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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 26 septembre 2024, n° 23/04938

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 23/04938

26 septembre 2024

ARRET



S.A.S. CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE

C/

S.C.E.A. SCEA DE CAFFARELLI

S.E.L.A.R.L. SELARL EVOLUTION

VD

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2024

N° RG 23/04938 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I556

ORDONNANCE DU JUGE COMMISSAIRE D'AMIENS DU 21 NOVEMBRE 2023 (référence dossier N° RG 23/00032)

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau D'AMIENS, substitué par Me Emilie DENYS de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau D'AMIENS, vestiaire : 06

ET :

INTIMEES

S.C.E.A. SCEA DE CAFFARELLI agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 4]

[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. SELARL EVOLUTION agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentées par Me Odile CLAEYS, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 28

DEBATS :

A l'audience publique du 23 Mai 2024 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière lors des debats : Madame Malika RABHI

Ministère public : Mme Laureydane ORTUNO, substitute générale

PRONONCE :

Le 26 Septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION

Faits et procédures

Suivant acte sous seing privé du 1er décembre 2020 dénommé contrat de location, la société CNH industrial France (ci-après « le bailleur ») a donné à bail à la SCEA de Caffarelli (ci-après « le locataire ») une moissonneuse-batteuse pour une durée de 3 ans moyennant un loyer de 31.250 euros HT par an.

Le matériel a été livré le 20 juin 2020.

Le 1er loyer n'ayant pas été réglé à l'échéance intervenue le 20 septembre 2021, le bailleur a, par lettre recommandée du 29 novembre 2021, mis en demeure le locataire de lui régler l'arriéré de 37.800 euros puis par lettre recommandée du 10 décembre 2021 l'a mis en demeure de restituer le matériel.

Par courrier recommandé du 21 janvier 2022, devant l'inertie du locataire le bailleur se prévalant de la résiliation du contrat aux torts du locataire a sollicité le paiement de 120.300 euros TTC (37500 euros au titre des loyers impayés, 300 euros au titre de l'indemnité de retard et 82500 euros au titre de l'indemnité de résiliation dont 75.000 euros au titre de l'indemnité réparatrice et 6250 euros au titre de la pénalité).

Par jugement en date du 13 juillet 2022, rectifié le 6 septembre 2022, le tribunal judiciaire d'Amiens a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCEA DE CAFFARELLI et a désigné la SELARL EVOLUTION en la personne de Maître [B] [V] en qualité de mandataire judiciaire.

La prorogation de la période d'observation a par la suite été ordonnée à trois reprises.

Par un courrier en date du 4 octobre 2022, la SAS CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE (le bailleur) a déclaré une créance à hauteur de 125 057,50 euros à titre chirographaire faisant suite à un impayé de plusieurs loyers relatifs à la location d'une moissonneuse-batteuse à la SCEA DE CAFFARELLI (le locataire).

Par courrier en date du 22 décembre 2022, la SELARL EVOLUTION a contesté cette créance à hauteur de 87 557,50 euros correspondant à l'indemnité de résiliation, aux frais et aux pénalités, en faisant valoir que depuis la résiliation le locataire avait tenu à sa disposition le matériel et ne s'en était plus servi.

Par courrier en date du 10 janvier 2023, la SAS CNH INDUSTRIAL EUROPE a maintenu sa déclaration de créance au montant de 125 057,50 euros à titre chirographaire.

Par ordonnance en date du 20 juin 2023, le juge-commissaire a notamment dit que les créances contestées feraient l'objet d'un renvoi devant lui pour admission définitive.

Par une ordonnance en date du 21 novembre 2023, le juge-commissaire du tribunal judiciaire d'Amiens,

Admet partiellement la créance de la SAS CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE à titre chirographaire pour la somme de 37 750 euros (représentant le loyer impayé);

Ordonne que mention de la présente décision soit portée sur l'état des créances de la SCEA DE CAFFARELLI par les soins du greffe ;

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective ;

Dit que la présente décision sera notifiée à la diligence de la greffière à la SAS CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE et à la SCEA DE CAFFARELLI dans un délai de huit jours à compter de sa date et communiquée à la SELARL EVOLUTION et à la SCP LEBEGUE DERBISE, avocats au barreau d'Amiens ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Le 1er décembre 2023, la SAS CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses conclusions en date du 12 février 2024, l'appelant demande à la cour d'appel d'Amiens, au visa notamment des articles 1101, 1103, 1104, 1193 et 1231 et suivants du code civil et 10 du contrat de location, de :

infirmer l'ordonnance rendue par le juge-commissaire du tribunal judiciaire d'Amiens en date du 21 décembre 2023 (sic), en ce qu'elle n'a admis que partiellement la créance de la SAS CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE à titre chirographaire pour la somme de 37 550 euros (sic), et ordonné que mention de la présente décision soit portée sur l'état des créances de la SCEA DE CAFFARELLI par les soins du greffe ;

prononcer l'admission à titre chirographaire de la créance de la SAS CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE pour la totalité déclarée à savoir la somme de 125 057,50 euros TTC au passif du redressement judiciaire de la SCEA DE CAFFARELLI ;

ordonner que mention de la présente décision soit portée sur l'état des créances de la SCEA DE CAFFARELLI par les soins du greffe ;

débouter la SCEA DE CAFFARELLI et la SELARL EVOLUTION, ès-qualités de mandataire judiciaire, de l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions ;

condamner in solidum la SCEA DE CAFFARELLI avec la SELARL EVOLUTION, représentée par Maitre [B] [V], ès-qualités de mandataire judiciaire, à payer à la SAS CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner in solidum la SCEA DE CAFFARELLI avec la SELARL EVOLUTION, représentée par Maitre [B] [V], ès-qualités de mandataire judiciaire, aux entiers dépens.

***

L'appelant estime le montant de sa créance à hauteur de 125 057,50 euros dans la mesure où la SCEA DE CAFFARELLI s'est opposée à la restitution du matériel loué après la résiliation et malgré l'injonction judiciaire qui lui a été faite par ordonnance de référé du 1er juin 2022, ce qui constitue une résistance abusive de 26 mois de la part de cette dernière, qui ne peut être justifiée par une volonté de trouver un accord amiable ou par l'ouverture ultérieure d'une procédure collective, survenue 19 mois après l'obligation de restituer.

L'appelant rappelle en outre que le contrat souscrit est un contrat de location financière et non un crédit-bail, imposant au client de régler l'ensemble des loyers prévus au contrat, et ce même si le matériel est restitué.

Enfin, l'appelant conteste le fait de considérer que l'indemnité de résiliation comme étant une clause pénale telle que conçue par l'article 1231-5 du code civil.

Ni la SCEA DE CAFFARELLI, ni la SELARL EVOLUTION qui ont constitué avocat n'ont transmis de conclusions à la cour.

Le ministère public a, dans un avis communiqué aux parties le 27 mars 2024, requis la confirmation de l'ordonnance entreprise.

SUR CE,

Sur le montant de la créance de la SAS CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE :

Aux termes de l'article L.624-2 du code de commerce, « Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission. »

Il est établi que le juge-commissaire a le pouvoir de statuer sur le caractère excessif d'une clause pénale.

La cour constate qu'il résulte des articles 8.2 à 8.4 du contrat de location que :

- le bailleur peut se prévaloir de la résiliation du bail en cas de non-paiement de tout ou partie d'un loyer à son terme.

- dans ce cas la résiliation entraîne, au profit du bailleur, le paiement par le locataire, en réparation du préjudice subi en sus des loyers impayés et de leurs accessoires, d'une indemnité égale à la somme des loyers restant à échoir au jour de la résiliation, cette indemnité étant majorée d'une somme forfaitaire égale à 10% de ladite indemnité à titre de clause pénale.

L'article 10 du contrat prévoit également que :

- sauf disposition contraire, toute somme indiquée au contrat est exprimée hors taxe et sera majorée des taxes en vigueur. Tous les frais et taxes résultant des présentes sont à la charge du locataire qui s'oblige expressément à les rembourser. A compter de la date de son exigibilité et jusqu'à celle de son règlement effectif, toute somme due par le locataire produit de plein droit un intérêt moratoire au double du taux de référence, sans pouvoir être inférieur au minimum légal (actuellement de trois fois le taux d'intérêt légal). Les intérêts sont capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.(') Qu'il résilie ou non le contrat le bailleur peut également demander au locataire défaillant une indemnité de retard de paiement égale à 10% des sommes dues impayées. ('.)

Le bailleur sollicite l'admission de sa créance contractuelle à hauteur de 125.057,50 euros, arrêtée au 4 octobre 2022, se décomposant :

- au titre du loyer échu le 20 septembre 2021, de 37500 euros, outre indemnité de retard de 300 euros arrêtés au 23 septembre 2021,

- au titre de l'indemnité de résiliation, 2 loyers à échoir pour 75000 euros en tout, majorés d'une pénalité de 10% de 7500 euros et des intérêts de retard de 4757,50 euros arrêtés au 4 juillet 2022.

Le principal de la créance, constitué du loyer impayé de 37500 euros, n'est pas contesté, la contestation du débiteur ne portant que sur les indemnités de résiliation et indemnités de retard.

C'est à juste titre que le premier juge a considéré que les indemnités de résiliation et pénalités de retard prévues au contrat devaient être analysées comme des clauses pénales

L'article 1231-5 du code civil dispose que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

C'est à tort que le premier juge a réduit à 50 euros les sommes dues au titre des clauses pénales prévues au contrat de location dans la mesure où le locataire n'a jamais réglé un seul loyer et qu'il n'a jamais offert de restituer le matériel mais au contraire a résisté durant plus d'un an à toutes les demandes de restitution de la part du bailleur, y compris judiciaires comme cela résulte de l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire d'Amiens le 1er juin 2022 aux termes de laquelle le locataire entendait continuer à générer des revenus au moyen du matériel loué, ainsi que de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 21 février 2023, la moissonneuse étant finalement restituée le 9 février 2023 après l'audience des plaidoiries.

Au vu de ces éléments, la cour considère que les sommes réclamées au titre des clauses pénales n'apparaissent pas manifestement excessives.

Dès lors, il y a lieu de réformer l'ordonnance entreprise.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les intimés succombant à l'instance seront condamnés à en supporter les dépens et frais hors dépens.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

Prononce l'admission à titre chirographaire de la créance de la SAS CNH Industrial capital Europe au passif de la procédure collective de la SCEA de Caffarelli, pour la somme de 125.057,50 euros.

Condamne la SCEA de Cafarelli aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective et la condamne au paiement d'une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Le Greffier, La Présidente,