CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 26 septembre 2024, n° 20/02143
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société Crédit Mutuel Factoring (SA)
Défendeur :
Aquagenus Survey Engineering & Assistance A-Sea (SAS), SAS Les Mandataires (ès. qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Keromes
Conseillers :
Mme Vassail, Mme Vadrot
Avocat :
Me Boisrame
EXPOSE DU LITIGE
La société Crédit Mutuel Factoring, anciennement dénommée société CM-CIC Factor, a conclu un contrat d'affacturage CV n° 8203 avec la société Aquagenus Survey Engineering & Assistance le 23 février 2017 aux termes duquel la société Crédit Mutuel Factoring fournissait à la société Aquagenus Survey Engineering & Assistance les prestations d'affacturage consistant en la garantie contre les défaillances financières des débiteurs cédés (approbation) désignés « débiteurs cédés », le suivi des encours des créances transférées et des comptes d'affacturage, le financement des créances transférées.
En contrepartie, la société Aquagenus Survey Engineering & Assistance s'engageait à transmettre, par voie de subrogation, à la société Crédit Mutuel Factoring la propriété de ses créances qui devaient correspondre à des ventes ayant fait l'objet de livraisons ou à des prestations de services effectivement rendues. En exécution du contrat, la société Crédit Mutuel Factoring avait ouvert dans ses livres :
- un compte courant destiné à retracer les opérations d'affacturage crédité du montant des créances transférées et débité des décaissements au profit de l'entreprise des sommes virées aux-sous-comptes et de toutes les sommes dues à la société Crédit Mutuel Factoring,
- un Fonds de garantie, sous-compte du compte courant, égal à 10 % minimum de l'encours TTC, ayant pour objet de garantir à la société Crédit Mutuel Factoring ses recours contractuels
- un compte de Réserve (compte de valeurs à disponibilité différée), constitué par prélèvements sur le compte courant, destiné à loger les créances demeurées impayées 30 jours après leur échéance ainsi que les créances faisant l'objet d'une contestation ou d'un litige.
Pour permettre à la société Aquagenus Survey Engineering & Assistance de suivre et de gérer ses opérations d'affacturage, instantanément et à tout moment, la société Crédit Mutuel Factoring avait mis à sa disposition le service sécurisé des échanges télématiques « e-medi@t».
Les relevés mensuels des comptes étaient également transmis à la société Aquagenus Survey Engineering & Assistance, et étaient réputés définitivement acceptés, sauf contestation écrite et pertinente dans les 30 jours calendaires suivant leur date d'arrêté.
A la suite de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Aquagenus Survey Engineering & Assistance par jugement du 7 mars 2018, la société Crédit Mutuel Factoring a adressé au mandataire liquidateur la déclaration de sa créance par courrier recommandé du 14 mars 2018.
Maître [L] [K], auquel a succédé la SAS LES MANDATAIRES, ès qualités de liquidateur judiciaire, a informé l'appelante des contestations opposées à sa créance tenant au caractère éventuel de celle-ci car non établie par un arrêté de compte définitif ou de clôture, au caractère invérifiable de celle-ci en l'absence de détail du compte, notamment des derniers paiements opérés par les clients, et invoquant la compensation qui doit s'opérer avec les soldes créditeurs identifiés (fonds de garantie et compte de valeurs à disponibilité différée).
La société Crédit Mutuel Factoring a répondu à cette contestation en maintenant sa déclaration pour le montant de 89.531,12 euros, à titre échu et chirographaire.
Saisi de la contestation, le juge commissaire du tribunal de commerce de Marseille a, par ordonnance du 30 janvier 2020 rejeté la créance déclarée au passif de la société Aquagenus Survey Engineering & Assistance.
La société Crédit Mutuel Factoring a interjeté appel de cette décision le 11 février 2020.
Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 4 mai 2022, la société Crédit Mutuel Factoring demande à la cour de la déclarer recevable en son appel et de :
- fixer à la somme de 89 531,12 euros la créance de la société Crédit Mutuel Factoring au passif de la liquidation judiciaire de la société Aquagenus Survey Engineering & Assistance ;
En conséquence,
- infirmer l'ordonnance rendue le 30 janvier 2020 par le juge commissaire en toutes ses dispositions ;
- rejeter l'intégralité des moyens et demandes de la SAS LES MANDATAIRES, ès qualités de liquidateur judiciaire et de la société Aquagenus Survey Engineering & Assistance ;
Statuant à nouveau,
- ordonner l'admission à titre chirographaire pour la somme de 89 531,12 euros de la créance déclarée par la société Crédit Mutuel Factoring au passif de la liquidation judiciaire de la société Aquagenus Survey Engineering & Assistance ;
- condamner la SAS LES MANDATAIRES, ès qualités de liquidateur judiciaire solidairement avec la société Aquagenus Survey Engineering & Assistance au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de justice.
Elle soutient que la créance revêt un caractère certain, liquide et exigible au jour du jugement d'ouverture et qu'il ne peut y avoir compensation avec les comptes créditeurs avant la clôture définitive des comptes d'affacturage.
La SAS LES MANDATAIRES, ès qualités de liquidateur judiciaire, citée à personne morale, n'a pas constitué avocat.
La société Aquagenus Survey Engineering & Assistance, citée à étude, est défaillante.
L'arrêt sera rendu par défaut en application de l'article 474 du code de procédure civile.
Les parties ont été avisées de la fixation de l'affaire à l'audience du 7 décembre 2023, puis à l'audience du 4 juillet 2023, en raison de l'annulation de la première.
La clôture a été prononcée le 6 juin 2024.
Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile aux écritures de l'appelante pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens.
MOTIVATION
Selon l'article L.622-25 du code de commerce, la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature et l'assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers (...) Sauf si elle résulte d'un titre exécutoire, la créance déclarée est certifiée sincère par le créancier. Le visa du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l'expert-comptable sur la déclaration de créance peut être demandé par le juge-commissaire. Le refus de visa est motivé.
L'article R. 622-23 précise que la déclaration de créance est accompagnée des éléments de nature à prouver l'existence de la créance, le mode de calcul des intérêts, les sûretés prises et les justificatifs de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n'a pas encore été fixé.
Pour rejeter la créance de la société Crédit Mutuel Factoring, le juge commissaire, au visa de l'article L.624-2 du code de commerce, considérer qu'aucun moyen probant n'est produit par le déclarant aux fins d'établir le caractère certain, liquide et exigible de sa créance et que la créance produite apparaît correspondre à une créance évaluée et éventuelle qui ne peut faire l'objet d'une admission au passif.
La société Crédit Mutuel Factoring verse aux débats les conditions générales d'affacturage n° 008203 et les conditions particulière précisées dans la lettre du 16 mars 2017 de CM-CIC Factor, la position des comptes et leur synthèse au 31 mars 2018 et au 30 avril 2018, le relevé des comptes d'affacturage au 31 mai 2018 et la position des comptes jusqu'au 31 décembre 2018.
En l'état des justificatifs produits, la société Crédit Mutuel Factoring ne justifie pas du caractère certain de sa créance, en l'absence d'arrêté des différents comptes retraçant les derniers versements opérés par les clients, à la date du jugement d'ouverture.
L'ordonnance querellée sera par conséquent confirmée.
La société Crédit Mutuel Factoring succombant en ses prétentions est infondée en ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,
Déclare l'appel interjeté par la société Crédit Mutuel Factoring recevable ;
Déboute la société Crédit Mutuel Factoring de ses demandes ;
En conséquence,
Confirme l'ordonnance rendue par le juge commissaire de Marseille en date du 23 janvier 2020 (n° 2019M08716) en ce qu'elle a rejeté la demande d'admission de la créance de la société Crédit Mutuel Factoring pour un montant de 85 531,12 euros à titre échu et chirographaire ;
Condamne la société Crédit Mutuel Factoring aux dépens d'appel.