supposées ;

- en raison de la similitude des signes en présence de l'identité ou de la forte similarité des produits en cause, il existe globalement un risque de confusion dans l'esprit du public qui peut croire que le signe contesté est une déclinaison de la marque antérieure Osérée. Le public sera en effet amené à croire que les produits visés par la demande d'enregistrement contestée et ceux couverts par la marque antérieure proviennent de la même entreprise ou d'entreprises économiquement liées.

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M. le Directeur Général de l'Institut [3] a déposé le 25 avril 2024 des observations aux termes desquelles il soutient que :

- les produits en cause constituent des produits de consommation courante, lesquels s'adressent pareillement au grand public, consommateur d'attention moyenne ; il n'y a pas lieu de considérer que ces produits sont destinés à des publics distincts, la marque antérieure ne visant pas exclusivement le public féminin ;

- les produits en cause partagent les mêmes nature, fonction et destination, s'entendant d'articles chaussants et vestimentaires, de sorte qu'il s'agit de produits identiques ou à tout le moins fortement similaires ; dans le cadre d'une procédure d'opposition, seuls sont comparés les produits tels que désignés dans le dépôt, indépendamment des conditions d'exploitation des marques, lesquelles ont vocation à évoluer ;

- les signes possèdent le même élément distinctif et dominant, la séquence Ose, ce qui leur confère d'importantes ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles ;

- les signes sont similaires, étant articulés autour de la même séquence Ose, distinctive au regard des produits visés, lesquels sont identiques, ou à tout le moins très fortement similaires ; il en résulte un risque de confusion manifeste, renforcé par le degré élevé de distinctivité de la marque antérieure.

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Le ministère public n'a pas émis d'avis quant à la décision déférée.

MOTIFS

Au visa de l'article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 applicable au dépôt, une marque ne peut être valablement adoptée que si elle ne porte pas atteinte à une marque antérieure.

Ainsi, porte atteinte à une marque antérieure, la marque de nature à créer, dans l'esprit du public, un risque de confusion, étant rappelé que la marque a pour fonction essentielle de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service qu'elle désigne, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance.

L'appréciation globale de l'existence d'un risque de confusion entre une marque antérieure et le signe dont l'enregistrement en tant que marque est contesté doit, en ce qui concerne leur similitude visuelle, auditive ou conceptuelle, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

Cette appréciation suppose une comparaison des produits et services concernés ainsi que des signes.

- Sur la comparaison des produits et services

Pour apprécier la similitude entre les produits ou services en cause, il y a lieu de tenir compte des facteurs pertinents qui caractérisent les rapports entre les produits et les services en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE 29 septembre 1998 C-39/97).

Les conditions d'exploitation des marques sont indifférentes, le risque de confusion devant être apprécié à la seule lecture des actes créateurs de droits.

En l'espèce, il est manifeste que les produits de la demande d'enregistrement contestée, ainsi libellés «articles chaussants ; bonneterie ; ceintures (habillement) ; chapellerie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage ; chaussures de ski ; chaussures de sport ; chemises ; cravates ; foulards ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; sous-vêtements ; vêtements ; vêtements en cuir», et ceux de la marque antérieure, enregistrée en classe 25, consistant en « vêtements ; costumes de plage ; costumes de bain [maillots de bain] ; maillots de bain ; paréos, chapeaux de plage ; chapeaux ; tongs ; sandales ; souliers ; ceintures » sont identiques, ou à tout le moins similaires, s'agissant d'articles vestimentaires et chaussants, partageant dès lors les mêmes nature, fonction et destination.

Il est à préciser que les cravates, foulards, fourrures, gants de la demande d'enregistrement contestée, et les vêtements de la marque antérieure sont vendus dans les mêmes points de vente, et doivent être considérés comme similaires, étant mis en vente par les mêmes circuits de distribution et le consommateur étant amené ainsi à supposer que ces produits relèvent du même segment de marché, et sont éventuellement fabriqués par la même entité.

Le moyen soulevé par l'appelant selon lequel les marques litigieuses s'adressent à deux publics distincts est inopérant quant à la distinctivité des produits, la comparaison des produits et des signes en présence devant s'effectuer en fonction des produits et des signes tels que déposés, indépendamment de leurs conditions d'exploitation réelles ou supposées. Tout usage réel ou prévu qui n'est pas énoncé dans la liste des produits ou services n'est pas pertinent aux fins de la comparaison.

C'est dès lors à bon droit que le directeur général de l'Institut [3] ([3]) a considéré que les produits en cause étaient identiques, ou à tout le moins similaires.

- Sur la comparaison des signes

Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque antérieure qui lui est opposée, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d'association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce.

Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

À cet égard, les conditions d'exploitation réelle de la marque contestée sont indifférentes et il ne peut être pris en compte, dans le cadre du présent recours en annulation, des éléments non soumis au directeur de l'[3] lors de l'instruction de la demande.

S'agissant des signes, il apparaît que la comparaison entre la marque semi-figurative « Ose ! » et la marque Osérée doit s'effectuer au regard de la particularité des signes tels qu'ils ressortent à l'enregistrement avec l'ensemble de leur typologie et des éléments figuratifs les accompagnant, sans se limiter aux termes ainsi repris « Ose » et « Osérée » lesquels ne sont pas ceux qui seront appréhendés par les utilisateurs et consommateurs des produits et services concernés.

Ainsi, le terme Ose positionné en attaque de la marque antérieure présente un caractère dominant et distinctif en ce qu'il représente la moitié du signe contesté, soit trois lettres sur six, se détache du suffixe « ree » et peut être compris par l'injonction suivante « Ose et vas-y », d'autant que la déclinaison à l'impératif du verbe oser en position d'attaque lui confère une force attractive majeure, que le suffixe ne parvient pas à contrebalancer, et que sa prononciation est susceptible de faire allusion au verbe « oser » conjugué au futur.

L'aspect figuratif du signe contesté n'est pas de nature à écarter le risque de confusion entre les signes puisqu'il n'affecte pas le caractère immédiatement perceptible de l'élément verbal « Ose » par lequel le signe contesté sera lu et spontanément identifié par les consommateurs.

En effet, si la typologie du terme « Ose » est différente entre les deux signes (OSEREE et Ose) et si l'impression visuelle d'ensemble est différente (calligraphie différente, couleurs différentes, présence d'un point d'exclamation, longueur des signes, notamment), il n'en demeure pas moins que, dans le cadre d'une appréhension globale, l'attention de l'utilisateur des services et produits concernés sera retenue essentiellement par le terme Ose, lequel, quel que soit le signe apprécié signifie Ose dans sa version impérative, synonyme d'encouragement à se lancer, à faire preuve d'audace. A ce titre, le point d'exclamation ne fait au contraire que mettre en exergue le terme « Ose » dont il accentue l'ordre qu'il exprime. Ainsi, le message publicitaire et informatif est identique et s'adresse à un public pertinent similaire qui est le consommateur d'attention moyenne.

Il en résulte que les deux signes pris dans leur globalité, présentent de fortes ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles, de nature à générer un risque de confusion ou un risque d'association, ne permettant pas à l'utilisateur ou au consommateur d'identifier précisément l'origine du produit ou du service.

Or, il convient de tenir compte du fait que le degré élevé de similitude des produits en cause constitue un facteur conduisant à apprécier plus largement le risque de confusion entre les deux marques, le risque de confusion entre les signes ne pouvant qu'être renforcé ou accru en raison de l'identité ou de la forte similarité des produits en cause.

Ainsi pris dans son ensemble et en considération de la reprise des éléments dominants de la structure de la marque antérieure, de la similitude conceptuelle, phonétique et visuelle, la ressemblance entre les signes est forte et le risque de confusion avéré en ce que le public concerné, soit le grand public, s'agissant de produits de consommation courante, pourra être amené à croire qu'il s'agit d'une déclinaison de la marque provenant de la même entreprise.

En conséquence, il y a lieu de juger bien-fondée la décision rendue le 8 novembre 2023 par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle.

- Sur les demandes accessoires

M. [P] [S], partie succombante, conservera la charge des dépens de la procédure et sera tenu de payer à la société 3 Chic Srl Semplificata la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette le recours formé par M. [P] [S] à l'encontre de la décision rendue le 8 novembre 2023 par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle,

Condamne M. [P] [S] aux dépens de la procédure,

Condamne M. [P] [S] à payer à la la société 3 Chic Srl Semplificata la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.